Texte intégral
Q - (Concernant la situation au Proche et Moyen-Orient)
Q - (A propos de la position franco-américaine sur le dossier du programme nucléaire iranien)
Q - Disposez-vous d'une vision claire de la future articulation entre le service européen d'action extérieure et les services diplomatiques que vous dirigez ? Quel calendrier convient-il de suivre pour la constitution, l'installation puis le rodage de ce nouveau service ?
R - A propos du Moyen-Orient, je dirai que mon optimisme est très relatif, pour ne pas dire que je suis dominé par un sentiment de pessimisme... La France a émis à plusieurs reprises une position très claire au sujet de la construction de 1 600 logements à Jérusalem, en pleine visite du vice-président américain Joe Biden : cela constitue un obstacle à la reprise des pourparlers de paix. Je ne gloserai pas sur les hésitations et la faiblesse alléguées du président palestinien Mahmoud Abbas. La Ligue arabe lui avait demandé de reprendre les "proximity talks" - simples échanges indirects et non pourparlers de paix -, processus qui a été interrompu après cette annonce fâcheuse. M. Biden a réagi, Barack Obama a très clairement fait état de son désaccord, mais l'on peut s'interroger sur l'avenir des échanges entre Palestiniens et Israéliens.
Je suis d'autant plus pessimiste que les dernières manifestations rappellent les images des Intifadas. Je ne souhaite pas du tout qu'une troisième Intifada soit déclenchée mais force est de constater que l'effervescence et la colère montent. Or, les moyens de pression sont assez faibles, y compris du côté des Etats-Unis.
La situation dans le reste du Proche-Orient ne se détend pas non plus. Le renforcement de l'armement du Hezbollah libanais est très préoccupant et les réactions israéliennes potentielles n'arrangent rien. La France pourrait s'appuyer sur l'inquiétude libanaise pour contribuer au redémarrage des négociations entre la Syrie et Israël. Il faut tout faire pour y parvenir bien qu'un résultat favorable soit difficile à envisager pour l'instant. Les Syriens se disent certes prêts à redémarrer en tenant compte des négociations avec le gouvernement israélien précédent, que dirigeait Ehoud Olmert, mais les Israéliens n'en veulent pas pour le moment. Il faut persévérer : oui, nous ferons tous les efforts possibles, comme la Turquie, dont le Premier ministre est en ce moment même en visite à Paris.
La visite de M. Sarkozy auprès du président Obama s'est très bien passée, dans un esprit de sincérité de part et d'autre. Nous avons appris une bonne nouvelle aujourd'hui : les Chinois, à New York, ont accepté d'évoquer un texte commun à six sur l'Iran - les cinq membres du Conseil de sécurité plus l'Allemagne. Même si je ne préjuge pas du résultat, cela constitue un progrès notable par rapport à la semaine dernière. Le président Obama et le président Sarkozy ont demandé qu'une résolution, incluant des sanctions sérieuses, soit déposée courant avril sur la table du Conseil de sécurité. Nous faisons tout pour y parvenir mais nous l'avions déjà demandé pour février. En attendant, nous devons aussi travailler à la mise en oeuvre de sanctions européennes.
Le dossier du service européen d'action extérieure est beaucoup plus flou mais je ne partage pas votre appréciation sur Mme Ashton ; je pense qu'il convient de la soutenir, sans quoi il ne fallait pas voter le Traité de Lisbonne. Ce sont les vingt-sept Etats membres qui l'ont nommée au poste de Haute représentante. Elle vous étonnera car elle est très obstinée et travailleuse. Des propos aussi péjoratifs n'auraient jamais été prononcés à son encontre si elle avait été un homme. En trois jours, alors que son service se résumait à trois personnes, elle a trouvé 420 millions pour Haïti ; le fait qu'elle soit vice-présidente de la Commission n'y est pas pour rien. Il lui a d'abord été reproché de ne pas être allée à Haïti pour passer à la télévision, je connais le coup ! Elle s'y est finalement rendue et personne n'a alors fait de grand reportage sur elle ! Ce n'était certes pas une spécialiste mais elle apprend très vite. Et les spécialistes préconisent généralement de ne rien faire. Mme Ashton est par exemple venue à Paris, au Quai d'Orsay, avec Tony Blair, son mentor, à l'occasion de la Conférence internationale des donateurs pour l'Etat palestinien. Aux côtés de Salam Fayyad, Premier ministre de l'Autorité palestinienne, et d'experts du Moyen-Orient, comme le ministre des Affaires étrangères norvégien Jonas Gahr Store, elle s'y est montrée déterminée, dynamique et efficace, sur un sujet qu'elle ne connaissait pas particulièrement. Elle a ensuite beaucoup insisté pour visiter Gaza, ce que les Israéliens ont fini par accepter. Je lui reproche juste peut-être de ne pas téléphoner plus aux ministres des Affaires étrangères avant de prendre ses décisions, comme le faisait Javier Solana, qui était assez habile et intelligent pour feindre de tenir un peu compte de notre avis... Elle ne dispose pas encore de ses services mais nous avons beaucoup insisté pour qu'elle prenne cette habitude.
Quant au service européen d'action extérieure, il a été proposé, le 25 mars, d'organiser la sélection du personnel en respectant une répartition convenable entre les candidats de la sphère bruxelloise et ceux des Etats membres. Une répartition provisoire a été effectuée et nous avons déposé un certain nombre de candidatures pour les délégations de l'Union, dont plusieurs sont excellentes. Mais un problème se pose : quand un très bon ambassadeur se manifeste pour rejoindre le service européen d'action extérieure, est-il préférable de le garder pour notre diplomatie ou de le mettre à disposition ? Il faut se résigner à confier des éléments précieux. Dans la même logique, il est évident que les ministres des Affaires étrangères peuvent perdre, un temps, une partie de leur influence, au bénéfice de Mme Ashton et du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy : nous ne participerons plus systématiquement aux Conseils européens, il faudra nous y faire !
Q - (Au sujet de la position française sur le dossier du Moyen-Orient)
Q - M. Lieberman, le ministre des Affaires étrangères israélien, a déclaré : "Nous ne pouvons pas geler les constructions à Jérusalem car c'est notre souveraineté en tant qu'Etat dans notre capitale qui est en jeu". Il se réfère ensuite à la situation de 1967. La France a-t-elle réagi, d'une manière ou d'une autre, à cette prise de position des plus inquiétantes ? Plus généralement, que pense la France de cette politique d'occupation silencieuse ?
Q - Quel état d'esprit anime le Premier ministre turc à l'occasion de sa visite en France ? Notez-vous une évolution des attentes de la Turquie concernant son partenariat avec l'Europe ?
Q - Quel est votre sentiment à propos des élections britanniques ?
Q - (Concernant le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale)
Q - Quelle est la position de la France sur la signature prochaine d'un nouveau Traité SALT ?
Q - (S'agissant de la situation dans le nord de la République démocratique du Congo et du rôle de la MONUC)
Q - (A propos de la situation en Irak)
Q - (Concernant les discussions relatives à la mise en place d'une nouvelle stratégie de l'OTAN)
R - D'aucuns estiment que je suis trop pro-israélien, d'autres que je suis exagérément pro-palestinien. Nous ne menons pourtant qu'une politique. Celle-ci est peut-être insuffisante mais, au demeurant, nous faisons pression. J'ajoute que le problème palestinien et le problème sahraoui sont totalement différents et je réfute l'expression "diplomatie de la honte". Nous n'avons cette image ni en Israël ni en Palestine ; nous sommes au contraire réputés proches des gens et porteurs de projets communs avec eux, surtout après la Conférence de Paris, en faveur des Palestiniens et de Gaza.
Nous condamnons très fermement la colonisation et la façon dont elle se poursuit, à Jérusalem comme dans l'ensemble des Territoires palestiniens occupés. Les discours du président de la République devant la Knesset et à Ramallah étaient explicites ! Toutefois, pas plus que la Russie, la Chine ou les pays arabes, nous ne pouvons empêcher que ces décisions soient prises. Il convient de tenir compte de cette réalité, non pas pour l'accepter mais pour remettre en cause nos analyses : comment faire, maintenant ? Si la solution était évidente, elle aurait été trouvée.
L'opposition israélienne, pour le moment, est attentiste. Mme Livni, qui dirige Kadima, n'entend pas rejoindre la coalition mais elle pourrait changer d'avis. Elle s'est montrée particulièrement décidée dans ses prises de position consécutives à certains attentats et elle a souligné que la politique menée du temps où elle était ministre s'était montrée plus efficace, tant pour la colonisation que pour le dialogue avec les Palestiniens - les pourparlers de paix directs étaient plus avancés qu'aujourd'hui, avec des résultats tangibles, notamment sous la forme d'une carte. La coalition a changé et, après les élections aux Etats-Unis, eu égard à son positionnement sur l'échelle gauche-droite, il était prévisible que le nouveau président américain se montre plus déterminé. Personne ne connaît la recette et je vous assure que la position de la France est très appréciée, en particulier du côté palestinien.
Quoique je connaisse bien Tindouf, je ne suis pas responsable du problème sahraoui ! La frontière entre l'Algérie et le Maroc est l'une des plus hermétiques du monde. A l'instar de l'ONU, nous avons salué comme une avancée la proposition d'autonomie déposée par les Marocains sur la table du Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.
Ce n'est pas moi qui écris les communiqués de M. Lieberman ; notre politique n'est pas du tout la sienne. Cela dit, que faire ? J'ai pris mes responsabilités. Mon opinion personnelle demeure, mais la politique de la France n'est pas de reconnaître par avance un Etat palestinien. Le discours de la France est clair : promouvoir des négociations véritables, interrompues actuellement.
J'ai assisté, hier soir, à Versailles, au spectacle merveilleux donné devant M. Erdogan et la délégation turque. M. Larcher, qui recevait, et M. Erdogan ont prononcé des discours clairs : la France n'a pas fermé la porte aux négociations d'adhésion et un certain nombre de chapitres seront successivement ouverts ; la Turquie, de son côté, veut devenir membre à part entière de l'Union européenne. Ma position personnelle est connue et demeure mais elle est parfois desservie par la façon dont la position turque s'exprime.
Bien malin qui donnerait les résultats des élections britanniques du 6 mai. Il y a huit jours, on aurait parié que les travaillistes pouvaient l'emporter mais, d'après le dernier sondage, l'écart se creuse à leur détriment. M. Cameron et M. Hague, qui devrait être son ministre des Affaires étrangères, m'ont assuré que le partenariat entre nos deux pays serait maintenu. Ainsi, M. Hague m'a affirmé qu'il aurait participé à l'opération de maintien de la paix que nous avons organisée au Tchad.
Votre serviteur, qui a prononcé le discours de Rome sur la CPI, souhaite évidemment que le projet de loi soit adopté. Toutes les dispositions du Traité relatives à la coopération ont déjà été transposées en droit français mais il reste nécessaire d'adopter un projet de loi.
Dans son discours de Prague, M. Obama a proposé un monde sans armes nucléaires. Nous y sommes très favorables mais ce n'est pas pour tout de suite. Je rappelle que 95 % des têtes nucléaires déclarées appartiennent aux Etats-Unis et à la Russie. Nous en annonçons entre 200 et 300 mais nous n'en sommes pas là. Les Britanniques affirment qu'ils ont réduit leur arsenal des trois quarts quand nous nous serions contentés de démanteler la moitié du nôtre, mais il faut dire que nous maîtrisons toute la chaîne et n'avons besoin d'aucune assistance, ni pour la maintenance ni pour le démantèlement.
Les ministres des Affaires étrangères du G8, à Ottawa, la semaine dernière, ont discuté du sujet et voici la position que j'ai défendue : il est hors de question que la France, qui n'est pas une nation belliciste, change de politique, alors que le Traité signé depuis lors entre la Russie et les Etats-Unis reste très déclaratoire ; notre force de dissuasion n'attaquera jamais personne mais nous la maintenons. Après mes propos, la réaction la plus vive est venue des Japonais, qui ont le souvenir des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki. Avant d'envisager un monde débarrassé des armes nucléaires, nous souhaitons que soient réglés les problèmes de dispersion manifeste ou du moins suspectée en Iran et en Corée du Nord.
J'ai essayé de nous faire participer à la MONUC en y affectant au moins quelques officiers français pour y entraîner les forces à Goma mais j'ai échoué. Au demeurant, nous réduisons plutôt le format de nos forces en Afrique : c'est bien, mais tout dépend des situations. La mise en oeuvre du droit d'ingérence régresse. Des opérations en faveur de la défense active des droits de l'Homme, qui ont plutôt bien réussi il y a quelque temps, ne seraient plus possibles aujourd'hui. Du point de vue de la conscience universelle, nous n'accomplissons pas de progrès. C'est pourquoi j'ai été si heureux de m'être débattu avec succès à propos de la Guinée. La semaine dernière, nous avons reçu Sékouba Konaté, le président intérimaire ; les élections sont toujours prévues pour le 27 juin : espérons qu'elles puissent se tenir.
Pour revenir à la MONUC, nous avons expliqué à Joseph Kabila qu'il n'est pas raisonnable de demander le départ des forces - nous avons d'ailleurs accompli la même démarche en direction d'Idriss Déby, qui formulait une demande similaire - avant 2011. Après cela toutes les installations seront transmises à l'armée congolaise. Le président Kabila demande plus particulièrement un retrait de tous les territoires hormis ceux des deux Kivus. Mais les Kivus sont-ils vraiment protégés ? La MONUC, hélas, n'a pu réagir aux derniers massacres perpétrés par l'Armée de résistance du Seigneur, venue d'Ouganda, car, au-delà de trente ou quarante kilomètres de Goma, où je me suis rendu il y a peu, il devient difficile d'intervenir.
Il existe un problème de frontières entre le Koweït et l'Irak. L'Irak ne doit pas le traiter avec dédain, nos rapports avec les Koweïtiens sont suffisamment bons pour que nous nous fassions leur avocat en la matière. Je note que, ce week-end, les attentats en Irak se sont succédé. Quand il est question d'indemnisations, la négociation globale entre les deux Etats n'est pas même entamée.
Les discussions relatives à la nouvelle stratégie de l'OTAN ne sont pas bouclées. Les menaces ont changé et nous manifestons une attitude très ouverte s'agissant du recours aux forces de l'OTAN. Un entretien est du reste prévu, dans quelques jours, entre Mme Merkel, M. Sarkozy et M. Medvedev. L'OTAN doit-elle prendre la responsabilité de la lutte contre le terrorisme ? La piraterie doit-elle être prise en compte par une organisation internationale alors que l'Europe a pris des initiatives pour lutter contre ce risque et que tous les pays s'y joignent ?
S'agissant de la défense antimissiles, il n'est absolument pas question d'engager le moindre financement, surtout au regard du coût assumé par la France pour sa force de dissuasion. Nous avons critiqué l'installation comme le retrait, sans grande concertation, de missiles américains. Nous venons d'apprendre que les onze Etats entrés récemment dans l'Union européenne seront prochainement conviés à Washington ; les Etats-Unis invitent qui ils veulent, nous ne saurions protester, mais cette démarche relève d'une "psychopolitique" singulière vis-à-vis de l'Europe !
Q - (S'agissant du conflit israélo-palestinien)
Q - (A propos des élections qui se sont déroulées au Togo)
Q - (Au sujet de l'Afghanistan)
Q - (Concernant la situation des communautés chrétiennes dans les pays musulmans du Moyen-Orient)
Q - (A propos de l'avenir de l'Union européenne)
Q - (Concernant le service européen d'action extérieure)
Q - (Au sujet de l'Algérie)
Q - (S'agissant de l'OTAN)
Q - (A propos du déploiement de troupes en Afrique)
Q - Nous avons voté à l'unanimité la première résolution à caractère international présentée depuis la réforme constitutionnelle, qui portait sur le Tchad et la situation de Mohamed Saleh. Quelles suites entendez-vous lui donner ?
Q - (A propos du financement d'UNITAID)
R - La Palestine n'est pas encalminée ; d'autres périodes ont été marquées par un arrêt total des discussions. Mais je partage votre analyse : il faut maintenir nos pressions. Nous avons chaleureusement applaudi au discours du Caire de M. Obama et nous avons pensé, comme tout le monde, qu'il exercerait une pression très forte durant les premiers mois de son mandat afin de faire reprendre les discussions en vue de la création de l'Etat palestinien. Malheureusement, l'envoi tant de Mme Clinton que de M. Mitchell, n'ont pas permis de débloquer la situation. M. Sarkozy et M. Obama en ont parlé la semaine dernière. Il y a peu, nous avons reçu M. Mitchell, qui continue à prôner l'organisation de "proximity talks" afin de parvenir à la tenue de négociations directes. Il est impossible d'être en désaccord avec cette position, mais comment l'appuyer sans reprendre ma proposition, qui n'est pas encore celle de la France ?
Du reste, les Palestiniens sont hésitants : lorsque M. Abbas était à Paris, il n'a pas repris ma proposition de reconnaissance d'un Etat palestinien avant de reparler de cette idée le lendemain, à Berlin. Il l'avait imaginée lui-même il y a six à huit mois mais l'avait retirée, estimant que reconnaître un Etat sans frontières revient à s'exposer à ne jamais pouvoir modifier les délimitations actuelles. Il ne faut pas oublier non plus que les Palestiniens de Gaza veulent vivre en Cisjordanie, sur la rive ouest ; contrairement à l'argument employé par les Israéliens, le Hamas ne progresse pas, tous les "think tanks" de la terre, y compris français, en conviennent.
Nous n'avons salué l'élection du président togolais qu'une fois les résultats proclamés et la réaction de l'Union africaine rendue publique. Notre concitoyen a effectivement été écarté, pour un motif qui ne paraissait guère convaincant mais qu'il a accepté. Le président Faure Gnassingbé est élu, et nous devons maintenant travailler avec lui. Par rapport au scrutin précédent, c'est un moindre mal. En Afrique, nous nous sommes toujours alignés sur les positions de l'Union africaine - parfois en les précédant, comme dans le cas de la Guinée -, sauf à propos de Madagascar, où la situation s'arrange, grâce à l'Afrique du Sud.
M. Karzaï a un peu corrigé ses propos, qui sont toutefois révélateurs. Des délégués du Hezb-e-Islami - parti que j'ai, hélas, eu l'occasion de pratiquer - étaient à Kaboul il y a dix jours, où ils ont rencontré beaucoup de responsables, y compris l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Staffan de Mistura, et les ambassadeurs. Les choses bougent, un mouvement est amorcé : commencer par parler avec les partis de l'ancienne coalition des Moudjahidins anti-soviétiques est un premier pas mais engager le dialogue avec le mollah Omar sera une entreprise autrement plus difficile. A la Conférence de Londres, il avait clairement été dit qu'il fallait discuter et je prétends que la France obtiendra des résultats localement, par le dialogue, là où ses troupes interviennent. Dans d'autres zones, où ne se déroulent pas de combats, les autorités afghanes peuvent entamer des discussions directement. Lorsque le président Karzaï nous a imputé les fraudes, c'était un peu gros ; il a du reste provoqué une réplique justifiée du général Morillon. Quant à l'amiral Guillaud, il n'a pu tenir publiquement les propos rapportés dans un hebdomadaire satirique, car ils ne reflètent nullement sa pensée.
Je ne pense pas que des banques françaises participent au financement des futures maisons de Jérusalem. Je sais en revanche que certaines d'entre elles ont servi de relais pour financer des travaux, notamment pour le tramway. Ce projet est critiqué car il relie des quartiers entre eux ; pourtant, si Jérusalem devenait la capitale des deux Etats, comme je continue de le souhaiter, ce serait un bien.
Nous avons accueilli 500 chrétiens d'Irak et nous continuerons de prendre de telles décisions au cas par cas, comme le font d'autres pays, en particulier la Suède. Nous sommes indignés, et nous émettons toutes les recommandations possibles pour que les chrétiens cessent d'être persécutés au Kurdistan où nombre d'entre eux se sont réfugiés, comme dans le reste de l'Irak. Le président, le Premier ministre comme les autres responsables garantissent que ce n'est pas la politique officielle et qu'ils tentent de les protéger. La hiérarchie ecclésiastique de Bagdad, derrière Sa Béatitude, tient un tout autre discours, mais tout en réclamant que les chrétiens ne quittent pas le territoire. Je suis moi aussi très inquiet. Mossoul a été récemment le théâtre d'assassinats odieux. Nous devons respecter l'Etat de droit et ne pas inviter tous les chrétiens à partir mais nous restons à l'écoute de chaque demande de chrétien, émanant d'Irak ou d'ailleurs. Le fait est que construire une église là-bas est moins facile que construire une mosquée chez nous.
Monsieur Myard, tous vos propos me contrarient. Depuis soixante ans, l'on prétend que l'Europe n'a pas d'avenir. Pour ma part, j'y crois. La France contribue au budget européen autour de 17,8 % et une dîme sera prélevée sur cet ensemble pour financer le service européen d'action extérieure sans augmentation de l'enveloppe globale. Il est vrai que, pour le budget du ministère des Affaires étrangères et européennes français, avec la RGPP, nous ne disposons pas de crédits suffisants, même si j'ai tout de même trouvé 40 millions pour que les services culturels soient à la hauteur de la demande et se montrent offensifs, en matière de francophonie comme de culture en général.
Dans une lettre officielle, j'ai effectivement qualifié le système colonial d'"injuste et dégradant". Je le maintiens mais je ne juge pas de la sorte ceux qui, sur place, ne profitaient pas du système. Il s'agissait d'un mouvement de l'Histoire, avec des conduites humaines souvent extrêmement dignes et justes.
En ce qui concerne l'OTAN, il ne s'agit pas d'un groupe de négociations mais d'un groupe d'experts, qui n'a pas encore remis ses conclusions. C'est au général Stéphane Abrial qu'il incombe de proposer une stratégie nouvelle, à propos de laquelle nous serons amenés à discuter.
Les troupes déployées en Afrique sont déjà considérablement réduites, je suis désolé de vous décevoir. L'enjeu consiste à conserver deux bases, à l'est et à l'ouest, ainsi que quelques facilités pour les avions, afin d'assister les opérations de maintien de la paix. Trois accords de défense ont été signés, transparents et sans clauses secrètes, dont les deux premiers ont été soumis au Parlement : plus jamais nous ne défendrons les régimes en place à n'importe quel prix.
C'est le ministère de la Justice qui doit déposer le projet de loi sur le bureau de l'Assemblée. Je viens encore d'écrire à Mme Alliot-Marie pour lui dire que tout est prêt et que le moment est venu, mais elle ne m'a pas répondu. Je réitérerai volontiers ma demande auprès du Premier ministre.
Pour le Tchad, nous avons agi et je n'ai pas été surpris par le vote unanime. J'aimerais que cela se produise très souvent lorsqu'il s'agit de défendre les droits de l'Homme. Notre ambassadeur est déjà allé porter le texte auprès de M. Déby, il a insisté, je lui ai téléphoné et nous le recevons aujourd'hui.
Le décret d'UNITAID n'a pas été modifié. Il m'arrive en effet d'exercer des pressions à contre-courant. Nous accordons 300 millions au fonds global pour la lutte contre le sida et la tuberculose, auxquels UNITAID ajoute 100 à 200 millions pour les médicaments pédiatriques. Cette organisation a pris l'habitude de passer par la fondation de Bill Clinton. Je suis plutôt favorable à ce que nous privilégiions des ONG françaises mais celles-ci ne sont pas présentes, se montrent incapables de communiquer en anglais et ne font pas preuve de beaucoup d'allant. Fondamentalement, elles devraient s'impliquer davantage mais, en l'état actuel des choses, il n'aurait pas été opportun de modifier le système.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 avril 2010