Texte intégral
LUC EVRARD : Bonjour Denis Kessler. Faut-il le rappeler, vous êtes le vice-président du MEDEF et on a envie de vous entendre sur un certain nombre de dossiers d'actualité, la loi de modernisation sociale, le financement des 35 heures, les comtes de la sécurité sociale, sa réforme. Mais on va peut-être commencer parle ralentissement économique. On le voit peu à peu se traduire par des révisions en baisse pour l'investissement, pour l'embauche, l'amélioration du chômage en pâtit. A ce stade, quel est votre diagnostic, 'est-ce qu'on pourrait insister à une inversion de la courbe du chômage ?
DENIS KESSLER : Pour le moment l'économie française ralentit, d'ailleurs nous l'avions diagnostiqué et je dois vous avouer qu'en ce qui nous concerne on le regrette très vivement. Il y a évidemment des facteurs internationaux qui expliquent ce ralentissement, une conjoncture américaine dégradée, une conjoncture européenne qui n'est pas très flambante et puis il y a des facteurs internes. C'est vrai que pour le moment par exemple en France la baisse de l'investissement explique en partie le ralentissement économique et c'est très préoccupant.
LUC EVRARD : C'est une fuite de confiance d'après vous ?
DENIS KESSLER : En partie une fuite de confiance et puis que voulez-vous, nous sommes dans une conjoncture dans laquelle la multiplication des réglementations et des législations, on n'a pas fait les réformes fondamentales qui devaient être faites dans notre pays et ça se traduit notamment, il faut que vous le sachiez, par des sorties de capitaux absolument gigantesques l'année dernière. Les investissements directs à l'étranger, c'est-à-dire des entreprises qui vont investir ailleurs, ont représenté 900 milliards de francs, ce qui est une somme absolument colossale et qui montre bien que notre pays est moins attractif à l'heure actuelle en matière d'investissement que les autres pays.
LUC EVRARD : La ministre Elisabeth Guigou disait hier à propos de l'emploi qu'on est dans une période charnière, l'effet 35 heures s'est estompé dans les grandes entreprises qui y sont déjà passées et n'a pas encore eu lieu dans les petites entreprises qui vont être contraintes d'y passer dès l'an prochain. Vu ce que vous pensez des 35 heures ça doit vous hérisser particulièrement !
DENIS KESSLER : C'est triste pour notre pays. On est les seuls à avoir tenté l'expérience des 35 heures, on croyait que c'était un vaccin anti-chômage, ça ne crée pas d'emplois et ça coûte horriblement cher. Aucun pays n'a fait ça ! Alors, ça coûte horriblement cher, ça coûte 105milliards de francs qu'on n'arrive pas à financer, ça n'a pas créé d'emplois dans les grandes entreprises et les chiffrages qui nous sont donnés sont vraiment, j'allais dire ubuesques, et puis maintenant on veut l'appliquer à des petites entreprises de moins de 21 salariés auxquelles on demande en plus de passer à l'euro. Mais enfin, écoutez, c'est pas sérieux tout ceci ! Les autres pays ne l'on pas fait, lorsqu'un vaccin ne marche pas, je crois que la rationalité conduirait à dire simplement : arrêtons l'expérience !
LUC EVRARD : Il semblerait en tous cas que pour ce qui est du financement le gouvernement ait trouvé le filon, ce serait la sécurité sociale, les 13 milliards qui manquaient pour l'an 2000 seraient ponctionnés dans les caisses de la sécu, mais ce serait un prêt ou un emprunt comme on veut, de l'Etat à la sécurité sociale.
DENIS KESSLER : Nous avions dit que cette loi qui ne crée pas d'emplois coûterait horriblement cher. 105 milliards de francs par an ! Evidemment, normalement, le Parlement a décidé ça, il doit trouver les ressources correspondant à cette dépense. Il n'arrive pas à boucler son plan de financement et le gouvernement décide simplement de ponctionner la Sécurité sociale. Vos vous rendez compte ? La sécurité sociale est alimentée par les salariés et par les entreprises de France et ceci est fait pour les malades, ceci est fait pour les retraités et ceci est fait pour les familles. Alors l'idée de ponctionner de l'argent, qui est fait pour ces trois usages majeurs, assurance-maladie, assurance-vieillesse, allocations familiales, pour financer une loi comme les 35 heures dont on voit les effets absolument négatifs pour l'économie, ceci n'est pas acceptable et nous le disons avec force.
LUC EVRARD : inaudible
DENIS KESSLER : On en tirera vraiment toutes les conséquences et quand je dis toutes les conséquences eh bien, toutes les conséquences. Vous comprenez qu'on ne peut pas accepter en tant que responsable économique et depuis 1945 membre de la sécurité sociale - nous siégeons au conseil d'administration - les cotisations sont prélevées dans les entreprises auprès des salariés pour cet usage et non pas pour aller financer des décisions d'Etat qui auraient dû être financées à partir des ressources de l'Etat, c'est-à-dire à partir des impôts. Et je vais vous dire, lorsqu'on n'a pas assez d'argent pour faire quelque chose eh bien on ne le fait pas ! Et donc c'est la raison pour laquelle si le gouvernement n'arrive vraiment pas à trouver le financement des 35 heures, eh bien simplement qu'il y renonce en partie et nous sommes prêts là aussi à en accepter les conséquences.
LUC EVRARD : Avec cette histoire de financement on est vraiment au cur d'un débat qui est en train de monter à nouveau sur la démocratie sociale. Qui fait quoi de l'Etat et des partenaires sociaux, qui décide quoi, qui finance quoi ? On sent la gauche organiser le débat pour vous couper un peu l'herbe sous le pied vous et votre refondation. Est-ce que vous n'apparaissez pas une fois de plus comme le principal adversaire politique de la majorité plurielle aujourd'hui ?
DENIS KESSLER : Nous ne sommes pas des adversaires politiques, nous sommes des responsables du système productif français et notre rôle se borne à dire à toutes et à chacun, à toutes les forces politiques, à tous les observateurs, à tout le public en général : voilà les conditions de réussite de notre pays, de la réussite économique de notre pays, voilà les conditions pour le plein emploi, voilà les conditions pour réussir l'insertion de la France en Europe et dans le monde, nous n'avons aucun autre rôle que celui-ci. Lorsque les mesures qui nous sont annoncées sont des mesures qui ne vont pas dans le sens du développement des entreprises, donc de la richesse, donc du pouvoir d'achat, vous nous entendrez les critiquer, éventuellement vertement, lorsque ces mesures sont exactement dans le sens contraire. Quand il y a des mesures qui vont dans le sens au contraire du développement des entreprises, vous nous verrez nous réjouir. Mais quand vous voyez par exemple le projet de loi de modernisation sociale, fruit de ce que l'on appelle la législation par l'émotion, vous voyez, je veux dire, on prend l'émotion et en quelques semaines on bâtit rapidement une législation, une réglementation bien entendu sans aucune concertation et que après, cette législation elle se dévoie maintenant dans des tractations Donc émotion + tractations, je ne suis pas sûr que nous allons aboutir à une législation qui soit conforme bien entendu au développement de l'emploi, et au développement des entreprises.
LUC EVRARD : il semblerait que ces tractations débouchent déjà sur d'autres projets qui consisteraient par exemple à étendre la représentation des salariés au sein des conseils d'administration des entreprises. Vous y êtes hostile en principe ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, jamais par principe ! Nous disons simplement que dans une démocratie moderne on ne peut plus légiférer sans la concertation indispensable avec les acteurs concernés. Ce gouvernement ne consulte personne, ni les organisations syndicales d'ailleurs, ni les représentants des employeurs et continue à élaborer des législations franco-françaises sans tenir compte de ce qui se passe dans les autres pays. Nous avons fait le choix européen. A ma connaissance. Nous avons décidé de passer à la monnaie unique. A ma connaissance. Nos avons le sentiment qu'il faut cesser de multiplier les dispositions franco-françaises qui n'ont pas d'équivalent parce que tout simplement nos aurons comme conséquence de cette espèce d'exception française dans laquelle on prend mesures anti-entreprise après mesures anti-entreprise, nos allons avoir une situation de perte de compétitivité que la collectivité toute entière va payer. C'est la raison pour laquelle nous serons, j'allais dire intarissables, lorsqu'on multiplie des effets d'annonce, des législations, des réglementations, des impositions, des taxations qui vont dans le sens contraire, je dis bien, de l'ensemble de l'intérêt des Français.
(source http://www.medef.fr, le 8 juin 2001)
DENIS KESSLER : Pour le moment l'économie française ralentit, d'ailleurs nous l'avions diagnostiqué et je dois vous avouer qu'en ce qui nous concerne on le regrette très vivement. Il y a évidemment des facteurs internationaux qui expliquent ce ralentissement, une conjoncture américaine dégradée, une conjoncture européenne qui n'est pas très flambante et puis il y a des facteurs internes. C'est vrai que pour le moment par exemple en France la baisse de l'investissement explique en partie le ralentissement économique et c'est très préoccupant.
LUC EVRARD : C'est une fuite de confiance d'après vous ?
DENIS KESSLER : En partie une fuite de confiance et puis que voulez-vous, nous sommes dans une conjoncture dans laquelle la multiplication des réglementations et des législations, on n'a pas fait les réformes fondamentales qui devaient être faites dans notre pays et ça se traduit notamment, il faut que vous le sachiez, par des sorties de capitaux absolument gigantesques l'année dernière. Les investissements directs à l'étranger, c'est-à-dire des entreprises qui vont investir ailleurs, ont représenté 900 milliards de francs, ce qui est une somme absolument colossale et qui montre bien que notre pays est moins attractif à l'heure actuelle en matière d'investissement que les autres pays.
LUC EVRARD : La ministre Elisabeth Guigou disait hier à propos de l'emploi qu'on est dans une période charnière, l'effet 35 heures s'est estompé dans les grandes entreprises qui y sont déjà passées et n'a pas encore eu lieu dans les petites entreprises qui vont être contraintes d'y passer dès l'an prochain. Vu ce que vous pensez des 35 heures ça doit vous hérisser particulièrement !
DENIS KESSLER : C'est triste pour notre pays. On est les seuls à avoir tenté l'expérience des 35 heures, on croyait que c'était un vaccin anti-chômage, ça ne crée pas d'emplois et ça coûte horriblement cher. Aucun pays n'a fait ça ! Alors, ça coûte horriblement cher, ça coûte 105milliards de francs qu'on n'arrive pas à financer, ça n'a pas créé d'emplois dans les grandes entreprises et les chiffrages qui nous sont donnés sont vraiment, j'allais dire ubuesques, et puis maintenant on veut l'appliquer à des petites entreprises de moins de 21 salariés auxquelles on demande en plus de passer à l'euro. Mais enfin, écoutez, c'est pas sérieux tout ceci ! Les autres pays ne l'on pas fait, lorsqu'un vaccin ne marche pas, je crois que la rationalité conduirait à dire simplement : arrêtons l'expérience !
LUC EVRARD : Il semblerait en tous cas que pour ce qui est du financement le gouvernement ait trouvé le filon, ce serait la sécurité sociale, les 13 milliards qui manquaient pour l'an 2000 seraient ponctionnés dans les caisses de la sécu, mais ce serait un prêt ou un emprunt comme on veut, de l'Etat à la sécurité sociale.
DENIS KESSLER : Nous avions dit que cette loi qui ne crée pas d'emplois coûterait horriblement cher. 105 milliards de francs par an ! Evidemment, normalement, le Parlement a décidé ça, il doit trouver les ressources correspondant à cette dépense. Il n'arrive pas à boucler son plan de financement et le gouvernement décide simplement de ponctionner la Sécurité sociale. Vos vous rendez compte ? La sécurité sociale est alimentée par les salariés et par les entreprises de France et ceci est fait pour les malades, ceci est fait pour les retraités et ceci est fait pour les familles. Alors l'idée de ponctionner de l'argent, qui est fait pour ces trois usages majeurs, assurance-maladie, assurance-vieillesse, allocations familiales, pour financer une loi comme les 35 heures dont on voit les effets absolument négatifs pour l'économie, ceci n'est pas acceptable et nous le disons avec force.
LUC EVRARD : inaudible
DENIS KESSLER : On en tirera vraiment toutes les conséquences et quand je dis toutes les conséquences eh bien, toutes les conséquences. Vous comprenez qu'on ne peut pas accepter en tant que responsable économique et depuis 1945 membre de la sécurité sociale - nous siégeons au conseil d'administration - les cotisations sont prélevées dans les entreprises auprès des salariés pour cet usage et non pas pour aller financer des décisions d'Etat qui auraient dû être financées à partir des ressources de l'Etat, c'est-à-dire à partir des impôts. Et je vais vous dire, lorsqu'on n'a pas assez d'argent pour faire quelque chose eh bien on ne le fait pas ! Et donc c'est la raison pour laquelle si le gouvernement n'arrive vraiment pas à trouver le financement des 35 heures, eh bien simplement qu'il y renonce en partie et nous sommes prêts là aussi à en accepter les conséquences.
LUC EVRARD : Avec cette histoire de financement on est vraiment au cur d'un débat qui est en train de monter à nouveau sur la démocratie sociale. Qui fait quoi de l'Etat et des partenaires sociaux, qui décide quoi, qui finance quoi ? On sent la gauche organiser le débat pour vous couper un peu l'herbe sous le pied vous et votre refondation. Est-ce que vous n'apparaissez pas une fois de plus comme le principal adversaire politique de la majorité plurielle aujourd'hui ?
DENIS KESSLER : Nous ne sommes pas des adversaires politiques, nous sommes des responsables du système productif français et notre rôle se borne à dire à toutes et à chacun, à toutes les forces politiques, à tous les observateurs, à tout le public en général : voilà les conditions de réussite de notre pays, de la réussite économique de notre pays, voilà les conditions pour le plein emploi, voilà les conditions pour réussir l'insertion de la France en Europe et dans le monde, nous n'avons aucun autre rôle que celui-ci. Lorsque les mesures qui nous sont annoncées sont des mesures qui ne vont pas dans le sens du développement des entreprises, donc de la richesse, donc du pouvoir d'achat, vous nous entendrez les critiquer, éventuellement vertement, lorsque ces mesures sont exactement dans le sens contraire. Quand il y a des mesures qui vont dans le sens au contraire du développement des entreprises, vous nous verrez nous réjouir. Mais quand vous voyez par exemple le projet de loi de modernisation sociale, fruit de ce que l'on appelle la législation par l'émotion, vous voyez, je veux dire, on prend l'émotion et en quelques semaines on bâtit rapidement une législation, une réglementation bien entendu sans aucune concertation et que après, cette législation elle se dévoie maintenant dans des tractations Donc émotion + tractations, je ne suis pas sûr que nous allons aboutir à une législation qui soit conforme bien entendu au développement de l'emploi, et au développement des entreprises.
LUC EVRARD : il semblerait que ces tractations débouchent déjà sur d'autres projets qui consisteraient par exemple à étendre la représentation des salariés au sein des conseils d'administration des entreprises. Vous y êtes hostile en principe ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, jamais par principe ! Nous disons simplement que dans une démocratie moderne on ne peut plus légiférer sans la concertation indispensable avec les acteurs concernés. Ce gouvernement ne consulte personne, ni les organisations syndicales d'ailleurs, ni les représentants des employeurs et continue à élaborer des législations franco-françaises sans tenir compte de ce qui se passe dans les autres pays. Nous avons fait le choix européen. A ma connaissance. Nous avons décidé de passer à la monnaie unique. A ma connaissance. Nos avons le sentiment qu'il faut cesser de multiplier les dispositions franco-françaises qui n'ont pas d'équivalent parce que tout simplement nos aurons comme conséquence de cette espèce d'exception française dans laquelle on prend mesures anti-entreprise après mesures anti-entreprise, nos allons avoir une situation de perte de compétitivité que la collectivité toute entière va payer. C'est la raison pour laquelle nous serons, j'allais dire intarissables, lorsqu'on multiplie des effets d'annonce, des législations, des réglementations, des impositions, des taxations qui vont dans le sens contraire, je dis bien, de l'ensemble de l'intérêt des Français.
(source http://www.medef.fr, le 8 juin 2001)