Texte intégral
La France est en train de préparer son cinquième plan de lutte contre le VIH-SIDA et les Infections Sexuellement Transmissibles.
Cette action continue s'est construite au fil du temps et nous avons d'ores et déjà obtenu d'indéniables progrès.
Pourtant, après vingt ans de combat, c'est une inflexion forte que nous devons donner à notre politique de santé publique pour casser définitivement l'épidémie.
Aujourd'hui, en France, on compte entre 7000 et 8000 nouveaux cas d'infection par le VIH chaque année.
Environ 40 000 à 50 000 personnes sont infectées par le VIH sans le savoir.
Pour une personne sur cinq, le diagnostic est encore trop tardif, et ce d'autant que les experts viennent de le confirmer : le traitement doit être instauré plus précocement.
C'est pourquoi le Gouvernement français a décider de réorienter sa politique en matière de lutte contre le VIH.
Première ambition : la France doit avoir une action audacieuse en direction de l'ensemble de sa population afin de lutter contre la diffusion de l'épidémie.
Traiter, c'est soigner. Traiter, c'est prévenir. Traiter, c'est d'abord dépister. Il s'agit donc, avant tout, de dépister, pour traiter plus intelligemment.
Mais nous devons dorénavant changer de paradigme pour banaliser le dépistage en direction de la population générale, le déstigmatiser, pour que chacun prenne conscience qu'il peut être concerné par cette épidémie.
Ainsi, il faut renforcer le dépistage dans la population générale, dans le cadre du système de soins, en particulier avec les médecins traitants.
Ce sera l'objet d'une campagne de communication à destination du grand public, qui sera lancée par l'INPES au second semestre 2010.
Deuxième ambition : la France doit avoir une action déterminée en direction de groupes plus ciblés et, pour ce faire, mettre en oeuvre des moyens de dépistage innovants.
Je pense en particulier à l'urgence sanitaire que constitue la diffusion de l'épidémie chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, pour lesquels l'incidence annuelle de l'infection est de 1 %, soit 200 fois celle de la population générale.
Je rappelle que l'étude PREVAGAY a montré qu'à Paris, si rien ne change, en à peine plus de cinq ans, une personne sur deux qui fréquente les établissements de convivialité gays sera contaminée.
Dans ce cadre, je souhaite qu'une nouvelle forme de dépistage soit mise en oeuvre et qu'elle soit pérennisée : il s'agit du dépistage réalisé par des non professionnels de santé.
Les premiers résultats de l'essai COM'TEST, qui sont présentés aujourd'hui à ce congrès, sont particulièrement prometteurs et démontrent la pertinence d'un tel dispositif. Il permet de détecter un grand nombre de personnes particulièrement à risque et qui plus est, dépistées à un stade très précoce de la maladie, ce qui est dorénavant l'objectif à atteindre.
Un tel dépistage, organisé par les associations elles-mêmes, constituera une grande nouveauté dans notre système de santé. Il s'agit d'aller à la rencontre des personnes qui n'accèdent pas forcément à notre système de soins. Porté par les associations, il constitue une véritable révolution sociétale, qui donnera, je n'en doute pas, un nouvel élan à la lutte collective contre le VIH.
Je souhaite donc que, dès 2011, au moins dix centres de dépistage réalisés par des non professionnels de santé puissent ouvrir en France, en bénéficiant de financements pérennes. Cela sera l'une des mesures phares du prochain plan VIH.
La première mission de ces centres sera de permettre l'utilisation la plus large possible des tests rapides d'orientation diagnostique, en dehors des situations d'urgence et en dehors du système de soin. Le ministère de la santé travaille à l'aspect juridique de cette mesure.
Troisième ambition : la France doit innover en engageant une réforme radicale de ses structures de dépistage.
Le dispositif du dépistage anonyme et gratuit actuellement en vigueur a été conçu il y a vingt ans. La nouvelle stratégie de dépistage, qui s'adresse à une population plus large, doit nous amener à repenser nos structures. Certains préconisent la fusion des centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et des centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST). Pour ma part, je veux aller plus loin et porter une réforme plus profonde qui pourrait prendre la forme, dans certaines régions, de centres de santé sexuelle.
Quatrième ambition : pour les usagers de drogues, la France doit avoir une action renouvelée afin de mener une politique performante de réduction des risques.
En tant que Ministre de la santé, mon rôle est de protéger la santé de tous, notamment des usagers de drogues en faveur desquels la France mène une politique de réduction des risques depuis vingt ans.
Or, les derniers chiffres montrent que cette politique de santé publique se heurte à certaines limites avec près de 60% des usagers de drogues atteints d'hépatites C, la reprise récente des contaminations par le VIH et la remontée du nombre d'overdoses mortelles.
Pour dépasser ces limites, il nous faut donc apporter de nouvelles réponses.
Pour cela, j'avais demandé à l'Inserm, en 2008, d'analyser les meilleures expériences internationales dans le domaine. Cette expertise collective vient de m'être rendue, il y a quelques jours.
Les experts affirment, tout d'abord, que la politique de santé publique dans ce domaine doit être guidée par une stratégie globale et cohérente associant prévention, réduction des risques, soin et accompagnement.
En particulier, notre stratégie doit s'adapter pour répondre aux différents modes de consommation et aux besoins spécifiques des populations concernées.
Dans ce contexte, l'INSERM et au-delà, la communauté médicale, a émis une recommandation favorable à la mise en place expérimentale de ce qu'il faudrait mieux appeler des « centres de consommation supervisés ».
Nous allons donc prendre en considération cet avis rendu et engager une concertation avec tous les partenaires concernés et notamment les collectivités locales. Je sais que Marseille et Paris ont entamé, de leur côté, des réflexions sur le sujet.
Je tiens à être très claire : ces dispositifs n'ont pas pour but de dépénaliser l'usage de drogue. Mais il s'agit ici, avant tout, d'un enjeu sanitaire qui est suffisamment crucial pour que nous nous mobilisions tous ensemble pour aboutir à des projets consensuels. J'y veillerai avec soin.
Enfin, cinquième et dernière ambition : la France poursuit résolument son action généreuse au niveau international.
Je veux rappeler que la France avec 300 millions d'euros par an est le premier contributeur européen et le deuxième mondial, après les Etats-Unis, du Fonds Mondial.
Elle maintient son soutien à haut niveau à UNITAID, grâce à la taxe sur les billets d'avion.
Elle est aussi présente au sein d'ONUSIDA, de l'OMS et du bureau régional Europe de l'OMS.
Enfin, je veux saluer le travail réalisé par le GIP ESTHER, opérateur des ministères de la santé et des affaires étrangères, qui réalise un travail de terrain tout à fait remarquable dans 18 pays, 15 en Afrique et 3 en Asie. Ses jumelages hospitaliers mobilisent une expertise scientifique française qui fait la richesse de notre action bilatérale qui est complémentaire et non pas concurrente de nos engagements multilatéraux.
Le président de la République française, Nicolas Sarkozy, a fait une première annonce à Muskoka lors de la réunion du G8, sous présidence canadienne, le 26 juin dernier.
La France s'est d'ores et déjà engagée à hauteur de 500 millions d'euros sur les objectifs 4 et 5 du millénaire, consacrés à la santé infantile et à la santé maternelle pour la période 2011-2015. Cet effort supplémentaire sera conforme à nos priorités sectorielles. Il passera notamment par le fonds mondial dont la reconstitution est prévue en octobre.
Il n'est pas anodin que Carla Bruni-Sarkozy, fortement investie dans la lutte contre le sida, soit justement ambassadrice mondiale pour la protection des mères et des enfants contre le VIH auprès du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Le Président Nicolas Sarkozy aura l'occasion de réaffirmer la générosité de la France en septembre prochain, à New York, devant l'assemblée générale des Nations Unies.
Je veux saluer le travail considérable réalisé par Michel KAZATCHKINE au Fonds mondial et par Michel SIDIBE à ONUDISA, et leur dire ma reconnaissance pour l'ardeur qu'ils mettent pour rassembler les fonds nécessaires, et ce dans une période difficile. Je sais leur inquiétude.
Comme tous les pays, nous traversons une crise économique qui a un impact budgétaire considérable. Pour autant, les budgets dédiés à la santé, comme ceux consacrés à l'aide internationale, ne peuvent pas être des variables d'ajustement de la crise.
Fidèle à ses valeurs, la France continuera d'investir et de s'investir avec conviction pour que cette ambition soit l'ambition de tous et que le rendez-vous d'octobre prochain soit un succès.
* Audace, détermination, innovation, renouvellement et générosité : tels sont les grands principes qui inspireront le cinquième plan français de lutte contre le VIH.
Nous y travaillons activement et, pour cela, nous allons y intégrer toutes les contributions qui m'ont été remises : celle de la Haute autorité de santé, de France Lert et Gilles Pialoux, mais aussi celle du Professeur Yéni, qui vient de m'être remise ici, à Vienne, et enfin celle, que j'ai évoquée, de l'Inserm sur la réduction des risques chez les usagers de drogues.
Sur la base de ces nombreuses contributions et après une nécessaire concertation avec les acteurs - au premier rang desquels le Conseil national du Sida et la conférence nationale de santé -, je présenterai le plan à la rentrée.
Je crois fermement qu'un monde sans sida est possible. Construisons-le ensemble !
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 20 juillet 2010