Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, E. Woerth.
Bonjour.
Les manifestants qui sont opposés à la réforme des retraites que vous souhaitez mener, ont défilé, hier. Quel bilan tirez-vous de cette journée de manifestations ?
Il y avait le même nombre de manifestants dans les rues qu'en mars, c'était la dernière grande manifestation, c'était mars 2010. Entre mars et mai, le Gouvernement a précisé ses orientations d'une façon, je pense, très claires dans un document, il y a une dizaine de jours ; et puis, le Gouvernement a aussi indiqué que voilà, l'âge légal de la retraite serait repoussé parce qu'il n'y a pas de réforme des retraites s'il n'y a pas de réforme sur l'âge. C'est le principe même de fonctionnement du régime par répartition, la solidarité entre les générations.
Ce que vous dites, ce matin, E. Woerth, c'est que la mobilisation syndicale ne s'est pas accrue depuis que les propositions ou du moins, les orientations sont connues. Donc, c'est plutôt un soulagement pour vous ?
Je ne raisonne pas comme ça, si vous voulez, soulagé ou pas ? Je pense que la mobilisation, elle est ce qu'elle est et je pense que quand il y a des gens dans les rues, il faut au contraire essayer de continuer à expliquer, à concerter, c'est ce que je vais faire. D'ailleurs, j'entendais beaucoup les gens dans les manifestations repris par les radios ou par les télévisions, dire : on est inquiet, on vient dire notre inquiétude, nos enfants, moi j'ai des enfants à bas âge, est-ce qu'ils auront une retraite, etc., etc. On est là pour répondre à ces inquiétudes parce que c'est un patrimoine commun, les retraites. Ca appartient à tout le monde.
Et donc pour répondre aussi aux questions qui se posent, ce matin, E. Woerth...
Bien sûr, évidemment.
Vous avez dit que l'âge légal du départ à la retraite serait modifié. Il est, aujourd'hui, fixé à 60 ans. Avez-vous fixé un nouvel âge légal de départ à la retraite ?
Vous savez, j'entends dire que tout est ficelé, j'entends dire que tout est décidé...
Pas tout, mais ça ?
Ce n'est pas le cas. Non, ce n'est pas le cas.
Le nouvel âge légal de départ à la retraite ?
Le nouvel âge n'est pas décidé, n'est pas fixé.
62, 63 ans ?
Nous allons voir. On est dans une phase, aujourd'hui, d'écoute et puis on est dans une phase aussi de décisions, c'est-à-dire qu'au fur et à mesure que le temps passe et que la concertation avance, on prend les opinions des uns et des autres, eh bien on va décider au fur et à mesure du temps.
Mais pas de nouvel âge légal décidé encore ?
On a entre le 15 et le 20 juin, au fond. Entre le 15 et le 20 juin, on présentera l'avant-projet. Donc, il y a beaucoup de choses encore à décider, beaucoup de choses encore à concerter.
Oui, mais certaines choses sont décidées ?
Oui, mais dans le document d'orientation...
Vous n'allez pas nous faire croire que vous n'avez rien décidé encore, ce matin !
Non, mais regardez le document d'orientation, il est très, très précis. Le document d'orientation précise beaucoup de choses. Il précise la pénibilité, il précise l'emploi des seniors. Et c'est les modalités qui restent à déterminer...
Mais 62, 63 ans...
62, 63, 61... Nous verrons tout cela.
D'accord. F. Chérèque, secrétaire Général de la CFDT, dans le journal Les Échos, hier : "Personne n'en parle, dit F. Chérèque, mais il va y avoir aussi le passage de 65 ans à 67 ou 68 ans de l'âge de la retraite sans décote". Relance des Échos : "Mais le Gouvernement n'a pas encore acté la fin de la retraite sans décote à 65 ans !" "Eh bien, reprend F. Chérèque, que le gouvernement démente mes propos !"
Non, mais je ne vais pas rentrer dans les démentis faits aux syndicats ou pas. L'âge, c'est en fait une fourchette. Aujourd'hui, c'est 60 et 65. 60, vous pouvez partir à la retraite mais vous partez souvent avec une décote et un prorata temporis, d'ailleurs, en fonction de vos durées de cotisations. Et puis, 65, c'est l'âge du taux plein. Vous continuez à avoir une décote mais vous avez le taux plein vous n'avez plus le prorata temporis.
Donc, si 60 bouge, 65 bouge aussi ?
Il y a des fourchettes, ces fourchettes bougeront évidemment.
65 aussi bougera.
Les fourchettes bougeront évidemment.
Les deux fourchettes ?
Les deux, parce que c'est deux bords de date. Dans tous les pays du monde, c'est comme ça.
Non, non, d'accord. Donc, en France aussi ?
Dans tous les pays du monde, c'est comme ça. Tous les gouvernements socialistes ont changé l'âge des retraites. Il y a que les socialistes français qui ne veulent pas le voir. Monsieur Zapatero disait : "L'augmentation de l'âge légal, c'est une mesure raisonnable. C'est la seule mesure qui permette de sauvegarder et de garantir un système par répartitions".
Vous aimez bien les socialistes ailleurs ! C'est ça qui est toujours amusant ! Les socialistes, ailleurs, c'est des modèles !
C'est-à-dire que quand ils font des choses qui sont responsables, on aime bien le dire.
Ca, c'est rigolo, tiens !
Oui, mais écoutez, M. Aubry, elle n'a jamais voté les carrières longues alors qu'elle nous dit qu'il faut... Elle n'a jamais voté la taxation des stock options alors qu'aujourd'hui, elle nous donne des exemples là-dessus. Elle n'a jamais voté l'augmentation du minimum vieillesse, je veux dire... pour donner des leçons au Gouvernement d'aujourd'hui, mais je crois qu'il faut être très responsable dans ce domaine, notamment dans le domaine des retraites.
Vous avez indiqué, E. Woerth, cette semaine que les régimes spéciaux de retraite ne seraient pas concernés par la réforme. La raison ? C'est qu'ils ont été modifiés en 2008 et vous étiez engagés en 2008, à ne pas les modifier avant 2018. Donc, vous respectez votre promesse et puis, ça vous arrange. Comme ça, par exemple, les cheminots ne seront pas dans les manifestations ?
On ne raisonne pas du tout comme ça. Il y a eu pas mal d'ambiguïtés hier sur ce sujet. J'entendais les gens : "Mon Dieu, ils ne sont pas concernés. C'est terriblement injuste". Tout le monde monte sur ses grands chevaux dans ce domaine. Il faut rester un tout petit peu calme. Qu'est-ce qu'on a écrit, page 14 de notre document d'orientation, auquel je vous incite à vous référer ? En ce qui concerne les régimes spéciaux, ces évolutions - c'est-à-dire les évolutions qui sont dans le document, l'âge, etc., les évolutions qui valent pour tout le monde, pour absolument tout le monde - s'appliqueront dans le respect du calendrier de mise en oeuvre de la réforme de 2007. Il y a une réforme en 2007 des régimes spéciaux...
Régimes spéciaux, en 2008, oui.
Le calendrier sera respecté puisqu'il a été négocié par le même Gouvernement. Je respecterai bien évidemment les engagements...
C'est important en politique de respecter les engagements, E. Woerth !
C'est essentiel. Ce sont des engagements qui datent d'il y a trois ans. Et par ailleurs, la réforme s'appliquera dans le respect de ces engagements, c'est-à-dire dans le respect du calendrier. Il y aura un autre calendrier.
D'accord. Abécédaire des propositions du candidat N. Sarkozy en 2007 publié sur le site de l'UMP : la retraite à 60 ans doit demeurer. Le Président de la République était ici, à votre place, le 27 mai 2008 et il dit ceci : "Je ne modifierai pas l'âge de départ à la retraite parce que je n'en ai pas parlé pendant la campagne présidentielle. C'est un engagement que j'ai pris devant les Français". Donc, respecter les engagements, c'est essentiel ou ce n'est pas essentiel ?
C'est essentiel.
Et là, il ne sera pas respecté celui-là ?
C'est essentiel, mais le président de la République n'avait pas pris d'engagement sur la crise. C'est un très mauvais procès qui est fait au Président.
Non, ah ce n'est pas la crise là !
Si c'est la crise.
Ca fait des années qu'on parle de la modification de la retraite à 60 ans ?
Attendez, je vais y arriver. C'est un très mauvais procès fait au président de la République. Le COR, le Conseil d'Orientation de la Retraite, a très bien montré que nous avons vingt ans d'avance, si je puis m'exprimer ainsi en termes de déficit des retraites : 1,6 point de PIB, on devait l'atteindre en 2030. C'est de la responsabilité du président de la République de tenir compte de cela. Un chemin politique n'est pas définitivement tracé...
C'est plus fort que ses engagements ?
Mais parce que la situation l'exige, tout simplement parce que la situation l'exige. On ne savait pas qu'il y aurait une crise. Il n'y avait pas de plan de relance dans le programme du président de la République parce qu'on ne savait pas qu'il y avait une crise. On ne savait pas que ces déficits seraient à ce niveau-là ; et la crise, ce n'est pas uniquement des recettes qui s'arrêtent et puis, qui reprennent une année après. Dans le domaine des retraites, ça impacte pendant de longues années. C'est de la responsabilité de l'homme d'État qu'est N. Sarkozy d'avoir, au contraire, mis ce dossier des retraites sur le devant de la scène parce que c'était nécessaire et absolument nécessaire. Pas de mauvais procès là-dessus. Au contraire.
Dans l'avant-projet de loi que vous présenterez le 15 ou 20 juin, les retraites des parlementaires seront réformées, E. Woerth ?
Alors, ça ne dépend pas d'une loi, vous le savez. Ca dépend en réalité du règlement de l'Assemblée...
Donc, elles ne seront pas réformées ?
Si, bien sûr, elles seront réformées. Je suis le premier à l'avoir dit. Un jour, ici. Je l'ai dit d'ailleurs même à votre antenne.
C'était ici.
Je l'ai dit à votre antenne parce que je ne voulais pas que le terrain soit miné par cela. Les hommes et les femmes politiques feront évidemment la réforme de leur propre retraite mais il y a une séparation...
Là, vous prenez des engagements pour les autres !
Il y a une séparation entre l'exécutif et le législatif. Je l'ai dit et redit aux députés et aux sénateurs. Évidemment, ils le feront, il y aura une réforme des retraites des régimes parlementaires, bien sûr. L'exemplarité.
Dernière question : on annonce une hausse du gaz au 1er juillet : 4,5%. C'est indexé sur le cours du pétrole. Si le Gouvernement n'intervient pas, le gaz a déjà augmenté de 9,7% le 1er avril. Il faut laisser faire toutes ces augmentations à répétitions, E. Woerth ?
Je sais bien que c'est un sujet évidemment extraordinairement difficile pour les uns et pour les autres. Mais il y a des critères d'augmentation. Quand ça baisse, ça doit baisser. Ca a baissé d'ailleurs l'année dernière...
Ça ne baisse pas souvent !
Mais ça a baissé l'année dernière et puis quand ça doit augmenter, ça doit augmenter. C'est ainsi, c'est la vie économique. Par contre, je voulais rappeler que le minimum vieillesse, etc., tout ça a augmenté. Il faut quand même le dire !
"Les engagements, c'est essentiel en politique !"
Oui, c'est essentiel.
...E. Woerth l'a dit ce matin sur RTL. Bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mai 2010