Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, sur les valeurs du sport et du football à la veille de la Coupe du Monde de football 2010, Enghien le 29 mai 2010.

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Circonstance : Colloque "football entre mondialisation et citoyenneté" à Enghien le 29 mai 2010

Texte intégral


Monsieur le directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, cher Pascal Boniface,
Mesdames, Messieurs,
Une nouvelle fois vous m'avez fait l'amitié, cher Pascal, de me convier à un colloque que vous organisez.
La passion qui vous anime pour le sport, et notamment pour le football, se couple d'un regard d'une grande pertinence, d'une finesse d'analyse dont vous faites toujours preuve sur nombre de sujets.
Aussi je suis particulièrement heureuse d'être ici, avec vous tous, aujourd'hui, et c'est avec un vif intérêt que je prendrai connaissance de l'ensemble de vos échanges.
Hier fut un grand jour : la France a été choisie pour organiser l'Euro 2016.
Pour la troisième fois, notre pays pourra accueillir sur son sol les meilleures équipes nationales d'Europe et offrir son plus beau visage : le visage d'une nation portée par les valeurs du sport et rassemblée autour d'un grand moment de réjouissance et de partage.
J'aimerais exprimer ma reconnaissance à toutes les personnes, qui, des membres du comité exécutif de l'UEFA à leur président, Michel Platini, ont répondu aux voeux des Français en leur accordant cette victoire.
Je profite également de l'occasion qui m'est donnée ici de remercier les membres de la Fédération française de football, mais aussi les villes, départements et régions, qui ont porté notre candidature avec beaucoup de détermination et d'ardeur, guidés en cela par l'enthousiasme du Président de la République Nicolas Sarkozy.
C'est, pour moi, une grande fierté que de prendre part à ce défi d'envergure : faire de cette rencontre une merveilleuse fête sportive, ainsi qu'une illustration très concrète des solidarités paneuropéennes.
Dans cette perspective, 150 millions d'euros seront investis pour la construction et la rénovation des stades.
Il est important, en effet, que notre pays soit à la hauteur de cette manifestation. Tous ensemble, nous devons nous mobiliser pour réserver un accueil irréprochable au public, aux sportifs et aux médias.
Mais avant l'Euro, un autre grand événement attend tous les amateurs de football : la Coupe du monde 2010.
Dans quelques semaines, j'aurai la chance et le plaisir de me rendre en Afrique du Sud.
La chance, d'abord, de vivre un événement historique, puisque, pour la première fois, l'organisation de la Coupe du monde de football a été attribuée à un pays africain.
Chacun mesure tout ce que le sport peut apporter à une nation et à un continent. Je me réjouis de pouvoir constater sur place les premières répercussions de cette manifestation de grande ampleur.
Le plaisir, ensuite, de regarder s'affronter les meilleures équipes nationales, dans une compétition qui met à l'honneur le respect de la règle et le respect de l'autre.
Coupe du monde 2010, Euro 2016 : quels plus beaux exemples de « mondialisation heureuse » ? Quels plus beaux rendez-vous de convivialité et d'échange que ces manifestations sportives au retentissement médiatique inégalé ?
Ce n'est pas vous, cher Pascal, qui portez au football un amour incommensurable, qui me contredirez : au-delà des différences culturelles, chacun peut et doit se reconnaître dans ce sport qui n'est le privilège d'aucun, mais le bien de tous.
Du reste, il n'est pas étonnant que le football soit tant pratiqué et tant suivi : sport de partage par excellence, où se distinguent les joueurs les plus athlétiques comme les joueurs les plus chétifs, les nations les plus riches comme les nations les plus défavorisées, le foot bénéficie, par nature, d'un attrait formidable.
« Formidable » : je n'ai pas choisi ce mot par hasard. Extraordinaire par sa force et sa puissance, cet attrait peut aussi, selon l'étymologie du terme, être à craindre.
Tout comme la mondialisation a ses dérives, le foot a ses excès. Qu'il s'agisse des sommes colossales dépensées par les clubs, ou des problèmes de violence et de discrimination dans les stades, il est de notre devoir d'apporter des réponses fermes et déterminées, pragmatiques et responsables.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de surinvestir les acteurs du football, en particulier les joueurs, d'un rôle qui n'est pas le leur.
Pour autant, c'est bien à eux qu'il revient d'être les garants des valeurs éthiques du sport.
Et si le monde du football est d'abord un reflet de notre société, de ses qualités comme de ses maux, toutes les actions entreprises pour en protéger les idéaux auront, en retour, des effets positifs sur cette société.
Je veux saluer, à cet égard, les initiatives du président de l'UEFA Michel Platini pour ouvrir les compétitions aux plus petits pays ou lutter pour le fair-play financier.
A ce sujet, nous ne pourrions tolérer plus longtemps que certains clubs proposent des salaires exorbitants au prix d'un endettement considérable. Le dispositif du fair-play financier mis en place par Michel Platini s'appliquera à tous les clubs de football participant à une compétition de l'UEFA et devrait produire ses effets dès la saison 2012/2013. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
En France, il est fort heureux qu'une direction nationale du contrôle de gestion des comptes veille à ce que nos clubs ne dépensent pas plus que ce qu'ils ont en caisse.
La prévention de la violence et des discriminations est elle aussi un combat de tous les instants.
Face à des comportements inadmissibles, qui entachent les rencontres sportives, mais aussi, plus largement, portent atteinte à notre République, il est essentiel de mener une action préventive et éducative.
Le sport ne peut ignorer, en effet, l'idéal de solidarité et de respect sur lequel il s'est construit. Il ne doit pas non plus renoncer à son rôle de vecteur de cohésion sociale et d'intégration.
C'est pourquoi une cellule dédiée à la prévention de la violence et des discriminations a été créée au sein de la Direction des sports. Une mission a également été confiée à l'Inspection générale de la jeunesse et des sports, mission de recensement des expériences et de préconisations en matière de prévention de la violence et des incivilités.
En début d'année s'est tenu le premier congrès national des associations de supporters. Nous attendons maintenant la publication du livre vert du supportérisme, dont les propositions contribueront à la lutte contre les comportements violents et l'instrumentalisation du football par la délinquance.
De tels sujets rejoignent, bien évidemment, les préoccupations des présidents de clubs, et notamment celles du président du Paris Saint Germain, Robin Leproux, qui est ici aujourd'hui et que je veux chaleureusement féliciter pour son initiative innovante et courageuse dans l'enceinte du Parc des Princes.
En ce qui concerne, plus particulièrement, la lutte contre l'homophobie dans le sport, nous avons voulu, avec Rama Yade, lancer, à l'occasion de la journée mondiale contre l'homophobie le 17 mai dernier, un plan d'action pour la prévention et la lutte contre l'homophobie, dans le sport et par le sport. Le mouvement sportif et les associations gaies et lesbiennes seront largement associés à cette réflexion.
Enfin, la promotion du football féminin est aussi une forme de lutte contre les discriminations.
J'aimerais, en ce sens, saluer les efforts de la Fédération française de football. En cette année des 40 ans du football au féminin, abondamment célébrée par la FFF, il n'est pas étonnant que le trophée national du concours « femmes et sports » 2010 lui ait été attribué. Son action menée en matière de développement de la pratique féminine et de féminisation des postes à responsabilité le justifie amplement.
Lutter contre la violence et les discriminations dans le sport, ce n'est donc un impératif de principe, une exigence désincarnée. Ce n'est pas non plus uniquement « donner l'exemple ».
C'est préserver le fondement même du sport, né du plaisir de se rassembler et de se dépasser soi-même avant de dépasser les autres.
La fonction citoyenne du sport en général, et du football en particulier, s'exprime notamment dans les activités bénévoles et associatives.
S'impliquer dans un club de quartier, prendre des responsabilités dans des associations ou des fédérations, sont autant de moyens, pour nos jeunes, de développer un sens de la générosité et de l'engagement, et d'acquérir, par leur implication personnelle au service des autres, une réelle dignité.
Qui pourrait nier l'importance du sport dans l'apprentissage de la citoyenneté ?
Je reprendrais volontiers à mon compte ce passage du Livre blanc sur le sport publié par la Commission européenne en juillet 2007 : « L'appartenance à une équipe, les principes tels que le fair-play, le respect des règles du jeu et des autres, la solidarité et la discipline ainsi que l'organisation du sport amateur, qui repose sur des clubs sans but lucratif et le bénévolat, renforcent la citoyenneté active.»
Il n'est qu'à voir l'exemple que nous en offre la Fondation du football, dont l'une des missions est d'aider les clubs amateurs français à transmettre aux jeunes footballeurs des messages-clés sur l'engagement citoyen, grâce à des opérations de sensibilisation réussies.
Soyez-en ici remercié, cher Patrick Braouezec.
Très récemment, j'ai inauguré deux complexes sportifs - le deuxième, ce matin même -, illustrations concrètes de notre implication collective à développer la pratique sportive au sein de nos territoires.
J'y ai vu des enfants jouer, en toute innocence, sur les terrains.
A la veille de la Coupe du monde en Afrique du Sud, c'est cette image que je veux garder du foot : une image simple, fraternelle et joyeuse.
Je ne doute pas que notre équipe nationale, qui a montré mercredi dernier son envie, son enthousiasme et sa réussite, sera à la hauteur de cette attente.
Je vous remercie.
Source http://www.iris-france.org, le 8 juin 2010