Texte intégral
Q - Le gouvernement a été accusé de brader les intérêts du groupe public Aérospatiale en cédant 33 % de son capital à un partenaire stratégique privilégié, Matra. Que répondez-vous ?
R - Nous avons décidé une double transformation dAérospatiale. Dune part, lentreprise fusionne avec Matra hautes technologies (MHT) avec qui elle obtient dimportantes synergies industrielles. Dautre part, elle devient une société cotée dont les actions circuleront sur les marchés et établiront sa valeur. Si nous avons fait ce choix, cest pour permettre au nouvel ensemble de trouver pour ses projets, dans la durée, des financements beaucoup plus amples que ce que le budget de lEtat, seul, apporterait. Tous nos partenaires, notamment les syndicats avec qui jen ai parlé fréquemment, ont compris cette stratégie. La plupart lapprouvent et les autres ne proposent pas dalternative.
Au moment de ce changement on ne peut pas décréter la valeur quon désire pour Aérospatiale, ni la déduire dune théorie. On létablit en conformité avec les méthodes qui ont cours sur les marchés envers toute entreprise, base de la confiance pour ceux qui y investissent. Sil y a dun côté les très grands atouts du savoir-faire, du fond de commerce et des ressources technologiques considérables dAérospatiale, il y a aussi des facteurs qui viennent en soustraction : les risques techniques assumés dans les contrats de vente des Airbus, les conditions de garantie sur les variations du dollar pour des chiffres de ventes importants, la faible marge dégagée sur certains contrats, entre autres éléments, doivent entrer en compte pour dire la valeur de mise sur le marché dAérospatiale, MHT, lui, a déjà sa valeur testée selon les mêmes critères.
Q - Mais pourquoi le gouvernement se tait-il ?
R - Sil avait eu la légèreté dafficher une estimation illusoire esquivant ces réalités, il aurait fait échouer le renforcement dAérospatiale et les chances industrielles quil porte. La commission des participations et des transferts, qui examine de manière indépendante le projet de fusion et qui fixera ensuite la valeur de vente du nouvel ensemble sous le contrôle des marchés, nous démentirait à juste titre. Cest elle qui, selon la loi du 6 août 1986, fixe la valeur de lentreprise ou qui détermine la parité en cas dapport dactifs dune autre société. Ses évaluations seront rendues publiques. Toute expression extérieure dune autorité officielle enfreindrait lindépendance de la commission et justifierait des recours judiciaires contre la procédure. Ceux qui ont émis des critiques polémiques sur ce sujet, appuyées sur des calculs de coin de table, ne peuvent avoir que deux motivations. Ou ils déforment la réalité par esprit de système en sachant que la loi nous interdit de leur répondre, chiffres en mains jusquà la mise sur le marché. Ou ils sopposent en fait à louverture du capital dAérospatiale et à lalliance avec Matra mais nosent pas assumer cette position sans issue.
La juste valorisation sera confirmée, dans quelques semaines, lors de la mise en vente des actions qui, chacun le sait déjà, sera un grand succès notamment chez les salariés. Mais il serait contraire à la loyauté du débat de laisser dici-là sans réponse des accusation injustes et de fausser ainsi lappréciation des citoyens.
Q - Dassault-Aviation a conservé toute son autonomie de manoeuvre. Etait-ce que vous cherchiez ?
R - Le pacte dactionnaires entre Aérospatiale-Matra et Dassault Aviation prévoit des prises de décisions communes sur toutes les questions majeures intéressant la vie de la société : filialisation dactivités, acquisition ou cession dactifs, nouveaux programmes. Cest le niveau de convergence nécessaire entre les deux ensembles et cest celui quon peut atteindre aujourdhui par voie daccord.
Q - Après la fusion entre British Aerospace (BAe) et Marconi, que peut devenir le projet de grande société européenne de laéronautique et de défense (EADC), et Thomson-CSF nest-il pas isolé ?
R - Le groupe allemand DASA entretient des relations nombreuses avec Aérospatiale-Matra, source de synergies potentielles. Cest le cas dans Airbus, dans Eurocopter, dans la future société Matra-Marconi-DASA, ce qui représente des perspectives dactivités très importantes. De son côté, Thomson-CSF a de nombreuses opportunités dalliances en Italie, en Allemagne et aussi en Grande-Bretagne où les autorités ne souhaitent pas forcément avoir un fournisseur en situation de monopole. Mais, plus largement, puisque vous citez la grande société EADC, je trouve que le contexte européen recèle plus dune possibilité ; plus dune formule pour assurer des partenariats.
Q - Toutes les réflexions autour de ce projet EADC ne sont-elles pas bloquées tant que BAe naura pas digéré Marconi ?
R - Les entreprises françaises dans leur nouvelle configuration ont des pistes multiples dalliances cohérentes avec nos préoccupations déquilibre européen et dautonomie stratégique à long terme. Et donc, elles vont faire preuve de créativité.
Je parlais à linstant dautonomie stratégique. Il faut bien entendre que notre préoccupation de convergence européenne est une priorité, mais quelle nexclut pas les partenariats transatlantique comme celui qui marchait bien, par exemple, entre Snecma et General Electric pour les moteurs CFM. Mais nous devons garder la préoccupation, comme nos partenaires américains, de ne pas conclure dalliances débouchant sur une subordination.
Je ne peux pas vous répondre sur le délai précis que va demander la fusion BAe-Marconi. Ce qui est sûr, cest que lensemble Aerospatiale-Matra sera, dans très peu de temps, en pleine capacité pour négocier avec ses partenaires tous les types daccord dintérêt commun.
Q - Voyez-vous clair dans le jeu du groupe espagnol CASA et dans celui du groupe italien Alenia-Finmeccanica en Europe ?
R - CASA et Finmeccanica sont des acteurs importants dans lindustrie européenne et nous souhaitons quils soient partenaires des grandes entreprises françaises quils connaissent bien.
La stratégie de leurs dirigeants, que je rencontre régulièrement est cohérente avec la nôtre :
privilégier la logique industrielle et des alliances renforçant leurs compétences sans faire disparaître leur identité.
Q - La survie des industries de laéronautique et de défense passe-t-elle nécessairement par le gigantisme ?
R - Lindustrie de défense est une industrie à fort contenu technologique. Pour se maintenir au meilleur niveau, les grands industriels ont besoin de la taille permettant de financer un effort durable de recherche et développement. Cest ce qui a conduit le gouvernement à réunir les principales capacités françaises qui étaient trop divisées en mai 1997. Mais la concentration nest pas la panacée et nos deux pôles, centrés lun sur lélectronique de défense, lautre sur laéronautique, pourront, grâce à leur capacités nouvelles, développe des stratégies diversifiées.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mars 1999)
R - Nous avons décidé une double transformation dAérospatiale. Dune part, lentreprise fusionne avec Matra hautes technologies (MHT) avec qui elle obtient dimportantes synergies industrielles. Dautre part, elle devient une société cotée dont les actions circuleront sur les marchés et établiront sa valeur. Si nous avons fait ce choix, cest pour permettre au nouvel ensemble de trouver pour ses projets, dans la durée, des financements beaucoup plus amples que ce que le budget de lEtat, seul, apporterait. Tous nos partenaires, notamment les syndicats avec qui jen ai parlé fréquemment, ont compris cette stratégie. La plupart lapprouvent et les autres ne proposent pas dalternative.
Au moment de ce changement on ne peut pas décréter la valeur quon désire pour Aérospatiale, ni la déduire dune théorie. On létablit en conformité avec les méthodes qui ont cours sur les marchés envers toute entreprise, base de la confiance pour ceux qui y investissent. Sil y a dun côté les très grands atouts du savoir-faire, du fond de commerce et des ressources technologiques considérables dAérospatiale, il y a aussi des facteurs qui viennent en soustraction : les risques techniques assumés dans les contrats de vente des Airbus, les conditions de garantie sur les variations du dollar pour des chiffres de ventes importants, la faible marge dégagée sur certains contrats, entre autres éléments, doivent entrer en compte pour dire la valeur de mise sur le marché dAérospatiale, MHT, lui, a déjà sa valeur testée selon les mêmes critères.
Q - Mais pourquoi le gouvernement se tait-il ?
R - Sil avait eu la légèreté dafficher une estimation illusoire esquivant ces réalités, il aurait fait échouer le renforcement dAérospatiale et les chances industrielles quil porte. La commission des participations et des transferts, qui examine de manière indépendante le projet de fusion et qui fixera ensuite la valeur de vente du nouvel ensemble sous le contrôle des marchés, nous démentirait à juste titre. Cest elle qui, selon la loi du 6 août 1986, fixe la valeur de lentreprise ou qui détermine la parité en cas dapport dactifs dune autre société. Ses évaluations seront rendues publiques. Toute expression extérieure dune autorité officielle enfreindrait lindépendance de la commission et justifierait des recours judiciaires contre la procédure. Ceux qui ont émis des critiques polémiques sur ce sujet, appuyées sur des calculs de coin de table, ne peuvent avoir que deux motivations. Ou ils déforment la réalité par esprit de système en sachant que la loi nous interdit de leur répondre, chiffres en mains jusquà la mise sur le marché. Ou ils sopposent en fait à louverture du capital dAérospatiale et à lalliance avec Matra mais nosent pas assumer cette position sans issue.
La juste valorisation sera confirmée, dans quelques semaines, lors de la mise en vente des actions qui, chacun le sait déjà, sera un grand succès notamment chez les salariés. Mais il serait contraire à la loyauté du débat de laisser dici-là sans réponse des accusation injustes et de fausser ainsi lappréciation des citoyens.
Q - Dassault-Aviation a conservé toute son autonomie de manoeuvre. Etait-ce que vous cherchiez ?
R - Le pacte dactionnaires entre Aérospatiale-Matra et Dassault Aviation prévoit des prises de décisions communes sur toutes les questions majeures intéressant la vie de la société : filialisation dactivités, acquisition ou cession dactifs, nouveaux programmes. Cest le niveau de convergence nécessaire entre les deux ensembles et cest celui quon peut atteindre aujourdhui par voie daccord.
Q - Après la fusion entre British Aerospace (BAe) et Marconi, que peut devenir le projet de grande société européenne de laéronautique et de défense (EADC), et Thomson-CSF nest-il pas isolé ?
R - Le groupe allemand DASA entretient des relations nombreuses avec Aérospatiale-Matra, source de synergies potentielles. Cest le cas dans Airbus, dans Eurocopter, dans la future société Matra-Marconi-DASA, ce qui représente des perspectives dactivités très importantes. De son côté, Thomson-CSF a de nombreuses opportunités dalliances en Italie, en Allemagne et aussi en Grande-Bretagne où les autorités ne souhaitent pas forcément avoir un fournisseur en situation de monopole. Mais, plus largement, puisque vous citez la grande société EADC, je trouve que le contexte européen recèle plus dune possibilité ; plus dune formule pour assurer des partenariats.
Q - Toutes les réflexions autour de ce projet EADC ne sont-elles pas bloquées tant que BAe naura pas digéré Marconi ?
R - Les entreprises françaises dans leur nouvelle configuration ont des pistes multiples dalliances cohérentes avec nos préoccupations déquilibre européen et dautonomie stratégique à long terme. Et donc, elles vont faire preuve de créativité.
Je parlais à linstant dautonomie stratégique. Il faut bien entendre que notre préoccupation de convergence européenne est une priorité, mais quelle nexclut pas les partenariats transatlantique comme celui qui marchait bien, par exemple, entre Snecma et General Electric pour les moteurs CFM. Mais nous devons garder la préoccupation, comme nos partenaires américains, de ne pas conclure dalliances débouchant sur une subordination.
Je ne peux pas vous répondre sur le délai précis que va demander la fusion BAe-Marconi. Ce qui est sûr, cest que lensemble Aerospatiale-Matra sera, dans très peu de temps, en pleine capacité pour négocier avec ses partenaires tous les types daccord dintérêt commun.
Q - Voyez-vous clair dans le jeu du groupe espagnol CASA et dans celui du groupe italien Alenia-Finmeccanica en Europe ?
R - CASA et Finmeccanica sont des acteurs importants dans lindustrie européenne et nous souhaitons quils soient partenaires des grandes entreprises françaises quils connaissent bien.
La stratégie de leurs dirigeants, que je rencontre régulièrement est cohérente avec la nôtre :
privilégier la logique industrielle et des alliances renforçant leurs compétences sans faire disparaître leur identité.
Q - La survie des industries de laéronautique et de défense passe-t-elle nécessairement par le gigantisme ?
R - Lindustrie de défense est une industrie à fort contenu technologique. Pour se maintenir au meilleur niveau, les grands industriels ont besoin de la taille permettant de financer un effort durable de recherche et développement. Cest ce qui a conduit le gouvernement à réunir les principales capacités françaises qui étaient trop divisées en mai 1997. Mais la concentration nest pas la panacée et nos deux pôles, centrés lun sur lélectronique de défense, lautre sur laéronautique, pourront, grâce à leur capacités nouvelles, développe des stratégies diversifiées.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mars 1999)