Texte intégral
C. Barbier.- G. Tron, bonjour.
Bonjour.
Échauffourées à Grenoble ce week-end, nouveaux tirs cette nuit d'ailleurs contre des policiers, l'omniprésence des forces de sécurité n'est-elle pas, finalement, plus anxiogène et provocatrice que sécuritaire ?
Non, il faut remettre les choses dans le bon ordre. C'est parce qu'il y a, justement, des forces de sécurité qui font leur boulot qu'on arrive à arrêter des gens qui sont en général - je ne me prononce pas sur ces deux cas, bien que... - qui sont en général dans des situations qui sont des situations de délinquance avérée. Et c'est parce qu'on les arrête, et parfois ça se passe dans des conditions tragiques, qu'il y a ensuite cette cascade d'évènements. Donc, non seulement il faut dans des situations de cette nature être reconnaissant aux forces de l'ordre pour le travail qu'elles font, pour les risques qu'elles prennent, et qui vont parfois jusqu'à cette incroyable scène, ces incroyables scènes d'ailleurs, tant de Grenoble et que de Saint-Aignan, où on voit tout l'ordre républicain qui est remis en cause par des attitudes invraisemblables.
Mais, à quoi sert F. Amara ? Est-ce que le pouvoir a abandonné aussi le plan Marshall des banlieues, toute l'aide sociale à ces quartiers ?
Ecoutez, je crois qu'on n'est même plus dans ces questions de cette nature, pardon de le dire. De banlieue, moi, je suis élu. Jusqu'à présent, et je touche du bois, on n'a pas vu des situations de cette nature. On franchit quelque chose qui n'est pas lié à un plan X, Y ou Z banlieues. On est dans une situation où on est en train de constater qu'il n'y a plus de barrière à des comportements qui sont des comportements parfaitement hors du... j'allais presque dire de la République, je ne sais pas comment le dire autrement. Il faut vraiment se convaincre que dans des situations de cette nature, il faut rappeler avec force et avec vraisemblablement une graduation des sanctions appropriées ce qu'est l'ordre républicain.
Est-ce que ce gouvernement en faisant du tout répressif uniquement ne commet pas une erreur ? Est-ce qu'il ne faut pas faire de l'éducatif aussi, du social, de l'économique ?
Oui ! Ca fait bien longtemps qu'on pose la question de cette façon. Quand on a des comportements en face de la police qui sont de la nature de ceux de Saint-Aignan et de Grenoble, on n'est plus dans une logique où on essaie de convaincre, on n'est plus dans une logique où on essaie d'éduquer, on n'est plus dans une logique où on essaie de former, on est dans une logique où on doit rappeler avec toute la force que confère la loi ce qu'est l'ordre républicain.
C'est depuis 2002 que N. Sarkozy insuffle cette philosophie. Ca ne marche pas.
On ne peut pas dire que ça ne marche pas sur la base de ces deux cas. On doit simplement constater qu'il y a des gens qui sont en train de s'exonérer de toutes formes de respect, de toutes règles. Et à partir de ce moment-là, on n'est pas dans une logique où il faut, me semble-t-il, se convaincre d'autre chose que de la nécessité de la sévérité.
Vous êtes élu de banlieue, vous le rappeliez, à Draveil, dans l'Essonne.
Merci de le dire.
Est-ce que vous craigniez un embrasement général des quartiers ?
Non, je ne le crains pas parce que je pense que des comportements de cette nature relèvent beaucoup plus, pardon de le dire, mais d'une forme de marginalité avérée que d'autre chose. Dans les quartiers de banlieue, je touche du bois, on a des individus, mais qui à titre personnel parfois font des choses qui sont complètement hors normes, mais on n'a pas, sauf exception, on a connu ça un peu en 2005, des comportements qui sont des comportements de groupes. Là, ce qui frappe dans cette affaire, c'est qu'on a des comportements de groupes, des comportements de groupes qui ont été déclenchés non pas à partir d'une suspicion qu'il y ait une bavure, mais alors même qu'il y a eu reconnaissance, c'est le cas en tout cas de Grenoble, du fait qu'on était hors la loi. A Grenoble, ce qui s'est passé c'est un braqueur qui a été tué par la police, et c'est à ce moment-là qu'il y a eu réaction du côté de la famille ou des amis de ce braqueur. C'est quand même autre chose que des suspicions comme jusqu'à présent on les avait dans les banlieues d'une bavure policière.
On s'inquiète à juste titre de la présence d'armes massivement en banlieue ou on fantasme ?
Non ! On ne fantasme pas. Il est évident qu'il y a besoin d'avoir en matière de répression de ces gangs, qui sont organisés et qui trafiquent les armes, comme d'ailleurs la drogue, il y a besoin d'avoir un renforcement des dispositifs... Je sais de quoi je parle, si vous me permettez de vous interrompre une seconde. Je suis très frappé par le fait que lorsqu'il y a des évènements en banlieue, comme on a les a connus en 2005, on découvre en réalité la réalité de ces trafics sous-jacents. Quand la situation est calme dans les banlieues, on a des présomptions, on a des idées, on n'a pas des faits avérés. En 2005, moi, ce qui m'avait beaucoup frappé, et d'ailleurs la presse s'en était fait peu l'écho, c'est qu'on avait eu des coups de feu qui avaient été tirés contre la police déjà, non pas sur un immeuble, dans un immeuble, non pas dans une seule ville, mais dans plusieurs villes, de plusieurs immeubles. J'ai moi-même assisté en 2005 à cela, et c'est à ce moment-là qu'on s'aperçoit de la réalité du trafic des armes.
Contre les trafics d'armes et autres, B. Hortefeux veut envoyer un inspecteur du fisc à Grenoble. Est-ce que ce n'est pas malvenu à un moment où on parle de fraude fiscale dans l'affaire Bettencourt à des niveaux autres.
Ca n'a rien à voir ! Je crois que ce qu'il faut, et c'était le principe des GIR, c'est d'avoir justement la possibilité de mêler, si j'ose dire, les compétences de toutes celles et tous ceux qui peuvent permettre de combattre l'organisation de ces gangs qui sont bien organisés. Donc, par définition, il faut que le fisc, il faut que la police, il faut que l'administration dans son ensemble d'ailleurs se mobilise, et c'est une priorité. Et je dirais, pour être encore plus précis, que non seulement c'est une priorité mais il faut éventuellement avoir la possibilité de durcir le dispositif législatif de telle sorte que lorsqu'il y a, comme ça s'est passé, ce week-end, lorsqu'il y a des agressions qui sont produites en bande, de façon organisée, contre les forces de l'ordre, celles-ci soient mieux défendues par la loi qu'elles ne le sont encore.
Alors, d'après P. de Maistre, gestionnaire de fortune de L. Bettencourt, E. Woerth est bien intervenu pour que sa femme soit reçue. « Piston », dit la presse ce matin. Est-ce qu'E. Woerth nous aurait menti ?
Non ! Je pense que c'est la presse qui se trompe et qu'E. Woerth n'a pas menti le moins du monde. Je dis les choses telles que je les ai vues, de par la presse d'ailleurs. Qu'est-ce qu'elle dit cette note ? Elle dit que P. de Maistre a reçu F. Woerth et que E. Woerth n'a pas demandé à P. de Maistre de bien vouloir embaucher sa femme, mais simplement de la conseiller dans sa carrière.
Résultat : elle est embauchée quand même.
Ca, c'est lui qui le décide. S'il le décide et qu'il prend la décision de l'embaucher, c'est parce que sans doute il considère que sortant de HEC, ayant une expérience dans ce domaine-là, elle a des compétences à faire valoir. Ce qui est assez surprenant d'ailleurs : c'est que pas une seule seconde quiconque s'interroge pour savoir si F. Woerth peut avoir elle-même un parcours professionnel qui est dû à ses talents, à ses mérites, plutôt qu'à l'intervention de son mari. C'est assez particulier d'ailleurs dans ce monde dans lequel on a des sujets récurrents, qui viennent - on va en parler pour les retraites, sur la défense de la place des femmes, sur l'identité, la dignité - qu'on soit totalement imprégné d'une seule idée : c'est elle n'a été embauchée que parce que son mari est intervenu. C'est assez particulier quand même !
E. Woerth était ministre au moment des faits. C. Lepage, ce matin, dit, ben, « il suffirait de saisir la Cour de justice de la République », ça pourrait tout apaiser et faire la lumière.
Oui, je pense que c'est partir de l'idée selon laquelle la Cour de justice étant saisie, E. Woerth est coupable. C'est précisément l'inverse dont nous sommes tous convaincus, et je dirais que la majorité d'ailleurs, si elle est aussi homogène derrière E. Woerth c'est parce que son cas devient quasiment un cas de principe. On n'est plus dans une logique où on essaie simplement de défendre E. Woerth, on est dans une logique où on défend des principes. Le principe, par exemple, de la présomption d'innocence, et présomption d'innocence malgré le fait que tous les jours, alors même qu'on essaie de faire sortir de nouveaux faits qu'on présenterait évidemment comme avérés, Eric Woerth les uns derrière les autres démontre que tout ça est faux. Regardez bien, C. Barbier, regardez bien ce qui s'est passé la semaine dernière. On a l'Inspection générale des finances qui démontre très clairement, très précisément, et de façon irréfragable qu'E. Woerth n'est pas intervenu dans la fraude fiscale.
(...) à la merci.
On est toujours en train d'étudier la présomption, la possibilité d'avoir néanmoins un conflit d'intérêts. C'est assez invraisemblable quand même !
F. Fillon assume le mot rigueur en matière de dépenses. Est-ce que, vous, vous reprenez ce terme ?
Je crois qu'il a été prononcé, qu'on n'est plus dans le domaine de la sémantique. F. Fillon l'a prononcé, j'ai entendu F. Baroin, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, avant le débat d'orientation budgétaire, dire que c'était un mot qu'il ne fallait en aucun cas considérer comme étant une frontière à ne pas franchir. On est dans une logique aujourd'hui où il faut reprendre directement la maîtrise de nos comptes publics, et c'est ça qui compte.
Est-ce que la rigueur c'est pas d'abord et surtout pour les fonctionnaires : petite hausse des salaires en 2010, rien en 2011, hausse des cotisations retraite ?
Tout l'inverse ! Tout l'inverse ! Je dirais même que si on arrivait aujourd'hui à comparer la situation de la France à celle de ses voisins de façon objective, on s'apercevrait que la France dans le domaine de la fonction publique est tout sauf le pays qui applique une rigueur absolue aux fonctionnaires. Partout, partout en Europe, dans les pays comparables, il y a eu baisse des rémunérations des fonctionnaires et gel de cette rémunération sur plusieurs années. Qu'est-ce que nous avons fait, nous, en France ? On a fait une augmentation sur 2010 et ensuite sur une année, l'année 2011, on va avoir le maintien au même niveau, étant entendu que dans les dix dernières années il n'y en a pas une seule d'entre elles où la rémunération des fonctionnaires ait baissé. C'est-à-dire que nous sommes dans une logique aujourd'hui où nous garantissons à la fonction publique d'avoir un maintien au minimum de son pouvoir d'achat. C'est l'inverse.
Souhaitez-vous dans l'examen de la réforme des retraites qu'on applique la pénibilité à certaines catégories de fonctionnaires, par exemple les policiers ou les pompiers ?
Mais c'est déjà le cas ! Vous savez bien que la fonction publique est organisé depuis quasiment le milieu du 19e siècle autour de cette notion de « catégories actives » qui reconnaissent des spécificités professionnelles. C'est vrai que la police n'a pas d'équivalent dans le privé, eh bien les catégories actives permettent aux fonctionnaires de partir plus tôt.
« Les députés villepinistes ne voteront pas la réforme en l'état », a déclaré D. de Villepin. Vous le regrettez ?
Je pense que quand il dit « en l'état », ça veut dire qu'il attend, comme chacun, quelles seront les avancées qu'on aura, notamment dans le domaine de la pénibilité, durant l'été. Je pense qu'à l'issue de cet été, tout le monde pourra et devra voter ce texte, et je suis confiant dans la capacité qu'auront mes amis villepinistes à bien mesurer que c'est un texte fondamentalement important.
Ils veulent se réunir en groupe parlementaire, c'est une bonne idée à l'Assemblée, ou c'est un irrédentisme inutile ?
Je crois qu'il n'y aura pas de valeur ajoutée à un groupe. C'est une question qu'on s'est posée depuis plusieurs semaines et plusieurs mois. Et je pense qu'en réalité dans le moment que nous connaissons, aujourd'hui, il est mieux de rester sous la houlette d'un groupe unique.
N. Sarkozy veut que les collectivités locales pratiquent le un sur deux pour les remplacements de fonctionnaires partant à la retraite. Allez-vous passer à l'acte en leur mettant la pression ?
Il n'a pas dit tout à fait ça.
Il leur a suggéré.
Il ne leur a pas suggéré comme ça non plus. Il a dit simplement que l'effort que l'Etat s'appliquait lui-même devait être appliqué également aux collectivités territoriales. Un seul chiffre, C. Barbier : 350 000 embauches de fonctionnaires hors transferts de compétences en dix ans. Il est évident que les collectivités qui bénéficient des concours de l'Etat doivent participer à l'effort collectif.
Les mères de trois enfants fonctionnaires pourront-elles continuer à partir à la retraite avec quinze années ? Non, c'est fini ?
Jusqu'au 1er janvier 2012, elles peuvent.
Et après, on arrête ?
Et à partir du 1er janvier 2012, quand elles auront, si elles ont trois enfants et quinze ans, elles pourront continuer à en disposer mais pas les nouveaux.
G. Tron, merci, et bonne journée.
Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 juillet 2010