Interview de M. Georges Tron, Secrétaire d'Etat à la fonction publique à LCI le 26 avril 2010, sur la réforme des retraites et la burqa.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
C. Barbier.- Vous étiez l'un des animateurs de la campagne d'E. Balladur en 1995. Que répondez-vous à Libération qui affirme ce matin que des rétro-commissions sur des ventes d'armes au Pakistan ont alimenté les caisses de la présidentielle d'E. Balladur ?
 
Je ne réponds rien parce que je n'ai pas d'éléments précis à leur répondre. Ce que je veux simplement dire c'est que quinze ans après, je trouve que c'est un débat qui s'ouvre et qui est beaucoup plus versé vers l'avenir que vers le passé. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, on a en 1995 une loi récente. Elle entre en application pour la première fois. Qu'en est-il à l'époque ? Je suis incapable de répondre sur cette question. Ce que je sais en revanche, c'est que maintenant il y a une loi précise qui codifie les campagnes pour le futur, il y a des modes de campagne qui sont différents et donc, par définition, on ne sera plus, on ne pourra plus être dans ce type d'interrogation.
 
Dix millions de francs à l'époque, déposés sur le compte de campagne le 26 avril 1995, dont la moitié en billets de 500 francs. Pour de l'argent collecté dans les meetings, ça fait bizarre non ?
 
Moi, je n'en sais rien du tout. Ce que je sais, c'est qu'il y avait un nombre de meetings dans cette campagne comme dans d'autres qui étaient tout à fait importants.
 
Et vous voyez les gens donner des billets de 500 francs ?
 
On ne les voyait pas, mais il y avait à l'époque une tradition qui était celle d'une participation des électeurs et des militants en particulier aux campagnes. Donc, par définition, je le répète, c'était un mode de financement qui était un mode de financement qu'on connaissait et qui était pratiqué.
 
Il sera difficile de prouver la polygamie, estime E. Besson à propos du cas L. Hebbadj, le mari de la conductrice en niqab verbalisée à Nantes. B. Hortefeux aurait-il eu tort de parler trop vite de déchéance de la nationalité française ?
 
Toute la question est de savoir si, oui ou non, il y a polygamie. Je suis incapable, là encore, de le dire parce que par définition, c'est une situation personnelle. Ce que je sais en revanche, c'est trois choses. La première c'est qu'il y a une situation qui est une situation qui interroge parce que ce monsieur vit manifestement avec des domiciles identifiés et trois, quatre femmes. Alors, sont-elles épouses ou pas, c'est la question. Deuxièmement, en toute hypothèse, ça choque les Français qu'il y ait un système d'allocations qui lui permettent de vivre à cause de cette prétendue ou supposée polygamie. Et puis, en troisième et dernier lieu, si tout ça est avéré, incontestablement, il faut des sanctions, des sanctions dures. Là-dessus, je suis B. Hortefeux.
 
La gauche parle elle de dramatisation excessive, d'instrumentalisation. Que répondez-vous ?
 
Qu'elle a tort parce qu'en réalité si chaque fois qu'il y a un problème qui se pose pour ne pas le régler, elle parle d'instrumentalisation ou elle parle d'excès, si j'ose dire, de mesures à prendre, elle ne répond jamais aux questions qui se posent. Il faut répondre à des questions de cette nature.
 
Vous êtes élu de Draveil dans l'Essonne. La polygamie, la burqa, ce sont de vrais problèmes, de vrais défis pour notre société ou on en fait trop ?
 
Ce sont des questions qui maintenant interpellent nos concitoyens. En tant que telle, une femme qui se déplace dans la rue ne gêne pas, y compris quand elle a son voile. Elle interpelle aujourd'hui par une attitude qui devient source d'interrogations. Et donc ça suscite de l'inquiétude et je crois que le rôle d'un gouvernement, c'est d'y répondre. On ne peut pas faire comme si de rien était et donc, il faut effectivement prendre le problème à bras le corps. Je suis convaincu que c'est une erreur de penser, sous prétexte qu'il peut y avoir un problème difficile à régler, c'est une erreur de ne rien faire.
 
Vous étiez réservé, voire sceptique sur une loi anti-burqa au début de l'année. Vous disiez non, contentons-nous d'une résolution. Avez-vous évolué vous maintenant pour le projet gouvernemental d'une loi ?
 
Je suis pour le projet gouvernemental d'une loi et je dis ce que je disais à l'époque, à savoir que ça n'épuisera pas le sujet. On a ce problème de la burqa qui est parfaitement identifié, on en a d'autres. Je fais partie de ceux qui s'inquiètent par exemple, et je le redis ici, de certains prêches qui sont tenus dans les mosquées, en particulier en grande banlieue, devant 500, 1.000 fidèles et qui sont, me semble-t-il, tout aussi si ce n'est plus inquiétant que le problème de la burqa.
 
Il y a un débat dans la majorité, urgence ou pas urgence ? Vous êtes pour l'urgence afin qu'avant l'été, on ait voté ces textes ?
 
Je pense que si le problème se pose dans les termes d'aujourd'hui, plus tôt on va légiférer, mieux cela sera. Ce n'est pas la peine de donner le sentiment de la tergiversation.
 
Aujourd'hui et toute la semaine, vous continuez à recevoir les syndicats de fonctionnaires pour parler retraite. Sont-ils prêts à céder sur leur principal privilège, à savoir qu'on calcule leur retraite sur les six meilleurs mois de salaire de leur carrière alors que dans le privé, c'est les vingt-cinq meilleures années, ce qui fait chuter la moyenne ?
 
Le climat est un climat qui est extrêmement constructif, en tout cas tel que moi je le ressens. Les syndicats sont tous d'accord pour considérer qu'il faut faire quelque chose, c'est important. Tous d'accord pour considérer qu'il ne faut pas monter un antagonisme public-privé. Et tous d'accord pour considérer qu'on peut tout mettre sur la table en déterminant certaines lignes à ne pas franchir. Les six mois en sont une, incontestablement.
 
Ils ne veulent pas bouger sur la ligne des six mois ?
 
Ils ne sont pas aussi durs que ça. Ils disent que la ligne des six mois est pour eux vraiment un problème fondamental. Et pour être sincère, on le comprend parfaitement parce que, pardon de le dire, la façon dont c'est présenté en terme de comparaison avec les vingt-cinq années du privé est souvent erronée.
 
On monte leur salaire six mois avant leur départ en retraite pour favoriser leur calcul ! "Le coup du chapeau", comme on dit dans la fonction publique.
 
C'est vrai que cela se fait assez fréquemment. Avec d'ailleurs des problèmes qui peuvent se poser sur la composition du déroulement de la carrière en termes de grilles indiciaires. Mais ce qui est vrai également, c'est que les six mois ne sont pas une référence totale puisque, comme vous le savez, toutes les primes dans la fonction publique ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite.
 
Alors êtes-vous prêt à proposer aux fonctionnaires d'intégrer une partie de leurs primes au calcul ?
 
C'est un débat plus complexe et un peu technique, pardonnez-moi. Comme vous le savez peut-être, depuis la loi de 2003, nous avons aujourd'hui un régime additionnel à la fonction publique qui permet déjà d'intégrer une partie de ces primes, limitée à 20 %. C'est une des questions sur laquelle il faut travailler, mais je le répète, il faut bien entendre que sur ce sujet-là, la caricature qui en est souvent faite n'est pas la bonne. Les syndicats ont déterminé une position, il faut qu'on en tienne compte.
 
Vous ne passerez pas en force ?
 
Non, il ne faut pas passer en force, tout en prenant nos responsabilités. Et c'est pour cela que les discussions se déroulent dans de bonnes conditions aujourd'hui.
 
F. Chérèque est prêt à bouger sur la durée de cotisations mais pas sur l'âge légal officiel de 60 ans. Est-ce un arrangement acceptable ?
 
Je ne sais pas si on peut parler d'arrangement. En tout cas, c'est une position que je trouve, pour ma part, constructive parce que F. Chérèque montre bien qu'il n'y a pas, je le répète, une volonté de dire "on ne touche à rien, on ne bouge sur rien". Tout ce que nous allons faire avec E. Woerth dans les deux mois qui viennent, ça va être de voir comment est-ce qu'on peut réussir, sans forcer, mais en prenant nos responsabilités, à trouver la martingale.
 
Alors la martingale, E. Woerth annonce pour le 15-20 mai des pistes de financement. La martingale, ce sera de taxer les capitaux, les revenus des capitaux ?
 
Non, la martingale ce n'est pas d'essayer de faire en sorte que les prélèvements obligatoires, qui sont déjà très élevés, soient augmentés. La martingale, c'est de faire en sorte que l'on trouve le moyen d'avoir des paramètres notamment sur l'âge, qui soient mis au coeur du dispositif, sans exclure par ailleurs quelques mesures qui puissent remettre de l'équité dans le domaine de la fiscalité.
 
Burqa, sécurité, retraite, jeudi dernier D. de Villepin a accusé le Gouvernement de délaisser l'intérêt général. N'est-il pas en train de se mettre hors de la majorité ?
 
La ligne de l'appartenance à la majorité est pour moi fondamentale. Je n'ai jamais entendu D. de Villepin dire qu'il n'appartenait pas à cette majorité. Il exprime une sensibilité de la majorité, je souhaite qu'il l'exprime dans la majorité. On ne peut reprocher à personne d'être critique. C'est dans les grands moments, ceux du choix du vote pour les parlementaires, que tout se détermine. D. de Villepin doit rester dans la majorité. Moi, je suis convaincu que c'est un apport pour la majorité d'avoir une expression comme la sienne.
 
Vous pourriez adhérer au parti qu'il va créer, tout en restant membre de l'UMP ?
 
Je constate que l'UMP n'est pas incompatible avec des partis qui existent et que la double appartenance ne pose aucun problème. Parti Radical, UMP par exemple. Je ne vois pas pourquoi ça poserait problème.
 
Les Français, selon Via-voice pour Libération font plus confiance à D. de Villepin qu'à N. Sarkozy pour l'avenir. Vous vous en réjouissez ou vous trouvez que ce sont les Français de gauche qui soutiennent Villepin ?
 
Non. Je ne sais pas si ce sont les Français de gauche. Je dis simplement qu'il est bon pour la majorité d'avoir des hommes qui soient des hommes de talent et que ce n'est pas parce que le sondage aujourd'hui dit cela, qu'il dira la même chose demain. Il faut rester dans le cadre de la majorité.
 
Et ils se réconcilieront Villepin et Sarkozy dans ce cadre ?
 
Si c'est une chose qui peut se passer, pour moi c'est une bonne chose.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mai 2010