Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur la crise grecque, au Sénat le 6 mai 2010.

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Circonstance : Séance de questions d'actualité au Sénat, le 6 mai 2010

Texte intégral

J'aimerais que l'on évite de mélanger toutes les questions !
Je me réjouis de pouvoir présenter devant cette assemblée, dès ce soir, avec François Baroin, le projet de loi qui permettra à la France de se mettre en règle et d'honorer ses engagements de solidarité envers le peuple et le gouvernement grecs.
Vous pouvez être en désaccord avec ce que dit le gouvernement grec, avec les rapports du Fonds monétaire international et les conclusions de la Commission européenne ; pourtant, tous disent la même chose, si vous les lisez attentivement : la Grèce doit prendre aujourd'hui des mesures d'austérité et de rigueur difficiles, mais nécessaires.
Selon le Premier ministre grec, M. Papandréou, ces mesures sont indispensables ; lui-même considère qu'il n'existe pas d'alternative à ce plan, qui fait actuellement l'objet d'une négociation entre la Commission, le FMI et le gouvernement légitime grec représentant les intérêts du peuple grec.
Cette situation ne fait plaisir à personne et nous aurions préféré ne pas la connaître, mais c'est ainsi !
Je ne vous laisserai pas dire, en tout cas, que le gouvernement de François Fillon et le président de la République ne font pas oeuvre de solidarité et d'exigence à l'égard de la Grèce, qui est non seulement l'un de nos partenaires, mais aussi un membre de la zone euro.
S'agissant maintenant des taux d'intérêt, car je veux explorer tous les aspects de votre question, ne croyez pas qu'il existe un seul taux directeur. Il est faux de dire que la Banque centrale européenne fixe un taux directeur unique !
A chaque période d'endettement, à chaque concours financier, correspond un taux directeur spécifique. Comme je le préciserai à nouveau lors de notre débat de ce soir, les membres de l'Eurogroupe ont souhaité, en l'occurrence, s'aligner sur les conditions pratiquées par le Fonds monétaire international.
Ce faisant, nous permettons à l'Etat grec de se financer et de se refinancer, ce qu'il ne peut pas faire aujourd'hui, sauf à emprunter à un taux supérieur à 12 %. L'Eurogroupe a en effet choisi d'appliquer un taux fixe de 5 %, ou un taux variable proche de celui qui est pratiqué par le Fonds monétaire international.
Il n'est donc pas question de se faire de l'argent sur le dos des Grecs, mais il s'agit de faire preuve de solidarité, de se porter ensemble au secours de la Grèce et de soutenir l'euro et la zone euro !
Monsieur le Rapporteur général, je vous répondrai en trois temps.
Je commencerai par l'Europe, ses institutions et les modifications qui sont d'ores et déjà envisagées par un certain nombre de chefs d'Etat et de gouvernement. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, s'en est expliqué. Je vous renvoie à la lecture d'un quotidien du soir qui relate et commente plusieurs éléments de la lettre qu'il a cosignée avec Mme Angela Merkel et adressée à la fois au président de la Commission européenne et au président du Conseil, M. Van Rompuy.
J'en viens à nos politiques économiques.
Il est clair que nous devons faire preuve d'une plus grande convergence dans nos politiques économiques, afin de nous assurer une plus grande stabilité. Cela suppose probablement de faire évoluer les institutions européennes, sans toutefois modifier pour autant le Traité - je l'espère, en tout cas ! -, et d'instaurer une gouvernance économique au sein de l'Union européenne, ou plutôt très probablement au sein de la zone euro.
Sur ce sujet, le président de la République a toujours été en avance, prônant régulièrement un véritable gouvernement économique, que notre voisin d'outre-Rhin n'appelait pas toujours vraiment de ses voeux.
Enfin, la situation grecque actuelle montre clairement que le Pacte de stabilité et de croissance n'est pas suffisant.
En effet, les critères appliqués, notamment ceux du déficit et de la dette rapportée au produit intérieur brut, ne sont pas suffisants, à eux seuls, pour assurer la convergence au sein notamment de la zone euro. Je pense qu'il conviendrait d'y ajouter, à tout le moins, un indicateur crédible de compétitivité, afin d'établir des comparaisons entre les pays qui font véritablement des efforts et, soyons clairs, ceux qui se sont un peu laissés aller en la matière.
Sur ces trois points, nous devons améliorer la situation au sein de l'Union européenne. Ces remarques valent également pour la zone euro, qui nous rassemble à seize autour d'une monnaie commune. Mais cette zone n'a d'existence juridique, pour le moment, qu'à travers l'article 136 du Traité de Lisbonne, qui permet fort heureusement enfin d'explorer de nouveaux outils et de nouveaux modes d'alerte et de sanction, et qu'il serait particulièrement opportun d'utiliser.
Par ailleurs, sur le plan national, nous devons nous orienter sur le chemin de la restauration des grands équilibres de nos finances publiques. François Baroin et moi-même allons nous y atteler dans les mois et les années qui viennent ; c'est un travail de fond et de longue haleine, mais la souveraineté nationale est en cause.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2010