Déclaration de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, en réponse à une question sur l'opération israélienne contre la "Flotille de la paix" à destination de Gaza et sur le processus de paix, à l'Assemblée nationale le 1er juin 2010.

Prononcé le 1er juin 2010

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Circonstance : Questions d'actualité à l'Assemblée nationale, le 1er juin 2010

Texte intégral

Monsieur le Député, ainsi que le Premier ministre vient de le rappeler, la France est l'alliée et l'amie d'Israël. C'est précisément pour cette raison que, dès hier, nous avons condamné très fermement les violences qui se sont produites contre une flottille humanitaire au large de Gaza, du fait de l'armée israélienne.
C'est au nom de cette amitié qu'en juin 2008, à la Knesset même, le président de la République avait clairement énoncé le choix de la France, à savoir deux Etats : l'un israélien, l'autre palestinien, vivant côte à côte et ayant Jérusalem pour capitale. Nous n'avons pas varié.
La France estime que le blocus de Gaza n'est pas tenable. Celui-ci n'a fait que renforcer le sentiment d'humiliation de la population palestinienne et consolider les courants les plus extrémistes, qui se nourrissent de cette humiliation et du sous-développement dont souffrent les Palestiniens.
Malgré les conséquences extrêmement néfastes de l'escalade entre le Hamas et Israël - tirs de missiles, d'un côté, très violents bombardements israéliens, de l'autre - fin 2008 début 2009, la France n'a cessé de travailler avec l'Union européenne à la paix. Avec nos partenaires européens, nous avons commencé à travailler, dans le cadre du règlement définitif, sur le statut de Jérusalem, ainsi que sur les infrastructures du nouvel Etat, et nous avons dit notre disponibilité pour participer, le moment venu, à une force internationale d'interposition entre les deux parties.
Dès que la lumière aura été faite, ainsi que nous l'avons demandé, nous attendons la reprise du processus de négociation.
Monsieur le Député, ainsi que vous l'avez vous-même rappelé, le président de la République a, dès hier matin, exprimé la condamnation de la France et demandé que la lumière soit faite sur les circonstances dans lesquelles neuf personnes ont trouvé la mort et de très nombreuses autres personnes ont été blessées.
Hier après-midi, le comité politique de l'Union européenne a relayé la condamnation et la demande de la France et, hier soir, dans la nuit, le Conseil de sécurité de l'ONU a fait de même. A présent, la condamnation est unanime. Cet acte grave n'a fait qu'accentuer l'isolement d'Israël et renforcer les courants les plus extrémistes, ainsi que le sentiment d'injustice et d'humiliation dont ceux-ci se nourrissent dans l'ensemble du monde arabo-musulman.
A ce stade, il importe de tout faire pour que la lumière soit faite, que s'installe au plus vite la désescalade entre la Turquie et Israël et que soient relâchés les navires et les civils aujourd'hui détenus en Israël.
Au-delà, l'Union européenne ne manque pas de moyens pour peser sur le règlement de cette situation. A elle seule, l'Union représente la moitié du total de l'aide internationale au peuple palestinien.
L'Union européenne est également liée par un accord d'association avec Israël, dont l'approfondissement, nous l'avons dit depuis plusieurs semaines, dépend, pour la France, de l'acceptation par Israël de la reprise du processus de négociation.
Monsieur le Député, la meilleure façon de soutenir le peuple palestinien dans la situation grave que nous connaissons, c'est, non pas d'entretenir l'escalade, mais d'agir pour aboutir le plus rapidement possible à la reprise du dialogue. C'est dans cette direction que la France et l'Europe travaillent ensemble.
Monsieur le Député, vous avez raison de penser que le blocus de Gaza n'est pas tenable et que l'Union européenne et la France ont un rôle majeur à jouer dans cette situation. Le moment est venu, pour l'Union européenne, de jouer pleinement son rôle, et non de se cantonner à celui de bailleur de fonds. Je rappelle que nous sommes, avec l'Europe, les premiers bailleurs de fonds dans la zone, et que nous travaillons à de nombreux projets de développement, y compris à Gaza même - notamment à la reconstruction de l'hôpital Al Quds - comme l'a dit M. le Premier ministre.
En décembre dernier, à l'instigation de la France, l'Europe a esquissé la solution de paix : un règlement territorial fondé sur les frontières de 1967 et deux Etats ayant Jérusalem pour capitale. La France et l'Europe n'ont cessé, depuis, de soutenir les efforts américains visant à la reprise des négociations, notamment par l'adoption d'un calendrier précis de vingt-quatre mois, en échange de l'arrêt de la colonisation.
Parallèlement, l'Union européenne et la France ont commencé à travailler au règlement final de Jérusalem, capitale des deux Etats, aux mécanismes de compensation au profit des réfugiés, ainsi qu'à la force d'interposition à laquelle l'Europe doit être amenée à prendre part. Mme Ashton s'est d'ailleurs rendue à Gaza au mois de mars dernier.
Enfin, comme vous le savez, les négociations de paix avaient repris - timidement, il est vrai - le 9 mai dernier. Il s'agit aujourd'hui, dans le cadre du règlement de cette crise extrêmement grave, de faire en sorte que la question de la levée du blocus de Gaza et la reprise du dialogue inter-palestinien, soient des éléments clés du redémarrage du Processus de paix. A ce titre, il va de soi que l'Europe pourrait prendre toute sa place dans la sécurisation des installations portuaires et maritimes de Gaza.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2010