Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à la prospective et au développement de l'économie numérique, sur la lutte contre la déforestation dans les Etats fragiles et l'aide au développement, Paris le 8 juin 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral


Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse d'être aujourd'hui parmi vous, au sein d'une éminente assemblée pour parler d'un sujet qui m'est cher.
Je voudrais en premier lieu saluer les organisateurs de ce séminaire : le directeur général du CAS, Vincent Chriqui mais également Dominique AUVERLOT qui dirige le département de la Recherche, de la Technologie et du Développement durable. Merci également à Johanne BUBA qui a coordonné les travaux préparatoires.
Il n'est pas si fréquent de réunir en France des chercheurs de plusieurs pays. C'est une excellente initiative ; il est toujours fructueux de confronter des expériences, des approches. C'est un moyen de s'enrichir mutuellement et surtout la meilleure façon de dégager des solutions communes s'agissant d'un problème mondial particulièrement complexe à résoudre.
Je rends hommage au travail commun que mènent L'IIED (International Institute for Environment and Development) et le CIRAD (Centre de Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement).
On parle souvent de la coopération franco-britannique sur le plan diplomatique et plus encore en matière de défense. Il ne faudrait pas oublier que nos deux pays travaillent ensemble dans bien d'autres domaines, à commencer par celui du développement durable.
Je ne vous apprendrais rien en vous disant que la préservation de la forêt est un enjeu qui me tient particulièrement à coeur.
Lorsque j'étais en charge de l'écologie et du développement durable, nous avons mené, Jean-Louis BORLOO et moi-même des négociations particulièrement difficiles en la matière à Poznan, lors de la 14 ème conférence des Nations Unies sur le changement climatique.
C'était à la fin de l'année 2008. A cette époque, l'économie mondiale venait de subir la déflagration consécutive à la faillite de Lehmann Brothers.
Autant dire que pour beaucoup, la crise apparaissait alors comme un excellent prétexte pour délaisser nos efforts en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Heureusement, ce combat n'a pas été sacrifié. Les Européens se sont ainsi engagés à atteindre un "3 × 20" pour 2020 : réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990, porter la part des énergies renouvelables à 20 % de la consommation, et réaliser 20 % d'économies d'énergie.
Mais au niveau mondial, le seul qui ait une vraie pertinence, nos efforts pour parvenir à un accord doivent se poursuivre.
Le sommet de Copenhague n'a pas tenu toutes ses promesses, nous le savons. Il y a cependant un domaine dans lequel nous avons vraiment avancé, un domaine où un vrai succès a été remporté, c'est celui de la lutte contre la déforestation.
La France a en effet proposé à Copenhague que 20 % des 10 Milliards de dollars qui seront dépensés en 2010, 2011 et 2012, dans le cadre des actions à impact rapide, dits « fast-start », soient consacrés aux bassins forestiers.
Plusieurs pays, l'Australie, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, le Japon et la Norvège se sont alors engagés à verser 3,5 milliards de dollars sur ces trois années. Ils ont été rejoins par d'autres : l'Allemagne, l'Espagne, la Slovénie et la Commission européenne.
Cette formidable dynamique s'est poursuivie le 11 mars, lorsque le Président de la République a réuni une première fois les 54 pays concernés lors de la conférence internationale sur les grands bassins forestiers.
Le partenariat mondial qui vient d'être signé à Oslo, le 27 mais dernier, lors de la conférence sur le climat et la forêt est l'aboutissement de ces efforts. Ce partenariat prévoit de consacrer 4 milliards de dollars à la lutte contre la déforestation d'ici 2012.
C'est une belle réussite dont nous pouvons nous réjouir. Nous ne devons pas pour autant nous en tenir là.
L'essai doit maintenant être transformé. Car il ne suffit de dégager des crédits pour ces derniers soient utilisés à bon escient.
Les Etats forestiers sont souvent parmi les plus fragiles. Ce sont d'abord des états pauvres, instables, dans lesquels la paix civile est souvent précaire.
Ce sont des états dont la situation économique est si préoccupante que la tentation est parfois grande de mettre de côté le combat pour le développement durable.
Ce serait pourtant une grave erreur de renoncer à doter ces pays des moyens de gérer leurs ressources forestières.
Cela reviendrait à réduire à néant l'effort collectif que nous avons entamé au niveau mondial.
Comment faire en sorte que les états forestiers utilisent au mieux les crédits qui vont leur être alloués pour lutter contre la déforestation ? C'est tout l'enjeu de ce séminaire.
Je suis bien consciente de la complexité du problème.
Car la lutte contre la déforestation dépasse largement le cadre du secteur forestier. Elle implique tout un ensemble de réformes sans lesquels l'effort de préservation du patrimoine forestier se révèle illusoire.
Je veux parler de la mise en place de nouvelles politiques agricoles, en mesure de faire face aux besoins alimentaires.
Il s'agit aussi bien souvent de réformer des régimes fonciers qui ne donnent pas suffisamment de droits aux populations installées dans les zones forestières. D'où les stratégies de défrichement utilisées comme moyen d'appropriation de ces terres.
L'enjeu est également d'améliorer le système judiciaire, lui donner les moyens de prendre des sanctions dissuasives contre les pratiques de corruption qui sévissent trop souvent dans les administrations forestières.
Des efforts doivent aussi être menés pour que l'exploitation de la forêt soit davantage régulée. Trop souvent, les arbres sont abattus car ils sont d'abord perçus comme une source immédiate de revenu.
Touts ces aspects de la lutte contre la déforestation, et d'autres encore, appellent évidemment des dispositifs intelligents qui tirent les leçons des erreurs passées.
Nous avons en tête le bilan médiocre des politiques d'ajustement structurel mis en oeuvres dans les années 80 et 90.
Ces politiques ont souvent échoué car les réformes exigées en échange des prêts de la banque mondiale et du FMI ont été considérées comme des politiques imposées par les pays occidentaux.
Des réformes jugées étrangères aux valeurs des pays concernés.
Nous devons bien évidemment ne pas recommencer les mêmes erreurs. Il est essentiel, en effet, que les états concernés et bien sûr leurs habitants, s'approprient l'ensemble des efforts à mener pour préserver le patrimoine forestier.
Mais il s'agit aussi de trouver les modes d'allocation les plus efficaces pour que les fonds REDD atteignent leur objectif.
Quelles priorités dans les programmes soutenus ? Quels instruments pour inciter les acteurs à respecter leurs engagements ? Comment évaluer par ailleurs les résultats obtenus dans le combat contre la déforestation ? Autant de questions pour lesquelles votre expertise est aujourd'hui si utile.
En examinant tout au long de cette journée les meilleurs moyens de réussir la lutte contre la déforestation dans les états fragiles, votre séminaire apporte une contribution précieuse au combat contre le réchauffement climatique.
Précieuse car véritablement utile. Trop de réformes ambitieuses sur le papier ont échoué faute d'avoir été suffisamment préparées, anticipées.
Trop de décisions ont été prises sans que l'on ait suffisamment réfléchit à leur application concrète. Et je ne parle pas seulement de développement durable.
Réfléchir aux moyens d'appliquer efficacement une politique, c'est me semble-t-il, une façon différente d'envisager la prospective.
La prospective est souvent présentée comme une aide à la décision, grâce aux anticipations qui sont réalisés sur le moyen et le long terme.
Aujourd'hui, vous n'anticipez pas la situation d'un ensemble de pays, mais plutôt la mise en place d'une politique ambitieuse en vue d'un objectif précis, celui de la préservation du patrimoine forestier.
Je serais tentée de dire qu'il s'agit là d'un exercice d'aide à la réussite politique.
Au vu de la complexité des sociétés dans lesquelles nous vivons, celle des pays riches comme celles des pays en développement, cet exercice est appelé, je l'espère, à faire beaucoup d'émules.
Je vous remercie.
Source http://www.strategie.gouv.fr, le 3 août 2010