Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "LCI" le 28 avril 2010, sur le traitement social du chômage, les difficultés pour les seniors de retrouver un emploi, l'avenir du RSA.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.-  Moins 0,2%, le bon chiffre du chômage en mars n'est-il pas un trompe-l'oeil, parce que les chiffres seraient moins bons si l'on comptait tous ceux qui ont travaillé quelques jours, donc qui sortent des chiffres, qui ne sont pas vraiment revenus vers l'emploi ?
 
Non, c'est au contraire une embellie qui est solide. C'est une embellie qui est solide, parce qu'on voit les offres d'emplois qui repartent à la hausse, parce qu'on voit le chômage des jeunes qui baisse maintenant depuis le cinquième mois consécutif, parce qu'on voit la diminution des licenciements. Donc on est vraiment, là, sur un signe qui devient très positif...
 
Sortie de crise ?
 
Sortie de crise non. Stabilisation très claire du chômage, embellie positive, confirmation que la France est avec l'Allemagne, un des pays qui s'en sort le mieux, incontestablement. Et puis, le point pour nous qui est intéressant, c'est que quand même, ça montre que l'objectif fixé par le président de la République et le Premier ministre, à savoir que dans le courant de 2010, on ait une inversion durable à la baisse du chômage, est parfaitement atteignable.
 
Regardons de plus près, le traitement social est quand même pour beaucoup dans ces bons chiffres, formations, stages, ce n'est pas vraiment de l'emploi ça...
 
Ça a été tout notre travail avec les partenaires sociaux. Dans la crise, quelqu'un qui perd son emploi, dans un secteur qui est en crise et qui ne réembauche plus, il faut absolument le former pour l'aider à se reconvertir. Il est donc indispensable, et il était indispensable de réactiver la machine à aider les gens à se reconvertir. C'est ce qu'on a fait, je pense que c'était aussi l'urgence dans cette crise. Quelqu'un qui perd son job dans le textile, si vous ne lui offrez pas une formation pour rebondir dans un autre secteur, il a peu de chances de retrouver un emploi. Et je crois que c'est aussi cette image qui paie, c'est ces fruits-là qu'on récolte, c'est une politique de l'emploi à l'initiative.
 
Les entreprises se sont jetées sur les contrats aidés, la facture donc augmente pour l'Etat - contrats initiative emploi, les contrats d'accompagnement. Est-ce que vous allez mettre le pied sur le frein parce que ça coûte trop cher ?
 
Sur les CIE notamment, je souhaite que les CIE soient plus concentrés sur les publics en difficulté, donc les jeunes et les demandeurs d'emploi de longue durée. Là, oui, parce que je pense que, autant quand on était dans le coeur de la crise, il fallait tout faire, quand on est dans un scénario de sortie de crise, il faut cibler sur ceux qui risquent de rester au bord de la route.
 
Les plus de 50 ans, pour eux, la situation s'aggrave. Que faire ?
 
Ne rien lâcher sur ce sujet. Vous savez, on paie vingt ans d'erreurs collectives sur cette question. Je rappelle, en 1997, M. Aubry finançait 200.000 départs en préretraite. C'est ce dispositif-là qui a tué l'emploi des plus de 50 ans dans ce pays. Donc ce qu'on essaie de faire, c'est de réinverser la tendance et de dire que les seniors ne sont pas un boulet pour une entreprise, c'est une chance. Avoir quelqu'un qui a de l'expérience, qui a un savoir-faire, c'est une chance. On ne s'est pas contentés de gentilles paroles, on a un dispositif qui est entré en vigueur depuis le début de l'année, et qui est destiné à obliger les entreprises à avoir des actions sur l'emploi des seniors. On travaille là-dessus avec E. Woerth.
 
L'accord est là pour les chômeurs en fin de droits ; la facture va être terrible !
 
C'est surtout l'action qui va être terrible. C'est-à-dire que ce qui va pour nous être très positif, c'est d'avoir enfin des outils pour s'occuper des demandeurs d'emploi en fin de droits. C'est un sujet auquel, finalement, on avait très peu fait face jusque-là, qu'on avait camouflé sous le tapis, qui gênait. Là, le Premier ministre, le président de la République ont demandé à ce qu'on ait un plan d'action. Ce plan d'action a fait l'objet d'un accord extrêmement majoritaire, tous les partenaires sociaux l'ont signé, et on a maintenant une boîte à outils qui va nous permettre de remettre sur le sentier de l'emploi des demandeurs d'emploi en fin de droits. L'embellie du marché de l'emploi va nous y aider, donc c'est au bon moment que ça va s'enclencher.
 
Il faudra changer le RSA, le métamorphoser, le supprimer ?
 
Non. Je pense que, en revanche, la volonté de M.-P. Daubresse de faire en sorte que dans le RSA, ce qui compte c'est l'aide au retour à l'activité avant tout, faire en sorte que ce soit un outil qui mène les gens vers l'emploi et pas un outil qui enferme dans l'assistanat. Ça, pour moi, qui suis de sensibilité de droite sociale, c'est très important.
 
Pendant ce temps-là, le médiateur de Pôle Emploi a claqué la porte, ses propositions de réorganisation n'ont pas été écoutées. Que lui répondez-vous ?
 
Un, je le regrette. Et deux, je le répète, pour moi, c'est essentiel d'avoir un médiateur. J'ai voulu qu'il y ait un médiateur à Pôle Emploi, ça me semble essentiel dans une organisation et dans une structure administrative comme Pôle Emploi d'être à l'écoute des demandeurs d'emploi, d'être capable aussi de se remettre en cause. Tout ne va évidemment pas bien, on a évidemment des champs d'amélioration, et donc je souhaite, et je l'ai demandé très clairement à la direction de Pôle Emploi, que dans les toutes prochaines semaines, un nouveau médiateur objectif, indépendant, puisse être là pour faire ce lien avec les demandeurs d'emploi.
 
Dix milliards en 2010, quatorze milliards en 2011, confirmez-vous ces chiffres de déficits prévus pour l'assurance chômage ?
 
L'assurance chômage est gérée par les partenaires sociaux, c'est extrêmement difficile d'avoir des prévisions qui soient au centime près, parce que tout dépend de la conjoncture. Mais il est normal qu'en période de crise, l'assurance chômage soit en déficit, c'est son rôle, elle est là pour amortir le choc. En revanche, ce qui est important à surveiller, c'est qu'en période d'amélioration de cycle, il faut que l'assurance chômage retrouve son équilibre. Donc on est sur un mécanisme où, finalement, c'est les amortisseurs sociaux qui ont joué, c'est aussi ce qui a permis à notre pays d'amortir le mieux le choc de la crise.
 
Confirmez-vous la date du 10 mai pour le prochain sommet social à l'Elysée, entre partenaires sociaux et président de la République ?
 
Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on aura un sommet social début mai, oui. Et il est sûr aussi que ce sommet social aura pour objectif principal de faire un point sur les mesures de l'emploi. Après, comme vous vous en doutez, ce n'est pas moi qui fixe les dates à l'Elysée.
 
Vous attendez quoi ? De voir si le 1er mai mobilise, de voir si...
 
Non, je crois que c'est juste le fait, vous savez, un sommet social, il y a beaucoup de monde autour de la table, il y a tous les partenaires sociaux, il y a le président de la République, le Premier ministre, les membres du Gouvernement, ça ne se cale pas comme ça.
 
Vous êtes optimiste, mais est-ce qu'on ne va pas vers une catastrophe ? La Bourse est en chute libre, après la Grèce, le Portugal, est-ce que la France ne va pas plonger dans une nouvelle crise dans la crise ?
 
Monsieur Barbier, je ne suis pas optimiste, je suis déterminé. Cela fait deux ans qu'on se bat sur le front de l'emploi, ça a été deux années qui ont été extrêmement difficiles. On commence maintenant à voir les fruits de nos efforts. On a, avec ce mois, le meilleur chiffre qu'on n'a jamais eu depuis deux ans. Donc on commence vraiment à récolter tout ça.
 
Mais une autre crise arrive depuis la Grèce...
 
Sur la question de la Grèce, en tout cas, il est évident qu'on doit défendre notre monnaie. La Grèce, ce n'est pas seulement la Grèce, c'est l'euro. Donc l'objectif qui a été fixé par C. Lagarde, c'est de défendre et de faire en sorte qu'on ait un plan de soutien appliqué à la Grèce. Confiant mais exigeant.
 
Vous parliez de droite sociale, eh bien, vous devez être content, M. Aubry pense comme vous, elle est pour la société du bien-être, du "care". Vous l'applaudissez ?
 
Je vais vous dire surtout ce qui me frappe. J'ai été très choqué par les propos qu'a tenus M. Aubry sur les retraites. Le PS est un parti de gouvernement, les retraites sont un enjeu pour nous d'intérêt général majeur où le Gouvernement a fait le choix d'une concertation très ouverte. Et M. Aubry a dit : "moi, j'ai des propositions, mais je les garde pour moi, parce que je ne voudrais pas que quelqu'un me les prenne". C'est un comportement de cour de récréation ! Et je pense qu'il est temps que le PS, au-delà des concepts fumeux, type société du "care", assume de faire face à la difficulté, et notamment dans le champ du social. Oui, les retraites, c'est un dossier difficile, oui, ça suppose de prendre ses responsabilités, mais il est temps que le PS soit à la hauteur de l'enjeu, et ne fuie pas l'obstacle.
 
Un mot sur la burqa. Là, M. Aubry fait face aux difficultés, elle veut bien voter une loi si le Gouvernement respecte les consignes du Conseil d'Etat, pour que la loi ne soit pas annulée.
 
Non, mais que ce soit sur la burqa ou la polygamie, on a exactement le même comportement, le PS est mal à l'aise, se dérobe, fuit l'obstacle. Sur la burqa, pour l'instant, la seule chose qu'ils disent, c'est : la résolution, oui, on peut la voter. Moi, j'espère qu'ils voteront la loi, parce que je pense qu'on ne peut pas être contre la burqa et ne pas voter.
 
Une loi en urgence avant l'été, il faut faire ça très vite ?
 
Ça, c'est encore à discuter. En tout cas, ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il faut agir, et B. Hortefeux a raison de défendre, avec la détermination qui est la sienne, les valeurs de la République. On en a besoin.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 janvier 2010