Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat aux aînés, sur la consommation des séniors et son impact sur la croissance des entreprises, Paris le 18 mai 2010.

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Circonstance : Colloque "Les séniors : un marché de croissance pour les entreprises" à Paris le 18 mai 2010

Texte intégral

Je suis particulièrement heureuse d'être parmi vous aujourd'hui, à l'occasion de l'ouverture du colloque intitulé « Les Seniors : un marché de croissance pour les entreprises » que le Ministère de l'Industrie a pris l'initiative d'organiser.
En effet, il est rare que soit abordé le rôle des seniors en tant que moteur du développement industriel et des services.
Pourtant, la croissance de notre pays repose depuis longtemps sur la performance de ses industries. Sans elle, sans les bénéfices qu'elle a dégagés, notre système de protection sociale n'existerait pas. Aucune des avancées sociales, qui constituent aujourd'hui autant d'évidences, n'aurait été rendue possible sans une industrie forte. C'est pourquoi, alors que nous traversons une crise économique, nous devons tout faire pour l'encourager à se maintenir, à se développer, et à conquérir de nouveaux marchés.
L'allongement continu de l'espérance de vie offre une double opportunité : d'une part, en termes de capacité de travail, d'autre part, en termes de consommation.
Trop souvent, dans les discours, le vieillissement est chargé de valeurs négatives : solitude, faiblesse, dépendance... Bien au contraire, avancer en âge est un formidable progrès !
Aujourd'hui, plus d'1 Français sur 3 a plus de 50 ans. Or, la première conséquence de l'augmentation de l'espérance de vie est un « rajeunissement des personnes » ! Depuis un demi siècle, nous avons gagné de 10 à 15 ans de capacité de travail.
Avoir 50 ans et plus, aujourd'hui, c'est vivre de manière pleinement intégrée à notre société, c'est être actif, disposer d'un réseau relationnel important, d'une expérience professionnelle et de savoir-faire. D'un point de vue économique, il s'agit là d'une marge très importante pour le marché de l'emploi.
Pourtant, nous sommes face à un paradoxe. Ces dernières décennies, la gestion des ressources humaines s'est faite à l'opposé de cette réalité (retraites anticipées, taux d'emploi trop faible des seniors...)
Il faut au contraire renforcer la formation tout au long de la vie, favoriser l'activité et encourager les seniors à créer leur entreprise, bref : sécuriser les parcours professionnels.
C'est pourquoi le Gouvernement, dans son dernier document d'orientation sur la réforme des retraites, évoque l'emploi des seniors comme l'une des priorités de notre pacte social et économique.
La seconde conséquence de l'augmentation de l'espérance de vie, c'est que les aînés, tous âges confondus, jouent un rôle de plus en plus important en tant que consommateurs.
Nos aînés, aujourd'hui, ont un niveau de vie globalement supérieur au passé. La plupart des aînés sont en bonne forme, socialement actifs, autonomes, aident leurs enfants et contribuent de façon significative à la société.
Par ailleurs, même si des inégalités sont constatées selon les catégories socioprofessionnelles, ils ont un revenu assuré, lequel revenu a bien joué son rôle de filet de sécurité pendant la crise.
En outre, leur pouvoir d'achat et leur appétence pour la consommation sont sans commune mesure avec ceux des générations qui les ont précédés. Ils sont ainsi les plus grands consommateurs de tourisme et de voyages, ils sont les 1ers clients pour les achats de voitures neuves, et constituent une part essentielle du marché des produits du bien-être.
Les aînés disposent souvent d'un patrimoine et d'un taux d'épargne plus importants que les actifs. Ils peuvent donc consommer sans prendre de risque. Plus de 3 aînés sur 4 sont propriétaires de leur logement. Ils souhaitent l'aménager, le décorer et l'adapter à leur situation pour continuer à vivre chez eux, de manière confortable et en toute sécurité.
Les aînés représentent donc un marché de croissance pour les entreprises.
Mais dire cela, ce n'est pas suffisant. Encore faut-il que leur soient proposées des offres adaptées, c'est-à-dire des produits et services qui correspondent à leurs attentes.
Il est de notre devoir, en tant que responsables politiques, de tout faire pour encourager l'émergence d'une nouvelle économie de la longévité et d'intensifier les logiques d'innovation.
Aujourd'hui, la grande majorité des aînés souhaite vivre chez eux le plus longtemps possible. Cette aspiration est parfaitement légitime.
C'est pourquoi j'ai décidé de lancer, en février dernier, une mission nationale « Vivre chez soi », pour répondre avant tout aux besoins des aînés de vivre chez eux le plus longtemps possible, mais aussi pour contribuer concrètement à l'organisation de cette économie.
La mission « Vivre chez soi » s'articule donc autour de 6 volets.
1. Diagnostic autonomie habitat L'enjeu, c'est d'adapter l'habitat des aînés pour garantir leur autonomie. Les chantiers sont nombreux : sécurité, accessibilité, ergonomie, développement du numérique
2. Technologies et services pour l'autonomie Il s'agit également de développer des offres globales de produits et de services correspondant aux besoins des aînés : mobilité, accès à l'information, prévention santé, lien social.
3. Mobilité et urbanisme
C'est un enjeu majeur : définir une nouvelle politique de la ville ne se limite pas à l'habitat, mais comprend aussi la mobilité et l'urbanisme. Oui, nous avons besoin de nouveaux modes de transports individuels et collectifs, pour que nos villes soient encore plus accueillantes.
4. Métiers, compétences et formations
Nous le savons tous, les métiers du domicile souffrent d'une faible attractivité. Or, demain, les besoins de professionnels compétents seront immenses. C'est pourquoi nous devons, dès à présent, tout faire pour offrir aux professionnels des perspectives de carrières plus intéressantes et mieux valorisées.
5. Inclusion et prévention des discriminations
Il est inacceptable que les aînés soient discriminés dans l'accès aux services bancaires et aux produits assurantiels. Pourquoi les aînés seraient-ils exclus de la société de consommation ? Il s'agit donc de faire preuve de bon sens économique.
6. Optimisation de gestion des services
Enfin, pour réussir le « Vivre chez soi », une vision économique globale est indispensable. Celle-ci exige un changement significatif dans l'organisation, la mise en oeuvre et le coût de production des services.
Vous le voyez, ces 6 volets de la mission « Vivre chez soi » impliquent une vaste consultation des différents acteurs concernés par ces axes de travail. Il s'agit de créer une stratégie économique cohérente, facteur de croissance et d'innovations en matière de technologies, d'offre de services, et de développement de nos territoires.
Je vous donne donc rendez-vous le 17 juin prochain pour en partager les résultats et vous annoncer les mesures prioritaires que je lancerai dès cet été.
Je tiens d'ailleurs à signaler que le partenariat entre mon Secrétariat d'Etat et le Ministère chargé de l'Industrie est déjà une réalité. En effet, j'ai chargé le « Centre National de Référence - Santé à Domicile et Autonomie » de coordonner les travaux de la mission Vivre chez soi.
En valorisant les technologies, les compétences, les savoirfaire et les activités existantes, ce Centre permet de répondre aux enjeux humains, sociétaux et économiques du vivre chez soi et du maintien de l'autonomie. Je sais que son action sera déterminante pour l'avenir du secteur.
Vous qui représentez le monde de l'entreprise, des services, et de l'industrie, vous devez donc intégrer la longévité comme un nouveau modèle de croissance, au même titre que le développement durable.
Mesdames et Messieurs, je souhaite, pour conclure, évoquer le coeur de ma responsabilité ministérielle : la prise en charge des personnes lourdement dépendantes, qui est un impératif de solidarité.
La recherche scientifique dans le domaine de la santé, l'industrie des médicaments, les gérontechnologies, vous le savez, constituent un véritable enjeu de croissance de notre économie par l'exportation. La diffusion de ces savoir-faire à l'échelle mondiale sera donc un élément clé de notre croissance dans les prochaines années.
Je voudrais remercier Christian Estrosi d'avoir pris l'initiative d'organiser ce colloque, qui place les seniors au coeur des enjeux de notre société et de notre économie.
Je suis persuadée que toutes les pistes que j'ai évoquées sont autant d'opportunités pour notre économie.
La longévité constitue un nouveau paradigme de développement. L'économie du XXIe siècle sera celle de la longévité et du bien-être.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 20 mai 2010