Texte intégral
Il y a soixante-cinq ans, les Alliés entraient dans le camp de concentration du Struthof. Ils n'y trouvèrent plus qu'une poignée de déportés.
Beaucoup de ceux qui avaient été internés étaient déjà morts.
Des labeurs inhumains, la faim, la maladie, les sévices des kapos et de la SS, les exécutions sommaires : tout aura eu raison d'eux.
Les autres, les survivants les plus valides, avaient été conduits, à travers l'Allemagne, dans les marches de la mort, terribles colonnes qui sillonnaient des routes de désolation et condamnaient les plus faibles à une fin certaine.
Le Struthof fut l'un des plus terribles camps de concentration nazis.
L'un des plus meurtriers aussi.
Il avait été conçu pour anéantir les ennemis du nazisme.
Ils furent plus de 50 000 à être internés ici.
La moitié y trouva la mort.
Ils venaient de Pologne et de Russie, de France et des Pays-Bas, d'Allemagne et de Norvège, de Hongrie et de Slovénie.
Ils étaient juifs et tsiganes, résistants et partisans.
Nous sommes venus honorer la mémoire de tous les déportés.
Nous le faisons avec gravité et respect.
Par-delà les années et par-delà la mort, ils réclament justice.
Ils s'adressent aux vivants.
Leur voix monte vers nous. Ecoutons-la. C'est la voix des martyrs.
C'est la voix de tous ceux que leurs bourreaux ont voulu condamner à la mort et à l'oubli.
Rendons leur justice.
Souvenons-nous de leur ombre quand nous ne connaissons pas leur nom.
Souvenons-nous de leur douleur. Souvenons-nous de leur mort.
Souvenons-nous de leur nom quand nous ne connaissons pas leur visage.
Souvenons-nous de ces hommes exténués et amaigris, tombant dans la Carrière et abattus d'une balle dans la nuque par un SS.
Souvenons-nous de ces résistants convoyés ici et exécutés, le soir après l'appel, dans la Sablière.
Souvenons-nous de ceux du Mouvement Alliance ou de ceux du Groupe Mobile Alsace-Vosges.
Souvenons-nous des réfractaires à l'incorporation de force. Héros parmi les héros.
Souvenons-nous de tous les déportés de « Nuit et Brouillard ».
Souvenons-nous des juifs et des tsiganes, gazés, après avoir parfois servi de cobayes humains aux médecins de la SS.
Souvenons-nous.
Nous n'avons pas le choix : il ne nous reste plus que cela.
Et si jamais un jour nous renoncions à accomplir ce devoir, qui est, pour chaque homme, l'un des devoirs les plus sacrés, alors nous aurions consenti à donner raison aux bourreaux.
Nous ne le pouvons pas. Nous n'en avons pas le droit.
Là où est notre mémoire est notre victoire.
C'est une victoire fragile et toujours incertaine.
C'est peut-être, par rapport à la mort qui frappe et exécute froidement, la victoire la plus dérisoire qui soit.
Mais c'est la victoire de l'humanité sur la barbarie.
C'est la victoire des forces de la vie sur celles de la mort.
Là où nous nous souvenons du nom et du visage des victimes, alors elles n'ont pas totalement disparu, puisqu'elles sont reliées à nous et à la communauté des vivants par les liens discrets du souvenir.
Si nous sommes venus aujourd'hui au Struthof, c'est pour honorer la mémoire des morts, nous recueillir sur la tombe de ceux qui n'ont pas de tombe.
C'est aussi pour rendre hommage à ceux qui ont allés au plus profond des ténèbres et qui en sont revenus.
Je suis venu aujourd'hui, soixante-cinq ans après la libération du camp du Struthof, exprimer la gratitude de la Nation tout entière aux anciens déportés : combien d'années, combien de décennies ont-ils consacrées à porter la mémoire de ce qui s'est passé ici ?
Rien, ni l'âge, ni la fatigue, ni la maladie, ne les a jamais retenus dès lors qu'il s'est agi de témoigner.
Ce qu'ils ont fait, ce qu'ils font encore, pour parler avec des jeunes et des élèves, mérite notre admiration la plus totale.
Il y a cinquante ans, le général de Gaulle est venu ici.
Il avait voulu que l'ancien camp de concentration du Struthof devienne, pour la France, le Mémorial national de la Déportation.
Ici, dans ce camp, construit par les nazis en Alsace annexée, sur cette terre française lâchement abandonnée à l'Allemagne par le gouvernement de la Collaboration, le général de Gaulle avait voulu que toutes les victimes françaises de la Déportation soient honorées.
Juifs, résistants, tsiganes, homosexuels : tous ceux qui, indistinctement, avaient connu l'enfer des camps et la mort sont, depuis cinquante ans, honorés ici, dans ce mémorial.
Et depuis cinquante ans, dans le ciel d'Alsace, tranchant sur la ligne bleue des Vosges, une flamme de pierre s'élance.
C'est la flamme de la mémoire.
Elle est si fragile, si vacillante, qu'il appartient à chaque génération qui se succède de l'entretenir et, parfois, de la rallumer.
Les années passent, mais les discours négationnistes et révisionnistes persistent.
Nous avons à leur opposer, avant toute chose, la vérité.
Simple, tragique et nue. La vérité de l'histoire.
C'est la flamme de l'espoir, c'est la lueur de l'espérance.
Il n'y a pas eu, dans l'histoire récente, de générations qui ont consacré autant d'efforts à construire l'Europe unie que celles des anciens déportés et internés.
Ces femmes et ces hommes ont été les plus ardents défenseurs de la construction européenne.
Ils portaient dans leur coeur, dans leur chair et, souvent, sur leur avant-bras les stigmates de la déportation.
Ils auraient pu vivre dans le ressentiment : c'est une pente assez naturelle et même légitime chez chaque homme.
Ce sont eux, au contraire, envers et contre tout, qui ont, le plus souvent, contribué à la réconciliation franco-allemande. Une réconciliation fondée non pas sur l'oubli mais sur la mémoire.
Puisse cette flamme, dans les temps incertains que nous traversons, être encore un signe de mémoire et d'espoir pour la France et pour l'Europe.
Puisse cette flamme nous rappeler sans cesse l'honneur, la dignité et le respect qui est dû à chaque homme.
Soixante-cinq ans ont passé.
Le Struthof reste dans la mémoire nationale comme le symbole de la haine et de la barbarie.
Ici s'élève le mémorial français de la souffrance humaine.
Il s'adresse à tous nos concitoyens en France et en Europe.
Il s'adresse à chaque homme.
Et sur cette terre d'Alsace, cette terre de France, la République vient aujourd'hui accomplir son devoir.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juin 2010
Beaucoup de ceux qui avaient été internés étaient déjà morts.
Des labeurs inhumains, la faim, la maladie, les sévices des kapos et de la SS, les exécutions sommaires : tout aura eu raison d'eux.
Les autres, les survivants les plus valides, avaient été conduits, à travers l'Allemagne, dans les marches de la mort, terribles colonnes qui sillonnaient des routes de désolation et condamnaient les plus faibles à une fin certaine.
Le Struthof fut l'un des plus terribles camps de concentration nazis.
L'un des plus meurtriers aussi.
Il avait été conçu pour anéantir les ennemis du nazisme.
Ils furent plus de 50 000 à être internés ici.
La moitié y trouva la mort.
Ils venaient de Pologne et de Russie, de France et des Pays-Bas, d'Allemagne et de Norvège, de Hongrie et de Slovénie.
Ils étaient juifs et tsiganes, résistants et partisans.
Nous sommes venus honorer la mémoire de tous les déportés.
Nous le faisons avec gravité et respect.
Par-delà les années et par-delà la mort, ils réclament justice.
Ils s'adressent aux vivants.
Leur voix monte vers nous. Ecoutons-la. C'est la voix des martyrs.
C'est la voix de tous ceux que leurs bourreaux ont voulu condamner à la mort et à l'oubli.
Rendons leur justice.
Souvenons-nous de leur ombre quand nous ne connaissons pas leur nom.
Souvenons-nous de leur douleur. Souvenons-nous de leur mort.
Souvenons-nous de leur nom quand nous ne connaissons pas leur visage.
Souvenons-nous de ces hommes exténués et amaigris, tombant dans la Carrière et abattus d'une balle dans la nuque par un SS.
Souvenons-nous de ces résistants convoyés ici et exécutés, le soir après l'appel, dans la Sablière.
Souvenons-nous de ceux du Mouvement Alliance ou de ceux du Groupe Mobile Alsace-Vosges.
Souvenons-nous des réfractaires à l'incorporation de force. Héros parmi les héros.
Souvenons-nous de tous les déportés de « Nuit et Brouillard ».
Souvenons-nous des juifs et des tsiganes, gazés, après avoir parfois servi de cobayes humains aux médecins de la SS.
Souvenons-nous.
Nous n'avons pas le choix : il ne nous reste plus que cela.
Et si jamais un jour nous renoncions à accomplir ce devoir, qui est, pour chaque homme, l'un des devoirs les plus sacrés, alors nous aurions consenti à donner raison aux bourreaux.
Nous ne le pouvons pas. Nous n'en avons pas le droit.
Là où est notre mémoire est notre victoire.
C'est une victoire fragile et toujours incertaine.
C'est peut-être, par rapport à la mort qui frappe et exécute froidement, la victoire la plus dérisoire qui soit.
Mais c'est la victoire de l'humanité sur la barbarie.
C'est la victoire des forces de la vie sur celles de la mort.
Là où nous nous souvenons du nom et du visage des victimes, alors elles n'ont pas totalement disparu, puisqu'elles sont reliées à nous et à la communauté des vivants par les liens discrets du souvenir.
Si nous sommes venus aujourd'hui au Struthof, c'est pour honorer la mémoire des morts, nous recueillir sur la tombe de ceux qui n'ont pas de tombe.
C'est aussi pour rendre hommage à ceux qui ont allés au plus profond des ténèbres et qui en sont revenus.
Je suis venu aujourd'hui, soixante-cinq ans après la libération du camp du Struthof, exprimer la gratitude de la Nation tout entière aux anciens déportés : combien d'années, combien de décennies ont-ils consacrées à porter la mémoire de ce qui s'est passé ici ?
Rien, ni l'âge, ni la fatigue, ni la maladie, ne les a jamais retenus dès lors qu'il s'est agi de témoigner.
Ce qu'ils ont fait, ce qu'ils font encore, pour parler avec des jeunes et des élèves, mérite notre admiration la plus totale.
Il y a cinquante ans, le général de Gaulle est venu ici.
Il avait voulu que l'ancien camp de concentration du Struthof devienne, pour la France, le Mémorial national de la Déportation.
Ici, dans ce camp, construit par les nazis en Alsace annexée, sur cette terre française lâchement abandonnée à l'Allemagne par le gouvernement de la Collaboration, le général de Gaulle avait voulu que toutes les victimes françaises de la Déportation soient honorées.
Juifs, résistants, tsiganes, homosexuels : tous ceux qui, indistinctement, avaient connu l'enfer des camps et la mort sont, depuis cinquante ans, honorés ici, dans ce mémorial.
Et depuis cinquante ans, dans le ciel d'Alsace, tranchant sur la ligne bleue des Vosges, une flamme de pierre s'élance.
C'est la flamme de la mémoire.
Elle est si fragile, si vacillante, qu'il appartient à chaque génération qui se succède de l'entretenir et, parfois, de la rallumer.
Les années passent, mais les discours négationnistes et révisionnistes persistent.
Nous avons à leur opposer, avant toute chose, la vérité.
Simple, tragique et nue. La vérité de l'histoire.
C'est la flamme de l'espoir, c'est la lueur de l'espérance.
Il n'y a pas eu, dans l'histoire récente, de générations qui ont consacré autant d'efforts à construire l'Europe unie que celles des anciens déportés et internés.
Ces femmes et ces hommes ont été les plus ardents défenseurs de la construction européenne.
Ils portaient dans leur coeur, dans leur chair et, souvent, sur leur avant-bras les stigmates de la déportation.
Ils auraient pu vivre dans le ressentiment : c'est une pente assez naturelle et même légitime chez chaque homme.
Ce sont eux, au contraire, envers et contre tout, qui ont, le plus souvent, contribué à la réconciliation franco-allemande. Une réconciliation fondée non pas sur l'oubli mais sur la mémoire.
Puisse cette flamme, dans les temps incertains que nous traversons, être encore un signe de mémoire et d'espoir pour la France et pour l'Europe.
Puisse cette flamme nous rappeler sans cesse l'honneur, la dignité et le respect qui est dû à chaque homme.
Soixante-cinq ans ont passé.
Le Struthof reste dans la mémoire nationale comme le symbole de la haine et de la barbarie.
Ici s'élève le mémorial français de la souffrance humaine.
Il s'adresse à tous nos concitoyens en France et en Europe.
Il s'adresse à chaque homme.
Et sur cette terre d'Alsace, cette terre de France, la République vient aujourd'hui accomplir son devoir.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juin 2010