Texte intégral
A. Caron.- Le rapport de l'IGF, l'Inspection Générale des Finances, précise que vous n'êtes pas intervenu dans le dossier fiscal de L. Bettencourt lorsque vous étiez ministre du Budget. Comment vous sentez-vous ce matin, est-ce que vous vous sentez soulagé ?
Je me sens déjà un peu mieux parce que je le dis depuis 3 semaines, 1 mois quasiment que dure cette avalanche d'insultes à mon égard. On m'a dit : « vous avez profité au fond de votre fonction de ministre du Budget pour intervenir, directement ou indirectement auprès de Monsieur et Madame Bettencourt et d'autres personnes, pour protéger fiscalement, enfin que sais-je, pour intervenir sur le plan fiscal ». Je me suis évidemment défendu du contraire pendant toutes ces semaines. Et puis j'avais souhaité qu'il y ait un tiers indépendant qui puisse venir dire la vérité, j'avais dit « ça peut être la Cour des Comptes, ça peut être le président de la Commission des Finances » qui est socialiste avec le Rapporteur général des finances, c'est ce que j'avais déjà fait lorsque j'avais déjà été accusé l'année dernière de lutter contre l'évasion fiscale en Suisse, en publiant la liste de 3.000 contribuables fraudeurs. J'avais déjà été accusé d'avoir volé une liste ou je ne sais quoi, et j'avais demandé à la Commission des Finances de l'Assemblée et du Sénat de venir... donc j'avais demandé la même procédure ou alors l'Inspection des Finances. L'Inspection des Finances a fait ce rapport, je pense d'une manière extraordinairement détaillée, de façon très sérieuse, elle a entendu des dizaines et des dizaines de personnes, vu des milliers de dossiers. Elle conclut deux choses : un, je ne suis jamais intervenu directement, indirectement, je n'ai jamais empêché... enfin quel que soit le mot, je ne suis pas intervenu dans ces dossiers fiscaux ; et puis deuxième point, il n'y avait pas de rapport entre un contrôle fiscal qui était déclenché sur l'un des protagonistes et puis Madame Bettencourt. Voilà, les choses sont claires et c'est vrai que je suis soulagé... enfin énormément soulagé pour tout vous dire sur ce point-là parce qu'enfin voilà, on me croit, quelqu'un dit ce qu'est la vérité, ce qu'est la vérité.
E. Woerth, vous dites que vous souhaitiez l'intervention d'un tiers « indépendant » ; vous avez déjà entendu la critique à propos de l'IGF : ce n'est pas un organisme indépendant puisqu'il dépend de Bercy !
Mais c'est scandaleux de dire ça, c'est toujours vouloir relancer les choses. Si le rapport de l'IGF avait dit le contraire, je pense qu'on aurait dit qu'il était tout à fait indépendant, c'est pour ça que c'est une sorte d'instruction médiatico-politique qui est à charge, systématiquement à charge. L'Inspection Générale des Finances est un organisme extrêmement important dans l'Etat, qui ne va pas chercher ses ordres vers ceux dont elle dépend administrativement. C'est insultant vis-à-vis des inspecteurs des finances qui ont mené cette mission. C'est le chef de l'Inspection des Finances qui a mené cette mission, qui a un passé d'ailleurs qui n'est pas un passé dans ma propre famille politique, qui est un homme d'une grande rigueur, enfin... Voilà, c'est scandaleux de pouvoir dire ça. C'est remettre en cause systématiquement tout ce qui est l'Etat en France. On ne peut pas se lancer dans ce type de chose.
E. Woerth, autre bémol, vos détracteurs diront qu'il n'y a pas de preuve d'une intervention écrite, ok, mais que le doute pourrait subsister sur une intervention orale !
Mais c'est qu'ils ne connaissent rien, c'est des gens qui ne connaissent rien à la procédure...
Ce n'est pas possible !
Mais non, mais bien sûr que non ce n'est pas possible. Comment voulez-vous donner une instruction orale à l'administration fiscale. Il y a un moment donné, il y a toujours une trace. Regardez ce que disent les syndicats de l'administration fiscale ce matin, ils l'avaient déjà dit : c'est juste des gens qui ne connaissent rien et qui accusent comme ça systématiquement. Ça suffit. Que ceux qui traînent dans la boue soient à ce moment-là mis aussi en accusation. On est dans une démocratie, on ne peut pas dire n'importe quoi sur n'importe qui.
E. Woerth, pour vous ce rapport clôt ce qu'on appelle « l'affaire Woerth/Bettencourt », vous vous sentez définitivement blanchi ou bien ce n'est qu'une étape vers l'apparition de la vérité ?
Mais il y a un autre point, il y a une enquête préliminaire de la justice qui doit aller évidemment jusqu'au bout, et je le souhaite. Je souhaite que tout ça soit extraordinairement transparent. On m'a reproché que ma femme avait été embauchée sous ma pression, donc ça fait l'objet d'une enquête ; on me reproche le financement non légal de parti politique, je suis trésorier de l'UMP depuis 8 ans, très sincèrement s'il y avait de l'illégalité quelque part, je pense que ça se saurait. Et puis...
Alors justement, vous êtes trésorier de l'UMP depuis plusieurs années, et c'est quand même la question qui continue à se poser, celle de la double casquette. Est-ce que vous avez songé pendant ces 3 dernières semaines à démissionner de vos responsabilités de trésorier de l'UMP ?
Ecoutez, je n'ai pas songé à ça depuis ces 3 ou 4 dernières semaines, d'abord je continue à songer aux retraites pour tout vous dire, c'est-à-dire aux dossiers qui sont mes dossiers...
On en dira un mot tout à l'heure. On n'en a pas beaucoup parlé...
Et puis en même temps, j'aurais pu en partir mais je pense que c'était à ce moment-là une... on aurait dit « voilà, il doit être coupable de quelque chose parce qu'il s'en va », donc je veux dire voilà... Bien sûr, je ne l'ai pas fait.
Est-ce qu'aujourd'hui, vous seriez prêt à quitter cette fonction de trésorier de l'UMP ?
Ecoutez je verrai, ce n'est pas... c'est une fonction, c'est un devoir pour moi, moi je sers mon parti politique comme j'aurais pu le faire à d'autres postes...
Vous avez bien vu que la confusion des genres pose problème ?
Oui, j'ai vu, j'ai vu, j'ai vu, on va y réfléchir.
Ça veut dire qu'aujourd'hui, vous n'excluez pas de démissionner de vos fonctions de trésorier de l'UMP ?
Je vais y réfléchir, j'ai besoin si vous voulez d'abord de la transparence. J'avais besoin de ce rapport de l'Inspection des Finances, j'avais besoin d'attendre ses conclusions, j'avais besoin de regarder comment ils ont travaillé, j'avais besoin de ces conclusions sans ambiguïté à mon égard. Il y a une enquête préliminaire de la justice, je l'attends sereinement et j'espère évidemment être entendu le plus vite possible. Donc...
Quand pourriez-vous prendre cette décision en ce qui concerne vos fonctions de trésorier ?
Mais écoutez, nous verrons, je veux passer en fait tous ces caps qui, me semble-t-il seront passés comme le reste est passé et s'est dégonflé. On m'a accusé...
C'est-à-dire c'est quoi, c'est une question de jour, de semaine, de mois ?
On m'a accusé...
C'est une question de jour, de semaine, de mois ?
Je ne peux pas vous répondre à ça...
Est-ce que N. Sarkozy pourrait en dire un mot ce soir ?
Moi je ne sais pas ce que dira le président tout à l'heure. Moi, je vois simplement que le Président me soutient et m'a soutenu avec une extrême force, et que ça n'a pas été le cas de tous les Présidents vis-à-vis de tous leurs ministres à certaines époques. Et je dis chapeau à N. Sarkozy.
Votre épouse a bien démissionné ?
Oui, mon épouse a démissionné.
Elle, elle dit qu'elle n'a rien à se reprocher !
Non, elle n'a...
Vous dites aussi que vous n'avez rien à vous reprocher...
Non plus...
Donc la démission ne serait pas forcément signe de culpabilité pour vous ?
Non... oui mais on l'a... vous savez quand elle a démissionné, on a tout de suite interprété l'emballement médiatique, la folie qui s'est pris des uns et des autres à un moment donné, à tout de suite accuser mon épouse de quelque chose parce qu'elle avait justement démissionné alors qu'elle n'a strictement rien à se reprocher non plus dans cette histoire...
E. Woerth...
Je dirais même bien au contraire.
Hier sur Europe 1, F. Bayrou a réclamé qu'un juge d'instruction soit nommé pour un dossier aussi sensible que celui-ci, il n'est pas le seul d'ailleurs à le demander. Et vous, est-ce que vous y êtes favorable ?
Ecoutez moi, je ne vais pas du tout me prononcer sur la façon dont la justice regarde... je vous ferai juste remarquer...
Vous souhaitez être entendu par la justice, aujourd'hui ?
Oui, je souhaite être entendu, voilà. Je veux juste remarquer que...
Est-ce que c'est une...
Il y a quand même un procès, parce que...
Non mais vous avez quand même un avis, une opinion, est-ce qu'un juge d'instruction serait bienvenu ?
Mais monsieur, quiconque... je veux dire, il y a une enquête préliminaire, elle doit déjà aller jusqu'au bout des choses, pourquoi untel ou untel, on doit aller jusqu'au bout. Moi je souhaite la transparence quel que soit le cadre dans lequel elle s'exerce. Je voudrais aussi dire qu'il y a eu beaucoup, beaucoup de rideaux de fumée sur plein de sujets, et que ces rideaux de fumée ils sont tombés aussi fur et à mesure du temps, c'est très important de le dire. « On voyait sans arrêt ma femme en Suisse », etc. Tout ça s'est avéré faux, il y a beaucoup de manipulations là-dedans, beaucoup, beaucoup de manipulations. Et la lutte que j'ai menée contre l'évasion fiscale - je suis le premier ministre à avoir fait ça - la lutte que j'ai menée contre l'évasion fiscale, je pense, m'a beaucoup nuit dans cette affaire, beaucoup.
Une dernière question sur les retraites évidemment puisque le Conseil des ministres doit examiner demain le projet de loi de réformes des retraites. D'abord première question : est-ce que vous allez vraiment aller jusqu'au bout ? Vous pensez que vous n'êtes pas affaibli pour mener cette réforme aujourd'hui ?
Ce n'est pas à moi de le dire...
Votre sentiment à vous.
Mon sentiment...
Est-ce vous vous êtes posé la question, vous vous êtes dit « dans le contexte actuel : franchement, je ne suis plus la bonne personne pour porter cette réforme » ?
Eh bien non, pas du tout, mon sentiment... je ne suis pas du tout affaibli, je n'ai aucune raison d'être affaibli, je ne suis pas affaibli ni physiquement ni moralement, loin de là. Et puis je crois beaucoup à cette réforme, elle m'a été confiée, je n'ai pas de raison particulière de considérer qu'elle pourrait ne plus l'être. J'ai la confiance aussi des syndicats et cette réforme elle est bonne, je la présente demain. Demain, je la présente en Conseil des ministres....
Est-ce qu'il y aura quelques modifications par rapport aux orientations que vous avez présentées, il y a quelques semaines ?
Le Président m'a demandé de continuer à travailler, ce que j'ai fait toutes ces dernières semaines - entre nous, ça a moins mobilisé la presse mais je l'ai fait - sur à la fois les carrières longues, c'est-à-dire ceux qui ont commencé jeunes, à la fois les poly-pensionnés et puis la pénibilité qui est une vraie question. Je serai cet après-midi en Alsace, dans une usine, pour aller regarder comment se passe la... enfin je l'ai fait beaucoup de fois ces dernières semaines, mais pour aller discuter avec les uns et les autres de la pénibilité dans des métiers industriels et lourds. Et je pense que d'ici septembre, le Gouvernement peut être amené à modifier légèrement son texte, si le Président et le Premier ministre le considèrent comme opportun à partir des conclusions qui seront les miennes.
Merci beaucoup E. Woerth.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement le 12 juillet 2010