Texte intégral
Chère Simone,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous ce matin dans le cadre de cette réflexion que vous avez menée pour continuer de faire progresser la cause des femmes.
Depuis sa création, en 1945, Elle est à la fois le miroir et le porte-parole de ses lectrices. Je n'oublie pas que Françoise Giroud en assura la direction jusqu'en 1953.
Beaucoup d'hommes feuillètent votre journal... J'en suis. J'y vois là l'un des signes, peut-être anecdotique mais révélateur, de l'évolution des moeurs.
Nous sommes tous d'accord, je le crois, sur un constat : depuis cinquante ans, la cause des femmes a davantage progressé qu'en cinq siècles.
D'Olympe de Gouges en 1789 - qui écrivait que si « La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit aussi avoir celui de monter à la tribune» - au droit de vote des femmes en 1945, du manifeste des 343 en 1971 à l'engagement de Simone Veil en 1975, le combat a été long, il a été très long mais il n'a pas été vain.
Que la moitié de l'humanité ait eu ainsi à se battre pour obtenir tout simplement ce qui lui est dû, voilà bien le symbole d'une incroyable injustice. Une injustice qui n'est que partiellement réparée, puisque que dans bien des parties du monde les droits de la femme sont encore et toujours bafoués.
En France, le combat pour les droits est en partie gagné, mais il reste le combat pour les faits et le combat dans les faits !
Et c'est là le second constat, je crois, que nous pouvons dresser ensemble.
Dans le monde du travail comme dans la politique, il existe un plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder normalement et en nombre aux postes de responsabilité.
Des inégalités de salaires persistent.
Concilier la vie professionnelle et la vie familiale demeure souvent un véritable parcours d'obstacles.
La femme moderne est libre, mais ses charges sont lourdes, obligée de jongler qu'elle est entre l'éducation des enfants, le travail, la gestion du foyer, et au surplus, avec l'obligation - comme y invite votre magazine - d'être toujours plus féminine...
Enfin, dans ce constat, comment oublier ces violences, comment oublier ces discriminations qui condamnent encore trop de femmes au silence, à la soumission, et parfois même à la mort.
J'ai reçu récemment une lettre poignante d'une jeune fille qui habite dans le Vaucluse, et qui me décrit dans cette lettre ce «jeu» cruel qui consiste, avec un élastique, à projeter des lames de rasoir dans les jambes des adolescentes qui portent des jupes courtes. Cela se passe dans son quartier, en France, dans le département du Vaucluse, au XXIème siècle.
Voilà, en quelques mots, la situation : d'un côté de formidables progrès qui ont permis l'émancipation des femmes; et de l'autre, des difficultés concrètes et parfois douloureuses auxquelles le gouvernement doit s'efforcer de répondre.
Il y a d'abord la question de l'égalité professionnelle.
Question lancinante que nous avons décidé de hisser au plus haut niveau des principes de notre droit.
C'est mon Gouvernement qui a inscrit dans la Constitution l'égalité professionnelle qui est désormais un principe de rang constitutionnel.
Cela aura des incidences : cela va renforcer notre bloc de constitutionnalité, puisque désormais toute loi devra se plier à ce principe et dans le cas contraire elle pourra être annulée.
Et comme vous le savez, avec la réforme constitutionnelle de juillet 2008, les justiciables eux-mêmes pourront désormais saisir le Conseil Constitutionnel, directement, alors qu'avant il ne s'agissait que d'un pouvoir laissé aux parlementaires, et qui ne pouvait donc s'adresser qu'aux textes à venir et pas aux lois votées dans le passé. Cette inscription dans la Constitution aura avec le temps des conséquences considérables.
D'autre part, la loi de 2006 sur l'égalité salariale prévoit que les accords collectifs dans l'entreprise doivent définir les mesures qui permettent de supprimer les écarts de salaires avant le 31 décembre 2010.
Nous avons sollicité les partenaires sociaux sur ce sujet.
Ils ont une obligation de résultat, il y a une date : le 31 décembre 2010, et dans le cas où ils ne soient pas en mesure de se mettre d'accord, les entreprises qui ne respectent pas la loi seront soumises à des sanctions et à des pénalités financières.
Le document d'orientation que nous avons adressé aux partenaires sociaux en novembre dernier pose aussi la question du temps partiel, celle du régime des heures complémentaires et celle de l'adaptation du cadre légal sur le temps partiel familial.
Il suggère également la création d'un entretien de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle pour traiter concrètement de toutes ces questions.
La balle est donc dans le camp des partenaires sociaux qui n'ont pas encore répondu à cette sollicitation du gouvernement. Comme sur tous ces sujets, ils savent que s'ils ne se saisissent pas eux-mêmes de la question que le gouvernement leur a posée, alors il faudra en passer par de nouveaux textes législatifs, de nouvelles obligations qui s'imposeront aux partenaires sociaux.
La conciliation de la vie professionnelle et familiale me conduit à évoquer le problème de la garde des enfants.
Nous nous sommes engagés à créer 200 000 places supplémentaires pour 2012 : 100 000 chez les assistantes maternelles et 100 000 dans les services d'accueil collectifs, ce qui représente une progression de près de 8 % par an des crédits du Fonds d'action sociale de la CNAF sur la période 2009-2012, soit environ 2 milliards d'euros.
En 2009, plus de 13 000 places de crèche ont été créées et 32 000 enfants supplémentaires ont été accueillis en accueil collectif; en outre 21 000 enfants supplémentaires ont été accueillis chez les assistantes maternelles.
Je sais que vous militez pour un effort encore plus significatif et pour des engagements plus élevés à l'horizon 2017.
Je suis simplement obligé de vous répondre que le coût pour les finances publiques et l'incapacité matérielle de construire plus de places, plus vite en tout cas, fixent un certain nombre de limites qu'il faut ensemble que nous essayions de repousser.
En 2009, le Gouvernement a réformé le crédit impôt famille bénéficiant aux entreprises pour le recentrer sur la création de crèches : c'est un sujet sur lequel notre pays est très en retard, il existe 6 000 places de crèche d'entreprise en 2009, 1 500 places nouvelles ont été créées. On voit qu'on est encore très loin des objectifs que nous devons nous fixer dans ce sens.
Nous encourageons les initiatives concrètes avec l'Observatoire de la parentalité.
C'est l'esprit de la charte de la parentalité en entreprise, qui a été signée le 1er décembre par le gouvernement et plus de 150 grandes entreprises.
La troisième question, largement évoquée par votre journal, et que Simone vient à l'instant de citer, c'est celle de l'égalité d'accès aux hautes responsabilités, qu'elles soient politiques ou qu'elles soient économiques.
C'est vrai que nous partons de loin. Vous allez considérer qu'il s'agit là d'un alibi mais en 1959, dans le gouvernement de Michel Debré, Simone, il y avait 1 femme.
Dans celui de Pierre Mauroy, il en avait 7 sur 43.
Dans le gouvernement que j'ai l'honneur de présider, il y en a 13 sur 39 - dont la ministre de l'Economie, la ministre de la Justice, celle de la Santé, bref des ministères cruciaux. Je pense que même si nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, le temps des femmes alibis est heureusement fini, et c'est un atout pour le Gouvernement car je crois à la complémentarité des sensibilités, je crois comme Simone Veil qui l'a dit à l'instant que les hommes et les femmes sont différents, et je le ressens dans la conduite du Gouvernement, cette complémentarité des sensibilités est un atout pour notre démocratie.
Ceci étant dit, avec environ 15 % de femmes élues au Parlement, la France fait très mauvaise figure en Europe. Elle se situe à la 18ème place sur 27. Je sais que pour faire avancer la parité, beaucoup d'entre vous défendent le principe de la proportionnelle.
Je sais aussi que je vais vous décevoir car j'y suis profondément hostile s'agissant des élections législatives. Pour une raison très simple : c'est que je pense que l'acquis le plus important de la Ve République et des institutions que le Général De Gaulle nous a légué, c'est la stabilité politique. Notre pays a été pendant des années et des années incapable de faire émerger des majorités capables de gouverner le pays sur la durée et ce mode de scrutin est un gage de stabilité politique.
En revanche, je suis favorable à un renforcement très dur des pénalités financières pour les partis qui ne respectent pas la parité. Vous avez dit tout à l'heure : au fond, les partis politiques préfèrent payer, c'est très simple il suffit de mettre en place des dispositifs financiers qui soient insupportables. On préfère payer quand c'est encore possible de le supporter. Lorsque cela ne le sera plus, je suis convaincu que c'est l'ensemble des partis politiques qui progresseront dans ce domaine. Au fond, c'est le chemin normal qui doit être suivi, parce que les partis politiques sont le coeur de la démocratie et c'est au sein des partis politiques que ce combat doit être conduit. C'est l'esprit de la proposition de loi de Chantal Brunel que je soutiens.
Il y a enfin un point sur lequel je veux attirer votre attention: c'est celui de la réforme des collectivités territoriales.
Avec cette réforme, la parité va progresser dans les conseils municipaux des 13 000 communes de 500 à 3 500 habitants puisque leurs conseillers ne seront plus élus au scrutin uninominal mais sur des listes bloquées comportant obligatoirement la moitié de femmes, ce qui se traduira par 30 à 40 000 conseillères municipales de plus à partir de mars 2014.
D'expérience, je puis vous dire que plus il y aura de femmes assumant des fonctions locales plus elles seront nombreuses aux élections nationales.
Quant au projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux, il impose à chaque candidat au scrutin uninominal le choix d'un remplaçant de sexe opposé.
Concernant la place des femmes aux postes de responsabilité économique, là encore il y a beaucoup de progrès à faire, notamment au sein des conseils d'administration des grandes entreprises.
La proposition de loi de madame Zimmermann qui prévoit 40 % de femmes, a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 20 janvier dernier. Elle doit maintenant être examinée par le Sénat dans les toutes prochaines semaines: l'adoption de ce texte est une priorité !
Je mesure bien que seule une pression législative pouvait faire bouger rapidement les choses. Et d'ailleurs, c'est bien ce que l'on voit puisque à peine le texte a-t-il été voté par l'Assemblée nationale, qu'un code vient d'être adopté par l'Association française des entreprises privées et par le Medef.
Ce changement se manifeste puisque des administratrices viennent d'être nommées dans de grandes entreprises. Nous sommes en France à 10 %, la moyenne de l'Union européenne est de 10 % et aux Etats-Unis on est à 15 %.
Enfin, il y a une dernière question que je souhaitais aborder avec vous: c'est celle du respect de la femme.
Respect face au fléau de la violence, respect face aux stéréotypes dégradants, respect aussi face à la pratique du voile intégral.
En France, tous les trois jours, une femme meurt victime de violences conjugales
Des femmes n'osent pas parler... Leur entourage ferme les yeux. Il faut, c'est un combat prioritaire, dénoncer la violence et libérer la parole !
Nous avons créé en 2007 le numéro de téléphone unique pour les victimes et témoins de violences conjugales : le 3919.
J'ai décidé que la lutte contre les violences faites aux femmes serait déclarée grande cause nationale en 2010, ce qui permet notamment un accès facilité aux grands médias pour faire passer des messages de sensibilisation.
Vous savez qu'il existe des places d'hébergement d'urgence, notamment 12 000 places en CHRS.
Mais notre politique doit consister prioritairement à permettre aux femmes de rester chez elles et d'évincer le conjoint violent.
Le projet de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes, qui a été voté, c'est suffisamment rare pour le souligner à l'unanimité à l'Assemblée nationale, va maintenant passer au Sénat : il garantit une plus grande sécurité pour les femmes, notamment grâce au dispositif du bracelet électronique permettant d'assurer l'éloignement effectif du conjoint violent.
Un mot aussi sur l'image de la femme.
C'est un sujet sensible, et loin de moi l'idée de sombrer dans la pudibonderie, mais je veux vous dire que je suis parfois choqué par les stéréotypes féminins véhiculés dans certaines fictions, dans certaines publicités, dans certains clips.
Il m'arrive d'être consterné par une vulgarité insidieuse, mais dégradante et abaissante.
L'intérêt de l'observatoire mis en place autour de Michèle Reiser est évident : il s'agit d'identifier ces stéréotypes pour mieux les dénoncer, et au fond, pour les "ringardiser". Son travail est un travail original et un travail utile, et je suis heureux qu'elle puisse le poursuivre aux côtés de Nadine Morano.
Enfin, permettez-moi un mot sur le voile intégral.
En matière d'égalité et de dignité, la France a souvent fait figure de pionnière, en Europe et dans le monde.
C'est ainsi que nous avons été les premiers à légiférer en 2004 sur le voile, à l'école publique.
Il y a eu beaucoup d'hésitation à l'époque, beaucoup d'inquiétude sur la validité juridique des mesures que nous prenions, sur les conséquences que ces mesures pouvaient avoir sur les jeunes filles ; on disait qu'elles n'iraient plus à l'école, qu'elles seraient enfermées, qu'elles se retrouveraient dans des établissements religieux. Rien de tout cela ne s'est produit, et la réalité c'est que cette loi sur le voile à l'école a été un vrai succès, c'est d'ailleurs tellement un succès que personne n'en parle plus. Et nous avons offert la possibilité à toutes ces jeunes filles de comprendre qu'il ne s'agissait en rien d'une fatalité, il ne s'agissait en rien d'une obligation religieuse, puisque à l'école elles voyaient qu'elles pouvaient y être soustraites et qu'elles avaient les mêmes droits que les garçons et que les autres jeunes filles.
Et bien aujourd'hui, nous devons traiter la question du voile intégral parce que personne ne peut rester indifférent au sort de ces femmes emmurées, condamnées à vivre cachées, sans relations sociales et évidemment sans aucun avenir professionnel.
On dit que 2 000 personnes sont concernées, certains diront que c'est très peu mais est-ce qu'il faut attendre que ce chiffre augmente pour défendre nos valeurs ?
Est-ce que l'on peut rester sourd à l'appel de ces jeunes filles des cités qui nous demandent - de légiférer pour les défendre dans leurs libertés ?
Nous avons avec le Président de la République, longuement mûri notre décision.
Nous avons décidé de légiférer de façon large, de façon claire et de façon progressive :
* large afin d'interdire le port du voile intégral sur tout le territoire de la République, d'interdire la dissimulation du visage;
* de façon claire, en nous appuyant sur le respect des exigences fondamentales du "vivre ensemble", qui sont indissociables de la dignité de la personne et qui sont ancrées dans le contrat social qui fonde notre Constitution;
* et enfin, de façon progressive, en proposant un délai de 6 mois avant que les sanctions ne s'appliquent, ce délai permettant une mise en oeuvre sereine, et la possibilité en particulier avec les associations qui représentent la communauté musulmane de mettre en oeuvre toutes les médiations nécessaires.
Je souhaite que sur ce sujet, nous puissions dégager un consensus.
Je crois que, face au danger du repli communautariste, il faut agir ensemble pour la République citoyenne.
Face à la discrimination, il faut réaffirmer l'égalité des hommes et des femmes.
C'est un combat permanent, je sais que c'est votre combat, et je voudrais vous féliciter d'avoir organisé ces Etats généraux qui contribuent à forcer les lignes de notre société.
Source http://www.gouvernement.fr, le 10 mai 2010
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous ce matin dans le cadre de cette réflexion que vous avez menée pour continuer de faire progresser la cause des femmes.
Depuis sa création, en 1945, Elle est à la fois le miroir et le porte-parole de ses lectrices. Je n'oublie pas que Françoise Giroud en assura la direction jusqu'en 1953.
Beaucoup d'hommes feuillètent votre journal... J'en suis. J'y vois là l'un des signes, peut-être anecdotique mais révélateur, de l'évolution des moeurs.
Nous sommes tous d'accord, je le crois, sur un constat : depuis cinquante ans, la cause des femmes a davantage progressé qu'en cinq siècles.
D'Olympe de Gouges en 1789 - qui écrivait que si « La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit aussi avoir celui de monter à la tribune» - au droit de vote des femmes en 1945, du manifeste des 343 en 1971 à l'engagement de Simone Veil en 1975, le combat a été long, il a été très long mais il n'a pas été vain.
Que la moitié de l'humanité ait eu ainsi à se battre pour obtenir tout simplement ce qui lui est dû, voilà bien le symbole d'une incroyable injustice. Une injustice qui n'est que partiellement réparée, puisque que dans bien des parties du monde les droits de la femme sont encore et toujours bafoués.
En France, le combat pour les droits est en partie gagné, mais il reste le combat pour les faits et le combat dans les faits !
Et c'est là le second constat, je crois, que nous pouvons dresser ensemble.
Dans le monde du travail comme dans la politique, il existe un plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder normalement et en nombre aux postes de responsabilité.
Des inégalités de salaires persistent.
Concilier la vie professionnelle et la vie familiale demeure souvent un véritable parcours d'obstacles.
La femme moderne est libre, mais ses charges sont lourdes, obligée de jongler qu'elle est entre l'éducation des enfants, le travail, la gestion du foyer, et au surplus, avec l'obligation - comme y invite votre magazine - d'être toujours plus féminine...
Enfin, dans ce constat, comment oublier ces violences, comment oublier ces discriminations qui condamnent encore trop de femmes au silence, à la soumission, et parfois même à la mort.
J'ai reçu récemment une lettre poignante d'une jeune fille qui habite dans le Vaucluse, et qui me décrit dans cette lettre ce «jeu» cruel qui consiste, avec un élastique, à projeter des lames de rasoir dans les jambes des adolescentes qui portent des jupes courtes. Cela se passe dans son quartier, en France, dans le département du Vaucluse, au XXIème siècle.
Voilà, en quelques mots, la situation : d'un côté de formidables progrès qui ont permis l'émancipation des femmes; et de l'autre, des difficultés concrètes et parfois douloureuses auxquelles le gouvernement doit s'efforcer de répondre.
Il y a d'abord la question de l'égalité professionnelle.
Question lancinante que nous avons décidé de hisser au plus haut niveau des principes de notre droit.
C'est mon Gouvernement qui a inscrit dans la Constitution l'égalité professionnelle qui est désormais un principe de rang constitutionnel.
Cela aura des incidences : cela va renforcer notre bloc de constitutionnalité, puisque désormais toute loi devra se plier à ce principe et dans le cas contraire elle pourra être annulée.
Et comme vous le savez, avec la réforme constitutionnelle de juillet 2008, les justiciables eux-mêmes pourront désormais saisir le Conseil Constitutionnel, directement, alors qu'avant il ne s'agissait que d'un pouvoir laissé aux parlementaires, et qui ne pouvait donc s'adresser qu'aux textes à venir et pas aux lois votées dans le passé. Cette inscription dans la Constitution aura avec le temps des conséquences considérables.
D'autre part, la loi de 2006 sur l'égalité salariale prévoit que les accords collectifs dans l'entreprise doivent définir les mesures qui permettent de supprimer les écarts de salaires avant le 31 décembre 2010.
Nous avons sollicité les partenaires sociaux sur ce sujet.
Ils ont une obligation de résultat, il y a une date : le 31 décembre 2010, et dans le cas où ils ne soient pas en mesure de se mettre d'accord, les entreprises qui ne respectent pas la loi seront soumises à des sanctions et à des pénalités financières.
Le document d'orientation que nous avons adressé aux partenaires sociaux en novembre dernier pose aussi la question du temps partiel, celle du régime des heures complémentaires et celle de l'adaptation du cadre légal sur le temps partiel familial.
Il suggère également la création d'un entretien de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle pour traiter concrètement de toutes ces questions.
La balle est donc dans le camp des partenaires sociaux qui n'ont pas encore répondu à cette sollicitation du gouvernement. Comme sur tous ces sujets, ils savent que s'ils ne se saisissent pas eux-mêmes de la question que le gouvernement leur a posée, alors il faudra en passer par de nouveaux textes législatifs, de nouvelles obligations qui s'imposeront aux partenaires sociaux.
La conciliation de la vie professionnelle et familiale me conduit à évoquer le problème de la garde des enfants.
Nous nous sommes engagés à créer 200 000 places supplémentaires pour 2012 : 100 000 chez les assistantes maternelles et 100 000 dans les services d'accueil collectifs, ce qui représente une progression de près de 8 % par an des crédits du Fonds d'action sociale de la CNAF sur la période 2009-2012, soit environ 2 milliards d'euros.
En 2009, plus de 13 000 places de crèche ont été créées et 32 000 enfants supplémentaires ont été accueillis en accueil collectif; en outre 21 000 enfants supplémentaires ont été accueillis chez les assistantes maternelles.
Je sais que vous militez pour un effort encore plus significatif et pour des engagements plus élevés à l'horizon 2017.
Je suis simplement obligé de vous répondre que le coût pour les finances publiques et l'incapacité matérielle de construire plus de places, plus vite en tout cas, fixent un certain nombre de limites qu'il faut ensemble que nous essayions de repousser.
En 2009, le Gouvernement a réformé le crédit impôt famille bénéficiant aux entreprises pour le recentrer sur la création de crèches : c'est un sujet sur lequel notre pays est très en retard, il existe 6 000 places de crèche d'entreprise en 2009, 1 500 places nouvelles ont été créées. On voit qu'on est encore très loin des objectifs que nous devons nous fixer dans ce sens.
Nous encourageons les initiatives concrètes avec l'Observatoire de la parentalité.
C'est l'esprit de la charte de la parentalité en entreprise, qui a été signée le 1er décembre par le gouvernement et plus de 150 grandes entreprises.
La troisième question, largement évoquée par votre journal, et que Simone vient à l'instant de citer, c'est celle de l'égalité d'accès aux hautes responsabilités, qu'elles soient politiques ou qu'elles soient économiques.
C'est vrai que nous partons de loin. Vous allez considérer qu'il s'agit là d'un alibi mais en 1959, dans le gouvernement de Michel Debré, Simone, il y avait 1 femme.
Dans celui de Pierre Mauroy, il en avait 7 sur 43.
Dans le gouvernement que j'ai l'honneur de présider, il y en a 13 sur 39 - dont la ministre de l'Economie, la ministre de la Justice, celle de la Santé, bref des ministères cruciaux. Je pense que même si nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, le temps des femmes alibis est heureusement fini, et c'est un atout pour le Gouvernement car je crois à la complémentarité des sensibilités, je crois comme Simone Veil qui l'a dit à l'instant que les hommes et les femmes sont différents, et je le ressens dans la conduite du Gouvernement, cette complémentarité des sensibilités est un atout pour notre démocratie.
Ceci étant dit, avec environ 15 % de femmes élues au Parlement, la France fait très mauvaise figure en Europe. Elle se situe à la 18ème place sur 27. Je sais que pour faire avancer la parité, beaucoup d'entre vous défendent le principe de la proportionnelle.
Je sais aussi que je vais vous décevoir car j'y suis profondément hostile s'agissant des élections législatives. Pour une raison très simple : c'est que je pense que l'acquis le plus important de la Ve République et des institutions que le Général De Gaulle nous a légué, c'est la stabilité politique. Notre pays a été pendant des années et des années incapable de faire émerger des majorités capables de gouverner le pays sur la durée et ce mode de scrutin est un gage de stabilité politique.
En revanche, je suis favorable à un renforcement très dur des pénalités financières pour les partis qui ne respectent pas la parité. Vous avez dit tout à l'heure : au fond, les partis politiques préfèrent payer, c'est très simple il suffit de mettre en place des dispositifs financiers qui soient insupportables. On préfère payer quand c'est encore possible de le supporter. Lorsque cela ne le sera plus, je suis convaincu que c'est l'ensemble des partis politiques qui progresseront dans ce domaine. Au fond, c'est le chemin normal qui doit être suivi, parce que les partis politiques sont le coeur de la démocratie et c'est au sein des partis politiques que ce combat doit être conduit. C'est l'esprit de la proposition de loi de Chantal Brunel que je soutiens.
Il y a enfin un point sur lequel je veux attirer votre attention: c'est celui de la réforme des collectivités territoriales.
Avec cette réforme, la parité va progresser dans les conseils municipaux des 13 000 communes de 500 à 3 500 habitants puisque leurs conseillers ne seront plus élus au scrutin uninominal mais sur des listes bloquées comportant obligatoirement la moitié de femmes, ce qui se traduira par 30 à 40 000 conseillères municipales de plus à partir de mars 2014.
D'expérience, je puis vous dire que plus il y aura de femmes assumant des fonctions locales plus elles seront nombreuses aux élections nationales.
Quant au projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux, il impose à chaque candidat au scrutin uninominal le choix d'un remplaçant de sexe opposé.
Concernant la place des femmes aux postes de responsabilité économique, là encore il y a beaucoup de progrès à faire, notamment au sein des conseils d'administration des grandes entreprises.
La proposition de loi de madame Zimmermann qui prévoit 40 % de femmes, a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 20 janvier dernier. Elle doit maintenant être examinée par le Sénat dans les toutes prochaines semaines: l'adoption de ce texte est une priorité !
Je mesure bien que seule une pression législative pouvait faire bouger rapidement les choses. Et d'ailleurs, c'est bien ce que l'on voit puisque à peine le texte a-t-il été voté par l'Assemblée nationale, qu'un code vient d'être adopté par l'Association française des entreprises privées et par le Medef.
Ce changement se manifeste puisque des administratrices viennent d'être nommées dans de grandes entreprises. Nous sommes en France à 10 %, la moyenne de l'Union européenne est de 10 % et aux Etats-Unis on est à 15 %.
Enfin, il y a une dernière question que je souhaitais aborder avec vous: c'est celle du respect de la femme.
Respect face au fléau de la violence, respect face aux stéréotypes dégradants, respect aussi face à la pratique du voile intégral.
En France, tous les trois jours, une femme meurt victime de violences conjugales
Des femmes n'osent pas parler... Leur entourage ferme les yeux. Il faut, c'est un combat prioritaire, dénoncer la violence et libérer la parole !
Nous avons créé en 2007 le numéro de téléphone unique pour les victimes et témoins de violences conjugales : le 3919.
J'ai décidé que la lutte contre les violences faites aux femmes serait déclarée grande cause nationale en 2010, ce qui permet notamment un accès facilité aux grands médias pour faire passer des messages de sensibilisation.
Vous savez qu'il existe des places d'hébergement d'urgence, notamment 12 000 places en CHRS.
Mais notre politique doit consister prioritairement à permettre aux femmes de rester chez elles et d'évincer le conjoint violent.
Le projet de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes, qui a été voté, c'est suffisamment rare pour le souligner à l'unanimité à l'Assemblée nationale, va maintenant passer au Sénat : il garantit une plus grande sécurité pour les femmes, notamment grâce au dispositif du bracelet électronique permettant d'assurer l'éloignement effectif du conjoint violent.
Un mot aussi sur l'image de la femme.
C'est un sujet sensible, et loin de moi l'idée de sombrer dans la pudibonderie, mais je veux vous dire que je suis parfois choqué par les stéréotypes féminins véhiculés dans certaines fictions, dans certaines publicités, dans certains clips.
Il m'arrive d'être consterné par une vulgarité insidieuse, mais dégradante et abaissante.
L'intérêt de l'observatoire mis en place autour de Michèle Reiser est évident : il s'agit d'identifier ces stéréotypes pour mieux les dénoncer, et au fond, pour les "ringardiser". Son travail est un travail original et un travail utile, et je suis heureux qu'elle puisse le poursuivre aux côtés de Nadine Morano.
Enfin, permettez-moi un mot sur le voile intégral.
En matière d'égalité et de dignité, la France a souvent fait figure de pionnière, en Europe et dans le monde.
C'est ainsi que nous avons été les premiers à légiférer en 2004 sur le voile, à l'école publique.
Il y a eu beaucoup d'hésitation à l'époque, beaucoup d'inquiétude sur la validité juridique des mesures que nous prenions, sur les conséquences que ces mesures pouvaient avoir sur les jeunes filles ; on disait qu'elles n'iraient plus à l'école, qu'elles seraient enfermées, qu'elles se retrouveraient dans des établissements religieux. Rien de tout cela ne s'est produit, et la réalité c'est que cette loi sur le voile à l'école a été un vrai succès, c'est d'ailleurs tellement un succès que personne n'en parle plus. Et nous avons offert la possibilité à toutes ces jeunes filles de comprendre qu'il ne s'agissait en rien d'une fatalité, il ne s'agissait en rien d'une obligation religieuse, puisque à l'école elles voyaient qu'elles pouvaient y être soustraites et qu'elles avaient les mêmes droits que les garçons et que les autres jeunes filles.
Et bien aujourd'hui, nous devons traiter la question du voile intégral parce que personne ne peut rester indifférent au sort de ces femmes emmurées, condamnées à vivre cachées, sans relations sociales et évidemment sans aucun avenir professionnel.
On dit que 2 000 personnes sont concernées, certains diront que c'est très peu mais est-ce qu'il faut attendre que ce chiffre augmente pour défendre nos valeurs ?
Est-ce que l'on peut rester sourd à l'appel de ces jeunes filles des cités qui nous demandent - de légiférer pour les défendre dans leurs libertés ?
Nous avons avec le Président de la République, longuement mûri notre décision.
Nous avons décidé de légiférer de façon large, de façon claire et de façon progressive :
* large afin d'interdire le port du voile intégral sur tout le territoire de la République, d'interdire la dissimulation du visage;
* de façon claire, en nous appuyant sur le respect des exigences fondamentales du "vivre ensemble", qui sont indissociables de la dignité de la personne et qui sont ancrées dans le contrat social qui fonde notre Constitution;
* et enfin, de façon progressive, en proposant un délai de 6 mois avant que les sanctions ne s'appliquent, ce délai permettant une mise en oeuvre sereine, et la possibilité en particulier avec les associations qui représentent la communauté musulmane de mettre en oeuvre toutes les médiations nécessaires.
Je souhaite que sur ce sujet, nous puissions dégager un consensus.
Je crois que, face au danger du repli communautariste, il faut agir ensemble pour la République citoyenne.
Face à la discrimination, il faut réaffirmer l'égalité des hommes et des femmes.
C'est un combat permanent, je sais que c'est votre combat, et je voudrais vous féliciter d'avoir organisé ces Etats généraux qui contribuent à forcer les lignes de notre société.
Source http://www.gouvernement.fr, le 10 mai 2010