Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les enjeux de la présidence française du G8 et du G20, le programme de la conférence des ambassadeurs, la réforme culturelle et l'action extérieure de l'Etat, Paris le 26 août 2010.

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Circonstance : Réunion de la XVIIIè conférence des Ambassadeurs du 25 au 27 août 2010 à Paris : discours d'ouverture de Bernard Kouchner le 26

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Directeurs généraux,
Monsieur le Secrétaire général,
Avant de très brièvement vous présenter le programme des deux prochains jours, je veux d'abord vous dire mon plaisir d'être avec vous et le contentement particulier que j'ai éprouvé hier alors que la Conférence n'était pas vraiment commencée, puisque nous avions rendez-vous à l'Elysée pour écouter le discours du président. Mais nous avons déjà organisé quelques tables rondes, hier, ici, rue de la Convention et peut-être que dans ces nouveaux bâtiments, le dialogue et les échanges sont plus faciles que sous les dorures du Quai d'Orsay.
En tout cas, je considère que cette rencontre est déjà réussie, après avoir participé à une série d'échanges à propos d'un sujet difficile, tout à fait important, celui de la Turquie, de son rapport avec l'Union européenne mais également avec son environnement régional, le Moyen-Orient. Nous avons parlé du rôle de la forte diplomatie turque que l'on rencontre aux quatre coins du monde. J'ai trouvé cela passionnant parce que les ambassadeurs qui connaissent le terrain, et pas seulement les spécialistes, parlaient de façon très sincère ; chacun a éclairé la discussion à partir de son expérience dans son pays de résidence. Pour moi, c'est une ouverture, une véritable respiration, que de parler ainsi.
Je suis très heureux d'être avec vous, je vous connais pratiquement un par un. A quelques exceptions près, et je suis désolé qu'elles subsistent, je vous ai rendu visite sur place. J'ai eu l'occasion de profiter de vos expériences et de vos analyses dans les pays où vous nous représentez. J'ai un souvenir très précis de dialogues avec vous. Je voudrais donc que ces expériences de rencontres se traduisent par un enrichissement, ici, à Paris.
Je vais vous proposer une petite méthode pour que la compréhension intime et irremplaçable que vous avez de vos pays de résidence nous soit transmise plus fréquemment. Je souhaite maintenir nos rencontres régionales qui souvent sont décalées ; les uns et les autres étant pris par des urgences, cela n'est pas toujours facile. Vous retrouver est un bonheur et il faut davantage de contacts, de rencontres et d'échanges. Je veux vous voir, vous entendre et je souhaite que l'on vous écoute plus. Ce que je veux, en somme, c'est une conférence des ambassadeurs toute l'année. Je ne vous demande pas d'être à Paris en permanence, mais n'attendons pas un rendez-vous annuel pour nous parler comme cela. Aménageons ce dialogue permanent entre nous.
Vous êtes aux quatre coins du monde ? Instaurons de manière régulière, une fois par mois, des vidéoconférences régionales. On a essayé de le faire à l'échelle internationale. A chaque fois que cela fut possible techniquement, ce fut très profitable.
Je voudrais aussi échanger plus fréquemment avec vous sur des sujets thématiques. Nous avons été très satisfaits et inspirés par vos contributions au travail de la direction de la Prospective sur les évangélistes. Nous avons reçu 110 réponses et j'en suis vraiment très satisfait, tout comme je le suis de l'étude sur laquelle vos contributions ont débouché. Je souhaite que nous poursuivions cette expérience et, dorénavant, je vous proposerai un sujet par mois pour provoquer vos réponses autour des travaux menés par la direction de la Prospective, dont Joseph Maïla, secondé par Christian Lechervy, prendra la direction à compter du 1er septembre. Marie Mendras pourra continuer à nous faire bénéficier de son talent et de ses compétences dans un autre cadre, très proche.
C'est dans cet esprit que nous travaillerons ensemble pour porter cette diplomatie ouverte que j'appelle de mes voeux, une diplomatie à l'écoute de nos partenaires étrangers. C'est beaucoup plus difficile maintenant, car nos partenaires significatifs se multiplient. Je tiens comme très important ce geste qui, le même jour, a consisté, d'un côté, à la signature d'un accord entre le Brésil, la Turquie - deux pays significatifs - et l'Iran, au moment même où les cinq membres permanents déposaient sur la table du Conseil de sécurité des Nations unies le document sur les sanctions. C'est un moment décisif, cela n'a pas eu une portée aussi importante que le souhaitaient les trois signataires de Téhéran, mais c'est significatif du changement des temps.
Je veux rendre hommage à votre aptitude à suivre et comprendre les évolutions, à décrypter les attentes et ce n'est pas facile. Faire entendre la France, avoir un suivi de l'écoute de la France, ce n'est pas facile. Bien sûr, chacun s'interroge. Dans les pays que j'ai fréquentés, pendant ces trois ans et demi, il y avait une attente. On nous attribue d'avance des vertus que nous n'avons pas toujours quant à l'analyse du monde et quant aux propositions que nous pouvons faire, dans tous les endroits de ce monde. Décrypter ces attentes, c'est votre rôle et vous le faites très bien. Tâchons, nous-mêmes, à Paris, de décrypter vos attentes et de vous écouter davantage.
Cette année, nous avons souhaité organiser la Conférence autour de l'événement majeur que constituera la présidence française du G8 et du G20, avec un programme extrêmement ambitieux qu'il nous faudra nourrir, suivre et faire aboutir. Nous avons longuement entendu le président de la République à ce propos. C'est une ambition fondée sur l'expérience, en particulier sur l'expérience de la présidence française de l'Union européenne. Nous n'avons honnêtement pas été mauvais, nous avons fait face à toutes les crises. Il y en a eu deux majeures : la Géorgie et la crise économique. Vous avez poursuivi de bonne manière cette présidence française. Nous en sommes encore là. Hier, le président de la République disait fort bien que nous avions le suivi, le secrétariat, tout ce qui devra être organisé autour de la présidence française du G8 et du G20.
Nous y reviendrons dans quelques instants à travers les échanges que nous aurons avec Bruno Le Maire, Pascal Lamy, Angel Gurria, puis avec Jean-Louis Borloo, Eric Woerth, Juan Somavia, Xavier Musca et Christian de Boissieu.
Avec notre présidence, qui intervient dans un contexte historique, qui impose une réforme de la gouvernance mondiale, s'ouvre le moment qu'il nous appartient de rendre décisif. C'est notre responsabilité, c'est là qu'on nous attend. C'est aussi une formidable opportunité pour la France de proposer à ses partenaires "le choix de l'ambition" auquel le président de la République nous a appelés hier.
Dans vos pays de résidence, y compris ceux qui ne font pas partie du G20 - ce serait une belle erreur de nous borner aux pays du G20 - il faut donner à ce cénacle des pays les plus riches du monde une ambition beaucoup plus large, de prendre à bras le corps un certain nombre de ces problèmes qui concernent l'ensemble de la communauté internationale. C'est à votre familiarité des pays et des sujets, à votre inventivité, à vos propositions auxquelles nous ferons appel, sur la manière de traiter les sujets énumérés hier par le président de la République. Dans chacun de ces pays : méfiance, idées, réalisation, nous avons besoin de vous pour cela. Et, permettez-moi de le mentionner - mais ce n'est pas qu'anecdotique -, c'est ici que cela se passera ; l'immense majorité des réunions ministérielles qui commenceront à partir de la fin de l'année se feront dans ce centre de conférences. Vous êtes au coeur géographique de l'approche des sommets.
J'en viens maintenant plus précisément au programme. Je vous réserve quelques surprises dans le discours final de demain. Je répondrai probablement à quelques critiques, un peu répétées, quelquefois un peu lourdes mêmes, qui m'ont visé personnellement. Je vous dirai comment j'ai combattu pour la survie de cette institution. On pourrait comparer avec d'autres ministères. La critique est facile, mais l'art, ô combien difficile. C'est facile de dire qu'il faut trouver beaucoup d'argent dans une période comme la nôtre. Cela ne concerne pas que le Quai d'Orsay et la diplomatie, au contraire, nous avons été bien mieux traités...
Les membres de la table ronde animée par Christian Masset réfléchiront sur le changement climatique, l'environnement, la gestion et le financement des "biens publics mondiaux".
La réforme du système monétaire, la régulation financière et celle des marchés agricoles et des matières premières seront au centre des débats modérés par Cyrille Pierre et Philippe Chalmin.
Pour la sécurité et la gestion des crises, à travers les questions de la difficile conciliation entre paix, sécurité et droits de l'Homme, il y aura, je l'espère, grâce à François Zimeray, notre ambassadeur pour les droits de l'Homme, et à son travail, un débat, et vous aurez bientôt le texte sur une sorte de traité des droits de l'Homme à l'usage des ministères, en particulier le nôtre. Cette table ronde sera animée par Sylvie Bermann.
Une autre table ronde portera sur la coordination des efforts de la communauté internationale en Afghanistan, à laquelle j'aimerais bien participer, animée par Jacques Audibert.
Les relations avec les pays émergents feront l'objet des débats conduits par Paul Jean-Ortiz et Elisabeth Beton-Delègue.
Concernant la coopération au développement, les participants de la table ronde animée par Georges Serre présenteront la stratégie française et européenne de développement. Là aussi ce n'est pas facile. En période de vache maigre, ne nous dissimulons pas derrière notre petit doigt en disant qu'il en faut plus. Il en faut plus en ce moment au Pakistan, que fait-on ? Regardez les chiffres des participations des pays européens par rapport à la France, nous n'avons pas à rougir, mais certains font un plus gros effort. Comment peut-on trouver une meilleure manière d'aider le Pakistan en ce moment ? Nous avons rendez-vous le 10 septembre au Gymnich, au Conseil européen des Affaires étrangères. Comme il y a un département pakistanais qui oriente et dirige l'aide internationale, c'est avec eux que nous avons rendez-vous et avec le ministre pakistanais des Affaires étrangères. Il faut que nous trouvions une manière d'intervenir plus fortement avant ce 10 septembre.
Le rôle de l'Union européenne, après le Traité de Lisbonne et la mise en place du Service européen d'action extérieure, seront abordés par Pierre Lellouche et Poul Christoffersen.
Nous nous devions d'adapter nos structures, nos outils et notre réflexion à ces grandes évolutions et à ces défis, à ces surprises, à ces urgences permanentes. C'était tout le sens de la réforme du ministère que nous avons engagée. Je ne reviendrai pas sur cette réforme que je vous avais exposée l'an dernier et que vous vous êtes désormais appropriée.
Cette année, vous le savez, nous avons consacré beaucoup de notre temps et de notre énergie à la réforme du "soft-power" français, qui a été l'un de nos grands chantiers et sans doute le plus difficile. Tout le monde ne m'y a pas aidé. Il fallait convaincre les agents de ce ministère et je pense les avoir convaincus. Mon objectif était de doter notre pays d'opérateurs modernes et efficaces pour accroître son rayonnement et notre influence à l'étranger. A l'heure où de plus en plus de sujets sont traités au niveau européen, la culture demeure l'un des rares champs relevant du niveau national. Je parlais du Service extérieur de l'Europe, il n'inclut pas la culture. Nous sommes encore responsables de cela alors que la demande est grande, immense. Il faut, plus que jamais, lui donner les moyens de sa légitime ambition. La culture française est demandée partout.
Je reviendrai vendredi, avec Xavier Darcos, le président de l'Institut français, sur la création de cet institut et l'évolution de notre réseau. Je peux vous assurer que cette réforme est bonne pour nous tous, pour notre réseau. Ne croyez pas que vous êtes à l'abandon, au contraire ! Vous êtes plus que jamais responsables, avec la reconnaissance inscrite dans la loi de l'autorité de l'ambassadeur sur les opérateurs de l'action extérieure de l'Etat. Ce n'était pas une loi, c'est une première ! Les préfets n'ont pas cette chance s'agissant des établissements publics sur le territoire national.
Réformer nos méthodes et nos moyens, c'est aussi et d'abord pouvoir disposer de moyens de communication sûrs et sérieux. A cet égard, je voudrais remercier Nicolas Warnery et Patrick Pailloux pour la présentation qu'ils vous feront demain sur la sécurité des systèmes d'information.
Je remercie aussi Michèle Ramis-Plum et Edgar Grospiron qui nous sensibiliseront aux enjeux de la candidature d'Annecy aux Jeux Olympiques d'hiver de 2018.
Mesdames et Messieurs, il me reste à vous souhaiter d'intenses et fructueux échanges. Je vous laisse quelques instants de pause et nous allons commencer la première table ronde dès que tous nos invités seront arrivés. Encore une fois, bon travail, cela a déjà commencé et je ne doute pas que de grandes idées sortiront des ces débats. Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 août 2010