Interview de M. Serge Lepelletier, secrétaire général du RPR, à France 2 le 29 mai 2001, sur le refus du PCF de voter en l'état le projet de loi de modernisation sociale et sur la nécessité de faire une politique européenne de l'environnement.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. David A propos de la modernisation sociale, le groupe communiste refuse de voter le texte en l'état et a demandé hier soir à L. Jospin de reculer le vote de ce texte. Regardez-vous ces "couacs" dans la majorité plurielle de façon amusée ?
- "La majorité plurielle passe progressivement à une majorité querelle. Il n'y a quasiment plus de majorité, on n'était jamais arrivé à ce niveau de conflits, de débats. Il y a vraiment une vraie crise politique aujourd'hui qui est tout simplement due à la marginalisation progressive d'un certain électorat, un électorat protestataire qui va chez Lutte ouvrière dans l'extrême-gauche, et un électorat transversal avec les Verts qui ne se reporte pas au second tour. Il y a aussi une crise de fond puisque L. Jospin navigue un petit peu à vue, fait le grand écart : quand il s'agit de la crise Michelin, il dit que l'Etat ne peut pas tout, et aujourd'hui, il veut quasiment réglementer."
Mais pas assez selon les communistes...
- "Pas assez selon les communistes, mais il fait le grand écart selon les rapports de force qu'il voit en face de lui. Ce qui est assez grave, c'est que sur la question de fond de l'avenir des entreprises, l'avenir social de notre pays, il n'a pas de ligne politique. C'est-à-dire qu'il répond à ce rapport de force et va un petit peu au gré du vent. C'est peut-être ce qui est le plus révélateur : il n'y a pas de ligne politique sur une question de fond."
Cette situation ne vous amuse donc pas. Pour vous, c'est plutôt grave ?
- "Ce n'est pas amusant en soi, parce que c'est l'avenir des entreprises qui est en cause. Il fait tout dans la précipitation. Il n'y a eu aucune concertation avec les partenaires sociaux sur cette loi de modernisation sociale et on n'atteint pas la cible qu'on veut atteindre. On dit qu'il faut limiter les licenciements dans les grandes entreprises. Or, que va-t-il se passer ? La loi de modernisation sociale reprend finalement un certain nombre de choses qui sont déjà faites dans les grandes entreprises. Par contre, on sait bien que quand un chef d'une petite entreprise licencie, ce n'est pas par plaisir. Là, c'est lui qu'on va atteindre, c'est la petite entreprise qu'on va pénaliser . Ce n'est donc pas du tout la cible que l'on voulait atteindre."
Si je vous comprends bien, L. Jospin a tout faux sur le terrain social. Est-ce que sur le terrain européen dont il a beaucoup parlé hier, il est juste, puisque finalement, quand on regarde les propositions de J. Chirac et celles de L. Jospin, on se rend compte qu'il y a quand même des points de convergence, sur une fédération d'Etats-nations, sur des pouvoirs accrus donnés aux parlements nationaux ? Aurait-il tout juste parce qu'il rejoint un tant soit peu les positions du chef de l'Etat ?
- "Par rapport à un discours qui était très attendu, ce discours manque de force et même de souffle sur deux points. D'abord, il n'y a pas de vraie ligne politique, c'est un peu un catalogue d'ensemble de mesures qui oublie quelquefois l'essentiel : on n'a quasiment pas parlé d'environnement. Comment faire une politique environnementale sans passer par l'Europe ? De plus, il n'y a quasiment pas d'idées nouvelles. Il y a des idées intéressantes, c'est vrai, mais par rapport à un discours qui était très attendu, il n'y a quasiment pas d'idées nouvelles. Il a oublié deux choses qui me semblent essentielles aujourd'hui, notamment le lien avec les citoyens. Aujourd'hui, le problème de l'Europe est que les citoyens français, anglais, allemands, ne se sentent pas concernés. Connaît-on aujourd'hui son député européen ? Qui peut dire qui est son député européen ? C'est une vraie question qui n'a pas été posée par L. Jospin. Aujourd'hui, si on veut que l'Europe soit reconnue, il faut que quelqu'un puisse répondre, que l'on connaisse qui la représente. Cela concerne le mode de scrutin du député européen."
Quand il évoque la création d'un congrès à partir des parlements nationaux justement, c'est peut-être pour essayer de rapprocher les citoyens de l'Europe ?
- "C'est l'idée un peu générale d'une deuxième chambre qui est reprise depuis une dizaine d'années. C'est assez intéressant mais ce qui compte aujourd'hui, c'est que le citoyen européen, pour qu'il se sente concerné, puisse avoir un interlocuteur, quelqu'un qui représente l'Europe, à qui parler. Or, aujourd'hui, qui connaît son député européen ? Personne. Il faut créer ce lien."
Quelles sont les propositions que vous pouvez faire de ce point de vue ?
- "Sur le mode d'élection du député européen, il faut aller vers un mode d'élection comme le député français, c'est-à-dire qu'il y ait un scrutin majoritaire, avec une circonscription, qu'on ait quelqu'un à qui parler et qui rende des comptes, qui explique ce qu'est l'Europe. Il y a un deuxième sujet qu'il n'a pas abordé du tout : c'est la question du nombre. Avec qui veut-on faire l'Europe ? Est-ce à 15, à 25, à 35 ? On ne fait pas l'Europe de la même façon. C'est là l'idée, qui avait été émise par le Président de la République, d'un groupe pionnier qui est essentielle."
Vous abordiez tout à l'heure la question de l'environnement à propos de l'Europe. C'est votre dada, c'est semble-t-il aussi devenu celui de J. Chirac. Est-ce vous qui avez réussi à convertir J. Chirac à cette écologie humaniste dont il parle pas mal ces derniers temps ?
- "Je n'ai pas cette prétention. Le Président de la République ressent profondément les problèmes de notre pays. Il sent bien qu'aujourd'hui, l'une des questions fondamentales en ce début de XXIème siècle, c'est l'environnement. Cela passera d'ailleurs par la question essentielle du réchauffement climatique. On sait que dans les cinquante prochaines années, le niveau des mers va augmenter de 50 centimètres : ce sont des problèmes pour la Camargue, pour les plages du Languedoc, toutes les plages d'Aquitaine. Or, aujourd'hui, rien n'est fait pour cela. Nous devons passer par des mesures très importantes dans notre vie quotidienne. Un exemple : la question de la voiture propre. Si on veut avoir une voiture propre - une voiture électrique, une voiture bi-mode, c'est-à-dire électrique et essence -, cela coûte beaucoup plus cher que d'avoir une voiture qui roule à l'essence, c'est-à-dire une voiture sale. Faisons en sorte, en mettant en place une prime - nous proposons au Rassemblement pour la République une prime de 30 000 francs par voiture - , que rouler propre coûte moins cher que de rouler sale. Il y a là des questions fondamentales."
Ce sont des choses dont vous débattez en ce moment au RPR, au travers de plusieurs plate-formes ?
- "Nous avons ce soir une réunion sur ce plan très importante. Le Président de la République a bien compris que ces questions étaient essentielles pour la France, comme pour le monde."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 30 mai 2001)