Texte intégral
Q - L'Iran va célébrer demain les "un an", si l'on peut dire, de réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad. Quelle est aujourd'hui la position de la France un an après ce scrutin contesté ?
R - Célébrer n'est pas le mot. Je me souviens de ce qui s'est passé après le 12 juin 2009. Je me souviens surtout de la répression des protestations populaires, qui n'étaient pas encore le mouvement vert mais qui allaient devenir, à travers le monde, une protestation globale. La répression avait été très forte, et encore maintenant, il y a des exécutions, des accusations contre ceux qui manifestèrent alors.
J''ignore si demain, 12 juin 2010, il y aura des manifestations : ce n'est pas à moi de les souhaiter ou de ne pas les souhaiter. Ce que j'espère, en tout cas, c'est que la liberté de la presse, la liberté de démonstration, de protestation, de manifestation seront mieux respectées.
Les dirigeants du mouvement vert ont appelé eux-mêmes à ne pas manifester. Je ne vais pas me prononcer à leur place bien entendu. Il s'est passé des choses depuis ce 12 juin. Nous avons tenté de dialoguer. La France l'a fait au maximum depuis trois ans : nous avons rencontré tous ceux qui voulaient bien qu'on les rencontre. Nous avons tenté de parler avec eux et leur avons demandé de répondre aux interrogations légitimes de l'Agence internationale de l'Energie atomique. Ils n'ont jamais vraiment répondu.
Puis, M. Obama est venu et il a tenté lui aussi une approche par le dialogue. Nous lui avons souhaité bonne chance, nous avons seulement fait part de notre expérience, tout en poursuivant ce dialogue nous-mêmes. Mais rien ne s'est passé. Je ne néglige pas du tout la démarche des dirigeants turcs et brésiliens qui, eux aussi, ont essayé de dialoguer.
Mais dialoguer sur la question du réacteur de recherche, ce n'était pas aborder le fond des choses, qui est la poursuite du programme nucléaire en violation des résolutions du Conseil de sécurité. La communauté internationale a su prendre ses responsabilités : nous avons déposé une résolution, elle a été votée - la 1929 - il y a quelques jours.
Est-ce suffisant ? Non. Devons-nous poursuivre le dialogue ? Oui.
Q - Cela fait un an que M. Ahmadinejad est à nouveau au pouvoir. La répression s'intensifie, avec des condamnations à mort. La poursuite du nucléaire iranien... Le pouvoir iranien cherche-t-il volontairement à s'isoler ?
R - En tout cas, il s'isole et ce n'est pas souhaitable. Encore une fois - je ne le répèterai jamais assez -, nous avons essayé, nous avons dialogué ou nous avons tenté de le faire. Mais dès que l'on arrivait au point où nous allions aborder l'éventuel développement d'un programme nucléaire militaire, nous n'avions plus d'interlocuteurs.
Bien sûr qu'ils s'isolent. Que cherchent-ils ? Je n'en sais rien. Est-ce néfaste pour la population iranienne ? Oui, sans aucun doute. A ma connaissance, les représentants du mouvement vert ne prônent en aucune manière le développement d'un programme nucléaire militaire, aucun !
Je n'ai cessé de dire depuis un an, que le mouvement vert, le mouvement de protestation de la population étaient un phénomène capital. Ce n'est pas la foi, ce n'est pas la croyance, ce n'est pas le chiisme qui sont en question. C'est au contraire, d'après les opposants, d'après le mouvement vert, la politique de ce gouvernement qui est en cause.
Q - Mais qu'est-ce que, concrètement, justement, la France et ses partenaires européens peuvent faire pour soutenir ce mouvement de contestation ?
R - Nous pensons que la liberté de la presse, la liberté d'expression doivent être respectées partout et pas seulement en Iran. Simplement que peut-on faire de plus ?
L'adoption de la résolution 1929 n'est pas négligeable. Il a fallu tout de même que les cinq membres permanents se rassemblent. Nous avons maintenu le contact, multiplié les démarches d'explication et finalement adopté cette résolution à une très large majorité, qui montre l'unité de la communauté internationale pour trouver une solution diplomatique à cette crise. Je crois que, dans ce Moyen-Orient explosif, ajouter une étincelle est vraiment très inutile. Nous tentons donc et nous nous obstinons pour que la situation se détende là-bas.
Q - Alors, un certain nombre de pays et notamment la Chine et la Russie ont voté cette résolution, pourtant M. Ahmadinejad est reçu avec les plus grands honneurs aujourd'hui en Chine, la Russie prévoit de vendre des missiles, alors comment cette résolution va-t-elle être appliquée ?
R - Elle va être appliquée très précisément, y compris en ce qui concerne des sanctions. Ces sanctions visent les ventes d'armes à l'Iran, des individus et des entités, tout ce qui de près ou de loin appuie le programme nucléaire et balistique iranien. Il y aura peut-être des sanctions européennes en ce qui concerne l'économie également. La population iranienne n'est pas ciblée du tout, et elle ne le sera pas.
Bien sûr cela n'empêche pas, et ils l'ont très bien dit, dans les autres domaines que se poursuivent des échanges entre l'Iran et la Chine, ou entre la Russie et l'Iran. La Russie et la Chine ont voté en faveur, ils sont tous d'accord, c'est un mouvement profond que celui du refus de la violation du Traité de non-prolifération, c'est un mouvement très profond que celui qui veut la paix dans ce Moyen-Orient tant meurtri.
Q - Une dernière petite question sur le mouvement vert en tant que tel. Il est toujours actif, toujours mobilisé, il est courageux, c'est une surprise, vous avez une réaction là-dessus ?
R - Non, ce n'est pas une surprise qu'il soit courageux, je me souviens de ce qui s'est passé sous le Shah. Ce n'est pas une surprise qu'il ait été aussi obstiné, combatif et extrêmement brave, mais je ne sais pas en juger. La répression a été violente, terrible. Je pense que cette répression n'a pas affaibli le mouvement, même s'il se manifeste ou s'il se manifestera - encore une fois ce n'est pas à moi d'en juger - sous d'autres formes.
Je pense qu'Internet - cet espace de liberté que l'on doit préserver, que l'on doit même aménager car il n'est pas préservé pour le moment - en témoigne, du moins tous les internautes en témoignent beaucoup plus que les manifestations de rue. Mais ce n'est pas à moi de dire ce qu'il faut faire en Iran.
Nous constatons, parce que sans cela nous serions aveugles, que les Iraniens ont à peu près le même avis que nous sur ce gouvernement et sa manière peut-être de violer le Traité de non-prolifération et de se doter d'une arme qui serait extrêmement dangereuse, non seulement pour eux mais pour toute la région et pour tout le monde.
Q - Une toute dernière question sur le nucléaire iranien : justement, pour sortir du caractère dangereux de cette question, souhaitez-vous qu'Israël sorte de sa politique d'ambiguïté concernant son programme nucléaire ?
R - Il y a, en ce moment, beaucoup de problèmes qui concernent ce pays et son environnement. Ce qui est sûr, c'est que, à New York, il y a eu une entente générale autour du Traité de non-prolifération nucléaire qui fait que l'on aspire au fait que cette région soit exempte d'armes de destruction massive.
Tout cela ne me paraît pas mauvais. Il ne faut cependant pas être naïf, et personne n'est naïf. Le texte de New York est à la fois précis et sage.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2010
R - Célébrer n'est pas le mot. Je me souviens de ce qui s'est passé après le 12 juin 2009. Je me souviens surtout de la répression des protestations populaires, qui n'étaient pas encore le mouvement vert mais qui allaient devenir, à travers le monde, une protestation globale. La répression avait été très forte, et encore maintenant, il y a des exécutions, des accusations contre ceux qui manifestèrent alors.
J''ignore si demain, 12 juin 2010, il y aura des manifestations : ce n'est pas à moi de les souhaiter ou de ne pas les souhaiter. Ce que j'espère, en tout cas, c'est que la liberté de la presse, la liberté de démonstration, de protestation, de manifestation seront mieux respectées.
Les dirigeants du mouvement vert ont appelé eux-mêmes à ne pas manifester. Je ne vais pas me prononcer à leur place bien entendu. Il s'est passé des choses depuis ce 12 juin. Nous avons tenté de dialoguer. La France l'a fait au maximum depuis trois ans : nous avons rencontré tous ceux qui voulaient bien qu'on les rencontre. Nous avons tenté de parler avec eux et leur avons demandé de répondre aux interrogations légitimes de l'Agence internationale de l'Energie atomique. Ils n'ont jamais vraiment répondu.
Puis, M. Obama est venu et il a tenté lui aussi une approche par le dialogue. Nous lui avons souhaité bonne chance, nous avons seulement fait part de notre expérience, tout en poursuivant ce dialogue nous-mêmes. Mais rien ne s'est passé. Je ne néglige pas du tout la démarche des dirigeants turcs et brésiliens qui, eux aussi, ont essayé de dialoguer.
Mais dialoguer sur la question du réacteur de recherche, ce n'était pas aborder le fond des choses, qui est la poursuite du programme nucléaire en violation des résolutions du Conseil de sécurité. La communauté internationale a su prendre ses responsabilités : nous avons déposé une résolution, elle a été votée - la 1929 - il y a quelques jours.
Est-ce suffisant ? Non. Devons-nous poursuivre le dialogue ? Oui.
Q - Cela fait un an que M. Ahmadinejad est à nouveau au pouvoir. La répression s'intensifie, avec des condamnations à mort. La poursuite du nucléaire iranien... Le pouvoir iranien cherche-t-il volontairement à s'isoler ?
R - En tout cas, il s'isole et ce n'est pas souhaitable. Encore une fois - je ne le répèterai jamais assez -, nous avons essayé, nous avons dialogué ou nous avons tenté de le faire. Mais dès que l'on arrivait au point où nous allions aborder l'éventuel développement d'un programme nucléaire militaire, nous n'avions plus d'interlocuteurs.
Bien sûr qu'ils s'isolent. Que cherchent-ils ? Je n'en sais rien. Est-ce néfaste pour la population iranienne ? Oui, sans aucun doute. A ma connaissance, les représentants du mouvement vert ne prônent en aucune manière le développement d'un programme nucléaire militaire, aucun !
Je n'ai cessé de dire depuis un an, que le mouvement vert, le mouvement de protestation de la population étaient un phénomène capital. Ce n'est pas la foi, ce n'est pas la croyance, ce n'est pas le chiisme qui sont en question. C'est au contraire, d'après les opposants, d'après le mouvement vert, la politique de ce gouvernement qui est en cause.
Q - Mais qu'est-ce que, concrètement, justement, la France et ses partenaires européens peuvent faire pour soutenir ce mouvement de contestation ?
R - Nous pensons que la liberté de la presse, la liberté d'expression doivent être respectées partout et pas seulement en Iran. Simplement que peut-on faire de plus ?
L'adoption de la résolution 1929 n'est pas négligeable. Il a fallu tout de même que les cinq membres permanents se rassemblent. Nous avons maintenu le contact, multiplié les démarches d'explication et finalement adopté cette résolution à une très large majorité, qui montre l'unité de la communauté internationale pour trouver une solution diplomatique à cette crise. Je crois que, dans ce Moyen-Orient explosif, ajouter une étincelle est vraiment très inutile. Nous tentons donc et nous nous obstinons pour que la situation se détende là-bas.
Q - Alors, un certain nombre de pays et notamment la Chine et la Russie ont voté cette résolution, pourtant M. Ahmadinejad est reçu avec les plus grands honneurs aujourd'hui en Chine, la Russie prévoit de vendre des missiles, alors comment cette résolution va-t-elle être appliquée ?
R - Elle va être appliquée très précisément, y compris en ce qui concerne des sanctions. Ces sanctions visent les ventes d'armes à l'Iran, des individus et des entités, tout ce qui de près ou de loin appuie le programme nucléaire et balistique iranien. Il y aura peut-être des sanctions européennes en ce qui concerne l'économie également. La population iranienne n'est pas ciblée du tout, et elle ne le sera pas.
Bien sûr cela n'empêche pas, et ils l'ont très bien dit, dans les autres domaines que se poursuivent des échanges entre l'Iran et la Chine, ou entre la Russie et l'Iran. La Russie et la Chine ont voté en faveur, ils sont tous d'accord, c'est un mouvement profond que celui du refus de la violation du Traité de non-prolifération, c'est un mouvement très profond que celui qui veut la paix dans ce Moyen-Orient tant meurtri.
Q - Une dernière petite question sur le mouvement vert en tant que tel. Il est toujours actif, toujours mobilisé, il est courageux, c'est une surprise, vous avez une réaction là-dessus ?
R - Non, ce n'est pas une surprise qu'il soit courageux, je me souviens de ce qui s'est passé sous le Shah. Ce n'est pas une surprise qu'il ait été aussi obstiné, combatif et extrêmement brave, mais je ne sais pas en juger. La répression a été violente, terrible. Je pense que cette répression n'a pas affaibli le mouvement, même s'il se manifeste ou s'il se manifestera - encore une fois ce n'est pas à moi d'en juger - sous d'autres formes.
Je pense qu'Internet - cet espace de liberté que l'on doit préserver, que l'on doit même aménager car il n'est pas préservé pour le moment - en témoigne, du moins tous les internautes en témoignent beaucoup plus que les manifestations de rue. Mais ce n'est pas à moi de dire ce qu'il faut faire en Iran.
Nous constatons, parce que sans cela nous serions aveugles, que les Iraniens ont à peu près le même avis que nous sur ce gouvernement et sa manière peut-être de violer le Traité de non-prolifération et de se doter d'une arme qui serait extrêmement dangereuse, non seulement pour eux mais pour toute la région et pour tout le monde.
Q - Une toute dernière question sur le nucléaire iranien : justement, pour sortir du caractère dangereux de cette question, souhaitez-vous qu'Israël sorte de sa politique d'ambiguïté concernant son programme nucléaire ?
R - Il y a, en ce moment, beaucoup de problèmes qui concernent ce pays et son environnement. Ce qui est sûr, c'est que, à New York, il y a eu une entente générale autour du Traité de non-prolifération nucléaire qui fait que l'on aspire au fait que cette région soit exempte d'armes de destruction massive.
Tout cela ne me paraît pas mauvais. Il ne faut cependant pas être naïf, et personne n'est naïf. Le texte de New York est à la fois précis et sage.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2010