Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, sur la mémoire de la Shoah, à Paris le 21 septembre 2010.

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Circonstance : Signature d'une convention de partenariat avec le mémorial de la Shoah et clôture d'une session de formation de fonctionnaires de la Défense au mémorial de la Shoah, à Paris le 21 septembre 2010

Texte intégral

Monsieur le Président (David de Rotschild),
Monsieur le Directeur (Jacques Fredj)
Mesdames, Messieurs,
Pour la deuxième année consécutive, les cadres civils du ministère de la Défense sont accueillis ici, au Mémorial de la Shoah, afin de bénéficier d'une formation qui était jusqu'alors inédite en France.
Ce n'est pas un simple cours d'histoire. Ce n'est pas seulement un approfondissement des connaissances sur la Seconde Guerre mondiale et l'épreuve terrible qui s'est abattue sur les juifs de France et d'Europe.
Cette formation a une dimension éthique. Elle est, avant toute chose, une occasion privilégiée de s'arrêter un peu, de sortir son esprit des affaires quotidiennes que chaque fonctionnaire est appelé à traiter et de se poser les questions essentielles.
Ce sont des questions que l'on se pose rarement. Ce sont pourtant ces questions que l'on doit affronter lorsque l'on débute sa carrière, car elles mettent tout en cause et tiennent, en elles, une part considérable de l'avenir.
La mémoire ne nous enferme jamais dans le passé. Elle interroge ce que nous sommes. Elle interroge l'avenir.
C'est la grande phrase de Primo Lévi. Il parle des camps de la mort et dit : « Ici, il n'y a pas de pourquoi. » Ni la déportation, ni l'extermination des juifs n'avaient d'explications ni de justifications. La Shoah ne fut pas une réponse à une question politique, mais un déchaînement de haine sans précédent ni raison.
Aujourd'hui, ce qu'on appelle le devoir de mémoire ne se limite pas à commémorer les événements du passé. Cela consiste, surtout, à s'interroger, à poser des questions et à chercher à comprendre.
Il ne s'agit pas de juger les agents publics qui ont servi l'Etat sous l'Occupation et ont contribué, à un degré ou à un autre, parfois sans même en avoir conscience, à mettre en oeuvre les lois scélérates du régime de Collaboration.
C'est pourtant ce que l'on se limite souvent à faire : installés dans le confort d'une époque qui connaît heureusement la paix en Europe, nous jugeons le passé.
Nous condamnons ceux qui ont eu un comportement condamnable. Nous honorons ceux qui se sont honorés.
Il y avait, dans l'administration française des préfets Bousquet. Mais il y eut également des Jean Moulin. Et si, chaque année, nous nous souvenons des victimes des crimes racistes perpétrés par l'Etat français, notamment l'effroyable rafle du Vel d'Hiv, nous honorons aussi les « Justes de France », ces Français qui ont sauvé des juifs de la persécution.
Mais il faut aller plus loin que le simple jugement que nous portons instinctivement sur cette période complexe de notre histoire. Il faut chercher à comprendre comment s'est installé ce qu'une grande philosophe appelait « la banalité du Mal ».
Comprendre les rouages de la mise en oeuvre de la Solution finale, comprendre le rôle des agents publics dans la genèse d'un génocide est un impératif.
Car cela permet à chacun d'entre nous de nous interroger sur le sens de l'action publique, le sens du devoir et de l'obligation, mais aussi sur les raisons de s'engager dans une administration, les valeurs et les missions qui échoient à chacune et à chacun d'entre vous.
Nous avons également souhaité profiter de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui pour signer une convention entre le mémorial de la Shoah et le ministère de la Défense. Cette convention fixe les modalités du nouveau partenariat que nous souhaitons instaurer entre le mémorial et l'Etat. Et c'est la première fois que le mémorial signe une convention de ce type.
Depuis de longues années, les services du ministère et le mémorial travaillent ensemble. Des cérémonies, des expositions, des colloques, des actions pédagogiques et culturelles nous réunissent souvent. Cela se faisait naturellement. Aujourd'hui, nous donnons à cette coopération sa forme juridique.
Mais nous ne faisons pas que cela : nous préparons aussi l'avenir. Nous nous donnons les moyens de mieux travailler ensemble, de renforcer nos initiatives communes et, surtout, d'inscrire nos actions dans la durée.
Transmettre la mémoire, perpétuer le souvenir des victimes, faire vivre les valeurs qui fondent notre République : c'est le sens de l'action publique et ce sont là des missions importantes du beau et grand ministère que vous servez.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 septembre 2010