Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la numérisation du patrimoine culturel et la diffusion de la langue française à l'étranger, Paris le 21 juillet 2010.

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Circonstance : Clôture des journées du réseau français dans le monde 2010 à Paris le 21 juillet 2010

Texte intégral


« La France à l'écoute du monde » : le titre choisi pour ces Journées annuelles du Réseau culturel français formule joliment et illustre à merveille l'action que chacun d'entre vous mène au quotidien sur le terrain. Il résume avec éloquence votre travail et votre engagement. Or, votre métier a pris un sens nouveau dans un contexte lui-même nouveau : année après année, insensiblement, nous avons changé de modèle, changé de « paradigme », pour citer une nouvelle fois Michel FOUCAULT. Car le monde est devenu à la fois plus international et plus pétri de culture et de communication que jamais. Les nouvelles technologies notamment ont façonné un monde à la fois plus uni et plus unitaire, et en même temps plus riche de ressources nouvelles, un monde qui porte chaque jour davantage les promesses du multiple, du multipolaire et du multiculturel.
C'est dans ce nouveau monde que, grâce à vous, la France trouve sa place et joue son rôle. C'est à ce monde polycentrique que vous adaptez notre message avec le talent qui est le vôtre. Vous êtes à l'écoute du monde comme il va et comme il devient et, sans cette écoute, il n'y aurait d'influence ni d'excellence possibles.
Au fond, l'histoire donne un peu raison à ceux qui comme vous et moi sont convaincus depuis toujours de l'importance cruciale des enjeux culturels à l'international. C'est notre credo et notre fidélité de tous les instants, comme j'ai eu le plaisir de vous le dire il y a tout juste un an, dans cette enceinte, à l'occasion de l'une de mes premières prises de parole en public en tant que ministre de la Culture et de la Communication, et c'est pourquoi aussi je vous retrouve aujourd'hui avec une émotion toute particulière.
Je vous avais annoncé, l'an dernier, que je souhaitais, pour cette raison, consacrer une part importante de mon temps et de mon énergie aux enjeux européens et internationaux, et je crois pouvoir affirmer aujourd'hui que j'ai tenu parole.
Je me félicite ainsi du rôle joué par la France dans l'émergence au sein de l'Union européenne d'une « doctrine commune » sur une question aussi cruciale dans la mondialisation que celle de la numérisation du patrimoine culturel. Un « comité des sages », mis en place à notre demande par la Commission européenne, nous éclairera bientôt sur les conditions optimales des partenariats public-privé en la matière.
Plus généralement, je m'emploie depuis un an, jour après jour, à jouer un rôle de soutien constant et passionné de votre action partout dans le monde, vous qui êtes les ambassadeurs de la culture française et bien plus encore. Car vous êtes aussi l'antenne qui nous permet à tous d'être en effet « à l'écoute du monde » et, par là même, au diapason de ses évolutions. De surcroît, par le travail de diffusion que vous effectuez, vous exercez, en retour, une influence bénéfique sur la marche de la culture française, en lui instillant sans cesse la dimension de l'Autre et en la rappelant sans relâche à sa vocation internationale.
Je suis à vos côtés et, à mon tour, à votre écoute aussi en accueillant, rue de Valois, nombre de mes homologues du monde entier et plus largement tous ceux qui désirent nous faire connaître la culture de leur pays, mais aussi se familiariser avec les richesses de notre propre culture dans sa diversité. C'est pourquoi j'ai tenu à être présent sur le terrain, autant que possible, et mes déplacements à l'étranger m'ont mené de la Chine au Brésil, du Proche-Orient à la Russie, en passant par le Maroc, la Tunisie, de nombreux pays d'Europe, et tout récemment en Haïti, pays martyr et justement à l'honneur de ces Journées.
« A l'écoute du monde », nous l'avons été lorsqu'en janvier dernier, Port-au-Prince a été frappé par un terrible tremblement de terre. Ma visite en Haïti il y a quelques semaines a constitué pour moi l'un des moments les plus marquants et les plus forts de l'année écoulée. J'ai pu prendre la mesure du drame, l'ampleur des efforts attendus de reconstruction, mais aussi sentir la proximité profonde du peuple haïtien avec le peuple français, proximité tissée d'histoire et de culture. C'est pourquoi la reconstruction culturelle d'Haïti est tout sauf superflue, comme l'a justement rappelé hier, ici-même, Mme Michaëlle Jean, Gouverneure générale du Canada. La culture est l'âme de ce pays, c'est-à-dire son principe de vie et d'organisation, au plus profond. Elle constitue aussi un lien indissoluble entre les Haïtiens et nos concitoyens.
Tout ce que nous faisons pour la culture haïtienne, aux côtés des Haïtiens et de notre ambassade, me paraît, pour cette raison même, essentiel.
La culture, dans la mondialisation, c'est aussi, il ne faut pas se le cacher, une émulation de tous les instants, et c'est pourquoi j'ai eu sans cesse à coeur, lors de mes déplacements notamment, de promouvoir la créativité et la diversité de notre culture. Je pense à la diffusion de notre patrimoine, par exemple à la somptueuse exposition PICASSO, qui a essaimé jusqu'à Moscou et même Saint-Pétersbourg. Je pense à l'inventivité de nos architectes, illustrée par le pavillon de Jacques FERRIER à Shanghai, à la vitalité de nos spectacles de rue, comme l'a montré le succès de la compagnie Royal de Luxe à Berlin en octobre dernier, à l'occasion d'une célébration aussi importante pour les Allemands et pour l'Europe entière que celle de la chute du Mur.
Cette année aura également confirmé l'importance que nos partenaires attachent à l'expertise française en matière de politique culturelle. J'ai pu ainsi mesurer sur place, en mai dernier, l'ampleur du projet de Musée du Louvre Abou Dabi, et l'étroite coopération tissée avec les Emirats Arabes Unis. Cette année a aussi été marquée, en particulier au sein du bassin méditerranéen et du monde arabe, par une floraison de projets collectifs de première importance, qu'il s'agisse de l'accord conclu avec Damas sur la refondation du réseau muséal syrien, de notre contribution au projet de Cité de la Culture de Tunis, ou encore de notre détermination croissante à travailler avec l'Arabie Saoudite, dont nous accueillons au Louvre, en ce moment même, une exposition unique sur les « Routes d'Arabie ».
Mais l'écoute ne va pas sans l'accueil et l'hospitalité est aussi une dimension de l'influence. La place singulière que la France a toujours accordée à la culture, la qualité de nos musées et de nos scènes, la curiosité du public français sont parmi les principaux atouts de l'attractivité de notre territoire.
L'interaction et la réciprocité sont au coeur de ce nouveau paradigme dont je vous parlais tout à l'heure. Accueillir, c'est aussi rayonner. Recevoir, c'est toujours se renforcer. S'ouvrir, c'est s'enrichir, mais c'est aussi se rapprocher de l'Autre et s'ouvrir un chemin jusqu'à lui.
C'est pourquoi j'ai fait de l'accueil des cultures étrangères sur le sol français une priorité de mon action. Mon ministère est pleinement à vos côtés pour élaborer avec vous des projets concrets d'échanges, de coproductions, qu'il s'agisse d'expositions, de rétrospectives de cinéma, de tournées théâtrales ou encore musicales.
J'attache, vous le savez, une très grande importance aux saisons et aux années que nous organisons avec différents pays. Après le Brésil et la Turquie hier, c'est aujourd'hui la Russie, les pays d'Afrique francophone dont nous célébrons les cinquante ans d'indépendance, les pays d'Amérique latine qui fêtent leur bicentenaire, la Pologne à travers l'année CHOPIN qui sont à l'honneur. Et nous nous préparons à accueillir, en 2011, le Mexique, mais aussi l'Estonie, et la Hongrie pour une année européenne consacrée à Franz LISZT. J'en profite pour saluer le travail remarquable de l'ensemble des responsables de ces manifestations, Présidents et Commissaires, de CulturesFrance, et de vous-mêmes, qui en êtes les correspondants indispensables et infatigables.
Notre diplomatie culturelle est aussi, vous le savez, un magistère des symboles, une manière de nous montrer attentifs aux points névralgiques de la sensibilité de nos amis étrangers. Une manière de connaître leurs références fondatrices, de leur adresser des signes forts d'amitié et de reconnaissance qui cristallisent nos « affinités électives ». C'est le sens de notre engagement, aux côtés des Haïtiens, en faveur de la restauration du « Serment des ancêtres » de GUILLON-LETHIÈRE, ce tableau-symbole de l'histoire d'Haïti, miraculeusement sauvé par des pompiers français, dans les décombres du Palais présidentiel.
Bien sûr, être « à l'écoute du monde » et répondre à ce nouveau paradigme nécessite de se réformer sans cesse et c'est bien dans ce contexte qu'intervient la réforme de l'action culturelle extérieure de la France. C'est à Bernard KOUCHNER qu'il appartient évidemment de vous présenter la loi récemment adoptée, ainsi que les perspectives qu'elle offre pour une action culturelle extérieure rénovée.
Je veux simplement souligner que le ministère de la Culture et de la Communication a été, tout au long de cette année, en constant dialogue avec le ministère des affaires étrangères et européennes pour porter un texte dont l'adoption, par nos assemblées, m'a réjoui, car cette réforme répond aux grands défis de notre temps en matière de diplomatie culturelle.
Elle garantit la continuité entre les actions menées en France et à l'étranger, entre mon ministère et l'Institut français. Chez nous, la culture est une matière première et c'est bien naturellement au ministère de la Culture et dans ses établissements que l'Institut français pourra venir chercher les ressources et le soutien, mais aussi l'expérience et l'expertise indispensables à son action.
De même, dans les domaines du cinéma et des industries culturelles, la loi veille à établir une cohérence entre ce que fera l'Institut français et les politiques menées par les établissements de mon ministère, comme le CNC (Centre National du Cinéma et de l'Image animée) ou le CNL (Centre National du Livre), mais aussi les organismes professionnels qui contribuent, avec le succès que l'on sait, à la promotion de nos musiques, de nos livres, de nos films, comme UNIFRANCE ou le Bureau export de la musique française. Bernard KOUCHNER et moi-même sommes très attachés à cette complémentarité, qui est un gage d'efficacité.
Je me réjouis aussi de l'attribution à l'agence d'un rôle essentiel en matière de diffusion de la langue française à l'étranger. Il revient naturellement au ministère de la Culture et de la Communication d'animer et de coordonner la politique linguistique de la France, par l'intermédiaire de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, dont la vocation est interministérielle. Mais la prise en charge par l'Institut français de cette dimension devrait nous permettre d'imaginer d'autres formes de promotion de notre langue, notamment à travers Internet.
Internet, justement, aidera l'Institut français à jouer un rôle croissant dans l'information sur l'offre culturelle française. Mon ministère est, vous le savez, pleinement engagé dans la voie de la numérisation et nous devrons développer ensemble des instruments complémentaires, afin d'offrir l'information la plus large tant au grand public étranger qu'aux professionnels de nos pays partenaires. Mieux informés de notre offre culturelle, ils seront mieux à même d'en accueillir les expressions sur leurs scènes ou dans leurs établissements.
Un autre enjeu essentiel de cette réforme concerne la formation. J'ai pu le constater par le passé, comme depuis un an à l'occasion de mes déplacements à l'étranger, votre engagement et votre professionnalisme sont exemplaires. Et il est désormais indispensable, dans le contexte contemporain, que l'Etat soit en mesure de vous apporter, tout au long de votre parcours professionnel, avant chaque grand départ, une formation complète aux métiers de la culture. C'est pourquoi, dès cette année, nous avons entrepris de renforcer la coopération entre nos deux ministères afin de former davantage de personnels de terrain. C'est un processus que la création de l'Agence va nous permettre d'amplifier.
Notre réflexion commune doit se poursuivre, parallèlement à la mise en place de l'Institut. Il nous faut ainsi réfléchir à une meilleure diffusion du spectacle vivant et des arts visuels, notamment à travers la création de bureaux spécialisés, sur le modèle de ce que nous avons fait à Berlin et dont les résultats sont très satisfaisants. Nous devons également renforcer le rôle et la place des résidences d'artistes en France et à l'étranger.
Le chemin accompli grâce à vous, cher Bernard (KOUCHNER), et les perspectives ouvertes sont donc considérables, et je tenais à vous en rendre hommage. Quant à vous, Cher Xavier (DARCOS), chacun sait que vous porterez mieux que quiconque nos ambitions et que vous me trouverez toujours pleinement engagé à vos côtés dans le déploiement de cette diplomatie culturelle rénovée, car délibérément et résolument placée « à l'écoute du monde ».
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 23 juillet 2010