Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Ce n'est pas très nouveau que nous nous retrouvions ici, mais les visites que je fais chez mes amis s'espaçaient un peu. Donc me voilà. N'y voyez aucune intention malicieuse mais uniquement une intention amicale.
J'étais à Istanbul, et je pourrais vous parler des sujets qui ont été abordés dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur la Somalie, mais ce n'est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.
Après avoir notamment rencontré le Premier ministre turc ainsi que mon ami le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davetoglu, je suis allé visiter vos voisins, nos amis syriens. J'ai donc rencontré M. Walid Mouallem, mon homologue, et le président Bachar Al-Assad, longuement ce matin.
Et puis je suis venu chez vous et j'ai rencontré le Premier ministre Saad Hariri que je remercie de m'avoir attendu avant de partir pour New York. Puis j'ai rencontré le président Sleiman tout à l'heure et mon ami Kamel Mouhanna. Tout cela est un peu précipité. Je devais venir il y a quelques jours et vous prie de pardonner ce contretemps.
Je n'ai pas vu tout le monde mais je vais au Caire pour que, ce soir, nous puissions - et c'est un petit peu pour cela que je suis pressé - nous retrouver avec le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit et avec le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Moratinos.
Au cours d'une conférence de presse, nous expliquerons - et vous me permettrez de réserver ces explications pour ce soir - pourquoi nous avons trouvé une date différente pour ce Sommet de Barcelone de l'Union pour la Méditerranée.
Q - Une guerre menace-t-elle prochainement le Liban ?
R - De l'extérieur et d'un peu loin, nous étions un peu inquiets. Nous pensions, en effet, que la tension dans le sud du Liban et à la frontière israélienne, éventuellement en Israël, et avec la Syrie, était de nature à nous inquiéter.
Honnêtement, après ces rencontres, je constate que personne ne me parle plus de tension ; ou alors cette tension est retombée. En tout cas, je suis très satisfait de nos partenaires, de nos amis, bien sûr, au Liban et, de l'autre côté de nos amis en Syrie. Cela veut-il dire que la région est devenue paisible et sans problèmes ? Non, mais très honnêtement, tout ce qu'on a affirmé, aussi bien ici au Liban qu'en Syrie, c'est-à-dire que personne ne veut provoquer de confrontations, m'a plutôt satisfait. Je n'ai pas constaté de tension dans les paroles du président Bachar Al-Assad, ni du ministre Mouallem ; ici non plus, ni dans les propos tenus par M. Saad Hariri, ni par le président Sleiman, au contraire.
Je me fais l'écho de cet apaisement, de cette tranquillité, mais était-il dû à mon imagination ? Non, je ne crois pas. Je pense que le début des "proximity talks" est quand même un meilleur signe que s'il n'y en avait pas eu. Le fait que la situation à propos de l'Iran se soit, de mon point de vue, un peu clarifiée, en est un autre. Ce soir, au Caire, nous verrons ce que pensent nos amis et ce que pense la presse.
Q - Avez-vous transmis un message aux autorités syriennes ?
R - J'étais venu surtout pour les écouter. Le message de la France est très clair. C'est très simple : nous sommes en faveur de deux Etats vivant côte à côte, l'Etat palestinien et l'Etat israélien. La seule façon d'ailleurs de sécuriser l'Etat israélien, c'est qu'il y ait un Etat palestinien. Nous sommes pour Jérusalem capitale des deux Etats. Nous n'avons pas changé. Nous condamnons la colonisation et nous le disons haut et fort ; je pense que c'est le premier des problèmes à régler. Il y en a d'autres : je sais très bien qu'il y a le Golan, qu'il y a des problèmes qui demeurent entre le Liban et Israël, bien sûr. Mais je pense que si on réglait ce premier problème, pour lequel nous avons vraiment la recette du règlement, ce serait mieux. Après, on verrait pour les autres.
Bien sûr, avec le président Bachar Al-Assad, nous avons évoqué d'éventuels pourparlers ; il y en a eu avec le précédent gouvernement israélien. Tout cela demeure, tout cela existe, cette tension entre les hommes et les femmes de ces régions demeure, mais nous faisons tout pour les apaiser. C'est cela le sens, non pas seulement de ce voyage, mais de tous les voyages que j'ai le bonheur d'effectuer ici dans ce pays ami.
Q - Avez-vous évoqué la question des SCUD et de la frontière lors de vos entretiens en Syrie et au Liban ?
R - Oui, nous avons évoqué le problème des frontières. Quant au problème des SCUD, le président syrien a affirmé qu'il n'y avait pas matière à s'inquiéter et qu'il n'y avait pas de SCUD sur le territoire libanais. Ce que d'ailleurs nous n'avons pas constaté, ni vous non plus, à l'heure qu'il est. Cependant l'armement existe, les armements, je ne parle pas simplement de l'armement du Hezbollah, mais l'armement qui existe du côté israélien aussi bien sûr. Ce que nous voulons, c'est que ces armements ne servent pas. A force de ne pas servir, peut-être qu'ils vont se rouiller et qu'à ce moment-là les coeurs vont se réanimer. Cela s'appellerait la paix. C'est ce que je souhaite et c'est vraiment ce que la France souhaite depuis très longtemps. C'est le résumé un peu trop rapide - bien sûr il reste des problèmes - que j'ai fait de la position française. Cette position française existe depuis bien longtemps.
Q - (inaudible)
R - Il y a quelque chose qui serait peut-être nouveau, c'est l'application pleine et entière de la résolution 1701. Vous savez que nous, la France avec ses soldats, faisons partie de la FINUL. Nous avons depuis 2006, depuis le dernier conflit, eu l'occasion de montrer que nous étions utiles. Je crois que tout le monde le pense maintenant, franchement. Est-ce suffisant ? Non, mais en tout cas, cela nécessite une réflexion permanente sur l'application de cette résolution et sur les frontières en particulier. Tout n'est pas parfait, loin de là.
Q - Comment expliquez-vous le report de votre visite en Syrie il y a quinze jours ?
R - Le rendez-vous qui m'avait été promis a été reporté.
Q - Il y a une manifestation actuellement devant la Résidence, demandant la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Avez-vous un message pour ces manifestants ?
R - Je n'ai aucun message pour aucun manifestant. Je sais ce que dit la Cour d'Appel de Paris. Je vous assure qu'en bien des occasions, j'ai eu l'imprudence de manifester une opinion à propos d'une décision de justice. Je ne le ferai plus. Croyez-moi, c'est la meilleure façon de ne plus y voir clair, dans une décision de justice.
La justice en France est indépendante. La Cour d'Appel de Paris a décidé. Je constate, je n'ai pas d'autre langage à tenir aux manifestants. La justice et l'exécutif en France sont complètement séparés.
Q - Sur le report de la visite en Syrie ?
R - Cela a été reporté simplement parce que le rendez-vous en Syrie a été déplacé - et je vous ai dit l'avoir reporté également parce qu'il y avait la Conférence d'Istanbul. Je sais que M. Morin vous a rendu visite. Ces successions de visites témoignent-ils d'une quelconque fébrilité ? Vous savez, nous nous voyons régulièrement. Et d'ailleurs il aurait été difficile d'être tous les deux ensemble ici. Néanmoins cela ne m'empêche pas, parce que Hervé Morin voyage, de voyager et de rendre visite à mes amis. Il n'y a pas un grand étonnement à me voir à Beyrouth, et en particulier dans cette salle que je connais bien. Il n'y a aucune fébrilité, il s'agit plutôt d'un clin d'oeil.
Q - Y a-t-il une ingérence syrienne dans les affaires libanaises ?
R - Quand nous avons commencé - le gouvernement de François Fillon, avec le président Sarkozy - nous n'avions pas de relations, du moins des relations limitées et réduites avec la Syrie. Aujourd'hui, nous avons des relations ouvertes et bilatérales, n'est-ce pas ? Depuis l'ouverture de ces relations, on peut au moins constater qu'il y a eu une reconnaissance de l'Etat libanais, avec la nomination d'un ambassadeur. Est-ce suffisant ? Non ; c'était cependant inimaginable il y a quelques années. Cela va donc plutôt dans la bonne direction. Est-ce parfait ? Sûrement pas. Est-ce que la résolution 1701 est appliquée complètement ? Sûrement pas non plus.
Par conséquent, l'une des raisons de ma visite c'est, à chaque fois, de rappeler qu'on devrait pouvoir avec l'aide de tous, essayer de faire en sorte que cette résolution, dont j'ai parlé avec Ban Ki-moon il y a peu, soit appliquée pleinement. Je crois que c'est un nouveau chapitre et que les Syriens jouent maintenant un rôle politique - vous avez raison - qui n'existait pas avant et qui était particulièrement bloqué. Est-ce parfait par rapport à l'Iran ? Est-ce parfait par rapport à de nombreux autres problèmes ? On ne peut pas le dire. C'est, cependant, un grand progrès et je pense que les Syriens en sont conscients.
Les Français et les Syriens se félicitent de leur relation. Vous savez, nous avons commencé, les Américains ont suivi. Si cette baisse de tension - après une petite tension quand même, que nous avons constaté - est de nature à débloquer un processus de paix syro-israélien.
Q - (Sur le projet de sanctions contre l'Iran au CSNU)
R - Vous n'auriez pas imaginé, il y a encore dix ou vingt jours, que les Chinois ou les Russes aient signé. Eh bien voilà ! Mais ce n'est pas fini ! Parallèlement, il y a cette ouverture grâce au Brésil et à la Turquie. Les choses commencent donc à se débloquer un petit peu. C'est ce que j'appelle un début de clarification. Est-ce suffisant ? Je l'espère sans le croire.
Trois résolutions ont été votées. A chaque fois c'était le même schéma. On pensait que tout était bloqué et puis, à un moment donné, la Russie et la Chine étaient d'accord. C'est ce qui s'est passé. Ce n'était pas complètement inattendu, mais ce n'était pas prévu si tôt. On pensait que les discussions seraient plus longues et plus difficiles. Il y a une véritable unité pour qu'on n'ajoute pas aux situations antagonistes dans le Moyen-Orient une dimension supplémentaire qui serait la prolifération nucléaire. Je crois que cela est clair.
Q - Que peut faire l'Union européenne au Proche-Orient ?
R - Il faudrait que l'Union européenne agisse de façon plus concertée. J'en suis un partisan et, avec mon ami Miguel Moratinos, nous avons écrit quelques articles ensemble pour donner rendez-vous à tout le monde, notamment avec le document accepté par les vingt-sept pays de l'Union européenne - le document du 8 décembre 2009. C'est un document qui, au nom de toute l'Union européenne, participe à la création de l'Etat palestinien, à la sécurisation de l'Etat d'Israël, à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de ces deux Etats. Ce document est très récent, il a à peine six mois. Je pense que l'on ne s'en sert pas assez.
En même temps, ce serait utile si l'on pouvait faire pression, même si l'expression "faire pression" - comme l'expression "volonté politique" - est vraiment un cliché. Si on pouvait ensemble, l'Union européenne et les Américains, avoir une position commune dans l'actuel débat, on peut toujours le proposer, il ne suffit pas de "volonté politique". Il faut l'inventer cette manière d'agir ensemble. D'ailleurs le président Obama - la dernière fois que nous l'avons vu avec le président Sarkozy - l'a dit aussi. Cela met du temps. Cela a mis beaucoup de temps pour faire l'Europe, et ce n'est pas terminé ; il y a des crises permanentes. C'est vrai qu'il serait utile que les Vingt-sept exercent ensemble une pression sur les deux parties. Pas seulement sur Israël, mais sur l'ensemble des agents de la région.
Q - Quelle est votre position sur les pourparlers indirects ?
R - Il faut se contenter de petits bonheurs ; c'est mieux que rien. A un moment donné, on ne savait pas que de quelconques pourparlers seraient encore possibles. Ce sont des pourparlers indirects qui doivent céder au plus vite la place à des pourparlers directs. Je pense que les recettes de la paix sont connues, mais cela ne suffit pas. La France ne peut donc pas s'opposer à ce mode de négociation sous prétexte qu'il y en a eu un autre plus direct. La situation n'est pas la même. Les majorités ne sont pas les mêmes. Les pays évoluent, la mémoire s'efface, même celle des dernières négociations, des négociations d'il y a vingt ans.
Q - (Inaudible)
R - Cela fait le jeu d'un certain nombre de personnes qui, en dehors d'Israël, ne veulent plus la paix. Vous l'avez remarqué, dans cette région, il y a de nombreux partisans de la paix, y compris et surtout en Israël. La majorité y est, je vous le signale dans le dernier sondage, encore en faveur de la paix avec l'établissement d'un Etat palestinien. Simplement, dans la démocratie en particulier, il faut tenir compte d'une majorité. Vous me demandez si je regrette ce qui se passe ? Je regrette que cela aille si lentement, mais je suis content que cela arrive néanmoins.
Q - Avez-vous une réaction à l'attaque d'un centre de l'UNRWA à Gaza ?
R - Je ne peux qu'être indigné. L'UNRWA fait un travail remarquable depuis des années. Nous, la France y participons. Il n'est pas question d'accepter cela.
Q - Les sanctions contre l'Iran seront-elles adoptées pendant la présidence libanaise du Conseil de sécurité des Nations unies ?
R - Je ne sais pas si cela sera proposé au cours de cette période restante, c'est-à-dire moins de huit jours, si je ne m'abuse. Je sais que Saad Hariri présidera le Conseil de sécurité.
Pour le Liban, être président du Conseil de sécurité pour la première fois, c'est très important. Je comprends qu'ils soient attentifs à ce que rien ne vienne troubler cette présidence.
Mais je crois que cela ne se passera pas la semaine prochaine.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mai 2010
Ce n'est pas très nouveau que nous nous retrouvions ici, mais les visites que je fais chez mes amis s'espaçaient un peu. Donc me voilà. N'y voyez aucune intention malicieuse mais uniquement une intention amicale.
J'étais à Istanbul, et je pourrais vous parler des sujets qui ont été abordés dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur la Somalie, mais ce n'est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.
Après avoir notamment rencontré le Premier ministre turc ainsi que mon ami le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davetoglu, je suis allé visiter vos voisins, nos amis syriens. J'ai donc rencontré M. Walid Mouallem, mon homologue, et le président Bachar Al-Assad, longuement ce matin.
Et puis je suis venu chez vous et j'ai rencontré le Premier ministre Saad Hariri que je remercie de m'avoir attendu avant de partir pour New York. Puis j'ai rencontré le président Sleiman tout à l'heure et mon ami Kamel Mouhanna. Tout cela est un peu précipité. Je devais venir il y a quelques jours et vous prie de pardonner ce contretemps.
Je n'ai pas vu tout le monde mais je vais au Caire pour que, ce soir, nous puissions - et c'est un petit peu pour cela que je suis pressé - nous retrouver avec le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit et avec le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Moratinos.
Au cours d'une conférence de presse, nous expliquerons - et vous me permettrez de réserver ces explications pour ce soir - pourquoi nous avons trouvé une date différente pour ce Sommet de Barcelone de l'Union pour la Méditerranée.
Q - Une guerre menace-t-elle prochainement le Liban ?
R - De l'extérieur et d'un peu loin, nous étions un peu inquiets. Nous pensions, en effet, que la tension dans le sud du Liban et à la frontière israélienne, éventuellement en Israël, et avec la Syrie, était de nature à nous inquiéter.
Honnêtement, après ces rencontres, je constate que personne ne me parle plus de tension ; ou alors cette tension est retombée. En tout cas, je suis très satisfait de nos partenaires, de nos amis, bien sûr, au Liban et, de l'autre côté de nos amis en Syrie. Cela veut-il dire que la région est devenue paisible et sans problèmes ? Non, mais très honnêtement, tout ce qu'on a affirmé, aussi bien ici au Liban qu'en Syrie, c'est-à-dire que personne ne veut provoquer de confrontations, m'a plutôt satisfait. Je n'ai pas constaté de tension dans les paroles du président Bachar Al-Assad, ni du ministre Mouallem ; ici non plus, ni dans les propos tenus par M. Saad Hariri, ni par le président Sleiman, au contraire.
Je me fais l'écho de cet apaisement, de cette tranquillité, mais était-il dû à mon imagination ? Non, je ne crois pas. Je pense que le début des "proximity talks" est quand même un meilleur signe que s'il n'y en avait pas eu. Le fait que la situation à propos de l'Iran se soit, de mon point de vue, un peu clarifiée, en est un autre. Ce soir, au Caire, nous verrons ce que pensent nos amis et ce que pense la presse.
Q - Avez-vous transmis un message aux autorités syriennes ?
R - J'étais venu surtout pour les écouter. Le message de la France est très clair. C'est très simple : nous sommes en faveur de deux Etats vivant côte à côte, l'Etat palestinien et l'Etat israélien. La seule façon d'ailleurs de sécuriser l'Etat israélien, c'est qu'il y ait un Etat palestinien. Nous sommes pour Jérusalem capitale des deux Etats. Nous n'avons pas changé. Nous condamnons la colonisation et nous le disons haut et fort ; je pense que c'est le premier des problèmes à régler. Il y en a d'autres : je sais très bien qu'il y a le Golan, qu'il y a des problèmes qui demeurent entre le Liban et Israël, bien sûr. Mais je pense que si on réglait ce premier problème, pour lequel nous avons vraiment la recette du règlement, ce serait mieux. Après, on verrait pour les autres.
Bien sûr, avec le président Bachar Al-Assad, nous avons évoqué d'éventuels pourparlers ; il y en a eu avec le précédent gouvernement israélien. Tout cela demeure, tout cela existe, cette tension entre les hommes et les femmes de ces régions demeure, mais nous faisons tout pour les apaiser. C'est cela le sens, non pas seulement de ce voyage, mais de tous les voyages que j'ai le bonheur d'effectuer ici dans ce pays ami.
Q - Avez-vous évoqué la question des SCUD et de la frontière lors de vos entretiens en Syrie et au Liban ?
R - Oui, nous avons évoqué le problème des frontières. Quant au problème des SCUD, le président syrien a affirmé qu'il n'y avait pas matière à s'inquiéter et qu'il n'y avait pas de SCUD sur le territoire libanais. Ce que d'ailleurs nous n'avons pas constaté, ni vous non plus, à l'heure qu'il est. Cependant l'armement existe, les armements, je ne parle pas simplement de l'armement du Hezbollah, mais l'armement qui existe du côté israélien aussi bien sûr. Ce que nous voulons, c'est que ces armements ne servent pas. A force de ne pas servir, peut-être qu'ils vont se rouiller et qu'à ce moment-là les coeurs vont se réanimer. Cela s'appellerait la paix. C'est ce que je souhaite et c'est vraiment ce que la France souhaite depuis très longtemps. C'est le résumé un peu trop rapide - bien sûr il reste des problèmes - que j'ai fait de la position française. Cette position française existe depuis bien longtemps.
Q - (inaudible)
R - Il y a quelque chose qui serait peut-être nouveau, c'est l'application pleine et entière de la résolution 1701. Vous savez que nous, la France avec ses soldats, faisons partie de la FINUL. Nous avons depuis 2006, depuis le dernier conflit, eu l'occasion de montrer que nous étions utiles. Je crois que tout le monde le pense maintenant, franchement. Est-ce suffisant ? Non, mais en tout cas, cela nécessite une réflexion permanente sur l'application de cette résolution et sur les frontières en particulier. Tout n'est pas parfait, loin de là.
Q - Comment expliquez-vous le report de votre visite en Syrie il y a quinze jours ?
R - Le rendez-vous qui m'avait été promis a été reporté.
Q - Il y a une manifestation actuellement devant la Résidence, demandant la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Avez-vous un message pour ces manifestants ?
R - Je n'ai aucun message pour aucun manifestant. Je sais ce que dit la Cour d'Appel de Paris. Je vous assure qu'en bien des occasions, j'ai eu l'imprudence de manifester une opinion à propos d'une décision de justice. Je ne le ferai plus. Croyez-moi, c'est la meilleure façon de ne plus y voir clair, dans une décision de justice.
La justice en France est indépendante. La Cour d'Appel de Paris a décidé. Je constate, je n'ai pas d'autre langage à tenir aux manifestants. La justice et l'exécutif en France sont complètement séparés.
Q - Sur le report de la visite en Syrie ?
R - Cela a été reporté simplement parce que le rendez-vous en Syrie a été déplacé - et je vous ai dit l'avoir reporté également parce qu'il y avait la Conférence d'Istanbul. Je sais que M. Morin vous a rendu visite. Ces successions de visites témoignent-ils d'une quelconque fébrilité ? Vous savez, nous nous voyons régulièrement. Et d'ailleurs il aurait été difficile d'être tous les deux ensemble ici. Néanmoins cela ne m'empêche pas, parce que Hervé Morin voyage, de voyager et de rendre visite à mes amis. Il n'y a pas un grand étonnement à me voir à Beyrouth, et en particulier dans cette salle que je connais bien. Il n'y a aucune fébrilité, il s'agit plutôt d'un clin d'oeil.
Q - Y a-t-il une ingérence syrienne dans les affaires libanaises ?
R - Quand nous avons commencé - le gouvernement de François Fillon, avec le président Sarkozy - nous n'avions pas de relations, du moins des relations limitées et réduites avec la Syrie. Aujourd'hui, nous avons des relations ouvertes et bilatérales, n'est-ce pas ? Depuis l'ouverture de ces relations, on peut au moins constater qu'il y a eu une reconnaissance de l'Etat libanais, avec la nomination d'un ambassadeur. Est-ce suffisant ? Non ; c'était cependant inimaginable il y a quelques années. Cela va donc plutôt dans la bonne direction. Est-ce parfait ? Sûrement pas. Est-ce que la résolution 1701 est appliquée complètement ? Sûrement pas non plus.
Par conséquent, l'une des raisons de ma visite c'est, à chaque fois, de rappeler qu'on devrait pouvoir avec l'aide de tous, essayer de faire en sorte que cette résolution, dont j'ai parlé avec Ban Ki-moon il y a peu, soit appliquée pleinement. Je crois que c'est un nouveau chapitre et que les Syriens jouent maintenant un rôle politique - vous avez raison - qui n'existait pas avant et qui était particulièrement bloqué. Est-ce parfait par rapport à l'Iran ? Est-ce parfait par rapport à de nombreux autres problèmes ? On ne peut pas le dire. C'est, cependant, un grand progrès et je pense que les Syriens en sont conscients.
Les Français et les Syriens se félicitent de leur relation. Vous savez, nous avons commencé, les Américains ont suivi. Si cette baisse de tension - après une petite tension quand même, que nous avons constaté - est de nature à débloquer un processus de paix syro-israélien.
Q - (Sur le projet de sanctions contre l'Iran au CSNU)
R - Vous n'auriez pas imaginé, il y a encore dix ou vingt jours, que les Chinois ou les Russes aient signé. Eh bien voilà ! Mais ce n'est pas fini ! Parallèlement, il y a cette ouverture grâce au Brésil et à la Turquie. Les choses commencent donc à se débloquer un petit peu. C'est ce que j'appelle un début de clarification. Est-ce suffisant ? Je l'espère sans le croire.
Trois résolutions ont été votées. A chaque fois c'était le même schéma. On pensait que tout était bloqué et puis, à un moment donné, la Russie et la Chine étaient d'accord. C'est ce qui s'est passé. Ce n'était pas complètement inattendu, mais ce n'était pas prévu si tôt. On pensait que les discussions seraient plus longues et plus difficiles. Il y a une véritable unité pour qu'on n'ajoute pas aux situations antagonistes dans le Moyen-Orient une dimension supplémentaire qui serait la prolifération nucléaire. Je crois que cela est clair.
Q - Que peut faire l'Union européenne au Proche-Orient ?
R - Il faudrait que l'Union européenne agisse de façon plus concertée. J'en suis un partisan et, avec mon ami Miguel Moratinos, nous avons écrit quelques articles ensemble pour donner rendez-vous à tout le monde, notamment avec le document accepté par les vingt-sept pays de l'Union européenne - le document du 8 décembre 2009. C'est un document qui, au nom de toute l'Union européenne, participe à la création de l'Etat palestinien, à la sécurisation de l'Etat d'Israël, à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de ces deux Etats. Ce document est très récent, il a à peine six mois. Je pense que l'on ne s'en sert pas assez.
En même temps, ce serait utile si l'on pouvait faire pression, même si l'expression "faire pression" - comme l'expression "volonté politique" - est vraiment un cliché. Si on pouvait ensemble, l'Union européenne et les Américains, avoir une position commune dans l'actuel débat, on peut toujours le proposer, il ne suffit pas de "volonté politique". Il faut l'inventer cette manière d'agir ensemble. D'ailleurs le président Obama - la dernière fois que nous l'avons vu avec le président Sarkozy - l'a dit aussi. Cela met du temps. Cela a mis beaucoup de temps pour faire l'Europe, et ce n'est pas terminé ; il y a des crises permanentes. C'est vrai qu'il serait utile que les Vingt-sept exercent ensemble une pression sur les deux parties. Pas seulement sur Israël, mais sur l'ensemble des agents de la région.
Q - Quelle est votre position sur les pourparlers indirects ?
R - Il faut se contenter de petits bonheurs ; c'est mieux que rien. A un moment donné, on ne savait pas que de quelconques pourparlers seraient encore possibles. Ce sont des pourparlers indirects qui doivent céder au plus vite la place à des pourparlers directs. Je pense que les recettes de la paix sont connues, mais cela ne suffit pas. La France ne peut donc pas s'opposer à ce mode de négociation sous prétexte qu'il y en a eu un autre plus direct. La situation n'est pas la même. Les majorités ne sont pas les mêmes. Les pays évoluent, la mémoire s'efface, même celle des dernières négociations, des négociations d'il y a vingt ans.
Q - (Inaudible)
R - Cela fait le jeu d'un certain nombre de personnes qui, en dehors d'Israël, ne veulent plus la paix. Vous l'avez remarqué, dans cette région, il y a de nombreux partisans de la paix, y compris et surtout en Israël. La majorité y est, je vous le signale dans le dernier sondage, encore en faveur de la paix avec l'établissement d'un Etat palestinien. Simplement, dans la démocratie en particulier, il faut tenir compte d'une majorité. Vous me demandez si je regrette ce qui se passe ? Je regrette que cela aille si lentement, mais je suis content que cela arrive néanmoins.
Q - Avez-vous une réaction à l'attaque d'un centre de l'UNRWA à Gaza ?
R - Je ne peux qu'être indigné. L'UNRWA fait un travail remarquable depuis des années. Nous, la France y participons. Il n'est pas question d'accepter cela.
Q - Les sanctions contre l'Iran seront-elles adoptées pendant la présidence libanaise du Conseil de sécurité des Nations unies ?
R - Je ne sais pas si cela sera proposé au cours de cette période restante, c'est-à-dire moins de huit jours, si je ne m'abuse. Je sais que Saad Hariri présidera le Conseil de sécurité.
Pour le Liban, être président du Conseil de sécurité pour la première fois, c'est très important. Je comprends qu'ils soient attentifs à ce que rien ne vienne troubler cette présidence.
Mais je crois que cela ne se passera pas la semaine prochaine.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mai 2010