Texte intégral
Sire,
Monsieur le ministre et secrétaire général de la mission du Cinquantenaire
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs les représentants du corps diplomatique,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élus,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs les directeurs d'administrations et d'institutions,
Mesdames, Messieurs les présidents d'associations,
Mesdames, Messieurs,
Depuis quatre siècles, ici, au coeur de Paris, dans cet Hôtel des Invalides, la France prend soin des soldats qui l'ont servie.
Elle soigne les blessés.
Elle veille les morts.
Elle sauve de l'oubli la mémoire de ceux qui sont tombés.
Dragons de Louis XIV, soldats de l'An II, grognards de la Grande Armée, soldats d'une République qui aura vu éclater les deux grandes guerres mondiales : tous sont rassemblés ici dans le même souvenir, unis par les mêmes liens et la même histoire.
Et dans ce haut lieu de notre mémoire nationale, là où s'enracine ce que nous sommes, dans ce lieu chargé des symboles les plus forts de l'histoire de notre vieux et grand pays, les tirailleurs ont leur place à part entière.
Pendant cent ans, depuis la création des premiers corps de Tirailleurs sénégalais par Napoléon III en 1857 jusqu'aux années 1960, ils ont servi la France avec loyauté, courage, abnégation.
Ils ont accompli leur devoir. Ils n'ont reculé devant aucun sacrifice. Ils ont souffert, dans leur chair, des souffrances de notre pays. Ils ont vécu de ses joies. Ils ont remporté des victoires, ils ont essuyé des défaites. Et leurs victoires comme leurs défaites furent toujours celles de la France.
Aujourd'hui, cinquante ans après le mouvement légitime qui inspira aux peuples d'Afrique d'accéder à leur indépendance, nous restons fiers de ces hommes-là, de ce qu'ils ont accompli et des pages d'histoire qu'ils ont écrites.
Nous sommes fiers d'eux.
Et nous mesurons l'importance du devoir qui est le nôtre aujourd'hui : veiller à la mémoire des tirailleurs comme des fils veillent à la mémoire de leurs pères. Et le faire ensemble.
Voilà ce qui lie authentiquement la France à l'Afrique : une mémoire partagée.
La mémoire d'épreuves douloureuses traversées ensemble.
La mémoire d'une fraternité inventée dans les armes.
La mémoire de ces soldats de la Force noire que nous honorons en France et en Afrique.
C'est la mémoire de Mamadou Racine Sy, qui, en 1884, est le premier Africain a être promu officier.
C'est la mémoire de Charles N'Tchoréré, un capitaine d'infanterie, originaire du Gabon et fusillé en juin 1940 par l'ennemi parce qu'il avait demandé à être traité comme un officier.
C'est la mémoire du sous-lieutenant Koudoukou, héros de la bataille de Bir Hakeim et premier officier africain fait Compagnon de la Libération par le général de Gaulle.
C'est la mémoire de tous ces hommes, multitude anonyme, qui firent de la chéchia un signe de bravoure et d'honneur : tirailleurs du 43ème bataillon reprenant le fort de Douaumont en octobre 1916, soldats africains tombant en avril 1917 aux côtés de leurs frères français sur le Chemin des Dames, soldats du 2ème bataillon de marche s'illustrant dans l'armée de Leclerc, libérant le pays jusqu'à la campagne des Vosges.
C'est la mémoire de Léopold Sédar Senghor, écrivain, académicien français et premier président du Sénégal.
Comme le président Houphouët-Boigny en Côte d'Ivoire, il conduisit son pays sur les voies de l'indépendance d'autant mieux qu'il avait assimilé l'un des grands principes de l'histoire politique française : l'autodétermination, c'est-à-dire la faculté des peuples à choisir, eux-mêmes, librement, leur destin.
C'est l'une des permanences françaises. Elle perce chez les jurisconsultes de Philippe Le Bel. Elle inspire la Révolution française, se perpétue en 1870 avec Renan et Fustel, pour poindre, pleinement, en 1944, à Brazzaville, dans la promesse que le général de Gaulle fit aux peuples d'Afrique.
L'indépendance des pays africains ne fut pas une trahison ni un reniement.
Elle fut une douleur, certes, mais pas un arrachement.
Elle fut même, au contraire, une fidélité plus grande encore à ce qu'est la France.
C'est lorsqu'il était soldat, prisonnier dans un stalag en 1940, que Léopold Sédar Senghor a compris que la France ne s'appartenait pas totalement.
Dans Hosties noires, un recueil qu'il dédie aux tirailleurs, le futur président sénégalais écrit : « Oui Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques. »
Tout pays est exceptionnel. Toutes les nations du monde sont exceptionnelles. Elles ont chacune d'entre elles leur génie propre. Qu'un pays ou qu'une culture vienne à disparaître dans le monde, et c'est un drame pour l'humanité entière.
Le génie français, cela consiste à toujours essayer de dire « la voie droite », à se donner des idéaux et des principes qu'il est bien souvent difficile, dans la réalité, d'honorer et de suivre. Qu'il est impossible même de respecter lorsqu'on est seul.
Il se peut que des pays puissent vivre en autarcie, repliés sur eux-mêmes. La France a besoin du monde pour porter les valeurs auxquelles elle croit.
Chaque fois que l'adversité était trop grande, chaque fois que la liberté de la France a été en jeu, elle a su trouver les Africains à ses côtés.
Lorsque la France s'est retrouvée au bord du gouffre, prête à sombrer et disparaître, lorsque la République sembla elle-même défaillir et que l'espoir avait déserté les esprits et les coeurs, c'est sur la terre d'Afrique qu'elle est venue chercher le recours.
La voilà, pour la France, la Force noire.
C'était le nom donné par le général Mangin aux troupes coloniales.
Ce fut le nom d'une espérance.
Ce fut le nom d'une fidélité, celle portée à la France par des milliers de tirailleurs africains, en 1914, puis en 1940.
Il y a soixante-dix ans, ils avaient vingt ans. Ils venaient de Mauritanie, du Sénégal, du Mali, de Guinée, de Côte-d'Ivoire, du Niger, du Burkina Faso ou du Bénin.
Ils avaient rejoint l'Armée d'Afrique, la Division Leclerc ou la 1ère Armée. Ils avaient l'âge où l'on a d'autres rêves, d'autres projets, d'autres espoirs que d'aller mourir sur une terre lointaine. Ils ont quitté tout ce qu'ils aimaient, les paysages qui les avaient vus grandir, leur famille, leurs amis. Ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Ils ont fait tous les sacrifices, jusqu'au sacrifice suprême.
Il n'y a rien de plus dur que d'avoir vingt ans et devoir porter les armes, combattre et mourir.
Il n'y a rien de plus dur encore que de le faire, loin de chez soi, sur les champs de bataille de la Meuse ou pendant l'hiver froid de la campagne d'Alsace.
Ces hommes, tirailleurs sénégalais, sont l'honneur de l'Afrique toute entière.
Ces hommes sont l'honneur et la fierté de la France.
Jamais nous n'oublierons ce que fut leur sacrifice.
Jamais nous n'oublierons ce qu'ils nous ont apporté.
Ils nous apporté la liberté.
Ils nous ont appris, avec leur courage, leur valeur, leur sacrifice, ce qu'être Français veut dire.
« Vous n'êtes pas seuls au monde » : voilà ce que les tirailleurs sénégalais ont dit à la France, aux heures terribles de l'histoire.
« Vous n'êtes pas seuls au monde » : voilà la plus belle définition de la fraternité.
Evidemment, les mots parfois et les grands principes ne valent plus rien, quand la réalité les contredit et les nie.
Le massacre de Thiaroye, le 1er décembre 1944, fut inacceptable. Il fut intolérable.
Le blanchiment fut une éprouvante vexation.
La cristallisation des pensions fut, pour beaucoup, une douleur morale, réparée par la décristallisation complète, depuis 2007, des prestations du feu versées par le ministère de la défense, et par les nouvelles règles de versement des pensions de retraite arrêtées par le ministre du Budget depuis l'été 2009.
L'Afrique et la France ont une mémoire commune. Verdun, les Ardennes, le Chemin des Dames, Chasselay : les tirailleurs sénégalais ont écrit des pages entières de l'histoire de France.
Nous avons, aujourd'hui, en Afrique et en France, à porter leur mémoire, à l'honorer et à la transmettre.
Nous le faisons avec un sentiment de respect : celui que les fils doivent à leur père.
Nous le faisons avec reconnaissance et gratitude, celles que l'on réserve aux héros.
Nous le faisons aussi avec le regard exigeant de la vérité. Car il n'y a pas de devoir de mémoire ni de véritable respect sans l'exigence de la vérité.
Au moment où notre pays commémore le cinquantième anniversaire des indépendances africaines, nous avons voulu rendre un hommage particulier aux anciens combattants africains et malgaches.
Elaboré en partenariat avec Radio France International, le site internet « Tirailleurs 2010 » fera découvrir au grand public comme aux scolaires, en France comme en Afrique, toute la richesse et la complexité de l'histoire de la Force noire.
En 2010, la célébration du cinquantième anniversaire des indépendances africaines croisera la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la campagne de France, de l'appel du 18 juin du général de Gaulle et de la création de la France libre. Nous rappellerons, en particulier, le ralliement au général de Gaulle, entre août et novembre 1940, de l'Afrique équatoriale française. Les territoires du Tchad, de l'Oubangui-Chari, du Cameroun, du Congo et du Gabon allaient donner une assise territoriale au général de Gaulle et les exploits militaires des tirailleurs, en Erythrée comme à Koufra, allaient fonder la légitimité de la place des armées de la France libre aux côtés des alliés.
Publication d'un manuel scolaire sur le thème des tirailleurs africains et malgaches, édition d'un coffret de CD contenant des témoignages oraux de tirailleurs, exposition pédagogique sur la Force noire, création d'un site Internet dédié, partenariat renforcé avec des musées africains, circulation en France du « muséobus » des Forces armées du Sénégal : toutes nos initiatives permettront de mieux connaître et de mieux partager l'histoire de la Force noire et des liens entre la France et l'Afrique.
Aller aujourd'hui en Afrique à la rencontre des anciens combattants de l'armée française, débattre en leur présence avec les scolaires et les universitaires est une nécessité. Leurs rangs, malheureusement, s'éclaircissent et nous devons aider à la création et au développement de sites de mémoire afin d'entretenir leur souvenir.
Ces hommes ont servi la France sans compter. Souvent, ils ont été les pères de l'indépendance de leur propre pays. Il n'y a aucune contradiction à cela. Et tous incarnent pleinement la mémoire que nous avons reçue, Français et Africains, en partage.
Mais ces célébrations ne sont pas tournées uniquement vers le passé.
Les liens entre la France et l'Afrique et, tout particulièrement, les liens de nos armées sont des liens présents et vivants.
Devant les éminents représentants des états-majors qui nous ont fait ce soir l'amitié de partager ces réflexions sur une histoire et une mémoire communes avec l'Afrique, je ne veux pas manquer de saluer les cadres et les soldats de nos forces armées. Je pense, en particulier, à ceux qui sont en métropole des experts reconnus pour leur connaissance de l'Afrique, comme de ceux qui servent aujourd'hui en Afrique et à Madagascar.
Qu'ils soient au sein du ministère des affaires étrangères les acteurs de notre mission de coopération de sécurité et de défense (auxquels un hommage particulier sera rendu lors des célébrations de Bazeilles à Fréjus, le 31 août prochain), qu'ils appartiennent aux forces prépositionnées sur le continent africain ou qu'ils accomplissent leur mission en opération au sein des forces de projection, je veux leur renouveler ma confiance.
Je vous demande également de leur exprimer notre fierté de les voir oeuvrer avec détermination, courage, enthousiasme, professionnalisme. Avec, surtout, une parfaite connaissance de l'environnement dans lequel ils évoluent.
Cet engagement de la France en Afrique et la solide amitié qui nous lie trouveront à s'illustrer également le 14 juillet 2010. Cinquante ans après les indépendances, le Président de la République a invité nos partenaires africains à ouvrir le défilé militaire.
La présence de détachements des forces armées africaines sur les Champs-Elysées, leur défilé devant leurs aînés, anciens combattants de l'armée française, sera une image forte de cette année 2010.
Puisse cette année africaine consolider nos liens d'amitié, notre confiance mutuelle et notre volonté d'affermir la paix, la justice et le droit, en Afrique, à Madagascar et dans le reste du monde.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 avril 2010
Monsieur le ministre et secrétaire général de la mission du Cinquantenaire
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs les représentants du corps diplomatique,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élus,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs les directeurs d'administrations et d'institutions,
Mesdames, Messieurs les présidents d'associations,
Mesdames, Messieurs,
Depuis quatre siècles, ici, au coeur de Paris, dans cet Hôtel des Invalides, la France prend soin des soldats qui l'ont servie.
Elle soigne les blessés.
Elle veille les morts.
Elle sauve de l'oubli la mémoire de ceux qui sont tombés.
Dragons de Louis XIV, soldats de l'An II, grognards de la Grande Armée, soldats d'une République qui aura vu éclater les deux grandes guerres mondiales : tous sont rassemblés ici dans le même souvenir, unis par les mêmes liens et la même histoire.
Et dans ce haut lieu de notre mémoire nationale, là où s'enracine ce que nous sommes, dans ce lieu chargé des symboles les plus forts de l'histoire de notre vieux et grand pays, les tirailleurs ont leur place à part entière.
Pendant cent ans, depuis la création des premiers corps de Tirailleurs sénégalais par Napoléon III en 1857 jusqu'aux années 1960, ils ont servi la France avec loyauté, courage, abnégation.
Ils ont accompli leur devoir. Ils n'ont reculé devant aucun sacrifice. Ils ont souffert, dans leur chair, des souffrances de notre pays. Ils ont vécu de ses joies. Ils ont remporté des victoires, ils ont essuyé des défaites. Et leurs victoires comme leurs défaites furent toujours celles de la France.
Aujourd'hui, cinquante ans après le mouvement légitime qui inspira aux peuples d'Afrique d'accéder à leur indépendance, nous restons fiers de ces hommes-là, de ce qu'ils ont accompli et des pages d'histoire qu'ils ont écrites.
Nous sommes fiers d'eux.
Et nous mesurons l'importance du devoir qui est le nôtre aujourd'hui : veiller à la mémoire des tirailleurs comme des fils veillent à la mémoire de leurs pères. Et le faire ensemble.
Voilà ce qui lie authentiquement la France à l'Afrique : une mémoire partagée.
La mémoire d'épreuves douloureuses traversées ensemble.
La mémoire d'une fraternité inventée dans les armes.
La mémoire de ces soldats de la Force noire que nous honorons en France et en Afrique.
C'est la mémoire de Mamadou Racine Sy, qui, en 1884, est le premier Africain a être promu officier.
C'est la mémoire de Charles N'Tchoréré, un capitaine d'infanterie, originaire du Gabon et fusillé en juin 1940 par l'ennemi parce qu'il avait demandé à être traité comme un officier.
C'est la mémoire du sous-lieutenant Koudoukou, héros de la bataille de Bir Hakeim et premier officier africain fait Compagnon de la Libération par le général de Gaulle.
C'est la mémoire de tous ces hommes, multitude anonyme, qui firent de la chéchia un signe de bravoure et d'honneur : tirailleurs du 43ème bataillon reprenant le fort de Douaumont en octobre 1916, soldats africains tombant en avril 1917 aux côtés de leurs frères français sur le Chemin des Dames, soldats du 2ème bataillon de marche s'illustrant dans l'armée de Leclerc, libérant le pays jusqu'à la campagne des Vosges.
C'est la mémoire de Léopold Sédar Senghor, écrivain, académicien français et premier président du Sénégal.
Comme le président Houphouët-Boigny en Côte d'Ivoire, il conduisit son pays sur les voies de l'indépendance d'autant mieux qu'il avait assimilé l'un des grands principes de l'histoire politique française : l'autodétermination, c'est-à-dire la faculté des peuples à choisir, eux-mêmes, librement, leur destin.
C'est l'une des permanences françaises. Elle perce chez les jurisconsultes de Philippe Le Bel. Elle inspire la Révolution française, se perpétue en 1870 avec Renan et Fustel, pour poindre, pleinement, en 1944, à Brazzaville, dans la promesse que le général de Gaulle fit aux peuples d'Afrique.
L'indépendance des pays africains ne fut pas une trahison ni un reniement.
Elle fut une douleur, certes, mais pas un arrachement.
Elle fut même, au contraire, une fidélité plus grande encore à ce qu'est la France.
C'est lorsqu'il était soldat, prisonnier dans un stalag en 1940, que Léopold Sédar Senghor a compris que la France ne s'appartenait pas totalement.
Dans Hosties noires, un recueil qu'il dédie aux tirailleurs, le futur président sénégalais écrit : « Oui Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques. »
Tout pays est exceptionnel. Toutes les nations du monde sont exceptionnelles. Elles ont chacune d'entre elles leur génie propre. Qu'un pays ou qu'une culture vienne à disparaître dans le monde, et c'est un drame pour l'humanité entière.
Le génie français, cela consiste à toujours essayer de dire « la voie droite », à se donner des idéaux et des principes qu'il est bien souvent difficile, dans la réalité, d'honorer et de suivre. Qu'il est impossible même de respecter lorsqu'on est seul.
Il se peut que des pays puissent vivre en autarcie, repliés sur eux-mêmes. La France a besoin du monde pour porter les valeurs auxquelles elle croit.
Chaque fois que l'adversité était trop grande, chaque fois que la liberté de la France a été en jeu, elle a su trouver les Africains à ses côtés.
Lorsque la France s'est retrouvée au bord du gouffre, prête à sombrer et disparaître, lorsque la République sembla elle-même défaillir et que l'espoir avait déserté les esprits et les coeurs, c'est sur la terre d'Afrique qu'elle est venue chercher le recours.
La voilà, pour la France, la Force noire.
C'était le nom donné par le général Mangin aux troupes coloniales.
Ce fut le nom d'une espérance.
Ce fut le nom d'une fidélité, celle portée à la France par des milliers de tirailleurs africains, en 1914, puis en 1940.
Il y a soixante-dix ans, ils avaient vingt ans. Ils venaient de Mauritanie, du Sénégal, du Mali, de Guinée, de Côte-d'Ivoire, du Niger, du Burkina Faso ou du Bénin.
Ils avaient rejoint l'Armée d'Afrique, la Division Leclerc ou la 1ère Armée. Ils avaient l'âge où l'on a d'autres rêves, d'autres projets, d'autres espoirs que d'aller mourir sur une terre lointaine. Ils ont quitté tout ce qu'ils aimaient, les paysages qui les avaient vus grandir, leur famille, leurs amis. Ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Ils ont fait tous les sacrifices, jusqu'au sacrifice suprême.
Il n'y a rien de plus dur que d'avoir vingt ans et devoir porter les armes, combattre et mourir.
Il n'y a rien de plus dur encore que de le faire, loin de chez soi, sur les champs de bataille de la Meuse ou pendant l'hiver froid de la campagne d'Alsace.
Ces hommes, tirailleurs sénégalais, sont l'honneur de l'Afrique toute entière.
Ces hommes sont l'honneur et la fierté de la France.
Jamais nous n'oublierons ce que fut leur sacrifice.
Jamais nous n'oublierons ce qu'ils nous ont apporté.
Ils nous apporté la liberté.
Ils nous ont appris, avec leur courage, leur valeur, leur sacrifice, ce qu'être Français veut dire.
« Vous n'êtes pas seuls au monde » : voilà ce que les tirailleurs sénégalais ont dit à la France, aux heures terribles de l'histoire.
« Vous n'êtes pas seuls au monde » : voilà la plus belle définition de la fraternité.
Evidemment, les mots parfois et les grands principes ne valent plus rien, quand la réalité les contredit et les nie.
Le massacre de Thiaroye, le 1er décembre 1944, fut inacceptable. Il fut intolérable.
Le blanchiment fut une éprouvante vexation.
La cristallisation des pensions fut, pour beaucoup, une douleur morale, réparée par la décristallisation complète, depuis 2007, des prestations du feu versées par le ministère de la défense, et par les nouvelles règles de versement des pensions de retraite arrêtées par le ministre du Budget depuis l'été 2009.
L'Afrique et la France ont une mémoire commune. Verdun, les Ardennes, le Chemin des Dames, Chasselay : les tirailleurs sénégalais ont écrit des pages entières de l'histoire de France.
Nous avons, aujourd'hui, en Afrique et en France, à porter leur mémoire, à l'honorer et à la transmettre.
Nous le faisons avec un sentiment de respect : celui que les fils doivent à leur père.
Nous le faisons avec reconnaissance et gratitude, celles que l'on réserve aux héros.
Nous le faisons aussi avec le regard exigeant de la vérité. Car il n'y a pas de devoir de mémoire ni de véritable respect sans l'exigence de la vérité.
Au moment où notre pays commémore le cinquantième anniversaire des indépendances africaines, nous avons voulu rendre un hommage particulier aux anciens combattants africains et malgaches.
Elaboré en partenariat avec Radio France International, le site internet « Tirailleurs 2010 » fera découvrir au grand public comme aux scolaires, en France comme en Afrique, toute la richesse et la complexité de l'histoire de la Force noire.
En 2010, la célébration du cinquantième anniversaire des indépendances africaines croisera la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la campagne de France, de l'appel du 18 juin du général de Gaulle et de la création de la France libre. Nous rappellerons, en particulier, le ralliement au général de Gaulle, entre août et novembre 1940, de l'Afrique équatoriale française. Les territoires du Tchad, de l'Oubangui-Chari, du Cameroun, du Congo et du Gabon allaient donner une assise territoriale au général de Gaulle et les exploits militaires des tirailleurs, en Erythrée comme à Koufra, allaient fonder la légitimité de la place des armées de la France libre aux côtés des alliés.
Publication d'un manuel scolaire sur le thème des tirailleurs africains et malgaches, édition d'un coffret de CD contenant des témoignages oraux de tirailleurs, exposition pédagogique sur la Force noire, création d'un site Internet dédié, partenariat renforcé avec des musées africains, circulation en France du « muséobus » des Forces armées du Sénégal : toutes nos initiatives permettront de mieux connaître et de mieux partager l'histoire de la Force noire et des liens entre la France et l'Afrique.
Aller aujourd'hui en Afrique à la rencontre des anciens combattants de l'armée française, débattre en leur présence avec les scolaires et les universitaires est une nécessité. Leurs rangs, malheureusement, s'éclaircissent et nous devons aider à la création et au développement de sites de mémoire afin d'entretenir leur souvenir.
Ces hommes ont servi la France sans compter. Souvent, ils ont été les pères de l'indépendance de leur propre pays. Il n'y a aucune contradiction à cela. Et tous incarnent pleinement la mémoire que nous avons reçue, Français et Africains, en partage.
Mais ces célébrations ne sont pas tournées uniquement vers le passé.
Les liens entre la France et l'Afrique et, tout particulièrement, les liens de nos armées sont des liens présents et vivants.
Devant les éminents représentants des états-majors qui nous ont fait ce soir l'amitié de partager ces réflexions sur une histoire et une mémoire communes avec l'Afrique, je ne veux pas manquer de saluer les cadres et les soldats de nos forces armées. Je pense, en particulier, à ceux qui sont en métropole des experts reconnus pour leur connaissance de l'Afrique, comme de ceux qui servent aujourd'hui en Afrique et à Madagascar.
Qu'ils soient au sein du ministère des affaires étrangères les acteurs de notre mission de coopération de sécurité et de défense (auxquels un hommage particulier sera rendu lors des célébrations de Bazeilles à Fréjus, le 31 août prochain), qu'ils appartiennent aux forces prépositionnées sur le continent africain ou qu'ils accomplissent leur mission en opération au sein des forces de projection, je veux leur renouveler ma confiance.
Je vous demande également de leur exprimer notre fierté de les voir oeuvrer avec détermination, courage, enthousiasme, professionnalisme. Avec, surtout, une parfaite connaissance de l'environnement dans lequel ils évoluent.
Cet engagement de la France en Afrique et la solide amitié qui nous lie trouveront à s'illustrer également le 14 juillet 2010. Cinquante ans après les indépendances, le Président de la République a invité nos partenaires africains à ouvrir le défilé militaire.
La présence de détachements des forces armées africaines sur les Champs-Elysées, leur défilé devant leurs aînés, anciens combattants de l'armée française, sera une image forte de cette année 2010.
Puisse cette année africaine consolider nos liens d'amitié, notre confiance mutuelle et notre volonté d'affermir la paix, la justice et le droit, en Afrique, à Madagascar et dans le reste du monde.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 avril 2010