Déclaration de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur les moyens à mettre en oeuvre pour renforcer l'attractivité des pays méditerranéens, Marseille le 27 mai 2010.

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Circonstance : For'Um Union pour la Méditerranée, à Marseille le 27 mai 2010

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le vice-président,
Mesdames, Messieurs,
Merci de me donner l'opportunité de débattre avec vous de la question de l'attractivité des pays méditerranéens et des moyens qui doivent être mis en oeuvre pour renforcer cette attractivité et répondre aux attentes des investisseurs.
Je voudrais commencer en soulignant que la zone méditerranéenne, contrairement aux idées reçues, attire les investissements. Ainsi, la dynamique engagée à partir de 1995 d'établissement progressif d'une zone de libre-échange, a favorisé une hausse sensible des investissements directs étrangers en Méditerranée, leur montant s'établissant entre 30 et 40 Mds euros au cours des deux dernières années, contre 5 à 10 Mds euros au début des années 2000.
Les pays partenaires méditerranéens représentent en effet une incontestable opportunité d'affaires et de développement économique pour l'Union européenne pour les trois grandes raisons suivantes :
1. Les pays méditerranéens recèlent un gisement de croissance économique : selon les études les plus récentes, le PIB moyen par habitant des pays méditerranéen représente 30% du niveau observé dans la zone euro. Ce différentiel de revenus traduit certes un retard de développement mais, surtout, une capacité de rattrapage et un intérêt économique objectif pour le Nord de développer son Sud.
La croissance économique est d'ailleurs déjà au rendez-vous puisque le taux de croissance des pays méditerranéens a été deux fois et demi supérieure au nôtre au cours des cinq dernières années et les prévisions pour la région méditerranéenne anticipent sur les vingt ans à venir un taux annuel moyen de croissance compris entre 3% et 4%, contre moins de 2% pour l'Union européenne. Stratégiquement, la zone méditerranéenne, à horizon 2030, apparaît aussi attractive que l'Asie.
2. Les pays méditerranéens sont portés par la dynamique démographique : la population de l'Union européenne devrait rester stable d'ici 2050 et compter environ 500 millions d'habitants. En revanche, la population de la rive Sud de la Méditerranée devrait sur la même période augmenter de 50% pour atteindre 320 millions d'habitants. Ce développement démographique offre une double opportunité pour l'Europe : développer la demande future de produits européens et trouver un relais à la décroissance de la population active européenne.
3. Les pays méditerranéens ont des besoins d'investissements considérables à satisfaire, en proportion de leur croissance potentielle et de leur dynamique démographique. A titre d'exemple, les besoins en infrastructures pour la zone s'élèveraient entre 150 et 300 Mds USD au cours des dix prochaines années. A moyen-long terme, élever la richesse des pays méditerranéens contribue à élever celle des pays européens.
Cependant, l'attractivité de la zone pourrait être améliorée. A titre de comparaison, les BRIC ont reçu plus de 120 Mds euros d'investissements directs étrangers en 2009, soit 3 à 4 fois plus qu'en Méditerranée. En outre, les investissements en Méditerranée ont souvent un caractère volatil, sont trop concentrés sur quelques pays (Turquie, Egypte, Israël) et se limitent à quelques secteurs.
Dans ce contexte, quelles mesures devons-nous envisager pour doper l'attractivité de la Méditerranée et renforcer la complémentarité Nord/Sud ? Les éléments de réponses relèvent à la fois des politiques économiques à poursuivre et de la mobilisation du secteur privé.
Trois axes de travail me paraissent devoir être explorés : i) élargir et approfondir les marchés et les débouchés; ii) améliorer le climat des affaires dégradé et iii) renforcer la formation et la qualification de la main d'oeuvre.
. Une première piste consiste naturellement à soutenir le commerce en libéralisant les échanges, préalable à de nouveaux débouchés, tant pour les entreprises du Nord que celles du Sud. Les politiques publiques engagées depuis 1995 ont délivré des résultats concrets, à commencer par l'abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges. Toutefois, le processus intégrateur engagé depuis la Déclaration de Barcelone en 1995 n'a pas produit tous les effets escomptés.
Ainsi, les capitaux privés n'ont pas massivement irrigué la rive sud (moins de 1% des IDE français dans le monde vont au Maghreb en 2008) et la part des pays du Sud et de l'Est méditerranéens dans les échanges avec l'Union européenne a régressé, au profit de l'Asie, alors même que l'UE est le principal client de ces pays (qui pèsent moins de 10% de ses importations). En outre, le commerce intra-régional (entre Etats arabes), centré sur les hydrocarbures, reste limité et ne représente que 10% du commerce total des Etats du Sud et de l'Est de la Méditerranée.
Dans ce contexte, tous les Ministres du commerce euro-méditerranéens, avec la Commission européenne, viennent de réaffirmer leur engagement à renforcer la libéralisation commerciale, en visant l'adoption d'une feuille de route commerciale au-delà de 2010. Celle-ci devrait notamment conduire à développer un dispositif de facilitation des échanges, à l'attention des entreprises. Je voudrais ici insister sur la nécessité de maintenir un engagement collectif contre toute nouvelle mesure protectionniste aux échanges ou aux investissements qui serait contreproductive face aux défis posés à la région euro-méditerranéenne.
. Une deuxième piste consiste à améliorer le climat des affaires, élément fondamental pour développer les investissements dans la région. Dans son rapport sur la compétitivité, le World Economic Forum indique que, si des améliorations importantes ont été apportées dans les pays méditerranéens, beaucoup reste encore à faire. Les challenges à relever portent en particulier sur l'accès aux marchés, l'amélioration de la gouvernance publique et des processus administratifs, la modernisation du droit du travail et l'assouplissement de la fiscalité.
Or, les insuffisances observées réduisent l'attractivité des pays et rendent les investissements étrangers volatils. A cet égard, les investissement étrangers sont rarement engagés sur le moyen-long terme et n'entraînent qu'un faible effet de levier. En pratique, l'avantage comparatif des pays méditerranéens dans la concurrence internationale se réduit trop souvent au différentiel des coûts salariaux.
En conséquence, seule la mise en place d'un cadre réglementaire prévisible et stable permet d'établir des relations de confiance durable entre le pays et l'entreprise et d'assurer, le cas échéant, des transferts de technologie.
. Une troisième piste consiste à relever le défi de la formation professionnelle. Celle-ci représente un enjeu fondamental pour les économies du sud de la Méditerranée. Les politiques publiques euro-méditerranéennes sont jusqu'à présent restées limitées. De même, les Etats de la rive sud de la Méditerranée conduisent des réformes de leur système de formation professionnelle, mais à un rythme plus ou moins avancé. Parallèlement, de grandes entreprises mettent en place des centres de formation professionnelle (ex : Renault et Safran au Maroc, Alcatel-Lucent en Egypte), avec la difficulté inhérente du coût de ces opérations.
Des efforts de coordination doivent donc être engagés. C'est l'un des enjeux prioritaires de l'Union pour la Méditerranée.
Enfin, le secteur privé a un rôle essentiel à jouer en relevant le défi des projets de l'Union pour la Méditerranée et ses grands thèmes prioritaires, à commencer par l'énergie, l'eau et les transports. A cet égard, la mobilisation des investisseurs est incontournable. Cela suppose naturellement de leur présenter de bons projets, c'est-à-dire des projets rentables, mais aussi des projets réunissant deux caractéristiques fondamentales : générer des effets d'entraînement sur l'économie locale pour permettre une plus-value par rapport aux productions traditionnelles et inscrire les pays méditerranéens dans de nouvelles spécialisations, au-delà de l'avantage-prix.
Je ne doute pas que les interventions à venir et nos échanges permettront de nourrir ces éléments de réflexion et je vous remercie de votre attention.
Source http://www2.ccimp.com, le 9 juillet 2010