Texte intégral
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Le colloque que vous organisez vise à préciser les enjeux de la défense nationale au-delà de 2002. Ils s'inscrivent désormais de plus en plus dans la perspective de la mise en place d'une politique de défense et de sécurité européenne.
La réussite de l'Europe de la Défense que nous construisons, cela doit être aussi celle d'une industrie de défense dans une perspective résolument européenne. L'enjeu est de donner à notre industrie les moyens de se poser comme un compétiteur crédible face à la puissance de l'industrie américaine.
1. Les développements de l'Europe de la Défense
L'année 2000 a été marquée par une avancée significative dans la construction de l'Europe de la Défense, notamment pendant la Présidence française de l'Union européenne. L'Europe est en train de se donner les moyens de mener une politique commune en matière de sécurité et de défense.
Pour ce qui concerne les capacités militaires, les Etats membres se sont fixés à Helsinki l'objectif d'être en mesure, d'ici 2003, de déployer en moins de 60 jours et de soutenir pour une durée d'au moins un an, des forces pouvant aller jusqu'au niveau d'un Corps d'armée (60 000 personnes). Ces forces doivent être autosuffisantes d'un point de vue militaire, et dotées des capacités adaptées de commandement, de contrôle et de renseignement, de la logistique et d'autres unités d'appui aux combats ainsi que, si cela était nécessaire, d'éléments aériens et navals.
Depuis le Conseil de Feira, les Quinze ont mené à bien le délicat travail de traduction en organisation militaire de ces objectifs. Pour la première fois, des représentants militaires des quinze nations effectuent ensemble un travail de planification militaire, et le font de manière exemplaire. Ce travail a été possible en raison de l'existence d'une détermination forte au service d'une volonté politique.
L'Europe affirme aujourd'hui ses capacités. Tous les Européens en sont conscients, et je crois que c'est là un autre des résultats très positifs de ces derniers mois : remplir de façon très précise le calendrier qui nous était fixé tout en traçant des perspectives de long terme, et en posant les bases d'une culture de défense commune.
Les objectifs politiques ont donc désormais une traduction concrète, celle des documents de planification militaire extrêmement détaillés. Il s'agit en premier lieu d'un "catalogue de capacités", document de plus de 300 pages qui reproduit de façon très rigoureuse les capacités militaires nécessaires pour assumer l'ensemble des missions de Petersberg : aide humanitaire, évacuation des ressortissants, prévention des conflits, séparation par la force des parties belligérantes. Il s'agit d'autre part d'un " catalogue de forces ", qui prend acte des contribution de chacun des Etats membres.
Les contributions volontaires confirmées par les Quinze dans le catalogue de forces constituent un réservoir de plus de 100 000 hommes, d'environ 400 avions de combat et 100 bâtiments. Ces contributions permettent donc, sur le plan quantitatif, de répondre pleinement à l'objectif global défini à Helsinki.
Le résultat de la conférence d'engagement va au-delà de ce catalogue. Nous sommes en effet convenus que nous devions poursuivre ensemble un travail d'amélioration qualitative de ces forces, en particulier pour en améliorer encore la réactivité, la disponibilité, la déployabilité, l'interopérabilité, la capacité à durer. Un effort en équipement devra également être fait sur des capacités opérationnelles "pointues" comme les moyens de recherche et de sauvetage en conditions opérationnelles, de ravitaillement en vol, de suppression des défenses aériennes, les moyens de défense contre les missiles sol-sol ou encore les armements à guidage terminal.
Par ailleurs, conformément aux objectifs collectifs de capacités de Helsinki, nous allons compléter nos capacités stratégiques.
En matière de commandement, les Etats membres ont offert un nombre satisfaisant d'états-majors nationaux ou multinationaux aux niveaux stratégique, d'opération, de force, et de composante. Ces offres devront être évaluées et les procédures validées. Par ailleurs, l'état-major de l'Union européenne qui devrait être opérationnel au cours de l'année 2001, renforcera la capacité collective d'alerte rapide de l'Union européenne en la dotant d'une capacité d'évaluation de situation et de planification stratégique.
En matière de renseignement, outre les capacités d'interprétation d'images du Centre satellitaire de Torrejon, les Etats membres se sont mis d'accord sur un certain nombre de moyens qui peuvent contribuer à la capacité d'analyse et de suivi de situation de l'Union européenne.
En ce qui concerne les capacités aériennes et navales de transport stratégique dont dispose l'Union européenne, des améliorations restent nécessaires pour permettre à l'Union d'être en mesure de répondre à tous les besoins en fonction des situations de théâtre. Cela passe par un renforcement de la capacité de chacun des pays, ainsi que par le développement de projets en coopération. Les hélicoptères NH 90, les navires de transport opérationnel, et surtout l'avion de transport du futur, l'A400M, sont des projets essentiels qui contribueront puissamment au renforcement des capacités à disposition de l'Union.
Aujourd'hui une nouvelle dynamique est lancée, sur la base d'une démarche volontaire des Etats membres. Le défi qui est devant nous est d'assurer la crédibilité de cette dynamique dans la durée. C'est pour cette raison qu'un mécanisme de suivi et d'évaluation a été adopté et approuvé lors du Conseil européen de Nice. Ce mécanisme mesurera les progrès accomplis.
D'ici 2003, lorsque ces organes seront tous en mesure d'assumer leurs fonctions, l'UE sera progressivement capable d'accomplir certaines des missions du Petersberg, avec la montée en puissance du dispositif militaire.
2. La consolidation de l'industrie européenne de défense
La réussite de l'Europe de la Défense dépend aussi de la force de l'industrie de défense européenne, d'autant que les évolutions sont aujourd'hui inévitables et engagées. Le maintien de la compétitivité et le développement de nouveaux produits passent par le développement de partenariats entre les différents acteurs européens de cette industrie et par des adaptations progressives des capacités industrielles. Il en va de la pérennité même de ces industries et des emplois qui y sont liés.
Pour avoir pris conscience, assez tôt, de l'ampleur des évolutions structurelles qui ne pouvaient manquer de toucher le monde économique lié à la défense, nous avons décidé tous ensemble de ne pas subir ces changements, en adoptant la seule approche permettant d'assurer durablement la place éminente de notre pays dans ce domaine : celle d'une européanisation volontaire et cohérente de nos industries de défense.
L'Europe a engagé ce processus avec retard par rapport à notre partenaire américain, retard que l'on peut estimer à quatre ou cinq ans. Au sein de l'Europe, la France n'était pas en avance. Mais les quatre dernières années ont été propices à la consolidation de ce secteur industriel. Le paysage européen est désormais structuré autour de quatre grands groupes : EADS, Thales, BAe Systems et Finmeccanica.
EADS, issu de la fusion d'Aerospatiale Matra, du groupe allemand DASA, et de l'entreprise CASA a été créée en un temps record. Français, Allemands et Espagnols ont déjà su surmonter une partie des difficultés inévitablement liées à ce type de fusions. Sans vouloir minimiser ces obstacles, je crois que la direction d'EADS a su créer, tant au niveau central qu'au sein des filiales opérationnelles, la nécessaire logique d'intégration qui sous-tend ce projet industriel ambitieux.
Le groupe Thales est le pôle européen de référence en matière d'électronique professionnelle et de défense. Fortement dual, solidement implanté dans plusieurs pays d'Europe et au-delà, Thales a maintenant aussi les moyens de jouer un rôle majeur au niveau mondial.
En complément à ces rapprochements européens majeurs, je veux souligner l'intérêt de l'annonce en fin d'année 2000 de la constitution d'une société commune entre Thales et Raytheon dans le domaine de la défense aérienne qui constitue une première initiative de coopération entre l'industrie française et américaine dans des conditions parfaitement équilibrées.
Dans d'autres secteurs le processus de consolidation est déjà engagé.
Je pense bien entendu au naval militaire, où la France avec DCN dispose d'atouts importants dont l'Europe pourra bénéficier. Les efforts de modernisation de DCN portent progressivement leurs fruits ; l'alliance entre Thales et DCN permettra à notre industrie de consolider sa place sur ce marché mondial. Le développement d'une industrie navale modernisée et intégrée est donc clairement pour moi une priorité de mon action à venir.
Pour conclure le panorama de ce secteur industriel en évoquant les priorités d'avenir, je souhaite insister sur l'importance du tissu de PME-PMI. Face à des entreprises de premier rang souvent désormais en situation de monopole, il nous faut non seulement diversifier progressivement nos approvisionnements à l'échelle européenne, mais aussi renforcer le tissu de PME-PMI duales, équipementiers de second rang, qui apportent à l'industrie de défense un dynamisme et une réactivité bénéfiques. C'est une des priorités que j'ai fixé au nouveau DGA.
Le développement de la coopération entre les Etats européens permet lui aussi des progrès significatifs en matière de réduction des coûts des programmes, tout en contribuant à une plus grande homogénéité future des forces de l'Union. Les Etats doivent aider ce processus, en particulier en favorisant le développement de programmes en coopération.
La politique européenne de défense crée une dynamique particulière en matière d'armement qui complète les efforts des industriels. Ainsi, depuis deux ans, de nombreux programmes majeurs ont abouti : je pense notamment au programme de frégates anti-aériennes Horizon, dont la production s'appuie sur une coopération industrielle importante entre la France et l'Italie, aux hélicoptères Tigre et NH 90, à la coopération en matière d'observation spatiale avec l'Italie, qui en complément d'Helios et du programme allemand SAR Lupe permet d'espérer doter l'Europe d'un moyen de renseignement autonome plus large et plus efficace.
L'entente de cinq pays pour un missile air-air de nouvelle génération, commun au Rafale et à l'EUROFIGHTER constitue un autre projet majeur.
Je terminerai bien entendu ce panorama par l'A400M en rappelant l'engagement de 7 gouvernements en juillet 1999 en faveur de cet avion de transport futur, qui devrait se confirmer à l'occasion du prochain salon du Bourget. Il s'agit du plus grand programme en coopération de tous les temps, en nombre de pays et par ses montants financiers.
C'est donc avec satisfaction que j'observe que la France est le seul pays engagé dans la totalité de ces programmes conjoints et de ces outils institutionnels de coopération, mettant ainsi des actes efficaces en accord avec sa volonté politique.
En terme de priorités pour l'action à venir, en matière industrielle et d'armement, je conclurai en insistant sur l'importance de maintenir un effort de recherche de défense de bon niveau dans une période où les crédits devront financer la production industrielle des grands programmes. Préparer l'avenir est aussi une mission prioritaire. Il faudra dans ce domaine également que les Européens se coordonnent davantage et que les synergies avec la recherche civile soit plus systématiquement recherchée.
3. La contribution française à l'Europe de la Défense
Je souhaite présenter à présent la contribution française à l'Europe de la Défense que nous construisons en commun, et évoquer nos projets pour l'avenir.
La France apportera une contribution très significative au réservoir de forces. Le volume global de son engagement s'élève à environ 20 % de la Force de réaction rapide soit une contribution terrestre maximale de 12 000 hommes avec des moyens aériens et navals appropriés, soit 75 avions de combat et 12 bâtiments dont le porte avions.
C'est dans le domaine des capacités "clés" qui fondent la cohérence d'ensemble de la Force de réaction rapide européenne que la France fournit proportionnellement sa plus forte contribution.
Dans le domaine du commandement, elle tient à la disposition de l'Union ses états-majors de niveau stratégique et opératif ainsi que des états-majors tactiques et des moyens projetables de communication, notamment par satellite.
Dans le domaine du renseignement, elle offre des capacités d'imagerie satellitaire grâce à des stations de théâtre Hélios. Elle tient aussi à la disposition de l'Union des moyens de reconnaissance et de surveillance du champ de bataille tels que les Mirage IV et le système héliporté Horizon.
Enfin, dans le domaine de la mobilité, elle participe significativement à l'effort collectif avec 29 avions à long et moyen rayon d'action et deux grands bâtiments amphibies.
La totalité des moyens français pourra être déployée dans le délai de soixante jours imparti. Nous pourrons également maintenir ces capacités sur le théâtre d'opérations pour au moins une année, seul le groupe aéronaval fera exception en n'étant déployé qu'au maximum six mois.
Les premiers efforts se feront dans le cadre national. Dans le domaine des moyens d'imagerie satellitaire, des stations de théâtre améliorées d'exploitation d'images dotées de capacités de très haute définition et de cadences de renouvellement accrues seront disponibles en 2004.
En matière de renseignement encore, nous voulons nous doter d'une capacité de drones tactiques plus performants, y compris un système moyenne altitude et longue endurance, ainsi que des nacelles de reconnaissance de nouvelle génération pour améliorer nos moyens de reconnaissance aéroportés.
Pour les communications satellitaires, des capacités accrues en matière de débit et de protection sont prévues sur le programme Syracuse III. Afin d'améliorer l'efficacité de nos armées, je souhaite les équiper de nouveaux armements de précision et de missiles de croisière, y compris sur le porte-avions. Le renforcement des capacités de projection de force à partir de la mer bénéficiera dès 2006 de la mise en service du Rafale F2. Par ailleurs, il existe un programme d'amélioration de nos moyens de projection amphibie.
Naturellement, j'entends soutenir les projets de coopération bi ou multinationaux existants dans lesquels nous sommes déjà engagés ainsi que d'en promouvoir de nouveaux.
La France désire poursuivre, avec le concours des autres pays membres le renforcement du Corps européen, de l'EUROFOR et de l'EUROMARFOR et la mise sur pied d'un état-major européen projetable de composante aérienne.
Une étude avec l'Allemagne est en cours de réalisation, au sujet d'une messagerie sécurisée, aux normes OTAN, permettant l'intercommunication des systèmes d'information et de commandement de nos deux pays. A terme, c'est l'intercommunication des autres Etats membres permettant le développement d'un système unique au sein du Corps européen, qui est visée.
Dans le domaine du renseignement, nous nous proposons, avec l'Allemagne et l'Italie, d'acquérir une capacité d'observation satellitaire tout temps en partenariat multinational ouvert à d'autres nations.
Cet engagement de la France est en grande partie le résultat de l'intense effort d'adaptation de son outil militaire mené depuis 1994. Les hypothèses stratégiques retenues dans le Livre blanc et prises comme base de la programmation de 1996 sont confirmées par les enseignements tirés de la période récente. Du fait des évolutions géopolitiques importantes en cours, il apparaît essentiel de mener une réflexion prospective sur le format et la nature d'un système de forces à horizon d'une vingtaine d'années. Elaborée à partir du Livre blanc, une planification des transformations indispensables au sein de nos forces a été élaborée, qui prévoit la mise en place d'armées professionnalisées, dotées d'un haut degré de technicité et capables de se projeter sur des théâtres d'opérations partout où nos intérêts sont en jeu.
La progressivité de la réforme de nos armées a rendu nécessaire l'élargissement du périmètre des lois de programmation militaire, en incluant les effectifs et les moyens en fonctionnement de nos armées. La loi qui ouvre la période 1997-2002, votée par la précédente législature, sera conduite à son terme, tant en matière d'effectifs, qui évoluent conformément, et même plutôt en avance, par rapport aux objectifs fixés, qu'en ce qui concerne les équipements. La revue de programmes de 1997-1998 a permis d'assurer la réalisation des équipements, dans un contexte d'optimisation de la gestion des crédits, d'évolution des structures et des méthodes.
La croissance soutenue des engagements entre 1997 et 2000 a contribué à la bonne exécution de la programmation 1997-2002. Les engagements du ministère sont en forte hausse, en passe d'atteindre un niveau de 105,5 Mds FF, contre des niveaux de 80 à 90 Mds FF en 97, 98 et 99. D'autre part, le niveau de consommation des paiements, en hausse de 1,8 Mds FF à 79 Mds FF est plus satisfaisant que dans le passé.
S'il est exact que le ministère ne consomme pas encore la totalité des crédits ouverts en LFI, mais c'est aussi le cas des ministères civils dits "investisseurs", cette situation s'explique largement dès lors que l'on prend en considération la baisse marquée des engagements sur la période 1995-1997 et les problèmes posés par la gestion des programmes d'armement, les problèmes techniques, la complexité et la durée des négociations liées aux programmes en coopération ou la dérive des coûts.
Mais cette période est désormais terminée et les réformes passées commencent à porter leurs fruits. Rares sont les programmes prévus sur l'ensemble des 6 années de la loi de programmation militaire qui n'auront pas fait l'objet de commandes effectives avant la fin de l'année 2001, soit un an avant la fin de la période couverte par la programmation.
Au cours des engagements récents, en Bosnie ou au Kosovo, la pertinence du modèle d'armées que nous avons décidé de mettre en place a été confirmée. Les évolutions en cours d'achèvement au sein de nos forces seront donc poursuivies. Mais nos efforts ne s'arrêtent pas là. Le format d'armée que nous nous sommes fixés pour 2015 implique de nombreuses mesures d'adaptation des forces et d'investissement. Ces projets, nationaux et multinationaux, renforceront les capacités de l'Union, et seront détaillés lors de la présentation du projet de loi de programmation militaire 2003/2008 qui a été préparé par mon ministère et fait l'objet d'un examen au niveau interministériel. Cette loi devra viser à consolider la professionnalisation, à développer l'entraînement des forces et à accroître la disponibilité des matériels. Elle dégagera les moyens de relever les défis de notre défense, dans le respect des contraintes budgétaires que vous avez évoqués dans la dernière table ronde.
Ce colloque, par la réunion de profils d'horizons si variés, a apporté des contributions précieuses aux réflexions en cours sur les nouveaux enjeux de la défense nationale. Ces derniers s'inscrivent aujourd'hui dans le contexte de l'Europe de la Défense. Elle est destinée à constituer le cadre permettant d'agir en commun pour la défense de nos intérêts et de nos valeurs, de façon pleinement autonome. C'est un défi pour la défense de demain que nous pouvons, dès aujourd'hui, tous ensemble, relever.
Je vous remercie.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 20 avril 2001)
Mesdames et Messieurs,
Le colloque que vous organisez vise à préciser les enjeux de la défense nationale au-delà de 2002. Ils s'inscrivent désormais de plus en plus dans la perspective de la mise en place d'une politique de défense et de sécurité européenne.
La réussite de l'Europe de la Défense que nous construisons, cela doit être aussi celle d'une industrie de défense dans une perspective résolument européenne. L'enjeu est de donner à notre industrie les moyens de se poser comme un compétiteur crédible face à la puissance de l'industrie américaine.
1. Les développements de l'Europe de la Défense
L'année 2000 a été marquée par une avancée significative dans la construction de l'Europe de la Défense, notamment pendant la Présidence française de l'Union européenne. L'Europe est en train de se donner les moyens de mener une politique commune en matière de sécurité et de défense.
Pour ce qui concerne les capacités militaires, les Etats membres se sont fixés à Helsinki l'objectif d'être en mesure, d'ici 2003, de déployer en moins de 60 jours et de soutenir pour une durée d'au moins un an, des forces pouvant aller jusqu'au niveau d'un Corps d'armée (60 000 personnes). Ces forces doivent être autosuffisantes d'un point de vue militaire, et dotées des capacités adaptées de commandement, de contrôle et de renseignement, de la logistique et d'autres unités d'appui aux combats ainsi que, si cela était nécessaire, d'éléments aériens et navals.
Depuis le Conseil de Feira, les Quinze ont mené à bien le délicat travail de traduction en organisation militaire de ces objectifs. Pour la première fois, des représentants militaires des quinze nations effectuent ensemble un travail de planification militaire, et le font de manière exemplaire. Ce travail a été possible en raison de l'existence d'une détermination forte au service d'une volonté politique.
L'Europe affirme aujourd'hui ses capacités. Tous les Européens en sont conscients, et je crois que c'est là un autre des résultats très positifs de ces derniers mois : remplir de façon très précise le calendrier qui nous était fixé tout en traçant des perspectives de long terme, et en posant les bases d'une culture de défense commune.
Les objectifs politiques ont donc désormais une traduction concrète, celle des documents de planification militaire extrêmement détaillés. Il s'agit en premier lieu d'un "catalogue de capacités", document de plus de 300 pages qui reproduit de façon très rigoureuse les capacités militaires nécessaires pour assumer l'ensemble des missions de Petersberg : aide humanitaire, évacuation des ressortissants, prévention des conflits, séparation par la force des parties belligérantes. Il s'agit d'autre part d'un " catalogue de forces ", qui prend acte des contribution de chacun des Etats membres.
Les contributions volontaires confirmées par les Quinze dans le catalogue de forces constituent un réservoir de plus de 100 000 hommes, d'environ 400 avions de combat et 100 bâtiments. Ces contributions permettent donc, sur le plan quantitatif, de répondre pleinement à l'objectif global défini à Helsinki.
Le résultat de la conférence d'engagement va au-delà de ce catalogue. Nous sommes en effet convenus que nous devions poursuivre ensemble un travail d'amélioration qualitative de ces forces, en particulier pour en améliorer encore la réactivité, la disponibilité, la déployabilité, l'interopérabilité, la capacité à durer. Un effort en équipement devra également être fait sur des capacités opérationnelles "pointues" comme les moyens de recherche et de sauvetage en conditions opérationnelles, de ravitaillement en vol, de suppression des défenses aériennes, les moyens de défense contre les missiles sol-sol ou encore les armements à guidage terminal.
Par ailleurs, conformément aux objectifs collectifs de capacités de Helsinki, nous allons compléter nos capacités stratégiques.
En matière de commandement, les Etats membres ont offert un nombre satisfaisant d'états-majors nationaux ou multinationaux aux niveaux stratégique, d'opération, de force, et de composante. Ces offres devront être évaluées et les procédures validées. Par ailleurs, l'état-major de l'Union européenne qui devrait être opérationnel au cours de l'année 2001, renforcera la capacité collective d'alerte rapide de l'Union européenne en la dotant d'une capacité d'évaluation de situation et de planification stratégique.
En matière de renseignement, outre les capacités d'interprétation d'images du Centre satellitaire de Torrejon, les Etats membres se sont mis d'accord sur un certain nombre de moyens qui peuvent contribuer à la capacité d'analyse et de suivi de situation de l'Union européenne.
En ce qui concerne les capacités aériennes et navales de transport stratégique dont dispose l'Union européenne, des améliorations restent nécessaires pour permettre à l'Union d'être en mesure de répondre à tous les besoins en fonction des situations de théâtre. Cela passe par un renforcement de la capacité de chacun des pays, ainsi que par le développement de projets en coopération. Les hélicoptères NH 90, les navires de transport opérationnel, et surtout l'avion de transport du futur, l'A400M, sont des projets essentiels qui contribueront puissamment au renforcement des capacités à disposition de l'Union.
Aujourd'hui une nouvelle dynamique est lancée, sur la base d'une démarche volontaire des Etats membres. Le défi qui est devant nous est d'assurer la crédibilité de cette dynamique dans la durée. C'est pour cette raison qu'un mécanisme de suivi et d'évaluation a été adopté et approuvé lors du Conseil européen de Nice. Ce mécanisme mesurera les progrès accomplis.
D'ici 2003, lorsque ces organes seront tous en mesure d'assumer leurs fonctions, l'UE sera progressivement capable d'accomplir certaines des missions du Petersberg, avec la montée en puissance du dispositif militaire.
2. La consolidation de l'industrie européenne de défense
La réussite de l'Europe de la Défense dépend aussi de la force de l'industrie de défense européenne, d'autant que les évolutions sont aujourd'hui inévitables et engagées. Le maintien de la compétitivité et le développement de nouveaux produits passent par le développement de partenariats entre les différents acteurs européens de cette industrie et par des adaptations progressives des capacités industrielles. Il en va de la pérennité même de ces industries et des emplois qui y sont liés.
Pour avoir pris conscience, assez tôt, de l'ampleur des évolutions structurelles qui ne pouvaient manquer de toucher le monde économique lié à la défense, nous avons décidé tous ensemble de ne pas subir ces changements, en adoptant la seule approche permettant d'assurer durablement la place éminente de notre pays dans ce domaine : celle d'une européanisation volontaire et cohérente de nos industries de défense.
L'Europe a engagé ce processus avec retard par rapport à notre partenaire américain, retard que l'on peut estimer à quatre ou cinq ans. Au sein de l'Europe, la France n'était pas en avance. Mais les quatre dernières années ont été propices à la consolidation de ce secteur industriel. Le paysage européen est désormais structuré autour de quatre grands groupes : EADS, Thales, BAe Systems et Finmeccanica.
EADS, issu de la fusion d'Aerospatiale Matra, du groupe allemand DASA, et de l'entreprise CASA a été créée en un temps record. Français, Allemands et Espagnols ont déjà su surmonter une partie des difficultés inévitablement liées à ce type de fusions. Sans vouloir minimiser ces obstacles, je crois que la direction d'EADS a su créer, tant au niveau central qu'au sein des filiales opérationnelles, la nécessaire logique d'intégration qui sous-tend ce projet industriel ambitieux.
Le groupe Thales est le pôle européen de référence en matière d'électronique professionnelle et de défense. Fortement dual, solidement implanté dans plusieurs pays d'Europe et au-delà, Thales a maintenant aussi les moyens de jouer un rôle majeur au niveau mondial.
En complément à ces rapprochements européens majeurs, je veux souligner l'intérêt de l'annonce en fin d'année 2000 de la constitution d'une société commune entre Thales et Raytheon dans le domaine de la défense aérienne qui constitue une première initiative de coopération entre l'industrie française et américaine dans des conditions parfaitement équilibrées.
Dans d'autres secteurs le processus de consolidation est déjà engagé.
Je pense bien entendu au naval militaire, où la France avec DCN dispose d'atouts importants dont l'Europe pourra bénéficier. Les efforts de modernisation de DCN portent progressivement leurs fruits ; l'alliance entre Thales et DCN permettra à notre industrie de consolider sa place sur ce marché mondial. Le développement d'une industrie navale modernisée et intégrée est donc clairement pour moi une priorité de mon action à venir.
Pour conclure le panorama de ce secteur industriel en évoquant les priorités d'avenir, je souhaite insister sur l'importance du tissu de PME-PMI. Face à des entreprises de premier rang souvent désormais en situation de monopole, il nous faut non seulement diversifier progressivement nos approvisionnements à l'échelle européenne, mais aussi renforcer le tissu de PME-PMI duales, équipementiers de second rang, qui apportent à l'industrie de défense un dynamisme et une réactivité bénéfiques. C'est une des priorités que j'ai fixé au nouveau DGA.
Le développement de la coopération entre les Etats européens permet lui aussi des progrès significatifs en matière de réduction des coûts des programmes, tout en contribuant à une plus grande homogénéité future des forces de l'Union. Les Etats doivent aider ce processus, en particulier en favorisant le développement de programmes en coopération.
La politique européenne de défense crée une dynamique particulière en matière d'armement qui complète les efforts des industriels. Ainsi, depuis deux ans, de nombreux programmes majeurs ont abouti : je pense notamment au programme de frégates anti-aériennes Horizon, dont la production s'appuie sur une coopération industrielle importante entre la France et l'Italie, aux hélicoptères Tigre et NH 90, à la coopération en matière d'observation spatiale avec l'Italie, qui en complément d'Helios et du programme allemand SAR Lupe permet d'espérer doter l'Europe d'un moyen de renseignement autonome plus large et plus efficace.
L'entente de cinq pays pour un missile air-air de nouvelle génération, commun au Rafale et à l'EUROFIGHTER constitue un autre projet majeur.
Je terminerai bien entendu ce panorama par l'A400M en rappelant l'engagement de 7 gouvernements en juillet 1999 en faveur de cet avion de transport futur, qui devrait se confirmer à l'occasion du prochain salon du Bourget. Il s'agit du plus grand programme en coopération de tous les temps, en nombre de pays et par ses montants financiers.
C'est donc avec satisfaction que j'observe que la France est le seul pays engagé dans la totalité de ces programmes conjoints et de ces outils institutionnels de coopération, mettant ainsi des actes efficaces en accord avec sa volonté politique.
En terme de priorités pour l'action à venir, en matière industrielle et d'armement, je conclurai en insistant sur l'importance de maintenir un effort de recherche de défense de bon niveau dans une période où les crédits devront financer la production industrielle des grands programmes. Préparer l'avenir est aussi une mission prioritaire. Il faudra dans ce domaine également que les Européens se coordonnent davantage et que les synergies avec la recherche civile soit plus systématiquement recherchée.
3. La contribution française à l'Europe de la Défense
Je souhaite présenter à présent la contribution française à l'Europe de la Défense que nous construisons en commun, et évoquer nos projets pour l'avenir.
La France apportera une contribution très significative au réservoir de forces. Le volume global de son engagement s'élève à environ 20 % de la Force de réaction rapide soit une contribution terrestre maximale de 12 000 hommes avec des moyens aériens et navals appropriés, soit 75 avions de combat et 12 bâtiments dont le porte avions.
C'est dans le domaine des capacités "clés" qui fondent la cohérence d'ensemble de la Force de réaction rapide européenne que la France fournit proportionnellement sa plus forte contribution.
Dans le domaine du commandement, elle tient à la disposition de l'Union ses états-majors de niveau stratégique et opératif ainsi que des états-majors tactiques et des moyens projetables de communication, notamment par satellite.
Dans le domaine du renseignement, elle offre des capacités d'imagerie satellitaire grâce à des stations de théâtre Hélios. Elle tient aussi à la disposition de l'Union des moyens de reconnaissance et de surveillance du champ de bataille tels que les Mirage IV et le système héliporté Horizon.
Enfin, dans le domaine de la mobilité, elle participe significativement à l'effort collectif avec 29 avions à long et moyen rayon d'action et deux grands bâtiments amphibies.
La totalité des moyens français pourra être déployée dans le délai de soixante jours imparti. Nous pourrons également maintenir ces capacités sur le théâtre d'opérations pour au moins une année, seul le groupe aéronaval fera exception en n'étant déployé qu'au maximum six mois.
Les premiers efforts se feront dans le cadre national. Dans le domaine des moyens d'imagerie satellitaire, des stations de théâtre améliorées d'exploitation d'images dotées de capacités de très haute définition et de cadences de renouvellement accrues seront disponibles en 2004.
En matière de renseignement encore, nous voulons nous doter d'une capacité de drones tactiques plus performants, y compris un système moyenne altitude et longue endurance, ainsi que des nacelles de reconnaissance de nouvelle génération pour améliorer nos moyens de reconnaissance aéroportés.
Pour les communications satellitaires, des capacités accrues en matière de débit et de protection sont prévues sur le programme Syracuse III. Afin d'améliorer l'efficacité de nos armées, je souhaite les équiper de nouveaux armements de précision et de missiles de croisière, y compris sur le porte-avions. Le renforcement des capacités de projection de force à partir de la mer bénéficiera dès 2006 de la mise en service du Rafale F2. Par ailleurs, il existe un programme d'amélioration de nos moyens de projection amphibie.
Naturellement, j'entends soutenir les projets de coopération bi ou multinationaux existants dans lesquels nous sommes déjà engagés ainsi que d'en promouvoir de nouveaux.
La France désire poursuivre, avec le concours des autres pays membres le renforcement du Corps européen, de l'EUROFOR et de l'EUROMARFOR et la mise sur pied d'un état-major européen projetable de composante aérienne.
Une étude avec l'Allemagne est en cours de réalisation, au sujet d'une messagerie sécurisée, aux normes OTAN, permettant l'intercommunication des systèmes d'information et de commandement de nos deux pays. A terme, c'est l'intercommunication des autres Etats membres permettant le développement d'un système unique au sein du Corps européen, qui est visée.
Dans le domaine du renseignement, nous nous proposons, avec l'Allemagne et l'Italie, d'acquérir une capacité d'observation satellitaire tout temps en partenariat multinational ouvert à d'autres nations.
Cet engagement de la France est en grande partie le résultat de l'intense effort d'adaptation de son outil militaire mené depuis 1994. Les hypothèses stratégiques retenues dans le Livre blanc et prises comme base de la programmation de 1996 sont confirmées par les enseignements tirés de la période récente. Du fait des évolutions géopolitiques importantes en cours, il apparaît essentiel de mener une réflexion prospective sur le format et la nature d'un système de forces à horizon d'une vingtaine d'années. Elaborée à partir du Livre blanc, une planification des transformations indispensables au sein de nos forces a été élaborée, qui prévoit la mise en place d'armées professionnalisées, dotées d'un haut degré de technicité et capables de se projeter sur des théâtres d'opérations partout où nos intérêts sont en jeu.
La progressivité de la réforme de nos armées a rendu nécessaire l'élargissement du périmètre des lois de programmation militaire, en incluant les effectifs et les moyens en fonctionnement de nos armées. La loi qui ouvre la période 1997-2002, votée par la précédente législature, sera conduite à son terme, tant en matière d'effectifs, qui évoluent conformément, et même plutôt en avance, par rapport aux objectifs fixés, qu'en ce qui concerne les équipements. La revue de programmes de 1997-1998 a permis d'assurer la réalisation des équipements, dans un contexte d'optimisation de la gestion des crédits, d'évolution des structures et des méthodes.
La croissance soutenue des engagements entre 1997 et 2000 a contribué à la bonne exécution de la programmation 1997-2002. Les engagements du ministère sont en forte hausse, en passe d'atteindre un niveau de 105,5 Mds FF, contre des niveaux de 80 à 90 Mds FF en 97, 98 et 99. D'autre part, le niveau de consommation des paiements, en hausse de 1,8 Mds FF à 79 Mds FF est plus satisfaisant que dans le passé.
S'il est exact que le ministère ne consomme pas encore la totalité des crédits ouverts en LFI, mais c'est aussi le cas des ministères civils dits "investisseurs", cette situation s'explique largement dès lors que l'on prend en considération la baisse marquée des engagements sur la période 1995-1997 et les problèmes posés par la gestion des programmes d'armement, les problèmes techniques, la complexité et la durée des négociations liées aux programmes en coopération ou la dérive des coûts.
Mais cette période est désormais terminée et les réformes passées commencent à porter leurs fruits. Rares sont les programmes prévus sur l'ensemble des 6 années de la loi de programmation militaire qui n'auront pas fait l'objet de commandes effectives avant la fin de l'année 2001, soit un an avant la fin de la période couverte par la programmation.
Au cours des engagements récents, en Bosnie ou au Kosovo, la pertinence du modèle d'armées que nous avons décidé de mettre en place a été confirmée. Les évolutions en cours d'achèvement au sein de nos forces seront donc poursuivies. Mais nos efforts ne s'arrêtent pas là. Le format d'armée que nous nous sommes fixés pour 2015 implique de nombreuses mesures d'adaptation des forces et d'investissement. Ces projets, nationaux et multinationaux, renforceront les capacités de l'Union, et seront détaillés lors de la présentation du projet de loi de programmation militaire 2003/2008 qui a été préparé par mon ministère et fait l'objet d'un examen au niveau interministériel. Cette loi devra viser à consolider la professionnalisation, à développer l'entraînement des forces et à accroître la disponibilité des matériels. Elle dégagera les moyens de relever les défis de notre défense, dans le respect des contraintes budgétaires que vous avez évoqués dans la dernière table ronde.
Ce colloque, par la réunion de profils d'horizons si variés, a apporté des contributions précieuses aux réflexions en cours sur les nouveaux enjeux de la défense nationale. Ces derniers s'inscrivent aujourd'hui dans le contexte de l'Europe de la Défense. Elle est destinée à constituer le cadre permettant d'agir en commun pour la défense de nos intérêts et de nos valeurs, de façon pleinement autonome. C'est un défi pour la défense de demain que nous pouvons, dès aujourd'hui, tous ensemble, relever.
Je vous remercie.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 20 avril 2001)