Déclaration de M. Hervé Morin, ministre de la défense, en hommage aux soldats de l'armée française qui se sont battus à Camerone au Mexique en 1863 et plus largement à la Légion étrangère, à Camerone le 30 avril 2010.

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Circonstance : Déplacement au Mexique du 28 avril au 2 mai-147e anniversaire du combat de Camerone, le 30 avril 2010

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur l'Ambassadeur,
Messieurs les officiers généraux, officiers, sous-officiers et militaires du rang français et mexicains,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Aux quatre coins du monde, sur les 5 continents où des légionnaires sont déployés en opération, la Légion étrangère honore aujourd'hui la mémoire des combattants de Camerone. Aux quatre coins du monde, elle s'incline devant le courage, le dévouement et l'esprit de sacrifice de ces hommes hors du commun.
Mais ici, dans ce village mexicain qui fut le théâtre de ce glorieux fait d'armes, cette cérémonie prend une dimension particulière. Ici, alors que nous foulons cette terre nourrie par la cendre et abreuvée par le sang, une grande émotion nous étreint.
- Nous voyons le capitaine DANJOU répondre fièrement au commandant du détachement qui l'assiège : « Nous avons des cartouches et ne nous rendrons pas ».
- Nous voyons les 65 légionnaires lever la main dans un même élan et prêter le serment de se défendre jusqu'à la mort.
- Nous les voyons, debout, malgré la faim et la soif, malgré la poussière, la chaleur et le sang, combattre onze heures durant contre 2000 soldats mexicains luttant avec bravoure pour la liberté de leur Nation.
- Nous les voyons repousser l'assaut final, baïonnette au canon, et tomber, frappés l'un après l'autre, vaincus par le nombre et par la fragilité de leur position.
Ils avaient été battus, mais ils avaient permis au convoi parti de Veracruz de rallier Puebla. Ils avaient perdu une bataille, mais ils avaient rempli leur mission. Oui, la vie plutôt que le courage abandonna ces soldats français. C'est tout l'honneur de l'armée mexicaine que de l'avoir reconnu en présentant les armes aux derniers survivants.
Pour la Légion, pour les Armées françaises et pour nous tous ici rassemblés, leur sacrifice est un symbole.
Camerone, c'est le caractère sacré de la mission, le culte de la mission remplie quel qu'en soit le prix, fusse-il de combattre jusqu'au dernier souffle. C'est la force d'âme, le sens de l'honneur et la fidélité à la parole donnée. C'est la fraternité d'armes, aussi, cet élan qui jette le grand CATTEAU devant son officier pour lui faire un rempart de son corps, s'écroulant aussitôt frappé de dix-neuf balles.
C'est précisément en souvenir de Camerone que la Légion a choisi de célébrer chaque année cette valeur fondamentale des Armées. Cette valeur qui, un siècle et demi plus tard, continue d'inspirer les soldats de France, comme l'a montré le sergent PENON du 2e REP, il y a deux ans, à Uzbeen, en se portant sans relâche au secours de ses camarades, malgré ses propres blessures qui allaient lui coûter la vie.
Camerone, c'est la Légion étrangère. Car pour citer le général Olié, on peut se demander si c'est la Légion qui a idéalisé Camerone, ou si c'est Camerone qui a fécondé la Légion.
Camerone, ce sont les hommes du capitaine VAUCHEZ qui repoussèrent avec leurs frères d'armes un ennemi plus de dix fois supérieur en nombre, à El Moungar, sous un soleil de plomb, sur un sable calciné.
C'est le lieutenant-colonel AMILAKVARI (« a-mi-lac-vari »), retranché à Bir Hakeim, arrêtant la percée des panzers du Général ROMMEL dans le désert libyen.
Ce sont les 60 légionnaires du capitaine CHEVALIER, tenant 15 jours et 15 nuits sur une colline de Diên Biên Phu, sans eau, sans vivres et presque sans munitions, face à trois bataillons ennemis relevés tous les deux jours.
Ces héros sont tous les fils du Capitaine DANJOU, du sous-lieutenant MAUDET et du sous-lieutenant VILAIN. Incarnation sublime de l'esprit de Camerone, ils ont écrit leurs combats en lettres de sang dans l'histoire de notre pays.
Légionnaires du 2e REI, avec vos 7 600 camarades de la Légion, vous êtes les gardiens de cette tradition prestigieuse. C'est désormais sur vos épaules que repose la responsabilité de suivre la voie exigeante tracée par la devise de la Légion, « Honneur et Fidélité » :
- Honneur de vaincre sa peur pour affronter le danger, / honneur de ne pas céder à la provocation et à la tentation de la réponse violente à la violence aveugle et lâche, / honneur de gagner la confiance des peuples pour les aider à prendre leur destin en main - et je pense tout particulièrement aux légionnaires du 2e REP, aujourd'hui déployés en Afghanistan ;
- Fidélité au chef, aux camarades et aux subordonnés, fidélité à la mission, fidélité à la devise de la France : liberté, égalité, fraternité.
Camerone, enfin, c'est le symbole de la relation d'estime et de confiance que nous entretenons avec le Mexique.
Car des cendres de Camerone/, cette relation née au XVIe siècle est sortie plus forte encore.
- Plus forte de l'estime mutuelle inspirée par le sens de l'honneur et la valeur au combat de nos forces.
- Plus forte du respect de la parole donnée, quand un officier mexicain s'engagea à soigner les blessés et à leur laisser leurs armes, avec ces mots : « on ne refuse rien à des hommes comme vous ».
- Plus forte, enfin, de la fraternité d'armes née dans les infirmeries mexicaines, quand le chef de bataillon TALAVERA soigna sans distinction les blessés de nos deux armées.
Aujourd'hui, la relation de défense entre nos deux pays est plus dynamique que jamais et les insignes d'officier dans l'ordre de la Légion d'honneur que j'ai remis hier au général GALVAN GALVAN et à l'Amiral SAYNEZ MENDOZA en témoignent. Ils traduisent notre volonté de construire une relation de confiance et d'estime réciproque indispensable à une coopération militaire fructueuse et féconde entre la France et le Mexique.
Mesdames, Messieurs,
En rendant hommage aux combattants de Camerone, je veux également honorer la mémoire des 35 000 soldats tués dans les rangs de la Légion étrangère depuis sa création :
- Ces enfants de France qui ont choisi notre pays et l'ont aimé jusqu'au sacrifice de leur vie.
- Ces enfants de France issus de tous les continents, de toutes les confessions, de toutes les cultures ; Français non par les origines, non par les gènes, mais par le sang versé et la défense de nos valeurs, à l'image du dernier des poilus, Lazare PONTICELLI, ce petit Italien qui falsifia son âge pour s'engager dans la Légion étrangère et défendre notre pays.
La Légion n'a d'étrangère que le nom. La Légion, c'est la France ouverte et généreuse. La Légion, c'est la France rigoureuse et exigeante, qui accueille en son sein des hommes venus d'Afrique, d'Asie comme d'Amérique latine (je pense aux 12 Mexicains qui servent actuellement dans ses rangs) pour le plus grand profit de nos armées, pour la sécurité de nos compatriotes, pour la défense de nos intérêts et de nos valeurs sur le globe.
Je l'ai dit il y a deux ans, à Aubagne, à l'occasion de cette même commémoration qui nous réunit aujourd'hui. Nous le sentons tous dans les grands moments où la vie d'une Nation tressaille, où la conscience d'appartenir à un même peuple s'impose au fond de chacun d'entre nous : c'est parce que nous sommes ouverts au monde que nous avons été, que nous sommes et que nous resterons un grand peuple. C'est de là que nous tirerons notre force pour affronter les vents du large.
Cette ouverture, cette diversité, elles font la richesse de la France. Et je sais qu'ici, au Mexique, mosaïque de peuples, de langues et de cultures, ces mots résonnent d'un écho tout particulier.
Elles font aussi la force de la Légion.
Car intégrer la Légion, ce n'est pas renoncer à ses propres valeurs et à sa propre culture. Ce n'est pas oublier d'où on vient, quelle est sa culture, quelles sont ses racines. C'est conserver son identité. Mais c'est aussi s'approprier les valeurs universelles qui sont celles de notre pays. C'est en quelque sorte démontrer que les identités ne sont pas naturellement destinées à s'opposer, mais qu'elles peuvent au contraire s'articuler pour s'enrichir et se féconder mutuellement. C'est rejoindre une communauté humaine pour participer à un destin commun, sans se renier soi-même mais en respectant ses lois. S'engager dans la Légion, c'est une volonté assumée et c'est un idéal partagé.
La Légion étrangère, c'est une part de l'identité française. Et ce n'est pas par hasard si la Légion et ses pionniers sont chaque année acclamés par les Français sur les Champs Elysées.
Les valeurs d'exigence, de rigueur, de devoir qu'incarne la Légion, c'est la France que nous admirons.
Les valeurs d'ouverture, de fraternité et de solidarité qu'incarne aussi la Légion étrangère, c'est la France que nous aimons.
Et c'est ce double mouvement qu'incarne et honore la Légion qui doit inspirer la France dans ses débats pour sa construction d'aujourd'hui et de demain.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 18 mai 2010