Entretien de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "Aujourd'hui en France" du 12 mai 2010, sur le droit de regard de la Commission européenne sur les différents budgets nationaux.

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Média : Aujourd'hui en France

Texte intégral

Q - La France pourra-t-elle accepter que la Commission de Bruxelles ait un droit de regard sur son budget ?
R - C'est déjà le cas dans les traités européens. Et nous nous sommes déjà engagés auprès de la Commission, avant même le déclenchement de la crise grecque, à réduire nos déficits publics à 3% du PIB d'ici 2013. Et nous prenons déjà toutes les mesures possibles pour y arriver... sauf l'augmentation des impôts.

Q - L'Europe a-t-elle franchi depuis dimanche un pas vers le fédéralisme ?
R - Avant dimanche, il était interdit d'aller au secours des autres au sein de la zone euro. Curieusement, il était permis de soutenir un pays hors de la zone euro, comme en 2008 pour la Lettonie ou la Hongrie. Mais il était interdit aux Etats, par le traité, de renflouer un autre Etat en difficulté. On disait : "Ta dette, c'est ta dette, débrouille-toi avec les marchés si tu dois la refinancer."

Q - Qu'est-ce qui change ?
R - Depuis dimanche, on considère que "ta dette, c'est notre dette". Avec naturellement des conditions. Et on se met tous ensemble pour protéger celui qui est en difficulté. Mais la contrepartie, c'est que la discipline de chacun devient le problème de tous : on aura le droit de surveiller les comptes de l'autre.

Q - Comment ?
R - Les budgets seront toujours votés par les Parlements nationaux, mais ils pourraient être regardés au préalable par nos partenaires européens. Ainsi chacun saura si les budgets des autres sont bien dans les lignes de la discipline commune.

Q - Ce sera en oeuvre à partir de quand ?
R - Les ministres des Finances se mettent dès demain au travail. La Commission fera également ses propositions.

Q - Est-ce une brèche dans la souveraineté de la France ?
R - C'est une évolution considérable plutôt qu'une brèche, puisqu'au sein de l'Union européenne, les Etats ont déjà accepté de transférer des pans entiers de leur souveraineté : la politique agricole, la politique commerciale par exemple sont déjà des politiques européennes.

Q - Cela va soulever bien des débats en France ?
R - Bien sûr, et pas seulement en France. En Allemagne aussi et dans les seize pays de la zone euro ! Ce qui s'est passé dimanche entraînera un vrai débat. Jusqu'à présent, les parlements se bornaient à respecter ou pas la règle des 3% de déficit. Quand on dépassait, on recevait une protestation de la Commission. On ira cette fois bien au-delà, mais c'est la contrepartie incontournable de la garantie mutuelle que s'apportent désormais les Etats qui partagent l'euro.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2010