Texte intégral
Q - Vous avez beaucoup parlé, au cours de votre intervention ce matin, de la nécessité pour la Turquie d'être en phase avec les Occidentaux sur l'Iran et les sanctions. Sur ce sujet, la Turquie est en désaccord. Est-ce que la Turquie n'est pas en train de fuir cette collaboration ?
R - C'est très exagéré de dire cela. La Turquie s'affirme comme un grand pays émergent au coeur de l'Europe. Une sorte de Brésil sur le plan économique, sur le plan de son développement. La Turquie va être le pays le plus peuplé d'Europe. Elle a une vieille tradition d'empire, beaucoup d'intérêt pour une grande région qui va de la méditerranée occidentale jusqu'au Caucase en passant par l'Asie centrale, la Russie, le Proche-Orient. Que la Turquie veuille s'affirmer sur le plan diplomatique, il n'y a rien que de très normal.
J'ai rappelé ce matin des propos du général de Gaulle en 1967. Il avait très bien compris cela. Nous avons une vieille tradition d'indépendance, d'existence sur la scène internationale. Que la Turquie cherche à s'affirmer cela ne me choque donc pas particulièrement et je ne considère pas, à la différence d'autres, qu'on aurait "perdu" la Turquie, que la Turquie serait un objet qui était la propriété de l'Occident. Tout cela est complètement caricatural.
La Turquie a un pied dans l'Occident, elle est ancrée dans l'OTAN, elle cherche des relations les plus étroites possibles avec l'Union européenne, elle a même le projet d'y adhérer, ce qui n'est pas notre opinion mais c'est son projet et nous le respectons. Et puis elle a une diplomatie extrêmement active, dans des régions où historiquement elle est très présente. Cela va du Maghreb aux Balkans, qui ont connu des siècles de présence ottomane, en passant par le Proche-Orient, le Caucase. Elle est devenue un noeud énergétique, avec le gaz et le pétrole venant de Russie et d'Azerbaïdjan.
Au-delà des péripéties tactiques et des considérations de politique à court terme, les intérêts stratégiques sont les mêmes. La prolifération au Proche-Orient n'est pas dans l'intérêt de la sécurité de la Turquie. Pas plus que c'est dans l'intérêt de la sécurité de la France. Dans cette affaire, nous avons fait pression ensemble et nous avons obtenu d'ailleurs quelques mouvements du côté iranien. Simplement, nous pensons, avec les Américains, les Chinois, les Britanniques, les Russes, qu'il faut maintenir la pression.
Q - La Turquie est-elle aussi audible pour les Européens qu'elle l'était avant le vote sur les sanctions contre l'Iran ?
R - En tout cas, moi je l'entends parfaitement. Il est normal qu'elle ait ses intérêts, mais il est important que nous restions en phase, sur l'Iran, sur le Proche-Orient. Je n'ai pas d'inquiétudes particulières là-dessus. Au bout du chemin, qu'il s'agisse de la levée du blocus de Gaza, de la paix entre Israéliens et Palestiniens, de la lutte contre la prolifération au Proche-Orient, les intérêts sont absolument convergents.
Q - Vous dîtes qu'Israël commence à approcher des limites...
R - Cette très triste affaire de "la flottille de la paix", les violences, les morts occasionnées, devraient amener les Israéliens à s'interroger sur un blocus qui au départ devait isoler le Hamas et qui finit par isoler Israël et par susciter un très fort émoi.
Nous restons absolument attachés à la sécurité d'Israël mais, en même temps, on ne peut pas admettre cette "prison à ciel ouvert", selon l'expression du président Sarkozy, que constitue Gaza. Le blocus ne fait que prendre en otage et souffrir la population gazaouie sans desserrer l'étau de l'équipe extrémiste qui gouverne Gaza et qui, c'est vrai, a pris le pouvoir par la force et qui ensuite a envoyé des roquettes sur Israël. Tout cela a amené l'escalade que nous avons vécue il y a un an, que nous revoyons aujourd'hui.
Maintenant il faut passer à la phase de désescalade. Il faut trouver le moyen que l'aide humanitaire arrive à Gaza. La France a fait des propositions la semaine dernière. L'Union européenne paye au Moyen-Orient, nous sommes les premiers donateurs auprès des Palestiniens, 30 % de l'argent européen va à Gaza. Nous sommes des donateurs.
Nous devons être en droit maintenant de mettre en place, dans des conditions qui respectent la sécurité d'Israël, l'acheminent de cette aide humanitaire, soit par voie de terre, soit par voie de mer. Nous avons fait des propositions en ce sens. Elles sont en ce moment examinées à Bruxelles. Et nous allons donner mandat à Mme Ashton pour qu'elle travaille à une solution concrète. Il faut que la levée du blocus, d'abord sur la phase humanitaire, puis dans un deuxième temps la levée tout court, soit partie intégrante du paquet de négociations de paix qui doivent se renouveler. Il n'y pas d'alternative.
Q - Quelles peuvent êtres les conséquences de la non-levée du blocus ?
R - Nous allons nous efforcer de le lever. Sur le plan des livraisons du matériel dont les Gazaouis ont besoin, je note que les Israéliens ont dit qu'ils laisseraient passer cette aide, qu'ils ont des problèmes de sécurité. Par le passé, l'Union européenne a contrôlé l'aide de façon à ce qu'il n'y ait pas d'armement. Ce souci est légitime. Entre 2005 et 2007, nous avions à Rafah un système européen qui a fonctionné. Qu'est-ce qui empêcherait de le remettre en place sur les frontières terrestres et peut-être aussi sur les frontières maritimes ?.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juin 2010
R - C'est très exagéré de dire cela. La Turquie s'affirme comme un grand pays émergent au coeur de l'Europe. Une sorte de Brésil sur le plan économique, sur le plan de son développement. La Turquie va être le pays le plus peuplé d'Europe. Elle a une vieille tradition d'empire, beaucoup d'intérêt pour une grande région qui va de la méditerranée occidentale jusqu'au Caucase en passant par l'Asie centrale, la Russie, le Proche-Orient. Que la Turquie veuille s'affirmer sur le plan diplomatique, il n'y a rien que de très normal.
J'ai rappelé ce matin des propos du général de Gaulle en 1967. Il avait très bien compris cela. Nous avons une vieille tradition d'indépendance, d'existence sur la scène internationale. Que la Turquie cherche à s'affirmer cela ne me choque donc pas particulièrement et je ne considère pas, à la différence d'autres, qu'on aurait "perdu" la Turquie, que la Turquie serait un objet qui était la propriété de l'Occident. Tout cela est complètement caricatural.
La Turquie a un pied dans l'Occident, elle est ancrée dans l'OTAN, elle cherche des relations les plus étroites possibles avec l'Union européenne, elle a même le projet d'y adhérer, ce qui n'est pas notre opinion mais c'est son projet et nous le respectons. Et puis elle a une diplomatie extrêmement active, dans des régions où historiquement elle est très présente. Cela va du Maghreb aux Balkans, qui ont connu des siècles de présence ottomane, en passant par le Proche-Orient, le Caucase. Elle est devenue un noeud énergétique, avec le gaz et le pétrole venant de Russie et d'Azerbaïdjan.
Au-delà des péripéties tactiques et des considérations de politique à court terme, les intérêts stratégiques sont les mêmes. La prolifération au Proche-Orient n'est pas dans l'intérêt de la sécurité de la Turquie. Pas plus que c'est dans l'intérêt de la sécurité de la France. Dans cette affaire, nous avons fait pression ensemble et nous avons obtenu d'ailleurs quelques mouvements du côté iranien. Simplement, nous pensons, avec les Américains, les Chinois, les Britanniques, les Russes, qu'il faut maintenir la pression.
Q - La Turquie est-elle aussi audible pour les Européens qu'elle l'était avant le vote sur les sanctions contre l'Iran ?
R - En tout cas, moi je l'entends parfaitement. Il est normal qu'elle ait ses intérêts, mais il est important que nous restions en phase, sur l'Iran, sur le Proche-Orient. Je n'ai pas d'inquiétudes particulières là-dessus. Au bout du chemin, qu'il s'agisse de la levée du blocus de Gaza, de la paix entre Israéliens et Palestiniens, de la lutte contre la prolifération au Proche-Orient, les intérêts sont absolument convergents.
Q - Vous dîtes qu'Israël commence à approcher des limites...
R - Cette très triste affaire de "la flottille de la paix", les violences, les morts occasionnées, devraient amener les Israéliens à s'interroger sur un blocus qui au départ devait isoler le Hamas et qui finit par isoler Israël et par susciter un très fort émoi.
Nous restons absolument attachés à la sécurité d'Israël mais, en même temps, on ne peut pas admettre cette "prison à ciel ouvert", selon l'expression du président Sarkozy, que constitue Gaza. Le blocus ne fait que prendre en otage et souffrir la population gazaouie sans desserrer l'étau de l'équipe extrémiste qui gouverne Gaza et qui, c'est vrai, a pris le pouvoir par la force et qui ensuite a envoyé des roquettes sur Israël. Tout cela a amené l'escalade que nous avons vécue il y a un an, que nous revoyons aujourd'hui.
Maintenant il faut passer à la phase de désescalade. Il faut trouver le moyen que l'aide humanitaire arrive à Gaza. La France a fait des propositions la semaine dernière. L'Union européenne paye au Moyen-Orient, nous sommes les premiers donateurs auprès des Palestiniens, 30 % de l'argent européen va à Gaza. Nous sommes des donateurs.
Nous devons être en droit maintenant de mettre en place, dans des conditions qui respectent la sécurité d'Israël, l'acheminent de cette aide humanitaire, soit par voie de terre, soit par voie de mer. Nous avons fait des propositions en ce sens. Elles sont en ce moment examinées à Bruxelles. Et nous allons donner mandat à Mme Ashton pour qu'elle travaille à une solution concrète. Il faut que la levée du blocus, d'abord sur la phase humanitaire, puis dans un deuxième temps la levée tout court, soit partie intégrante du paquet de négociations de paix qui doivent se renouveler. Il n'y pas d'alternative.
Q - Quelles peuvent êtres les conséquences de la non-levée du blocus ?
R - Nous allons nous efforcer de le lever. Sur le plan des livraisons du matériel dont les Gazaouis ont besoin, je note que les Israéliens ont dit qu'ils laisseraient passer cette aide, qu'ils ont des problèmes de sécurité. Par le passé, l'Union européenne a contrôlé l'aide de façon à ce qu'il n'y ait pas d'armement. Ce souci est légitime. Entre 2005 et 2007, nous avions à Rafah un système européen qui a fonctionné. Qu'est-ce qui empêcherait de le remettre en place sur les frontières terrestres et peut-être aussi sur les frontières maritimes ?.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juin 2010