Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur le développement de l'éducation pour la santé chez les jeunes, Paris le 19 juin 2001.

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Circonstance : Présentation de l'expertise collective de l'INSERM "Education pour la santé des jeunes" à Paris le 19 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président de la Caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes,
Monsieur le Directeur Général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale,
Mesdames et Messieurs les experts,
Mesdames, Messieurs,
Je suis tout à fait heureux de pouvoir présenter à vos côtés le travail réalisé par l'Inserm sur un thème qui est partie intégrante de la politique de santé que je souhaite mener : l'éducation pour la santé des jeunes. Je tiens à saluer d'emblée l'initiative de la Caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes (CANAM) qui montre dans sa démarche tout l'intérêt qu'elle porte à ce sujet. Merci à l'Inserm qui s'est mobilisé sur une question qui ne fait pas encore suffisamment l'objet de recherche tant fondamentale qu'appliquée. Je souhaite que ce travail soit poursuivi et je sais pouvoir compter sur l'Inserm et le dynamisme de son nouveau Directeur général pour s'investir dans des domaines qui le sont encore trop peu.
Ce travail montre que notre monde de la santé bouge. Vous avez tous en mémoire les recommandations du Haut Comité de santé publique, celles des Conférences nationales de santé, les attentes de nos concitoyens exprimées lors des Etats généraux de la santé mais aussi lors de ceux de l'alimentation : développer la prévention et notamment l'éducation pour la santé. Par exemple, si nous souhaitons lutter contre l'obésité de l'enfant, autre sujet d'une expertise collective de l'Inserm rendue publique il y aura un an demain, il faut apprendre à nos jeunes le " bien manger ". C'est l'un des objectifs phares du programme national nutrition santé dont j'ai installé le comité stratégique il y a quelques jours et dont je viens de signer la circulaire interministérielle sur la restauration en milieu scolaire.
Je suis d'autant plus heureux de ce travail qu'il vient légitimer un domaine relevant encore trop de la bonne volonté des uns et des autres, et pourtant investi par de nombreux acteurs de terrain.
En effet, l'éducation pour la santé, véritable enjeu de santé publique, est à considérer comme une réelle discipline : recherche, formation, concepts, méthodes, outils, évaluation. Il s'agit de la développer. C'est ce que j'ai souhaité en présentant en Conseil des Ministres, le 28 février dernier, le plan national d'éducation pour la santé.
Qui peut en effet penser encore aujourd'hui que seule l'amélioration de plateaux techniques de plus en plus sophistiqués et de plus en plus coûteux permettront de préserver, de maintenir en bonne santé notre population ? Qu'une consommation massive de soins améliorera durablement la santé de nos concitoyens ? ou encore que seul l'aménagement du réseau routier, pourtant indispensable, diminuera suffisamment la mortalité sur les routes ?
Devons nous attendre que nos concitoyens se retournent vers l'Etat pour lui demander des comptes de ne pas avoir suffisamment développer une réelle politique de prévention envers les jeunes ?
Le plan national que j'ai présenté a pour objectif de mettre en place les conditions durables de développement de l'éducation pour la santé en France. Il vient compléter le dispositif mis en place par l'éducation nationale depuis 1997. Et nous travaillons avec Jack Lang pour renforcer encore notre coopération afin que la santé des enfants et des jeunes deviennent une préoccupation partagée dans la réalité quotidienne.
Mais tout cela serait insuffisant si les chercheurs, avec des travaux comme celui présenté aujourd'hui ne se mobilisaient pour éclairer et donner un base scientifique, au moins dans le domaine de la méthode, aux actions et programmes d'éducation appliquée à la santé et mis en uvre par les acteurs de santé. Quand je parle d'acteurs de santé, j'englobe non seulement les professionnels de santé mais aussi les éducateurs, les travailleurs sociaux, les familles et bien sûr les jeunes eux-mêmes. Capables du meilleur, les jeunes peuvent nous éclairer sur les différentes façons d'aborder la vie en général. Et c'est une des raisons principales, bien souligné dans cette expertise collective, que la place des jeunes dans le processus éducatif est tout à fait primordial. Cessons de penser qu'un simple transfert d'information, de connaissances sanitaires, anatomiques ou biologiques suffit à faire adopter des comportements favorables à la santé. Surtout lorsque cela se fait au travers d'actions tout à fait ponctuelles. Nous savons tous que les facteurs culturels, socio-économiques et psycho-sociaux influencent de manière fondamentale nos comportements individuels et collectifs.
En ce sens il est clair que l'éducation pour la santé ne peut se construire qu'à partir de l'identification et de la prise en compte des représentations, des croyances, des compétences préalables et des attentes des jeunes. Et que les actions éducatives doivent être intégrées dans un programme global inscrit dans la durée.
Je considère par ailleurs que l'un des intérêts de la démarche éducative est qu'elle peut encourager et organiser le débat entre les usagers et les professionnels du système de santé ou du système socio-éducatif. Et cela est tout à fait essentiel. La participation des citoyens au débat sur notre système de santé, celle des malades à la prise en charge de leur propre maladie ne pourra que bénéficier de cette démarche éducative. Elle permet à chacun de s'impliquer et de faire les choix qui lui paraissent judicieux. Ainsi elle favorise l'autonomie et la participation des citoyens et donc le développement de la démocratie sanitaire.
Mais, et je souhaite insister sur ce point, comme l'a bien montré cette expertise, l'éducation pour la santé doit être mise en uvre par des personnes formées qui utilisent des méthodes et des outils validés.
Une démarche éducative, pédagogique s'acquiert. Elle ne s'invente pas. Elle s'évalue aussi. Jusqu'à maintenant, nous devions trop compter sur les bonnes volontés dans ce domaine. C'est bien et il nous faut accompagner cette générosité. Il faut, sinon professionnaliser la mise en uvre de ces actions, en tout cas les encadrer fortement.
Dans une réflexion sur la lutte contre la iatrogénie, le Haut Comité de santé publique n'a-t-il pas attirer l'attention sur les conséquences indésirables ou négatives des actes d'information et d'éducation pour la santé mis en uvre selon des méthodes non validées ?
En ce sens, le plan que j'ai présenté s'appuie fortement sur le développement de la formation et de la recherche. Cette dernière est tout à fait primordiale. Et particulièrement dans le domaine de la recherche évaluative. Nos modèles biomédicaux, épidémiologiques, tendent à évaluer les actions d'éducation pour la santé selon les mêmes critères quantitatifs. Il nous faut renforcer une démarche évaluative portant sur les niveaux de capacité d'action des individus, et non pas uniquement sur les résultats sanitaires ou sur les savoirs. Et en cela la recherche doit nous y aider. Votre expertise montre bien l'intérêt à faire converger les deux types d'approche.
Il existe par ailleurs un matériau important et abondant propre à être sujet de recherche : combien d'initiatives éducatives au sein des écoles, au sein de quartiers, d'hôpitaux, intégrées ou pas dans les programmes régionaux de santé ou les PRAPS, et totalement ignorées de la recherche. Il nous faut mobiliser les universités, de jeunes chercheurs sur ces actions et voir comment relier celles-ci à l'approfondissement des connaissances. Ce type de recherche-action doit être encouragé afin de sortir de ce discours encore trop souvent entendu : la nécessité et l'efficacité de ces actions ont-t-elle réellement été évaluées ?
De mon côté, je compte sur l'Ecole nationale de santé publique pour que les cadres de l'administration de la santé soient mieux sensibilisés et formés à l'éducation pour la santé. Ils doivent être les porteurs de ce changement souhaité par nos concitoyens et par le monde associatif, en particulier celui agissant dans le champ de la santé.
Un mot sur l'éducation thérapeutique, partie intégrante de l'éducation pour la santé.
L'éducation thérapeutique a, elle aussi, pour objet d'augmenter les compétences de la personne lui permettant d'avoir plus de pouvoir sur le cours de sa maladie, sur la survenue de complications et des rechutes. Et cette éducation du patient agit sur les même ressorts et met en uvre les mêmes méthodes que l'éducation pour la santé. La participation du patient est indispensable et les objectifs doivent être entièrement partagés avec le soignant.
Nous travaillons de manière résolue avec l'assurance maladie et les experts afin que l'éducation thérapeutique soit mieux cernée, précisée afin d'en dresser une typologie. Cette démarche éducative du patient, totalement intégrée à la démarche de soins, ne peut plus rester isolée. Il faut la valoriser financièrement tant au sein des établissements de santé qu'au sein des réseaux. J'annoncerai des dispositions particulières d'ici la fin de l'année.
En conclusion,
Si l'éducation pour la santé ne peut tout résoudre, elle est cependant indispensable.
Indispensable en santé publique, elle participe à la lutte contre les inégalités de santé.
Mais si elle n'est qu'un des éléments à mettre en uvre dans une politique de santé, elle doit avoir toute sa place.
Vos travaux contribueront largement à lui donner cette place. Je remercie encore une fois les experts et vous encourage à aller encore plus loin dans la voie que la CANAM a bien voulu ouvrir.
Je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 juin 2001)