Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations franco-norvégiennes notamment dans l'énergie et l'éducation, le bilan de la modernisation de l'Etat et l'amélioration de la compétitivité de la France dans un contexte international économique et financier difficile, Oslo le 14 juin 2010.

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Circonstance : Rencontre avec la communauté française de Norvège lors du voyage officiel du Premier ministre en Norvège du 13 au 14 juin 2010

Texte intégral

Les membres du Gouvernement qui m'accompagnent et la très nombreuse délégation de parlementaires, de sénateurs et de députés, nous sommes heureux de vous rencontrer et de vous remercier. De vous remercier pour votre engagement au service au fond du rayonnement de notre pays. Vous êtes de plus en plus nombreux à venir en Norvège investir vos talents dans des secteurs d'avenir. Souvent à l'appel de grandes entreprises françaises. Et la qualité des liens qui unissent la France et la Norvège doit beaucoup à la qualité des liens que chacun d'entre vous entretient avec ce pays. La relation franco-norvégienne mérite d'être mieux connue.
Lorsque j'ai découvert que la dernière visite d'un Premier ministre français à Oslo remontait à 1983, je me suis dit que sans doute les relations politiques entre nos deux pays n'étaient pas tout à fait à la hauteur de nos relations économiques, de nos partenariats dans le domaine de l'énergie ; ou encore de notre identité de vue sur beaucoup de sujets européens et beaucoup de sujets internationaux. Pourtant la France et la Norvège partagent des valeurs communes et dans la ville du Nobel de la Paix, ce n'est pas un hasard si le lycée français porte le nom du père de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Autour de René CASSIN, ce qui unit intimement la France et la Norvège, c'est en effet un engagement pour la défense de la cause universelle de la paix, de la dignité humaine ou de la tolérance. C'est aussi un esprit de résistance.
Dans quelques jours, le Président de la République française sera à Londres pour célébrer la commémoration de l'Appel du 18 juin. Et bien nous devons nous souvenir que l'Histoire du XXe siècle nous a réunis, notamment à Londres où les combattants de la France Libre retrouvèrent le Roi de Norvège et son Gouvernement.
Ma visite avait pour but de renforcer cette vieille relation d'amitié, et je veux vous dire combien j'ai été sensible à l'accueil réservé par Sa Majesté le Roi Harald V et par le Premier ministre Jens STOLTENBERG.
Au coeur de cette visite, il y avait d'abord l'énergie et le climat, parce que ce sont naturellement des sujets qui nous réunissent. La Norvège est notre premier fournisseur de gaz et c'est notre deuxième fournisseur de pétrole. Il y avait à l'instant devant mon hôtel un groupe de touristes bordelais qui voulaient me saluer. Je leur ai rappelé que s'ils pouvaient se chauffer l'hiver, c'était grâce à ce pays et grâce à l'inventivité des entreprises norvégiennes et des entreprises françaises. Parce que les entreprises françaises ont joué un rôle très important dans l'aventure pétrolière qui a fait la richesse de la Norvège. Et désormais, c'est dans l'Arctique que l'avenir se joue. 20% des réserves de pétrole, 30% des réserves de gaz qui sont encore à découvrir se situent dans cette zone. D'où l'importance des projets d'exploration que nous y conduisons et qui conditionnent les approvisionnements énergétiques de l'Europe et du monde au 21ème siècle.
C'est la raison pour laquelle j'étais hier à Hammerfest sur un site d'exploitation et de liquéfaction de gaz, où TOTAL et GDF-SUEZ, dont les responsables m'accompagnent, travaillent avec l'entreprise nationale STATOIL. Ce sont des partenariats que nous cherchons à multiplier y compris en pays tiers. Et ce sera très prochainement le cas sur le site russe de Chtokman où les mêmes entreprises, en s'inspirant d'ailleurs des technologies qui ont été employées en Norvège vont s'attaquer à l'exploration de ce gisement. Nous avons évoqué naturellement, la catastrophe dans le golfe du Mexique qui rappelle qu'il ne fallait pas transiger sur la sécurité des exploitations.
Et nous avons décidé d'inscrire avec le Premier ministre norvégien, la sécurité de l'exploitation pétrolière en mer, au coeur du dialogue bilatéral franco-norvégien sur l'énergie et le climat. Nous aurons donc l'occasion dans les prochaines semaines, ensemble, de travailler sur les questions juridiques, sur les questions techniques liées à ce sujet. Nous avons ensuite exploré tout le secteur des énergies renouvelables sur lequel la France a beaucoup à apprendre de la Norvège. Les entreprises françaises et les entreprises norvégiennes sont sur ces sujets, aux avant-postes de l'innovation avec des savoir-faire qui sont souvent très complémentaires. Et ce matin même Chantal JOUANNO qui a en charge l'environnement au Gouvernement, a ouvert à Oslo un séminaire franco-norvégien sur les énergies marines renouvelables qui doit renforcer les partenariats entre nos entreprises. La lutte contre le réchauffement climatique est évidemment un sujet qui nous préoccupe tous et dans ce sujet le Grand Nord est en première ligne. Le sort de l'Arctique c'est une préoccupation mondiale, et nous sommes résolument investis aux côtés de la Norvège pour préserver son écosystème.
Nous avons choisi l'un des angles d'action parmi les plus efficaces, qui est celui de la lutte contre la déforestation. La France et la Norvège ont été des grands initiateurs d'un processus qui d'ailleurs continue de porter leur nom, puisqu'il s'agit du processus Paris-Oslo, qui est devenu un partenariat mondial dédié à la sauvegarde des forêts. Et à l'issue de plusieurs réunions cette année, nous avons débouché sur l'un des premiers actes ambitieux et concrets posés depuis la déception de la conférence de Copenhague. C'est-à-dire la création de mécanismes de financement et de coordination novateurs dans la lutte contre la déforestation. L'Arctique offre un immense réservoir de richesses naturelles, de richesses énergétiques, de richesses halieutiques. Avec la Norvège, nous sommes résolus à en faire un vrai espace de coopération, à l'instar de ce que nous avons déjà fait au Svalbard avec l'Institut Polaire Emile VICTOR et avec nos partenaires allemands et norvégiens.
Si je suis venu en Norvège, c'est aussi pour dynamiser les échanges économiques et éducatifs. Nos exportations en Norvège tiennent le choc malgré le ralentissement général qu'ont connu les échanges en 2009. Mais on peut encore faire mieux. La Norvège est trop souvent jugée comme un marché exigu, difficile à approcher par nos Petites et Moyennes Entreprises. Pourtant, c'est un pays qui a le 2e revenu par habitant d'Europe. C'est un immense investisseur ouvert au monde, et qui plus est, applique toute la réglementation européenne sur l'ouverture des marchés, à l'exception de l'agriculture et de la pêche. Nos entreprises ne doivent pas avoir peur de venir prospecter ce marché même s'il est exigeant, parce que c'est un marché solide. Et donc nous comptons les y encourager et c'est tout le sens de la présence à mes côtés d'Anne-Marie IDRAC qui a la charge au Gouvernement du commerce extérieur.
Depuis 1918, nous avons une tradition d'échanges scolaires. Cette tradition il faut l'amplifier. Les lycées de Rouen, de Bayeux et de Lyon accueillent des élèves norvégiens en fin d'études secondaires pendant trois années consécutives. Et tout à l'heure avec Pierre LELLOUCHE nous avons signé avec la Ministre norvégienne de l'éducation l'accord qui permet de pérenniser et de développer ces échanges. Dans l'enseignement supérieur, notre coopération est un vrai succès. Chaque année près d'un peu plus de 500 norvégiens et de 500 français font le trajet dans les deux sens, ce qui fait de nous la 5ème nation étudiante de Norvège. Et en matière de coopération scientifique et technologique, la France est l'un des pays privilégiés par la Norvège, comme l'atteste l'accord bilatéral que nous avons signé il y a deux ans et le succès de la Fondation franco-norvégienne.
Voilà toutes les raisons qui m'amenaient à me rendre en Norvège. Je voudrais sortir un instant de ce voyage et de la relation franco-norvégienne pour m'adresser à vous qui êtes d'abord des Français. Qui vivez dans un pays qui est un pays qui par bien des aspects est en avance sur le plan technologique, sur le plan de son organisation économique et sociale. Un pays qui lance déjà le téléphone de 4ème génération. Et je veux vous dire à vous qui vivez ici, que depuis 2007, toute l'énergie du gouvernement est tournée vers la modernisation de notre pays et en particulier vers l'amélioration de la compétitivité de l'économie française.
Lors de la première année du Quinquennat, nous avons injecté de l'oxygène là où il en manquait le plus : dans le travail, en défiscalisant les heures supplémentaires au delà des 35 heures. Dans la fiscalité, en ramenant la fiscalité française dans la moyenne des pays européens. Et puis dans nos universités qui ont enfin acquis le statut d'autonomie qu'elles méritaient et qui leur avait manqué si longtemps pour faire la course en tête parmi les grandes universités mondiales. Pour la deuxième année du Quinquennat nous avons dû faire face à une situation inattendue puisque nous avons, comme tous les autres pays développés, été bousculés par la crise économique et financière. Nous y avons répliqué, avec un plan de relance qui nous a permis de tenir le choc, mieux que la plupart de nos partenaires européens. Et en cette troisième année du Quinquennat notre stratégie est ciblée sur trois priorités. D'abord accentuer la compétitivité de l'économie française pour réduire l'écart entre le continent européen et les pays émergents.
Cette année la croissance de la Chine va être dix fois supérieure à celle de la zone Euro et celle de l'Inde le sera de sept fois. Pour renforcer notre compétitivité, nous venons de supprimer la taxe professionnelle. Un impôt qui pesait sur l'ensemble des entreprises françaises. 13 milliards d'euros sont en train d'être réinjectés de cette façon dans le circuit économique et améliorent l'écart de compétitivité avec les autres pays européens, en particulier avec l'Allemagne.
La deuxième priorité c'est d'amplifier l'investissement pour poser les bases d'une croissance durable. En 2007, nous avons réformé le crédit impôt-recherche. Et nous avons ainsi donné à notre pays, sans doute le système le plus favorable pour les entreprises en matière de défiscalisation des investissements dans le domaine de la recherche. Nous avons donné un coup d'accélérateur aux investissements des entreprises en matière d'innovation. Notre effort fiscal en faveur de la recherche a été multiplié par trois et en 2010 nous faisons un gros effort sur les investissements d'avenir. Au fond, nous avons voulu refaire - toute chose égale par ailleurs - ce que le Général de GAULLE et Georges POMPIDOU avaient fait en leur temps - quand la même année ils ont décidé de lancer le programme électronucléaire français, le TGV et le programme de lanceurs spatiaux. Nous avons voulu nous appuyer sur cet exemple, nous appuyer sur les succès d'une partie de l'industrie française : je pense au train à grande vitesse ; je pense à l'aéronautique, qui sont nés de cette volonté politique très forte. Et nous avons ainsi choisi d'investir 35 milliards d'euros dans la voiture électrique, dans les réseaux à très haut débit ; dans le nucléaire de 4ème génération, dans la recherche médicale, et dans quelques autres secteurs d'avenir.
Et puis la troisième priorité, c'est la réduction de nos déficits. On ne peut pas construire l'avenir d'un côté en sachant que de l'autre, on court sans arrêt derrière le remboursement des emprunts occasionnés par le déficit. Réduire les déficits, en France ce n'est pas une mince affaire puisque cela fait plus de 33 ans que nous sommes en déficit. Ce qui veut dire que personne n'a de leçon à donner à personne sur le sujet. Ce qui veut dire que tous les Français, qui ont moins de 33 ans, pensent que ça a toujours marché et que donc cela doit pouvoir continuer à fonctionner comme ça. Et que tous les Français qui ont plus de 33 ans se disent que si ça a duré 33 ans, ça va bien durer encore quelques années. La vérité c'est qu'on est au bout de ce processus, et aujourd'hui s'il y a des pressions des marchés, comme on dit, c'est-à-dire des investisseurs, sur la monnaie européenne, sur la crédibilité de nos économies ce n'est pas simplement parce que ces marchés sont animés par la spéculation, c'est simplement parce que des investisseurs s'interrogent sur la question de savoir si l'argent qu'ils prêtent sera un jour remboursé. Au fond, il n'y a rien de plus normal. Et donc c'est à nous de faire la démonstration que nous sommes capables de mettre en oeuvre un plan raisonnable, réaliste, de réduction de nos déficits. C'est ce que nous avons annoncé avec le Président de la République. On est à 8% de déficit aujourd'hui. Nous avons pris l'engagement devant les Européens d'être à 6% en 2011. D'être à 4,5% en 2012 et d'être en dessous de 3% en 2013.
La feuille de route est claire. Elle va se traduire par des décisions qui sont des décisions sans ambiguïté. La politique de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; parce que je ne connais pas d'autres moyens de réduire les dépenses de l'Etat, que de réduire la principale dépense qui est celle de l'emploi. Nous allons d'ailleurs demander aux opérateurs de l'Etat, un effort équivalent à celui que l'Etat s'est obligé à faire depuis trois ans. Nous allons réduire les dépenses de fonctionnement courant de l'Etat, de 10% en trois ans, avec un objectif de 5% la première année. Et c'est un effort qui sera étendu aux dépenses d'intervention.
Et puis nous allons adopter un programme de réduction de 5 milliards d'euros sur les niches fiscales et sociales, sur les deux prochaines années. Les niches fiscales et sociales ce sont tous ces avantages fiscaux qui ont été accordés au fil des années et dont certains, franchement, mériteraient d'être réévalués au regard de leur réelle efficacité économique, sociale, en terme de pouvoir d'achat pour nos concitoyens. Donc c'est vrai que le temps des efforts est devant nous et le temps de la réforme est aussi toujours devant nous.
Nous allons annoncer avec le Président de la République mercredi la réforme des retraites. C'est une réforme qui est incontournable. Et je pense que quand on vit ici en Norvège on le sait. Puisqu'au fond, les débats qui ont lieu dans ce pays, même si les choses sont différentes, tournent autour des mêmes sujets. Il y a un défi démographique, on vivait en moyenne 66 ans au début des années 50, on vit en moyenne plus de 81 ans aujourd'hui en France. Cette espérance de vie continue de s'allonger. On ne peut pas imaginer qu'il soit possible de financer les retraites à l'avenir sans allonger la durée de travail.
Et donc nous allons proposer une réforme efficace, c'est-à-dire une réforme qui permet d'équilibrer les comptes, une réforme juste, c'est-à-dire une réforme qui supprime un certain nombre d'injustices qui existaient dans notre pays en terme de convergence entre le privé et le public, nous allons aussi supprimer un certain nombre d'avantages qu'avaient certaines catégories de Français, y compris dans le monde politique. Et puis...ils ne le savent peut-être pas tous, donc je veux leur annoncer avec douceur. Et puis en même temps il faut que ce soit une réforme raisonnable parce qu'on ne peut pas bouleverser les perspectives de nos concitoyens comme ça du jour au lendemain. Il faut donc inscrire la réforme dans la durée pour faire en sorte que ceux qui sont le plus près de partir à la retraite ne voient pas totalement bousculer leurs projets.
Voilà, mes Chers Compatriotes, ce que nous essayons de faire. Ce n'est pas le plus facile, ce serait certainement plus agréable pour le Premier ministre et le Président de la République de proposer de réduire la durée de travail, comme ça a été fait dans le passé mais je crois que ce ne serait pas réaliste et nous avons besoin de rassembler nos concitoyens autour de ces objectifs. Je pense que l'un des graves défauts de notre pays c'est de ne pas être capable de susciter des consensus forts autour de sujets qui sont des sujets vitaux pour la Nation.
Il y a des sujets sur lesquels il n'est pas anormal qu'il y ait des débats politiques, il y a plusieurs façons d'envisager l'organisation de la société, bien sûr, mais le vieillissement de la population, l'allongement de la durée de la vie, ce n'est pas un sujet de gauche ou de droite, c'est une réalité démographique à laquelle il faut faire face. Et j'appelle, même si je sais que ces appels ne sont pas toujours entendus, à un rassemblement de la Nation française autour de ces grandes questions qui concernent l'ensemble de nos concitoyens.
On est face à une mondialisation qui ne nous fait pas de cadeau et qui ne fait pas de cadeau aux nations qui sont hésitantes ou qui sont un peu endormies. Donc si nous réformons c'est parce que nous voulons rester maîtres de notre destin national. Réduire la dette, ce n'est pas faire plaisir aux marchés, c'est défendre l'indépendance nationale, c'est de défendre la souveraineté nationale, c'est conserver une capacité de décision et de ne pas se faire imposer demain les décisions par ceux qui ont financé nos dépenses budgétaires.
En octobre 2008, lorsqu'il a fallu répondre au choc financier, la France a été quasiment la première avec la Grande-Bretagne à prendre les bonnes décisions, à entraîner l'ensemble des pays européens et à définir une nouvelle régulation mondiale. En 2010, lorsqu'il a fallu apporter une réponse européenne à la crise de la dette souveraine de la Grèce, la France, vous l'avez remarqué, a encore, au premier rang, joué un rôle prépondérant au côté de l'Allemagne pour mettre en place un système qui désormais, sécurise l'ensemble des pays de la Zone Euro. Depuis deux ans, nous avons mis tout notre poids dans la balance pour sauver les banques européennes, pour coordonner les plans de relance, pour faire admettre qu'il y avait besoin d'une action concertée des banques centrales pour défendre notre monnaie.
Je veux vous dire que lorsque nous aurons, l'année prochaine, la présidence du G8 et la présidence du G20 la France va continuer de se battre, d'innover, d'être en pointe pour appeler à une plus grande régulation mondiale. Ici, en Norvège, je sais que chacun d'entre vous contribue à ce rayonnement de notre pays. Je voudrais vous dire que dans la période mouvementée que traverse le continent européen, nous savons que nous pouvons compter sur vous, compter sur vous pour porter une image d'une France innovante, d'une France créative, d'une France solidaire, d'une France qui est ouverte sur les horizons du monde. Vous symbolisez mieux que quiconque cette ouverture.
Voilà, mes Chers Compatriotes, le message d'amitié, le message de confiance que je voulais partager avec vous en vous disant, encore une fois, toute la gratitude qui est celle du Gouvernement français et à travers moi de l'ensemble du peuple français pour ce que vous faites ici, pour le rayonnement de notre pays.Source http://www.gouvernement.fr, le 15 juin 2010