Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur la politique de la ville, les contrats de ville et les transports urbains dans les quartiers en difficulté, Le Kremlin Bicêtre le 30 mai 2000.

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Circonstance : Signature des conventions Ville RATP/STP au Kremlin Bicêtre le 30 mai 2000

Texte intégral

Monsieur le président directeur général,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Messieurs les préfets,
Mesdames et messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous retrouver ici, au KREMLIN-BICETRE, pour concrétiser ensemble des mois de travail conjoint avec la RATP et le STP, qui marqueront l'histoire de la politique de la ville. J'ai tenu à donner un caractère particulier à la conclusion de ces conventions, en liant cet événement à la signature d'un contrat de ville exemplaire, celui du Val-de-Bièvre. Car c'est là tout l'enjeu : faire en sorte que le nouveau service public incarné par la RATP s'intègre dans des dynamiques de territoires solidaires. Ce lien, nous le ferons de manière symbolique en nous rendant en autobus à la mairie de CACHAN.
Mesdames et messieurs, ce n'est pas un hasard si les premiers signes de dysfonctionnement d'un quartier se manifestent fréquemment par des incidents dans les transports publics. Car le service public du transport représente à la fois un élément fondamental du droit à la ville, et un signe fort de la place faite dans la société aux habitants de ces quartiers en difficulté. Et en cette période de reprise économique, qui risque d'accentuer le désespoir des habitants des quartiers qui voient repartir la société du travail sans eux, l'enjeu du transport cristallise beaucoup d'espoirs et de peurs.
Lorsque l'on interroge les habitants des quartiers en difficulté, dont les études font ressortir la faible mobilité, leurs principales doléances portent le plus souvent sur la régularité et sur l'insuffisance du service offert, par exemple en matière d'amplitude ou de fréquence, en soirée et le week-end en particulier, sur la tarification inadaptée aux déplacements de proximité et aux personnes en situation de précarité financière, sur l'insécurité enfin.
La réponse au véritable " sentiment de captivité " que peuvent ressentir de nombreux habitants est donc complexe, et va au-delà d'une seule approche en termes d'infrastructures.
Certes, les banlieues sont insuffisamment desservies, en région parisienne comme ailleurs, car les réseaux de transports collectifs ont été pensés de manière centripète : ils permettent l'accès aux centres-villes, mais plus rarement les liaisons entre quartiers ou avec les zones d'activités économiques ou commerciales. Cette préoccupation, rappelée dans le premier comité interministériel qu'a présidé le Premier ministre en 1998, s'est largement traduite dans les contrats de plan Etat-région, et plus particulièrement dans la région Ile-de-France, qui consacrera 27 MdsF aux transports, ce qui en fait la première priorité. Cela n'aurait pas été possible sans l'engagement très fort de Jean-Paul HUCHON et Serge MERY, vice-président du conseil régional chargé des transports. Le développement des transports collectifs sera dans les années qui viennent un levier puissant d'aménagement du territoire, pour s'adapter aux nouvelles manières de vivre en ville, pour améliorer l'attractivité des quartiers périphériques vis-à-vis des habitants et des entreprises, et pour recréer de la mixité sociale.
Il faut également poursuivre les efforts d'adaptation de la tarification aux besoins et aux moyens des usagers, qui se sont traduits notamment par la carte IMAGIN'AIR, dont le Premier ministre a annoncé récemment l'extension à tarif réduit aux jeunes en parcours d'insertion.
Mais l'attente va encore au-delà. Les processus de ségrégation urbaine nés de la crise, et que le retour de la croissance ne suffira pas à résorber, ont créé des tensions, qui se traduisent en particulier en termes de fraude, de dégradations physiques et d'insécurité pour les personnels ou les usagers.
La politique de la ville, à travers notamment l'appel à projet " transports publics et intégration urbaine ", a permis de soutenir ou d'initier des démarches innovantes pour promouvoir ce " droit à la ville ". Je pense par exemple à la création de lignes adaptées aux déplacements de périphérie à périphérie à Chartres, aux déplacements internes aux quartiers à Marseille, à l'expérimentation de nouvelles offres de transports vers les pôles de loisirs dans la Boucle Nord des Hauts-de-Seine. Je pense également à l'aménagement de nombreux espaces publics comme à Grenoble ou à Creil, et à la réalisation de points d'information multi-services associant d'autres prestataires de services publics à Valence ou à Asnières.
Au moment où la politique de la ville change de sens et d'ambition, que ses moyens ont été considérablement renforcés, je veux que ces expériences se diffusent et se généralisent. C'est le sens de ma présence ici, aux côtés d'une entreprise publique que son président Jean-Paul BAILLY est en train de faire muter en profondeur.
Deux aspects particuliers me paraissent à souligner dans la convention, qui traduisent cette impulsion nouvelle que nous voulons donner ensemble à la politique de la ville :
- son premier objectif est l'amélioration de l'accessibilité des habitants des quartiers à la ville et à ses pôles d'activités. Il se traduira par le développement du réseau, en articulation avec le projet de Réseau principal Bus et le Plan de Déplacements Urbains d'Ile-de-France, ainsi que par une démarche de charte de qualité du service et la création de plate-formes multi-services de proximité ;
- je retiens également l'effort d'innovation de l'entreprise en matière de création d'activités et de formation professionnelle aux nouveaux métiers de la ville, avec la création du Centre d'application permanent pour les métiers de la Ville, ou le recrutement de 1000 "emplois-jeunes" et de 50 "adultes-relais".
Ce qui me paraît important à travers ces engagements, c'est que la RATP intègre la politique de la ville et ses enjeux de lutte contre les exclusions sociales dans le cur même de sa stratégie d'entreprise
: L'entreprise se restructure et élargit son ouverture à la ville. La nomination d'un directeur général adjoint en charge de la politique de la ville, en la personne de Jacques MARSAUD, ancien secrétaire général de la ville de Saint-Denis, permettra de mieux mobiliser et mettre en synergie les compétences de l'entreprise.
Elle engage à ce titre une réflexion participative avec tous les acteurs impliqués, direction, agents et partenaires sociaux, sur l'évolution de sa politique de recrutement et du métier de machiniste-receveur. L'enjeu est de reconnaître le rôle de lien social du machiniste, et d'ouvrir les critères de recrutement, notamment avec les contrats de qualification, pour que le service public soit à l'image de la population. J'attache une importance particulière à cet aspect, souligné avec force par le Premier ministre lors des assises de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations.
L'action de la RATP reposera désormais sur un ancrage territorial plus fort et sur un partenariat avec les acteurs locaux mobilisés autour des nouveaux contrats de ville 2000-2006 ou du programme national de renouvellement urbain lancé en décembre dernier. Cette dynamique nouvelle permettra d'associer les usagers, les habitants des quartiers et les associations locales à la construction du service public de demain, plus proche et plus légitime. Mesdames et messieurs, cette convention exemplaire doit venir conforter les efforts engagés ailleurs et inspirer des démarches comparables avec d'autres acteurs du transport public. La RATP contribuera à cette diffusion, puisque le Parlement s'apprête à étendre ses compétences en France à d'autres régions.
L'important protocole avec le Syndicat des Transports Parisiens et Georges DOBIAS que nous signons aujourd'hui a ouvert la voie de ce travail avec la RATP. Elle nous permettra de décliner ses objectifs avec la SNCF et les transporteurs privés franciliens.
Ce protocole comporte des enjeux très concrets, dont vous avez le détail dans le dossier de presse. Ces avancées concernent à la fois l'amélioration des dessertes (avec en particulier ALLOBUS pour la plate-forme d'emplois de Roissy) et de la qualité de service, avec notamment une présence humaine renforcée, ainsi que des améliorations tarifaires. J'évoquerais plus particulièrement la mise en place à la fin de l'année d'un service de " bus de nuit " sur trois destinations, Corbeil, Saint-Quentin-en Yvelines et Roissy, pour prendre le relai de la SNCF entre minuit et 5 heures du matin. Ces 3 allers-retours ont vocation à préfigurer 15 autres lignes, au départ de Châtelet, comme le service Noctambus déjà mis en place par la RATP.
Au-delà de ces premières annonces concrètes, je souhaite définir des engagements contractuels de même nature avec les instances de transport comme le GART ou l'UTP, ainsi que les autorités de transports desservant les territoires de la politique de la ville.
Les différents contrats de ville que je signe en ce moment me laissent penser que nous sortons des expérimentations et que la dimension fondamentale du transport public est dorénavant prise en compte de manière systématique. La politique de la ville, en enrichissant son approche traditionnellement ciblée sur les actions de proximité et en travaillant sur les liens entre les quartiers et la ville ou l'agglomération, se donne les moyens de contrer plus efficacement les phénomènes de ségrégation urbaine.
Nous ferons le point régulièrement sur les résultats de nos efforts. Le festival international de ville, qui se tient à CRETEIL, dans ce département même, et auquel la RATP a apporté une importante contribution, peut devenir la vitrine de nos projets. Je vous donne donc rendez-vous en septembre prochain pour sa prochaine édition, qui sera très européenne, et coïncidera avec la semaine des transports publics et la journée sans voitures.
Nous allons dans un instant rejoindre CACHAN par une ligne de bus " sauvage " mais qui préfigure l'une des extensions innovantes du réseau bus de la RATP. Je vous souhaite un bon voyage pour découvrir ensemble les enjeux très concrets de cette convention pour l'Etat et la RATP, et sa déclinaison dans le projet exemplaire de développement solidaire de la communauté d'agglomération du Val-de-Bièvre.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 13 juin 2000)