Texte intégral
C'est un honneur d'être aujourd'hui parmi vous au Mont Valérien, pour inaugurer aux cotés d'Hubert Falco, le centre d'information et l'exposition permanente « résistance et répression 1940-1944 », en présence de toutes celles et tous ceux qui se sont investis pour que le Mont Valérien porte le message de la résistance face à la barbarie nazie. J'ai bien sûr une reconnaissance toute particulière pour les représentants des associations et des familles des héros morts pour la France et pour le travail remarquable effectué par les membres de la Commission du Mont Valérien, les membres de son comité scientifique, et la Direction de la Mémoire du ministère de la Défense.
"Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix, non seulement ils auront le déshonneur mais ils auront aussi la guerre". Ces mots, ce sont ceux de W. Churchill, au lendemain de la signature des accords de Munich par Chamberlain et Daladier, Hitler et Mussolini en septembre 1938. La France a vécu au plus profond de sa chair l'affirmation prémonitoire de Winston Churchill.
Mais dans cette France qui vivait l'humiliation de l'occupation et la déchéance de la collaboration, alors que régnait un climat de haine et de peur, alors que l'humanité connaissait une des heures les plus sombres de son histoire, certains dirent « non » : « non » à la barbarie, « non » à l'asservissement, « non » au renoncement.
« non » à la puissance de la force inhumaine.
Ces hommes et ces femmes d'exception, qui firent le choix de s'engager aux cotés du Général de Gaulle en 1940, venaient de tous les horizons. Ils étaient gaullistes et communistes, héros et anonymes, ouvriers, intellectuels, instituteurs, ou encore étudiants... Ils étaient français, mais aussi arméniens, espagnols, polonais, hongrois ou même allemands... mais ils se retrouvaient unis autour d'un même idéal : la liberté, et la dignité. Que la France recouvre son âme.
Entre mars 1941 et août 1944, plus de 1000 d'entre eux ont été fusillés ici, dans cette clairière qui fut le principal théâtre des exécutions de résistants et d'otages.
Traqués, torturés, condamnés, exécutés, ces hommes ont défendu une certaine idée de la France jusqu'au sacrifice suprême. Nous leur en sommes redevables à jamais.
Mesdames et Messieurs,
La résistance, c'est d'abord le refus du déshonneur. C'est grâce à l'engagement de ces combattants que la France a pu compter parmi les vainqueurs en 1945. Après la honte de la collaboration, ce sont les résistants qui ont rendu à la France sa dignité et c'est cette dignité qui nous a permis de recouvrer très rapidement notre souveraineté, ou d'être membre permanent du conseil de sécurité des Nations Unies. La résistance ce fut en quelque sorte la capacité pour notre pays, sans le savoir en 1940 ou l'exprimer consciemment, de porter une véritable ambition ; non seulement de retrouver son indépendance, mais aussi de permettre à la France de porter son message et ses valeurs sur la scène internationale.
La résistance, c'est aussi une leçon pour l'avenir.
Mesdemoiselles et messieurs les élèves du Lycée Paul Langevin de Suresnes, vous qui avez bien voulu vous associer à cette cérémonie, cette rencontre est l'occasion pour nous, de vous transmettre cette mémoire de la résistance, de vous léguer l'héritage moral de vos ainés, mais aussi de vous encourager à méditer sur cette partie sombre de l'histoire de France.
Pour ma part, je vous invite à garder à l'esprit trois enseignements, même s'il y en a bien d'autres :
Le premier enseignement, c'est que la sécurité et la paix ne sont jamais acquises.
Dans les années 20, on pensait que le monde avait appris. On pensait que les nations qui avaient vu naitre les plus grands philosophes et intellectuels avaient enfin compris que la folie meurtrière de la guerre et des jeux de puissance conduisaient l'Europe à l'anéantissement. Les guerres civiles européennes que dénonçait Hugo. «Plus jamais ça » des anciens combattants ne fut qu'un rêve sans lendemain. L'Europe allait être le théâtre de l'inhumanité la plus absolue.
On pensait la France invincible. On pensait que nul ne pouvait rivaliser avec les vainqueurs de 1918. Et pourtant, en quelques semaines, notre pays allait voir ses armées en déroute, puis connaître l'humiliation de l'occupation et l'avilissement de la collaboration.
Le deuxième enseignement, c'est que pour défendre nos valeurs de paix, de dignité de l'homme et de liberté, il ne faut pas seulement de grandes idées ou de belles paroles. Il y a 70 ans, les démocraties ont payé au prix fort d'avoir trop baissé leur garde, d'avoir trop tardé à réagir face à la barbarie nazie.
Bien sur, je vous parle d'un monde qui vous paraît déjà ancien, vous qui avez trop connu la paix ou qui pensez que la guerre est exclue du sol européen. Mais si les menaces changent, le défi reste le même : adapter sans cesse notre Défense pour que la France puisse tenir son rang et assurer ses responsabilités au service de la paix et de la sécurité du monde. Aujourd'hui, je suis fier, avec Huber Falco, de mener une réforme sans précédent au ministère de la Défense, une réforme qui permettra à notre armée d'être encore plus efficace et toujours mieux équipée. Je crois profondément, même en période de crise et de difficultés budgétaires, comme celles que nous connaissons, que l'investissement que notre pays consacre à sa Défense est aujourd'hui comme hier un effort nécessaire pour que la voix singulière de la France soit entendue dans le monde entier et pour que notre souveraineté soit respectée dans les décennies à venir.
Non, contrairement à ce qu'on entend parfois, la dépense de Défense n'est pas une dépense exorbitante ou somptuaire. Elle assure et garantit notre avenir car l'histoire nous l'a enseigné, les civilisations sont aussi mortelles.
Enfin le dernier enseignement que je vous invite à retenir, c'est qu'il ne faut jamais désespérer de l'homme. Au plus profond de la barbarie nazie, vos ainés ont eu la lucidité de conserver une confiance inébranlable dans l'avenir. Je voudrais citer les mots de Missak Manouchian dans la dernière lettre qu'il a écrite avant d'être fusillé : « Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous ! »
Cette paix et cette fraternité qu'évoque Missak Manouchian, nous l'avons concrétisée à travers la création de l'Europe.
Après deux guerres mondiales, les totalitarismes, l'holocauste, la guerre froide, l'Europe est enfin réconciliée avec elle-même. Les ennemis d'hier sont devenus nos alliés et sont aujourd'hui nos amis. L'Europe est un modèle pour le monde entier. Nous sommes sortis de la compétition - pour nous mortelle - entre les Etats, pour construire un modèle de coopération solidaire ; nous avons construit un système reposant sur l'idée que la puissance ne se mesure pas seulement sur les instruments traditionnels, mais sur sa capacité commerciale, technologique et normative d'innovation.
Nous avons construit un système juridique qui s'impose aux Nations européennes et auquel les citoyens européens peuvent faire appel dans leurs relations avec les Etats. Nous avons enfin, et surtout, construit un système de valeurs qui sait concilier liberté et sécurité, liberté et égalité, égalité et respect de la diversité. Ce système il ne faut pas seulement le protéger mais le proposer au monde car il est pour moi le meilleur.
Face aux défis de la planète - le réchauffement climatique, la fracture croissante entre le Nord et le Sud, la lutte contre la pauvreté, l'incompréhension grandissante entre l'Islam et l'Occident, la raréfaction des mati??res premières - notre modèle doit inspirer la construction d'un monde qui ne pourra pas prospérer sur la compétition meurtrière à terme entre les Etats, mais devra penser un nouveau modèle de coopération entre ces Etats comme l'a fait l'Europe.
Cette Europe, puissance politique à laquelle j'aspire, doit parler défense et politique étrangère, car les Etats européens ont non seulement des intérêts communs, mais aussi un destin commun. C'est aussi cela Mesdames et Messieurs, le message du Mont Valérien.
Mesdames et Messieurs,
Le Mont valérien rend hommage aux combattants d'une épopée qui a sauvé la France du déshonneur et défendu les valeurs essentielles de l'humanité.
En léguant leurs archives, les familles des fusillés, que je voudrais remercier ici pour leur précieuse contribution, ont voulu partager avec vous la mémoire de ces héros à qui nous devons le plus profond respect et une éternelle reconnaissance.
Je voudrais que chaque Française et chaque Français se souvienne de ce qu'il doit à ces femmes et à ces hommes qui préférèrent mourir debout plutôt que vivre à genoux. Je voudrais que chacun d'entre nous garde en mémoire les valeurs pour lesquelles ils se sont battus, car ce sont les fondements de notre identité, les repères qui doivent nous guider et la vision que nous voulons porter.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mai 2010
"Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix, non seulement ils auront le déshonneur mais ils auront aussi la guerre". Ces mots, ce sont ceux de W. Churchill, au lendemain de la signature des accords de Munich par Chamberlain et Daladier, Hitler et Mussolini en septembre 1938. La France a vécu au plus profond de sa chair l'affirmation prémonitoire de Winston Churchill.
Mais dans cette France qui vivait l'humiliation de l'occupation et la déchéance de la collaboration, alors que régnait un climat de haine et de peur, alors que l'humanité connaissait une des heures les plus sombres de son histoire, certains dirent « non » : « non » à la barbarie, « non » à l'asservissement, « non » au renoncement.
« non » à la puissance de la force inhumaine.
Ces hommes et ces femmes d'exception, qui firent le choix de s'engager aux cotés du Général de Gaulle en 1940, venaient de tous les horizons. Ils étaient gaullistes et communistes, héros et anonymes, ouvriers, intellectuels, instituteurs, ou encore étudiants... Ils étaient français, mais aussi arméniens, espagnols, polonais, hongrois ou même allemands... mais ils se retrouvaient unis autour d'un même idéal : la liberté, et la dignité. Que la France recouvre son âme.
Entre mars 1941 et août 1944, plus de 1000 d'entre eux ont été fusillés ici, dans cette clairière qui fut le principal théâtre des exécutions de résistants et d'otages.
Traqués, torturés, condamnés, exécutés, ces hommes ont défendu une certaine idée de la France jusqu'au sacrifice suprême. Nous leur en sommes redevables à jamais.
Mesdames et Messieurs,
La résistance, c'est d'abord le refus du déshonneur. C'est grâce à l'engagement de ces combattants que la France a pu compter parmi les vainqueurs en 1945. Après la honte de la collaboration, ce sont les résistants qui ont rendu à la France sa dignité et c'est cette dignité qui nous a permis de recouvrer très rapidement notre souveraineté, ou d'être membre permanent du conseil de sécurité des Nations Unies. La résistance ce fut en quelque sorte la capacité pour notre pays, sans le savoir en 1940 ou l'exprimer consciemment, de porter une véritable ambition ; non seulement de retrouver son indépendance, mais aussi de permettre à la France de porter son message et ses valeurs sur la scène internationale.
La résistance, c'est aussi une leçon pour l'avenir.
Mesdemoiselles et messieurs les élèves du Lycée Paul Langevin de Suresnes, vous qui avez bien voulu vous associer à cette cérémonie, cette rencontre est l'occasion pour nous, de vous transmettre cette mémoire de la résistance, de vous léguer l'héritage moral de vos ainés, mais aussi de vous encourager à méditer sur cette partie sombre de l'histoire de France.
Pour ma part, je vous invite à garder à l'esprit trois enseignements, même s'il y en a bien d'autres :
Le premier enseignement, c'est que la sécurité et la paix ne sont jamais acquises.
Dans les années 20, on pensait que le monde avait appris. On pensait que les nations qui avaient vu naitre les plus grands philosophes et intellectuels avaient enfin compris que la folie meurtrière de la guerre et des jeux de puissance conduisaient l'Europe à l'anéantissement. Les guerres civiles européennes que dénonçait Hugo. «Plus jamais ça » des anciens combattants ne fut qu'un rêve sans lendemain. L'Europe allait être le théâtre de l'inhumanité la plus absolue.
On pensait la France invincible. On pensait que nul ne pouvait rivaliser avec les vainqueurs de 1918. Et pourtant, en quelques semaines, notre pays allait voir ses armées en déroute, puis connaître l'humiliation de l'occupation et l'avilissement de la collaboration.
Le deuxième enseignement, c'est que pour défendre nos valeurs de paix, de dignité de l'homme et de liberté, il ne faut pas seulement de grandes idées ou de belles paroles. Il y a 70 ans, les démocraties ont payé au prix fort d'avoir trop baissé leur garde, d'avoir trop tardé à réagir face à la barbarie nazie.
Bien sur, je vous parle d'un monde qui vous paraît déjà ancien, vous qui avez trop connu la paix ou qui pensez que la guerre est exclue du sol européen. Mais si les menaces changent, le défi reste le même : adapter sans cesse notre Défense pour que la France puisse tenir son rang et assurer ses responsabilités au service de la paix et de la sécurité du monde. Aujourd'hui, je suis fier, avec Huber Falco, de mener une réforme sans précédent au ministère de la Défense, une réforme qui permettra à notre armée d'être encore plus efficace et toujours mieux équipée. Je crois profondément, même en période de crise et de difficultés budgétaires, comme celles que nous connaissons, que l'investissement que notre pays consacre à sa Défense est aujourd'hui comme hier un effort nécessaire pour que la voix singulière de la France soit entendue dans le monde entier et pour que notre souveraineté soit respectée dans les décennies à venir.
Non, contrairement à ce qu'on entend parfois, la dépense de Défense n'est pas une dépense exorbitante ou somptuaire. Elle assure et garantit notre avenir car l'histoire nous l'a enseigné, les civilisations sont aussi mortelles.
Enfin le dernier enseignement que je vous invite à retenir, c'est qu'il ne faut jamais désespérer de l'homme. Au plus profond de la barbarie nazie, vos ainés ont eu la lucidité de conserver une confiance inébranlable dans l'avenir. Je voudrais citer les mots de Missak Manouchian dans la dernière lettre qu'il a écrite avant d'être fusillé : « Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous ! »
Cette paix et cette fraternité qu'évoque Missak Manouchian, nous l'avons concrétisée à travers la création de l'Europe.
Après deux guerres mondiales, les totalitarismes, l'holocauste, la guerre froide, l'Europe est enfin réconciliée avec elle-même. Les ennemis d'hier sont devenus nos alliés et sont aujourd'hui nos amis. L'Europe est un modèle pour le monde entier. Nous sommes sortis de la compétition - pour nous mortelle - entre les Etats, pour construire un modèle de coopération solidaire ; nous avons construit un système reposant sur l'idée que la puissance ne se mesure pas seulement sur les instruments traditionnels, mais sur sa capacité commerciale, technologique et normative d'innovation.
Nous avons construit un système juridique qui s'impose aux Nations européennes et auquel les citoyens européens peuvent faire appel dans leurs relations avec les Etats. Nous avons enfin, et surtout, construit un système de valeurs qui sait concilier liberté et sécurité, liberté et égalité, égalité et respect de la diversité. Ce système il ne faut pas seulement le protéger mais le proposer au monde car il est pour moi le meilleur.
Face aux défis de la planète - le réchauffement climatique, la fracture croissante entre le Nord et le Sud, la lutte contre la pauvreté, l'incompréhension grandissante entre l'Islam et l'Occident, la raréfaction des mati??res premières - notre modèle doit inspirer la construction d'un monde qui ne pourra pas prospérer sur la compétition meurtrière à terme entre les Etats, mais devra penser un nouveau modèle de coopération entre ces Etats comme l'a fait l'Europe.
Cette Europe, puissance politique à laquelle j'aspire, doit parler défense et politique étrangère, car les Etats européens ont non seulement des intérêts communs, mais aussi un destin commun. C'est aussi cela Mesdames et Messieurs, le message du Mont Valérien.
Mesdames et Messieurs,
Le Mont valérien rend hommage aux combattants d'une épopée qui a sauvé la France du déshonneur et défendu les valeurs essentielles de l'humanité.
En léguant leurs archives, les familles des fusillés, que je voudrais remercier ici pour leur précieuse contribution, ont voulu partager avec vous la mémoire de ces héros à qui nous devons le plus profond respect et une éternelle reconnaissance.
Je voudrais que chaque Française et chaque Français se souvienne de ce qu'il doit à ces femmes et à ces hommes qui préférèrent mourir debout plutôt que vivre à genoux. Je voudrais que chacun d'entre nous garde en mémoire les valeurs pour lesquelles ils se sont battus, car ce sont les fondements de notre identité, les repères qui doivent nous guider et la vision que nous voulons porter.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mai 2010