Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, à RMC le 20 juillet 2010, sur la grève des contrôleurs du ciel, la nouvelle réglementation pour les taxis parisiens, l'affaire Woerth Bettencourt et la réduction du personnel dans les cabinets ministériels.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

G. Cahour.- Bonjour D. Bussereau. Secrétaire d'Etat chargé des Transports, et également président du Conseil général de la Charente-Maritime...
 
Beau département de vacances. Je fais un peu de pub au passage.
 
Il n'y a pas d'algues vertes chez vous ?
 
Et il n'y a pas d'algues vertes.
 
Il n'y a pas d'algues vertes, mais nous allons reparler d'ailleurs tout à l'heure de l'après Xynthia. Le contrôle aérien d'abord, D. Bussereau, puisque cela relève de vos fonctions de secrétaire d'État chargé des Transports, grève aujourd'hui des aiguilleurs du ciel, avec cette perspective de fusion en quelque sorte du contrôle aérien européen, et, eux n'apprécient pas la méthode du Gouvernement à qui il reproche de passer en force.
 
Il faut expliquer un peu les choses à vos auditeurs. On a l'intention de faire à l'échelle de l'Europe un contrôle aérien unifié, avec un nouveau système qui s'appelle SESAR, avec un S et pas un C, qui est un système dans lequel les avions vont se repérer sur les satellites, et qui va diminuer leur nécessité d'information venue du sol, qui sera simplement utile pour l'atterrissage et le décollage, procédure de départ et d'arrivée. Avant ce grand système, on va unifier avec les Allemands - je reçois tout à l'heure mon collègue allemand qui est de passage à Paris - la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse, on va unifier notre espace aérien, faire en sorte qu'un avion par exemple, qui va de Paris au nord de l'Allemagne, et qui survole la Belgique ou le Luxembourg, passe en permanence par des contrôles aériens différents, ça permet de gagner du temps, de diminuer les routes aériennes, donc de diminuer la consommation de kérosène et donc l'atteinte à l'environnement.
 
Parce que aujourd'hui comment cela se passe ?
 
Aujourd'hui, dès que vous passez un bout de frontière, je veux dire à la limite vous passez de la Belgique au Luxembourg à l'Allemagne, vous passez par plusieurs types de contrôle aérien. Donc, l'idée c'est un contrôle aérien unifié en Europe à l'échelle...
 
Donc là l'idée c'est de réduire le nombre d'interlocuteurs ?
 
Oui, c'est de réduire le nombre d'interlocuteurs et de faciliter les routes aériennes, parce qu'une route aérienne on croit toujours qu'on va à vol d'oiseau, par exemple de Paris à Berlin, ou de Paris à Milan, en réalité on va de Paris au Lac de Constance, à la hauteur de Zurich on fait une espèce de point, on redescend vers le Sud. Donc, l'idée c'est d'unifier tout ça.
 
Les contrôleurs aériens ne sont pas contre cette idée là. D'ailleurs le syndicat majoritaire aujourd'hui n'a pas appelé à la grève, c'est l'intersyndicale qui est minoritaire, en gros ça fait 50/50...
 
Oui ça fait 50/50.
 
Juste, ils ne sont pas contre cette idée-là, en revanche ce qu'ils n'aiment pas c'est votre méthode. Vous le dites : « aujourd'hui, je reçois mon homologue allemand, belge etc. ». Et c'est ce qu'il vous reproche - c'est qu'on attend un rapport à la fin du mois - de passer en force et de signer l'accord dès la remise du rapport officiel d'un député.
 
Non, non, ça c'est faux. D'abord ce n'est pas un député, c'est un ancien député européen, G. Savary, qui est un excellent spécialiste du transport aérien, auquel j'ai confié une mission de médiation entre les syndicats eux-mêmes, entre les syndicats entre eux - entre les syndicats et...
 
Mais à quoi cela sert de faire un rapport si ce n'est pas pour en tenir compte avec les homologues européens ?
 
Attendez, attendez, ça n'a strictement rien à voir. D'abord aujourd'hui je reçois mon collègue allemand, parce qu'il y a une délégation de plusieurs ministres et de parlementaires de la CSU, c'est-à-dire une délégation bavaroise de la CDU qui sont de passage à Paris, donc ça n'a rien à voir....
 
Donc c'est une visite de courtoisie, on ne signe rien aujourd'hui ?
 
On ne signe rien aujourd'hui.
 
Donc ils n'ont rien compris les syndicats ?
 
Non, non, ce n'est pas ça. Les syndicats se discutent tous les 3 ans à la Direction générale de l'aviation civile ce que l'on appelle un protocole, c'est-à-dire un texte qui gère les relations sociales. Il se trouve que ce protocole est en bout de parcours, qu'il doit être signé entre les syndicats et la DGAC cette semaine, et que, dans ce protocole - j'en viens à votre question - on intègre l'idée de la préparation du FABEC, le principe du FABEC, de l'espace commun. Donc ça n'empêche pas les missions de médiation de monsieur Savary de se poursuivre, le fait de citer simplement l'objectif, c'est normal puisque l'objectif c'est un espace commun. Je termine sur les syndicats. Vous avez la moitié des syndicats qui sont pour le projet, qui demandent même une agence européenne intégrée le plus rapidement possible ; vous avez une autre moitié qui est plus réservée, ce sont ceux qui appellent à un mouvement de grève à partir de ce soir pour la journée de demain.
 
Alors, ce qui est absolument hallucinant c'est de voir qu'avec 10 % de grévistes, on arrive à avoir des taux d'annulation de vols de lors de 50 %. Comment est ce possible ?
 
 D'abord, il y a un service minimum dans le transport aérien, c'est-à-dire qu'il y a toujours...
 
Heureusement, j'imagine comment ça serait s'il n'y avait pas de service minimum.
 
Attendez ! Heureusement, vous dites ça, mais quand le Gouvernement a fait le service minimum dans d'autres domaines, nous avons été très critiqués. Il y a un service minimum dans le transport aérien, et à l'avance on sait à peu près quelle est la nature du transport qu'on ne peut pas assumer.
 
C'est le service minimum Gouvernement Fillon, ce n'est pas un service minimum, c'est un système de prévoyance.
 
On a décidé demain d'abattre, de diminuer de 20% le nombre de vols à Roissy, et de 50% à Orly. Pourquoi ? Parce qu'il y a plus de contrôleurs en grève autour d'Orly que de Roissy, donc on s'adapte à la situation. Deuxièmement, demain - j'ai écouté tout à l'heure la météo sur RMC - il y aura des orages, donc on prévoit que demain il y aura un ciel assez chaotique également sur un plan météo. Donc on a décidé à l'avance de diminuer, ce qui permet aux compagnies aériennes d'avertir leurs clients, ce qui permet à chaque client de l'aérien, sur son SMS ou son portable, d'avoir un message de sa compagnie aérienne disant : « votre vol part », et là il part à l'heure, il circule ou « votre vol ne part pas ». Je regrette cette grève, elle est naturellement, en milieu de période de vacances scolaires, tout à fait inadaptée et inappropriée.
 
D. Bussereau, n'y a-t-il pas aussi chez les contrôleurs aériens, les aiguilleurs du ciel, une manière de protéger leurs acquis ? On se souvient de ce rapport de la Cour des Comptes il y a quelques mois, qui révélait que les contrôleurs aériens travaillaient une centaine de jours par an, qu'ils avaient des jours de congé masqués, que leurs chefs d'équipe pouvaient leur dire : « ben, écoute, aujourd'hui, j'ai assez de monde sur le planning, rentre chez toi ».
 
Ça, ça s'appelait le système de carence, nous y avons mis fin, et depuis le début du mois de juin, les contrôleurs aériens ont un badge de présence, et ce système est terminé. Je ne vous dis pas que ça fait plaisir partout...
 
D'ailleurs, et du coup, ils l'ont mal pris...
 
... Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas eu quelques excès type « grève du zèle » d'ici et de là, mais nous appliquons strictement ce système. Je voudrais quand même dire que les contrôleurs aériens, même si je ne défends pas naturellement la grève de demain, de ceux qui font grève, font un métier difficile, ce sont des ingénieurs, ce sont des gens qui ont une formation importante, ils ont un stress très important, ils ont de bonnes conditions de vie...
 
Il y en a d'autres des métiers difficiles...
 
Ils ont des milliers de vies humaines à un moment précis dans leurs mains. Ils ont naturellement d'excellents salaires, ils ont en effet beaucoup de jours de congé, mais ce sont des techniciens. Je rappelle qu'en France le dernier accident lié aux transports aériens date des années 1970, ce qui veut dire que nous avons un système qui assure la sécurité du transport aérien.
 
Pour rester dans l'univers des aéroports, D. Bussereau, les taxis parisiens hier ont manifesté aux abords de Roissy Charles-de-Gaulle parce que la Préfecture a pris un arrêté qui interdit aux taxis de réaliser plus de deux courses par jour à Roissy, pour qu'il y ait plus de taxis, notamment sur la capitale. Est-ce que vous soutenez cet arrêté préfectoral ?
 
D'abord, les taxis ne sont pas de ma responsabilité, ils sont de la responsabilité du ministre de l'Intérieur. Naturellement, je suis solidaire avec le ministre de l'Intérieur, je trouve que parfois il y a beaucoup trop de taxis qui attendent des journées entières à Roissy, et quand vous vous baladez dans les rues de Paris et que vous cherchez un taxi, que vous soyez touriste ou parisien, ou qui que ce soit, vous n'en trouvez pas. Donc je trouve ça plutôt raisonnable, mais c'est le ministre de l'Intérieur qui a responsabilité des taxis, et je n'ai pas à m'exprimer là dessus.
 
Vous n'avez pas à vous exprimer là-dessus, mais vous êtes quand même secrétaire d'État des Transports...
 
Oui, mais pas des taxis.
 
... Oui bien sûr, mais le taxi c'est quand même un mode de transport, je pense que vous le regardez quand même, même d'un oeil moins attentif. Un taxi qui emmène un client à Roissy, du coup ça veut dire qu'il repart à vide ?
 
Il peut le faire, d'abord il n'y a pas les bouchons toute la journée, heureusement, entre Roissy et Paris. Et deuxièmement, il peut faire deux courses dans la journée. Moi je trouve ça plutôt raisonnable. Voilà, c'est la décision qu'a prise le ministre de l'Intérieur et le Préfet de police en l'occurrence.
 
Les motos taxis et les chauffeurs de taxis, on constate à nouveau des frictions. A une époque, c'était les taxis clandestins que n'aimaient pas les taxis officiels, c'est-à-dire ceux qui étaient là dans les aéroports et qui racolaient pour avoir des clients. Et aujourd'hui donc, ce sont les motos taxis qui n'ont pas le droit d'attendre des clients à l'aéroport, ils travaillent uniquement sur réservation...
 
Absolument.
 
D'accord. Et malgré tout, il semble que ce ne soit pas le cas.
 
Écoutez, il faut faire respecter cette réglementation. Les motos taxis sont très utiles à ceux qui sont pressés, à ceux qui ne craignent pas le vent, la pluie et la manière de se déplacer en moto, mais il faut respecter strictement la réglementation, vous avez raison de le rappeler.
 
Est-ce que vous demandez au ministre de l'Intérieur de faire respecter cette réglementation, car il semble que les taxis professionnels disent que ce n'est pas le cas.
 
Si j'ai quelque chose à dire au ministre de l'Intérieur, permettez-moi malgré toute l'amitié que j'ai pour RMC, je ne le ferai pas sur votre antenne.
 
Mais est-ce que vous l'avez fait, ou est-ce que vous lui faites la remarque ?
 
Nous avons l'occasion de parler régulièrement de tout cela.
 
Et qu'est-ce qu'il en pense ?
 
Il faut lui poser la question.
 
L'affaire Woerth... Ce matin, on apprend qu'E. Woerth affirme une fois encore qu'il ne démissionnera pas. Est-ce qu'il est possible de travailler sereinement dans ce gouvernement avec une affaire qui parasite chaque intervention de ministre. Il est sur une réforme qui est une réforme essentielle, en l'occurrence la réforme des retraites ?
 
Écoutez, la réforme des retraites suit le cours normal. Aujourd'hui, demain, après demain, le texte est discuté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. E Woerth fait malgré les difficultés son métier avec courage et détermination. Chaque ministre fait son métier avec courage et détermination.
 
Quand on est autant dans la ligne de mire, dans la spirale infernale de la polémique, à juste titre ou non, est-ce qu'il n'est pas aussi de sa responsabilité de dire « j'arrête, je démissionne pour laisser mon Gouvernement travailler sereinement et mon affaire je vais la résoudre dans mon coin ? »
 
Écoutez, si vous avez le sentiment d'être injustement accusé, je pense qu'il faut rester car sinon c'est faire le jeu des accusateurs et des Robespierre à la petite main.
 
D. Strauss-Kahn lui avait démissionné.
 
Oui mais D. Strauss-Kahn était sous le coup d'une mise en examen, ce qui n'était pas la même chose.
 
Donc, là, vous souhaitez que cette affaire...
 
Écoutez, moi je fais confiance à la justice de mon pays et je fais confiance à mon collègue E. Woerth dont je crois qu'il est un... je suis même sûr qu'il est un garçon d'une très grande qualité et je me mets à sa place et à la place de son épouse, la vie, la lecture des journaux du matin, des radios du matin doit être assez désagréable.
 
Un plan social se prépare au Gouvernement avec la diminution...
 
Il n'y a pas de plan social parce qu'au Gouvernement il n'y a pas de CDI. Ce ne sont que des CDD par nature.
 
C'est l'expression que j'emploie pour bien faire comprendre la démarche. Il y a des collaborateurs dans tous les ministères. Vous-même vous avez combien de collaborateurs ?
 
6.
 
7, disait la presse ce matin.
 
Non, non, non, 6.
 
Vous comptez votre attaché de presse dans le lot ?
 
Bien sûr.
 
D'accord. Donc 6 collaborateurs. Vous aurez droit à 4 conseillers dans les semaines qui viennent. Comment allez-vous faire ?
 
On va se débrouiller. J'ai déjà donné depuis 15 jours au Premier ministre la feuille de route pour arriver au chiffre de 4 à la fin septembre comme il nous l'a demandé. Donc à la fin septembre, j'aurai 4 collaborateurs. Mais vous savez...
 
Comment vous allez faire ? Vous allez vous séparer, vous leur dites : je vous retire vos emplois ?
 
C'est très clair. Nous sommes dans un très grand ministère avec J.-L. Borloo qui pilote l'ensemble. Je pilote les Transports, V. Létard les Technologies Verts, C. Jouanno l'Ecologie, B. Apparu le Logement. Nous allons mutualiser un certain nombre de fonctions par rapport au Parlement, par rapport à la presse, par rapport à l'action internationale, la diplomatie, en essayant d'avoir des regroupements communs de collaborateurs. C'est déjà... les conseillers qui s'occupent auprès de moi de l'aérien, du ferroviaire, du maritime, du fluvial sont conseillers chez J.-L. Borloo et je les utilise.
 
Donc vous allez faire des synergies.
 
On va faire des synergies.
 
Donc il y en aura quand même dans le ministère piloté par J.-L. Borloo qui devront quitter leur emploi.
 
Certainement.
 
Que deviennent-ils après ?
 
Ceux qui sont fonctionnaires retournent dans leur administration. Ceux qui ne le sont pas, l'expérience de cabinet est une expérience très valorisante. Moi j'ai fait du cabinet ministériel. Honnêtement, quand on sort d'un cabinet, si on a bien bossé, on n'a pas de mal si on n'est pas fonctionnaire à retrouver du boulot, parce c'est une expérience qui est forte de beaucoup de travail, qui demande beaucoup d'engagement...
 
Ou alors, quand on est haut fonctionnaire, on retourne dans son administration et on continue en coulisse à travailler pour son ancien ministre, genre D. Bussereau.
 
Attendez ! Attendez ! D'abord rien n'empêche...
 
Ça c'est une pratique courante, officieuse mais courante.
 
Il y a deux choses : vous avez dans un cabinet dans gens qui sont nommés par un arrêté ministériel au cabinet du ministre. Alors, parfois il y a des gens qu'on dit officieux, c'est-à-dire des gens qui y sont sans être nommés. Bon...
??
Vous en avez ?
 
Non. Et vous avez parfois des gens qui à titre privé peuvent travailler pour vous. Lorsque j'étais député - je le redeviendrai un jour, peut-être proche - j'avais des amis fonctionnaires qui avaient envie de travailler sur les sujets avec moi et qui dans leurs heures de loisirs, dans un engagement politique, venaient travailler avec moi. Donc, on est dans un exercice normal de la démocratie. Je pense que le Premier ministre a raison et le Président de dire que la diminution des cabinets doit entraîner un meilleur travail avec les administrations et les directions. Je dois dire que dans le ministère qui est le mien avec J.-L. Borloo, nous avons déjà cette habitude de travailler avec les directions. Donc voilà, ce n'est pas quelque chose de dramatique, c'est une adaptation de notre méthode de travail. (.../...)   
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 juillet 2010