Déclaration de mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le parc immobilier des universités et des sites de recherche universitaires, Paris le 10 mai 2010.

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Circonstance : Inauguration de la partie Ouest de Jussieu à Paris le 10 mai 2010

Texte intégral


Voici maintenant près de quinze ans que le campus de Jussieu incarne, aux yeux de l'ensemble de la communauté universitaire, quelque chose comme un incroyable paradoxe.
Car Jussieu, c'est le site qui rassemble quelques-unes des plus prestigieuses équipes de recherche françaises, et notamment celles de l'université Pierre et Marie Curie, qui figure année après année au premier rang des établissements français dans le classement de Shanghai.
Mais Jussieu, c'est aussi le symbole des difficultés immobilières que rencontrent les universités parisiennes, confrontées jour après jour à des locaux inadaptés ou vieillissants et contraintes de ce fait d'essaimer un peu partout dans la cité et la région capitales pour accueillir dans de bonnes conditions leurs étudiants, leurs personnels et leurs chercheurs.
La métropole universitaire qu'est notre capitale s'est ainsi peu à peu transformée en une mosaïque disparate, faite de sites principaux, d'implantations secondaires et d'emplacements de relogement provisoires devenus, par la force du temps et des habitudes, des établissements durables, même lorsqu'ils n'avaient jamais été conçus ou aménagés pour cela.
Le résultat, nous le connaissons : les universités parisiennes sont disséminées partout dans la capitale, sans jamais être réellement chez elles quelque part. Cette fragmentation complique le travail de nos enseignants et de nos chercheurs, elle rend nos établissements moins visibles et freine non seulement la mise en place de coopération entre eux, mais aussi l'émergence d'une véritable vie de campus à l'échelle de la métropole parisienne.
Et pourtant, le potentiel scientifique et universitaire de notre capitale est tout simplement exceptionnel. Avec 8 universités situées dans ses murs et plusieurs dizaines de grandes écoles, Paris a tout pour s'affirmer sans complexes comme l'une de ces villes-campus appelées à jouer un rôle majeur dans un monde où la formation, l'innovation et la recherche font plus que jamais l'avenir des nations.
Je veux le redire : si nous unissons tous nos forces, Etat, région, ville de Paris et établissements, nous avons tous les atouts en main pour faire de Paris la plus belle métropole universitaire du monde.
Pour atteindre cet objectif qui, je n'en doute pas, nous rassemblera tous, il nous faudra surmonter les multiples obstacles qu'a générés l'extrême fragmentation des établissements parisiens, en les aidant à retrouver l'unité et la cohérence géographiques qui font d'une université un tout vivant et dynamique qui ne se résume pas à l'addition de ses multiples parties.
C'est pourquoi j'ai fait de la recomposition du paysage universitaire parisien une priorité absolue : université après université, organisme après organisme, école après école, l'Etat s'engage désormais pour accompagner les projets immobiliers de chacun et proposer des solutions concrètes.
Et les résultats sont là : dans le droit fil des travaux conduits par Bernard Larrouturou, le recteur de Paris met à présent en place un plan de regroupement des implantations universitaires. Dans les dix ans qui viennent, le nombre de sites va être quasiment divisé par 3, passant de 130 à 45.
Une telle recomposition ne se fait pas sans moyens. Ils sont là : outre les 700 millions d'euros attribués aux établissements parisiens par l'opération Campus, l'Etat s'engage à auteur de 1,7 milliards d'euros sur la période 2007-2013. Au total, ce sont 2,4 milliards d'euros que l'Etat investit dès à présent dans l'enseignement supérieur de la capitale.
Conduire des opérations immobilières d'une telle ampleur dans l'une des cités les plus attractives du monde pose bien entendu des difficultés particulières. Cet effort financier exceptionnel permettra d'y répondre.
Il bénéficiera à toutes les universités parisiennes, avec un seul objectif : permettre à chacune d'entre elles de faire sa mue. Et cela veut dire deux choses : tout d'abord, réhabiliter les sites qui appartiennent au patrimoine universitaire parisien et qui, aux yeux de tous, sont devenus des symboles : je pense bien sûr à la Sorbonne, mais aussi à Jussieu ou à Assas ; mais aussi créer et aménager de nouveaux campus, qui seront autant de Quartiers latins de demain.
Les universités parisiennes n'ont pas fini de grandir : nous avons le devoir d'anticiper les besoins de demain et de leur faire toute leur place dans la cité et la région capitales. C'est pourquoi j'ai décidé depuis 3 ans d'accompagner par des investissements massifs tous les projets d'avenir qui se font jour dans chaque établissement.
Toutes les universités sont concernées.
Ainsi Paris-1 bénéficiera-t-elle, avec Paris-8 et Paris-13, de la création du campus Condorcet d'Aubervilliers, qui s'appuiera sur une dotation en capital de 450 millions d'euros distincte de la dotation prévue pour l'opération Campus dans Paris intra-muros.
De plus, j'ai souhaité que soit mis à l'étude le regroupement de certaines implantations de Paris-1 dans la caserne Lourcine à Port-Royal, qui serait naturellement rénovée à cette occasion. Quant à l'université Paris-3, le projet prévu rue Poliveau, dans le 5e arrondissement, lui permettra de se rassembler sur 2 sites au lieu de 10 actuellement.
J'ai également décidé d'engager la réhabilitation complète des locaux qui accueillent Paris-2 rue d'Assas. De même, la rénovation progressive de la Sorbonne bénéficiera pleinement à l'université Paris-4, tout comme les travaux prévus pour son site de Clignancourt, particulièrement vieillissant : en juillet dernier, un contrat de partenariat de 68 millions d'euros a été signé à son sujet.
Quant à l'université Paris 5, nous réhabiliterons les deux sites majeurs que sont Necker et de la rue des Saints-Pères. Dans le cadre de l'Opération campus, la faculté de pharmacie sera également rénovée.
L'Université Pierre et Marie Curie bénéficiera bientôt d'un campus totalement rénové à Jussieu, tout comme l'université Paris Diderot à Tolbiac. J'ai signé en juillet dernier un contrat de partenariat afin d'achever ce superbe campus qu'est Tolbiac grâce à 158 millions d'euros d'investissements supplémentaires. Enfin, 75 millions d'euros permettront de réhabiliter le site de l'université Paris Dauphine.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, les projets foisonnent dans chaque établissement : c'est le signe que la mue des universités parisiennes est désormais en marche. Chacune d'elle s'est désormais saisie de la question immobilière pour en faire un élément à part entière de sa stratégie d'établissement.
C'est toute la logique de l'autonomie qui, à Paris comme dans toutes les universités de France, permet aux établissements d'affirmer une vraie réflexion d'ensemble sur leur projet et leur identité. Au terme de ce processus, vous le savez, il y a, pour les universités qui le demandent, la gestion directe, pleine et entière de leur patrimoine immobilier.
A mes yeux, il s'agit là d'une opportunité exceptionnelle, car la question immobilière est particulièrement cruciale pour les universités parisiennes. Je souhaite qu'elles soient nombreuses à la saisir. Elles peuvent d'ores et déjà le constater : elles peuvent compter sur l'Etat pour accompagner demain leurs ambitions en la matière comme il le fait aujourd'hui.
Bien entendu, ces projets d'exception ne sont pas propres aux seules universités : la rénovation du collège de France, celle du musée de l'Homme ou bien encore du Jardin des plantes sont déjà lancées. Celle du Conservatoire national des arts et métiers est également prévue, tout comme les travaux sur le campus Jourdan de l'Ecole normale supérieure et ses locaux rue Lhomond. Nous investissons enfin 30 millions d'euros en 2010 pour engager sans attendre les travaux dont le parc zoologique de Paris - plus connu sous le nom de Zoo de Vincennes- a tant besoin.
L'Etat est donc au rendez-vous de tous les projets et de toutes les ambitions universitaires pour notre capitale : à ces investissements massifs, je souhaite que réponde un engagement fort des collectivités locales.
La mue des universités parisiennes est un moment exceptionnel. Par son ampleur, c'est également un défi inédit. D'ores et déjà, il excède largement le cadre du seul contrat de projet Etat-région : sur les 2,4 milliards que j'évoquais il y a un instant, 300 millions d'euros seulement sont prévus par l'Etat au titre du CPER. Les investissements des collectivités ont donc naturellement vocation à dépasser le champ des engagements pris au titre de ce contrat.
L'occasion est historique : nous ne pouvons pas nous permettre de la manquer ou d'en sous-estimer l'importance. Car la recomposition immobilière des universités parisiennes n'est pas seulement le moyen de transformer radicalement les conditions de travail et de vie des étudiants, des enseignants, des chercheurs et de tous les personnels, c'est également la condition de la structuration du paysage universitaire parisien.
Travailler sur l'implantation géographique d'une université et réfléchir aux liens et aux alliances qu'elle a ou va nouer avec d'autres établissements, cela va en effet de pair. La localisation d'une université n'est pas une simple question d'immobilier, c'est aussi l'occasion et le moment pour asseoir ou développer un projet partagé sur une vraie proximité, géographique ou pédagogique, avec d'autres établissements.
Toutes ces questions doivent être traitées ensemble et c'est pourquoi elles progressent aujourd'hui à un même rythme. Car en affinant leurs projets immobiliers, les établissements parisiens ont également mûri leurs stratégies communes.
Trois grands pôles de recherche et d'enseignement supérieur se dessinent ainsi dans la capitale, trois pôles qui se sont parfois construits sur des habitudes de travail anciennes ou sur une proximité géographique évidente, mais qui sont également souvent le fruit de rencontres et d'alliances nouvelles.
Je pense ainsi au PRES Université Paris Cité, tout d'abord, dont l'acte de naissance a été signé le 9 février dernier et qui réunit Paris 3, Paris 5 et Paris 7, mais aussi Paris-13, l'Institut de physique du globe, l'INALCO et Sciences-Po, offrant ainsi un très bel exemple de rassemblement d'établissements venus d'horizons très différents et pourtant réunis par un vrai projet commun.
Je pense également au projet de PRES HESAM, qui franchira la barrière du périphérique lorsque le Campus Condorcet ouvrira ses portes, faisant ainsi vivre l'esprit et les ambitions du Quartier latin à Aubervilliers.
Je pense enfin au projet de PRES réunissant les universités Paris 2, Paris 4 et Paris 6 : son potentiel est lui aussi exceptionnel et je souhaite que toutes les conditions soient réunies pour qu'il aboutisse rapidement. Vous pouvez compter sur l'engagement total de mes services pour concrétiser ce beau projet, dès le résultat de l'analyse approfondie de son statut, et le constat de la présence de grandes écoles.
A ces trois pôles s'ajoutent la Fondation de coopération scientifique autour de laquelle souhaitent se regrouper plusieurs établissements de la Montagne Sainte Geneviève, ce qui ne pourra que créer des synergies bénéficiant également aux trois pôles eux-mêmes.
D'ores et déjà, le Quartier latin du XXIe siècle est donc en train de s'inventer et de se construire, un nouveau Quartier latin dont le dynamisme est tel qu'il lui permet d'ores et déjà de s'affranchir de ses frontières traditionnelles pour s'étendre jusqu'à Tolbiac et, bientôt, jusqu'à Aubervilliers et Plaine-Commune.
Et c'est ainsi que nous ferons de Paris le coeur d'une métropole universitaire qui l'ensemble de notre région capitale vers son avenir.
Et à tous ceux qui, face à de telles perspectives, ne peuvent se déprendre d'un certain scepticisme, je n'ai qu'une réponse à apporter : voyez Jussieu !
Oui, voyez Jussieu, ce symbole des difficultés insurmontables dans lesquelles les universités parisiennes pouvaient parfois sembler plongées. Quand l'ampleur des nécessaires travaux de désamiantage a été connue, certains, j'en suis sûre, ont du penser que ce campus était à jamais perdu pour l'enseignement supérieur et la recherche.
Eh bien, il n'en était rien. Certes, le chemin a été long, tant la tâche à accomplir était colossale. Mais la mobilisation de l'Etat était et demeure toujours totale : ce dernier assume seul l'intégralité des coûts que suppose cette rénovation et qui vont dépasser 1,6 milliard d'euros. Les travaux progressent et aujourd'hui, nous rendons aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs une nouvelle partie de leur campus : ce sont 75 000m2 de locaux qui viennent en effet d'être rénovés, pour un coût total de 300 millions d'euros.
Et cette rénovation est loin de se limiter au seul désamiantage : au-delà de ce problème majeur, les bâtiments du campus avaient mal vieilli. Ce n'est un secret pour personne : aussi ces travaux ont-ils aussi été l'occasion de faire de Jussieu un véritable lieu de vie, de travail et d'études. La belle bibliothèque qui nous accueille en est à elle seule un très beau symbole.
Le secteur que nous inaugurons aujourd'hui permettra d'accueillir dans les meilleures conditions plus de 3 400 chercheurs et personnels des départements de physique, de mathématique et d'informatique de l'Université Pierre et Marie Curie. Les 20 000 étudiants de l'université bénéficieront également de ces locaux, qui comprennent 18 salles de TD, deux grands amphithéâtres, un nouveau lieu de restauration, et des patios abrités.
Je tiens à remercier et à féliciter très chaleureusement les architectes, les ingénieurs et les constructeurs qui ont su réinventer ce campus en l'ouvrant sur la ville, et lui rendre ainsi sa vocation de lieu d'accueil, de rencontre et d'échange.
Je salue également le travail remarquable qu'ont accompli les personnels de l'Etablissement public du campus de Jussieu : ils mènent avec patience et détermination un travail d'une ampleur exceptionnelle, qui trouve aujourd'hui son premier aboutissement : avec la réhabilitation du secteur 1 et de la tour Zamansky, ce symbole de Jussieu inauguré en octobre dernier, c'est maintenant la moitié du campus qui est à nouveau accessible à l'enseignement et à la recherche, soit 160 000 m2.
Le moment est donc venu de préciser l'avenir du campus : à mes yeux, il doit rester le siège de la grande université scientifique dont nous avons besoin au centre de Paris, un siège suffisamment vaste une fois réhabilité pour y accueillir l'université Pierre et Marie Curie dans son ensemble.
Peut-on en effet rêver plus beau site que celui où, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, s'établissait jadis la bibliothèque et le centre de formation des clercs de l'abbaye Saint-Victor, premier embryon de ce qui devint le Quartier Latin ?
C'est pourquoi je souhaite que les discussions engagés entre Paris-6 et mon ministère soient fructueuses : je suis en effet convaincue qu'avant l'été, nous pouvons parvenir à signer la convention immobilière qui inclura notamment la dévolution du patrimoine, permettant ainsi à l'université Pierre et Marie Curie d'approfondir son autonomie. De nouvelles perspectives s'ouvriront ainsi bientôt à Paris-6, des perspectives qui seront, je n'en doute pas, à la hauteur de son exceptionnel potentiel.
Ce serait un beau symbole aux yeux de la communauté scientifique, qui est profondément attachée au campus de Jussieu et à son avenir. Mais ce serait aussi le signe qu'avec le soutien et l'appui de l'Etat, nos établissements ont désormais tous les atouts en main pour achever leur mue et rendre à notre capitale son statut de métropole universitaire unique au monde.
Je vous remercie.
Source http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 2 juin 2010