Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports, sur la coopération entre la France et le Maroc en matière de sport, Rabat le 7 juin 2010.

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Circonstance : Signature d'un protocole de coopération dans le domaine du sport entre la France et le Maroc à Rabat le 7 juin 2010

Texte intégral


Comment ne pas d'emblée exprimer ma joie d'être ici, en cet instant, à votre invitation, Monsieur le Ministre.
La qualité et la chaleur de votre accueil confirment le sens de l'hospitalité et la cordialité légendaire du peuple marocain.
J'y suis très sensible et je tenais à vous en remercier.
A vous écouter tout au long de cet après-midi, à Kenitra, lors de la visite du centre socio sportif, au Ministère des Affaires étrangères et de la coopération où j'ai eu l'honneur d'être reçue par votre collègue du Gouvernement marocain, Madame Latifa AKHERBACH, et ici même au ministère de la jeunesse et des sports, j'ai eu confirmation que la coopération entre nos deux Nations allait au-delà des relations bilatérales traditionnelles entre deux pays.
Cette coopération c'est aussi celle du coeur.
Il y a une estime réciproque, sincère, entre nos deux peuples, le peuple marocain et le peuple français. Beaucoup de vos compatriotes apprécient mon pays. J'ai bien l'impression que beaucoup de Français se sentent bien au Maroc.
C'est vrai sur le plan économique, plus de 500 filiales d'entreprises françaises sont implantées au Maroc, en créant plus de 100 000 emplois.
C'est vrai sur le plan touristique, la destination Maroc étant des plus prisées des touristes français, sur la côte atlantique et méditerranéennes, dans vos Cités impériales, Fès, Meknes, Marrakech et vos autre grandes Métropoles, Rabat, Casablanca, Agadir, Tanger, et tant d'autres encore...
C'est vrai sur le plan culturel et linguistique, et je n'oublie pas que près de la moitié de vos compatriotes ont avec nous le français en partage, un bien commun.
J'évoquais, à l'instant, une coopération entre nos deux Pays qui était celle du coeur.
Au propre et au figuré !
Selon les données que m'a communiquées notre Ambassadeur, M. Bruno JOUBERT, que je remercie pour la vigilance et l'intelligence qu'il met à donner corps à l'excellence au quotidien de nos relations bilatérales, 46% des résidents français permanents au Maroc sont des binationaux. En France, sur les 800 000 personnes d'origine marocaine y résidant, 350 000 sont bi-nationaux.
Comment s'étonner dans un tel contexte, qu'il y ait un peu de marocain dans le coeur de nombre de nos compatriotes et un peu de francophilie dans le coeur de nombre de marocains !
C'est pourquoi nous avons souhaitez, vous et moi, relancer notre coopération dans le domaine du sport.
Dans la continuité de la tradition que je viens d'évoquer, mais aussi avec une vision d'avenir.
Tradition, parce que le protocole que nous venons de signer s'inscrit dans une longue lignée, même si, depuis 2007, du fait de la France, il faut bien le dire, le protocole nous liant n'avait pas fait l'objet de renouvellement. Mon administration s'engageait alors dans une profonde refonte de son organisation et des ses missions - ce que nous appelons, pour les fins connaisseurs que vous êtes de l'actualité française, la RGPP, Révision Générale des Politiques Publiques.
Après cette interruption, la relance de notre coopération n'a que plus de portée, telle est ma conviction !
Tradition mais aussi vision d'avenir.
Lors de notre rencontre du 2 avril à Paris, puis ensuite dans le travail entre nos deux cabinets, nous nous sommes vite entendus sur le fait qu'il nous faut renouveler le cadre, les objectifs et surtout la manière de pensée la coopération dans le domaine du sport.
Pas pour minorer tout ce qu'on fait nos prédécesseurs dans le passé.
Mais par nécessité, tout simplement.
Parce que l'environnement sportif a changé ; c'est particulièrement vrai au niveau international. Chacun de nos deux pays aspire à rayonner dans le concert international, en faisant en sorte que nos champions occupent un maximum de podiums dans les compétions internationales et Olympiques. Mais la compétition est devenue rude et la concurrence exacerbée.
De plus, les attentes de nos populations vis-à-vis du sport ont également profondément évolué ; beaucoup aspirent à pouvoir pratiquer le sport de leur choix, à proximité de leurs lieux de vie ou de travail, et à tous niveaux de pratiques, de l'initiation à la pratique de la compétition, en passant par une pratique plus ludique, liée à la détente et aux loisirs. Chacun a compris qu'un exercice physique régulier est bon pour la santé, et le moral aussi.
Des franches entières de population jusque là largement exclues d'une pratique sportive y aspirent légitimement : les femmes, les personnes handicapées, les séniors.
Sans parler des jeunes eux-mêmes, qui une fois sortis de l'institution scolaire ou universitaire, connaissent une chute brutale dans leurs pratiques de sport.
Je suis admirative, Monsieur le Ministre, de ce que vous m'aviez dit, lors de notre première rencontre à Paris, et de ce que j'ai vu à KENITRA : votre programme de construction d'espace socio-sportifs de proximité est à tout point de vue remarquable.
Il traduit une ambition, c'est l'évidence : 1000 projets devraient s'implanter sur le territoire, si j'ai bien compris. Il traduit aussi une volonté de répondre aux besoins des jeunes d'être ensemble, tout en veillant à ne pas leur créer des espaces enfermant.
De ce point de vue, votre volonté de vous appuyer sur ces espaces récréatifs et socio-sportifs pour offrir une réponse aux besoins d'activités physiques et sportifs des femmes et des mères de familles, l'après-midi, lorsque les jeunes sont ailleurs, constitue un enjeu important, tout en assurant le plein emploi d'investissements qui ont un coût pour la collectivité.
La France a développé, de son côté, sous l'impulsion de l'Etat ou à l'initiative des collectivités territoriales, plusieurs types de réponses, notamment dans le cadre de ce que nous appelons « la politique de la Ville ». Nous avons retenu que la formation des encadrants, des animateurs est une condition de la réussite : certes il faut favoriser l'autonomie des jeunes, mais le besoin d'être entre soi, n'exclut pas l'accompagnement.
Les animateurs socio-sportifs ne sont pas construits sur le moule identique à celui des éducateurs sportifs de nos clubs. Ils ont un fond commun de formation, de compétence, la perméabilité entre les uns et les autres doit être facilitée. Mais tout cela dit, nous le savons bien, il n'est pas aisé de concevoir la formation de ces animateurs socio-sportifs, souvent issus du terrain, du quartier, plus que du système scolaire académique et universitaire.
Beaucoup de nos services, de nos établissements, beaucoup de nos formateurs se sont cassés quelques dents sur la question. Les vôtres aussi probablement !
Alors pourquoi pas échanger, non seulement nos difficultés, mais nos expériences, nos réussites, nos fiertés, nos forces et nos convictions, pour avancer ensemble, au service du sport et de notre jeunesse ?
L'intérêt et l'esprit de notre protocole est précisément de créer les conditions de ce travail en commun et en réseau.
Aucun de nos collaborateurs de nos deux ministères n'a besoin de l'autre pour faire une circulaire, pour écrire une instruction. Mais, ce n'est pas de cela dont il s'agit : en matière de formation, dans ce domaine de l'animation socio-sportive, il convient surtout de créer, d'innover, d'expérimenter, non pas en chambre, en laboratoire, mais sur le terrain, dans l'action, là où est la vraie vie !
Sachons mettre en face en face, les interlocuteurs locaux ou nationaux les plus au fait et les plus engagés sur ce terrain. Si nos réussissons cette mise en relation, alors le travail en réseau se nourrira de lui-même, et les objectifs que nous assignons au travers de ce protocole, à notre coopération bilatérale, passeront vite, naturellement, nécessairement, de l'objectif édicté à la réalisation concrète.
Il me semble que nos deux directeurs des sports, qui se connaissent et s'apprécient, ont un rôle essentiel, avec leurs collaborateurs, pour faire passer ce message, cette nouvelle culture de la coopération. Nous attendons beaucoup d'eux. Nous leur demandons d'aider leurs équipes à mobiliser, à s'appuyer sur les relais qui existent, bref à travailler avec les réseaux dont ils disposent.
Cela commence par nos propres établissements publics. Osons la décentralisation car, et heureusement, la compétence, l'intelligence collective, ne se trouvent pas seulement à RABAT et à PARIS. Je pense que l'INSEP et votre institut national de formation Moulay RACHID ont vocation à jouer un rôle essentiel dans le développement, l'accompagnement et l'évaluation de cette nouvelle culture de travail en réseau, avec un impératif incontournable, l'exigence de production, l'impératif d'efficacité.
Mais la coopération que nous prônons, vous et moi, dans ce protocole de coopération, entend aller plus loin et ne pas se limiter à une simple coopération inter-administrative entre nos deux ministères et leurs établissements.
Rien ne se fera rapidement, rien ne se fera de durable, rien ne se fera à l'échelle de tous les territoires, sans nos fédérations sportives nationales. Cet arrangement entre les deux ministères des sports du Maroc et de France, n'a pas de sens, s'il ne permet pas d'impliquer, d'associer le mouvement sportif.
C'est pour cela que je suis honorée de pouvoir m'exprimer, grâce à vous, Monsieur le Ministre, devant plusieurs dirigeants sportifs marocains.
Le modèle sportif développé dans nos deux Pays a en commun cette caractéristique, qui est loin du modèle anglo-saxon, d'une implication forte de l'Etat dans la politique publique du sport, tout en s'appuyant sur un mouvement sportif, à qui est délégué, selon des formes juridiques qui peuvent varier d'un pays à l'autre, une mission de service public d'organisation et de développement de la pratique sportive, à tous les niveaux et pour tout les publics.
Cette relation singulière ETAT/ Fédérations, à laquelle je tiens particulièrement pour la France, doit cependant régulièrement être revisitée, compte-tenu des évolutions qui traversent nos sociétés et auxquelles n'échappent pas l'organisation des pouvoirs publics.
La contractualisation avec le mouvement sportif, la mesure de la performance qui permet aussi de s'assurer que les fonds publics alloués aux fédérations sont bien utilisés en rapport avec les misions de service public assignés, constituent aujourd'hui un cadre obligé des relations entre l'Etat et le mouvement sportif.
C'est le cas au Maroc, m'avez-vous dit, Monsieur le Ministre. C'est la préoccupation aussi de mon Ministère.
La-encore, cela impose des efforts de par et d'autres, des fonctionnaires de nos services et des dirigeants sportifs. Les intentions sont facilement explicables et chacun y adhère : la réalisation pratique est plus incertaine et compliquée.
C'est pourquoi, il nous a semblé important que nos deux Ministères, y compris au niveau des unités opérationnelles qui gèrent cette nouvelle gouvernance des relations administratives, juridiques, financières avec les fédérations, échangent sur leurs façons de faire, leurs difficultés et tout autant sur les succès qu'ils rencontrent.
Que l'expérience de l'un enrichisse celle de l'autre, que des problèmes communs soient résolus en mixant nos intelligences.
Voilà la feuille de route !
Les champs de ces coopérations bilatérales entre fédérations françaises et marocaines sont potentiellement très larges.
Mesdames et Messieurs les Présidents et responsables du mouvement sportif du Royaume du Maroc, emparez-vous, avec votre Ministre, de cette belle ambition et partageons là ensemble.
Ce protocole est aussi le vôtre.
Vous l'avez noté, il évoque d'abord des principes, pour une coopération renouvelée dans son ambition, son approche, sa conception, sa méthode. Nous savons tous que la manière de faire est déterminante dans la perception et la conduite de l'action.
Le protocole énonce ensuite les thèmes de ce nouvel esprit de la coopération que nous voulons en matière de sport entre nos deux pays.
Je n'en ferais pas l'énumération, en ayant déjà évoqué plusieurs dans mon propos.
Sans abuser de votre patience à m'écouter, je voudrais juste en souligner deux autres qui me tiennent à coeur.
Il s'agit du secteur en plein développement des sports de nature. J'évoquais au début de mon propos l'importance de l'économie touristique de nos deux Pays.
La France et le Maroc ont en commun, ils le doivent à la nature et à la géographie, de recéler une extrême diversité de sites et de paysages, comme autant de lieux d'exercice pour les activités sportives, sur terre, à la montagne, dans l'air ou sur l'eau.
C'est une richesse exceptionnelle, qui correspond de plus en plus aux aspirations de chacun d'entre nous et des touristes !
Le potentiel de développement est extraordinaire, tant au Maroc qu'en France. Ce sont des activités nouvelles, dont le développement impose de réinventer en permanence les méthodes d'initiation et d'apprentissage, l'approche de la sécurité, l'équilibre nécessaire entre l'accès du public à ces espaces de sport et l'exigence de la préservation des espaces naturels.
Travaillons ensemble et avec les fédérations concernées.
Mon dernier commentaire sur le protocole qui scelle notre coopération est plus multilatérale. Le Maroc a accueilli récemment à Marrakech, une session de la CONFEJES.
Vous avez émis le souhait, Monsieur le Ministre, que cette conférence des ministres des sports, bien ancrée de longue date dans les divers pays d'expression française, soit un outil davantage encore au service du développement sportif des différents Etats qui la composent.
La France, qui est un contributeur important, partage ce souci.
J'ai eu l'occasion lors d'un récent déplacement à Haiti, de rencontrer le Secrétaire général de la CONFEJES, M. Youssouf FALL, qui venait concrétiser avec les autorités de la République d'Haiti, l'engagement de solidarité décidé, unanimement à Marrakech, à la suite du terrible tremblement de terre qui a mis à bas Haiti, le 12 janvier dernier, en moins de 5 secondes.
Dans ces circonstances dramatiques, la CONFEJES a témoigné de sa réactivité et du sens de sa mission. C'est un outil de coopération remarquable.
Veillons tous ensemble à le préserver, à l'adapter en tant que de besoins, parce que les contextes nationaux de développement sportif et plus largement des politiques de jeunesse ont également évolué.
Vos idées, vos propositions m'intéressent. Parlons-en, entre nos cabinets, avec nos directions des sports.
Nous parlons tous les deux souvent d'ambition.
Ce protocole de coopération en est une illustration.
Il nous revient d'en faire désormais une réalité. Tout ne se fera part en un jour. Il y aura des réussites et des moindres réussites, c'est la vie.
Mais ce projet est le nôtre, et tous ensembles, mesdames et messieurs, nous saurons le faire vivre et lui donner corps.
Je vous remercie.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 9 juin 2010