Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes venus honorer ici la mémoire des marins de l'Ile de Sein qui ont répondu à l'Appel du général de Gaulle.
Ils étaient vos pères et vos époux, vos grands pères et vos oncles. Ils furent des héros.
Depuis longtemps déjà, le nom des pêcheurs de l'Île de Sein est entré dans l'histoire de France.
Et jamais personne ne songe à eux sans éprouver une grande émotion, un infini respect.
Car nous voyons en chacun d'eux, en chacun de ces hommes modestes, de grands hommes.
Ils vivaient du dur métier de marins-pêcheurs, affrontant chaque jour les embruns fougueux et les tempêtes du large. Ils étaient attachés à leur île, à leur famille, à leur culture bretonne. Mais toujours leur regard épousait le grand large et les vastes horizons.
Ils étaient les fils d'une longue tradition qui avait fait des marins de l'Île de Sein de prodigieux sauveteurs : l'histoire ne compte pas le nombre de navires et d'hommes qu'ils retirèrent aux colères de la mer d'Iroise. Des équipages entiers, des milliers d'hommes durent leur vie sauve aux marins seinans.
Lorsque le 22 juin 1940, le gardien du phare d'Ar-Men vint prévenir les habitants de l'Île qu'un général français allait parler le soir à la radio de Londres, réitérant l'appel lancé le 18 juin, ce n'était plus un navire qu'il fallait sauver de la tempête, mais un peuple tout entier qu'il fallait arracher au déshonneur.
Tous les Seinans se regroupent autour d'un poste TSF. Ils écoutent le général de Gaulle. Sa voix leur est inconnue, comme elle est alors inconnue à la plupart des Français. Mais les mots qu'il emploie leur parlent. « L'honneur, le bon sens, l'intérêt de la Patrie commandent à tous les Français libres de continuer le combat, là où ils seront et comme ils pourront. »
Tous les hommes valides s'embarquent dans les jours qui suivent.
Ils quittent tout. Regardez ces hommes, voyez leur valeur : ils placent le sens du devoir au-dessus de tout. Ils croient en la liberté comme ils croient en la France. Et ces Bretons attachés à leur Île partent pour l'Angleterre, ne craignant ni pour eux-mêmes ni pour leur vie. Oui, ils étaient Français d'autant plus qu'ils étaient Bretons.
Le général de Gaulle avait, pour les marins de l'Île de Sein, une affection particulière. Il fit de l'Île de Sein l'une des 5 communes Compagnons de la Libération.
Puis il vint ici, en 1960, rendre hommage à l'Île de Sein, emportant avec lui l'inoubliable souvenir du Libera s'élevant des coeurs, comme le plus beau chant jamais chanté par un peuple à la liberté.
Les marins de l'Île de Sein avaient donné l'exemple.
Ils avaient été parmi les premiers Français libres.
Et leur ralliement fut, pour le général de Gaulle, en 1940, l'un des plus grands signes d'espoir.
C'étaient des hommes modestes.
C'étaient des hommes du peuple. Et ils étaient la France.
Au pied du monument dédié aux Français Libres deux mots sont inscrits en breton :
« Kentoc'h Mervel ».
Plutôt mourir.
Oui, plutôt mourir que de ne plus croire en la France.
Plutôt mourir que de déposer les armes.
Plutôt mourir que d'abandonner notre destin à la fatalité.
Là voilà la France, la France éternelle, c'est l'Île de Sein et ses héros. C'est le plateau des Glières, c'est le maquis du Vercors, c'est Jean Moulin. Ce sont les mille fusillés du Mont-Valérien. C'est Bir-Hakeim. C'est la colonne de Leclerc, de Koufra à Strasbourg. C'est l'armée de De Lattre.
La France éternelle, c'est ce peuple debout qui croit en son avenir.
Aujourd'hui, notre pays est libre, la paix est revenue en Europe. Mais écoutons encore les marins de l'Île de Sein. L'écho de leur voix monte vers nous.
Ne cédons pas à la fatalité, ne baissons pas les bras. Ne croyons pas que nous sommes seuls au monde, que nous pouvons vivre, repliés sur nous-mêmes, sur nos communautés, nos appartenances, nos intérêts personnels et notre égoïsme.
Oui, les marins de l'Île de Sein étaient les plus modestes des Français. Mais ils savaient ce qu'être Français veut dire. Ils savaient les sacrifices que cela exige. Nous ne les oublierons jamais.
La France aujourd'hui se souvient. Elle tourne son regard vers l'Île de Sein.
Elle s'incline, avec respect et gratitude, sur la tombe de ceux qui sont morts. Elle proclame qu'il n'y a pas eu, marins de l'Île de Sein, plus grands Français que vous. »
source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juin 2010