Interview de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, à La Chaîne Info LCI le 2 septembre 2010, sur la politique fiscale et la politique de sécurité.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Hausse des impôts à partir de 2013 selon F. Baroin ; une lettre aux parlementaires, notamment par la hausse de la CRDS. Pour C. Lagarde, non, non, on reste fidèles à la stratégie : pas d'augmentation d'impôt. Qui croire ?
 
C. Lagarde ou F. Baroin, c'est un peu la même chose...
 
Ah ben non ! Pas là, en l'occurrence.
 
Le seul sujet, c'est comment est-ce qu'on fait pour lutter contre nos déficits, comment on récupère notre souveraineté.
 
Eh bien, on augmente les impôts...
 
Parce que plus on s'endette, moins on a de souveraineté sur la gestion de notre propre Etat. C'est ça, la seule réalité, plus on est dépendants des marchés. Donc la CRDS, c'est limité à une problématique, vraiment à une problématique.
 
C'est la dette sociale.
 
Le Président a toujours dit : "pas d'augmentation générale des impôts".
 
La CRDS, ce n'est pas général, ce serait vraiment spécifique ?
 
C'est un problème vraiment spécifique. Je ne connais pas en détails leur objectif, mais c'est vraiment très spécifique. Mais le président de la République a toujours dit qu'il ne souhaitait pas d'augmentation générale des impôts. C'est par la baisse des dépenses, par la rigueur sur les dépenses que l'on s'en sortira. Parce que la hausse des impôts, on a toujours tout essayé, on a des impôts qui n'ont jamais été aussi élevés par le passé, ça n'a jamais rien donné.
 
Alors néanmoins, le rabot doit être affûté dit C. Lagarde à propos des niches fiscales. Il va être affûté, si j'ose dire, sur vos domaines, c'est les niches vertes qui sont visées. Est-ce que vous confirmez que c'est un milliard d'euros de ristournes fiscales en moins que les niches écologiques vont devoir consentir ?
 
Sur le sujet, les discussions ne sont pas terminées. Vous savez qu'en France, il y a 115 milliards de niches fiscales. Donc sur 115 milliards, si on veut en récupérer in fine, 10 milliards, il y a vraiment de quoi faire.
 
Vous allez vous battre ?
 
Non, non, mais il y a vraiment de quoi faire. Maintenant, les niches fiscales, on peut les baisser de manière intelligente. Il y a des niches fiscales qui existent sur des produits, par exemple, qui sont devenus aujourd'hui des produits quasiment de consommation courante, où il n'y a pas de prix plus élevés que d'autres produits : celles-là, on peut les baisser. Donc on est en train d'en discuter, point par point, pour ne pas avoir un système contre-productif qui terminerait la vague verte ou qui mettrait un coup de frein à la vague verte qu'on a en ce moment, et pour essayer de le faire intelligemment.
 
Par exemple, les cellules photovoltaïques, le crédit d'impôt va disparaître. Vous vous y résignez, ce n'est pas grave ?
 
Par exemple, on va effectivement le baisser. Pourquoi ? Parce qu'on a à la place, on avait... Vous savez, on avait un double dispositif : on avait un crédit d'impôt pour acheter les panneaux solaires et on avait un tarif de rachat très élevé pour que les particuliers se payent au fur et à mesure du fonctionnement de ces panneaux solaires. Le prix d'achat aujourd'hui des panneaux solaires a été réduit d'au moins 50 % depuis deux ans, donc on peut baisser le crédit d'impôt et on maintient le tarif d'achat.
 
Pareil sur les matériaux d'isolation phonique : les prix baissent donc on augmente la TVA ?
 
Les prix baissent donc on peut, effectivement, compenser. L'Etat n'a pas vocation à financer des effets d'aubaine, à financer des secteurs... Des effets d'aubaine, on peut vraiment appeler ça parfois des effets d'aubaine. Dans le domaine photovoltaïque, il y avait vraiment un effet d'aubaine.
 
Et sur la loi Cellier qui favorise l'accès à un logement neuf, et aussi certains logements verts, l'aide était bien supérieure. Ça va être fini, ça aussi ?
 
Ça a déjà été verdi l'année dernière, ça, sur le Cellier. C'est-à-dire effectivement, l'exigence que le logement aidé soit, entre guillemets, "écologique".
 
Il faut préserver ça ?
 
Ça, ç'a déjà été fait l'année dernière, ce verdissement. Donc cette année, je ne suis pas au courant dans le détail de ce point particulier qui est géré par B. Apparu, mais en tout cas, je sais qu'on l'avait déjà fait l'année dernière ce verdissement.
 
L'esprit du Grenelle est un peu abandonné quand même...
 
Ce n'est pas parce que le focus de cette rentrée est très sécurité, budget et retraites que le Grenelle s'est arrêté. La réalité, c'est que les faits, les catastrophes écologiques, malheureusement elles, elles peuvent se poursuivre. On l'a vu cet été, on l'a vu avec les incendies en Russie...
 
Au Pakistan, inondations...
 
La réalité, elle est là. La réalité, elle avance malheureusement inexorablement. La réalité, c'est qu'on a explosé dans l'ensemble des domaines écologiques, la France est maintenant sur les meilleures positions sur les marchés du solaire, de l'éolien, de la rénovation thermique. Les choses avancent très vite. Donc peut-être qu'on en parle moins politiquement, c'est vrai, malheureusement, moi, j'aimerais qu'on en parle plus mais on en parle moins. Ceci dit, les choses elles avancent sur le terrain. Pour moi, c'est le principal.
 
On n'a pas beaucoup parlé d'écologie parce qu'on a en effet beaucoup parlé de sécurité. Vous n'avez rien dit sur le démantèlement des camps de Roms. Pourquoi ? En fait, vous désapprouvez et vous n'osez pas le dire ?
 
À l'inverse, personne n'a dit grand-chose quand j'étais cet été par exemple à La Crau, sur un site écologique, vous savez, qui avait été pollué par cette rupture d'un oléoduc. À l'inverse, quand je veux m'exprimer sur les pollutions marines, vous ne dites pas grand-chose non plus.
 
Mais le grand débat du moment, c'est la sécurité, c'est les Roms. Alors ?
 
C'est la sécurité. Bon, chaque ministre est compétent dans son domaine. Sur le débat sur les Roms, ma position est très simple : on a depuis 2002, et rappelé en 2007, un double principe, c'est tolérance zéro. On est dans un Etat de droit, donc la loi s'applique pour tous. Et quand il s'agit d'exécuter - parce qu'il s'agit d'exécuter des décisions de justice qui, jusque-là, n'étaient pas exécutées - moi, je dis tant mieux. Et l'autre principe en face de la tolérance zéro, c'est la discrimination positive, parce que la réalité dans l'ensemble des pays européens pour ces populations dont on parle, c'est que jusqu'à présent, on a peu fait pour leur intégration. À part l'Espagne qui est en train de mettre en place un programme, on a peu fait pour leur intégration. C'est vrai dans leur pays d'origine et c'est vrai dans les pays d'accueil.
 
Est-ce qu'on en a pas un peu trop fait aussi politiquement ? On a mis en scène un peu cet été sécuritaire.
 
l y a eu des caricatures de tous les côtés. Il y a eu effectivement des caricatures de tous les côtés.
 
Y compris à droite dans la surenchère.
 
De tous les côtés, dans la surenchère. Il faut éviter ce genre de surenchère et garder le discours d'équilibre qu'a toujours été celui du Président, qui a été rappelé à Grenoble. C'est exactement ça : on exécute, on respecte la loi sur notre territoire.
 
Mais le Gouvernement semble divisé sur la question et désuni. C'est votre sentiment ?
 
Non, ce n'est pas mon sentiment. Après, il y a des expressions qui s'expriment, des ministres, parce qu'ils viennent aussi d'autres partis, ils viennent d'autres tendances, ils s'expriment. Maintenant, aujourd'hui, moi je trouve que... Le Premier ministre l'a très bien dit d'ailleurs aux universités, il a très bien dit "les petites phrases, les petites querelles d'ego, c'est terminé".
 
Les petites phrases, ç'a été lui aussi, il a marqué sa différence !
 
Mais dans la période actuelle qui est celle où les Français ont de grosses difficultés, qui est celle d'une crise internationale qui n'est pas terminée, tout cela semble dérisoire et je dirais même déplacé.
 
Il vous semble sur le départ F. Fillon, à préparer sa sortie ?
 
Oh non, pas du tout, alors pas du tout !
 
Est-ce que J.-L. Borloo, qui est votre ministre de tutelle, ferait un bon Premier ministre ?
 
Mais ce n'est pas à moi d'en décider.
 
Vous pouvez avoir un sentiment quand même, vous travaillez avec !
 
Alors là, franchement, je ne vais pas rentrer dans le petit jeu de à qui j'accorde des bons points ou des mauvais points. Franchement, tout ça c'est dérisoire ! Le vrai sujet, c'est comment est-ce qu'on lutte contre les déficits ? Comment est-ce qu'on résout la question des retraites ? Comment est-ce qu'on fait respecter la sécurité et la loi dans notre pays ? C'est ça qui préoccupe les Français ! Les querelles d'ego, que ce soit au sein du PS ou au sein de l'UMP, ça n'intéresse personne. Alors c'est vrai que parfois à l'UMP, c'est parfois les "Tontons flingueurs". Mais je préfère qu'on se batte sur comment on réduit les niches fiscales, que de savoir comment M. Aubry plante Strauss-Kahn, de savoir comment E. Joly va planter C. Duflot. Je préfère ce genre de débat.
 
Et l'UMP ? Est-ce que l'UMP mérite plus de pugnacité, plus d'investissement ? Est-ce que vous êtes sur la ligne Copé ?
 
Vous trouvez que l'UMP n'est pas assez pugnace ?
 
C'est ce qu'on a entendu. J.-F. Copé, il la voudrait plus offensive.
 
Vous venez de me dire l'inverse. On n'est, de toute façon, pour essayer de poursuivre les réformes avec courage - c'est quand même l'essentiel -, on n'est jamais assez pugnace.
 
E. Joly sera sans doute la candidate des écologistes à la présidentielle, vous l'évoquiez, est-ce qu'elle vous semble disqualifiée parce qu'elle est plus norvégienne que française ?
 
Ça, c'est un non sujet. Honnêtement, honnêtement, la France est un pays métissé, c'est un pays ouvert. D'ailleurs, le plus bel exemple c'est notre couple présidentiel. Pourquoi est-ce qu'E. Joly serait disqualifiée ?
 
Elle a toute sa place ?
 
Bien sûr !
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 septembre 2010