Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, sur les divers usages du numérique et sur les perspectives qu'offre leur déploiement pour le développement de l'économie, Paris le 5 février 2009.

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Circonstance : Forum Netexplorateur 2009 au Sénat le 5 février 2009 : "Les nouveaux usages numériques, moteur de la croissance française"

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis honorée d'être parmi vous et je remercie les organisateurs de ce prestigieux Forum. Martine Bidegain et Thierry Happe, les deux premiers net-explorateurs, et fondateurs de cette initiative, ainsi que la Commission des Affaires culturelles du Sénat, qui a su très tôt déceler le potentiel de cette initiative.
Je vous remercie également de me donner l'occasion de saluer les visiteurs étrangers qui sont venus partager deux jours durant leur vision et leur savoir-faire avec les décideurs économiques et politiques français. Ma mission gouvernementale est de favoriser le développement de l'économie numérique et de montrer combien elle peut apporter à l'économie dans son ensemble. Ce développement doit se nourrir d'échanges internationaux semblables à celui qu'accueille aujourd'hui le Sénat. L'ambition que s'est assignée l'observatoire Netexplorateur est d'observer et de capter les nouveaux usages, et surtout de s'appuyer sur cette expertise pour accompagner les grandes entreprises françaises dans la révolution numérique ; cette ambition est également la mienne. Elle est la raison de ma présence parmi vous.
Je sais que vous vous êtes ce matin posé la question de savoir si la Corée incarnait la société de demain. J'aimerais beaucoup connaître les conclusions de vos débats, car la Corée est à l'origine de la notion de réseau ubiquitaire, ces fameux réseaux qui nous permettent d'être connectés en tout lieu et en tout temps, par le biais d'un grand nombre d'objets différents. J'irai moi-même dans dix jours rencontrer des entrepreneurs et des décideurs à Séoul, où j'irai observer de visu l'utilisation démocratisée et massive d'objets communicants, mais aussi la réalisation de la domotique. Le Projet coréen NewSongo city est parmi les lauréats de cette année. Cette ville ultra connectée, véritable laboratoire de ce que pourront être les usages de demain, incarne bien les espoirs et les craintes que véhicule cette notion de réseaux ubiquitaires : Espoirs de voir, grâce aux objets communicants, les bénéfices du numérique à portée de main de chacun, répondant à des besoins précis de la personne (santé, travail, loisirs). Craintes, également, dans notre pays, où le respect de la vie privée et les règles de divulgation des données personnelles sont culturellement très stricts, que les ordinateurs et les réseaux en viennent, si l'on peut dire, à en savoir trop sur nous. Vous allez sans doute m'aider à poursuivre cette réflexion, dont je crois qu'elle doit impliquer l'ensemble des citoyens.
Je souhaite pour ma part insister avant tout sur l'importance qu'ont à nos yeux les usages des nouvelles technologies numériques. Ces usages sont rendus possibles par la technologie, mais l'histoire d'Internet et du numérique nous enseigne, comme celle du développement incroyable du SMS ou de l'utilisation des téléphones portables en Afrique, que les usages se construisent à la base, parmi le grand nombre des utilisateurs qui les inventent. Cette réalité est bien illustrée par un autre lauréat de cette année, le projet WIZZIT d'Afrique du Sud, qui utilise les SMS comme moyen de payement pour une population qui, pour l'essentiel, n'est pas bancarisée.
Ce sont rarement les usages qui ont été prévus par les inventeurs des technologies qui, finalement, sont adoptés par les utilisateurs.
Nous assistons aujourd'hui à la rencontre de deux tendances marquées : celle, d'abord, d'un internet participatif (ce que l'on appelle le Web 2.0), dans l'élaboration duquel l'internaute est directement impliqué (avec les nouveaux réseaux sociaux ou bien encore les sites d'information dont le contenu est alimenté de manière collective) ; celle, ensuite, de l'internet et des communications mobiles, qui permet à chacun de nous de s'informer, de communiquer, mais aussi de travailler quel que soit l'endroit où il se trouve.
L'utilisation la plus commune de ces outils, qui suppose bien sûr le développement des réseaux appropriés sur l'ensemble du territoire, va favoriser le développement d'usages courants. Je vais en mentionner quatre.
1. Les usages liés à la consommation, dont on sait que l'Internet a commencé à les modifier, en permettant des comparaisons de prix, des achats à distance ou encore des échanges.
2. En deuxième lieu, l'ensemble des usages liés aux transports. Il s'agit au plus simple de l'achat à distance, depuis son domicile, des billets de train ou d'avion, mais également, par la géolocalisation, du repérage des transports et des solutions d'hébergement disponibles à proximité.
3. En troisième lieu, les usages liés au maintien du lien social. Aussi bien pour que les parents sachent où sont leurs enfants, et s'ils sont bien passés à l'école, que pour permettre aux personnes âgées dépendantes de rester plus longtemps à domicile, en bénéficiant d'un système d'alerte santé qui contacte automatiquement les services médicaux en cas de problèmes détectés par des systèmes de domotique.
4. En quatrième lieu, les usages qui ont vocation à renouveler entièrement une domotique que l'on dit « intelligente » parce qu'elle mettra en communication, dans nos maisons, des appareils et des objets susceptibles de se régler eux-mêmes, de contrôler leur état et leurs besoins, depuis le plus simple - par exemple la communication mutuelle de tous les équipements informatiques et audiovisuels - , jusqu'au plus complexe - celui par exemple des équipements ménagers qui surveillent eux-mêmes leur fonctionnement (une machine à laver le linge qui mesure la quantité de linge, de produit nettoyant ou la nature des textiles) ou leur approvisionnement (le réfrigérateur qui surveille les dates de péremption et nous informe sur le renouvellement des produits manquants).
Chacun des usages que je viens d'évoquer allusivement a vocation à se généraliser, et la question est bien sûr posée de la contribution concrète de l'industrie du numérique à cette généralisation et, ce faisant, à la croissance économique d'aujourd'hui et de demain.
En la matière, il faut être enthousiaste, prudent et modeste. Enthousiaste car la France dispose d'infrastructures et d'un taux d'équipement qui rendent possibles un développement très rapide des nouveaux usages du numérique.
Prudent et modeste car l'économie numérique occupe certes une part croissante des emplois, des volumes financiers et des équipements, mais à l'échelle de l'ensemble des activités économiques nationales et mondiales, sa part reste encore probablement trop faible. Assez du moins pour ne pas qu'on sombre dans la technobéatitude en pensant que le développement des nouvelles technologies va à lui seul nous sortir de la crise et sauver des économies gravement touchées.
En revanche, il faut redire que l'innovation industrielle va jouer dans ce domaine un rôle décisif. Il faut affirmer que l'investissement en innovation pour des applications numériques au service des personnes permet, dans un délai très court, de créer de l'emploi et de la richesse, et de répondre à un besoin social.
Ne serait-ce d'abord que parce que l'économie numérique est un secteur qui n'a pas cessé sa croissance.
Ensuite parce qu'il y a des gisements importants, et donc des possibilités de croissance considérables. Enfin parce que le développement du numérique est un levier d'action indispensable à la croissance de l'ensemble de l'économie.
Cet investissement dans l'innovation et l'économie numérique n'est pas de la seule responsabilité des entreprises du secteur des TIC. Tous les secteurs d'activité peuvent contribuer à cet investissement, car tous les secteurs d'activités s'appuient, peu ou prou, sur la puissance des TIC pour améliorer leurs marges, la qualité de leur produit, et conquérir de nouveaux marchés.
C'est ce dernier message qui me semble essentiel aujourd'hui. Si nous attendons du développement de l'économie numérique qu'elle contribue, à la hauteur de nos espérances, à la sortie de crise, nous devons comprendre que cette économie est bien plus large que celle seule des secteurs de l'Internet et des télécoms. C'est au sein de chaque grand groupe, de chaque PME, et bien entendu, au sein de l'Etat, que se dessinent véritablement les investissements dans l'économie numérique de demain.
Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 26 avril 2010