Texte intégral
Monsieur le Chef d'Etat-major des Armées,
Monsieur le Directeur de Cabinet,
Monsieur le Délégué général pour l'Armement,
Messieurs les Chefs d'Etat-major d'Armées,
Monsieur le Chef du Contrôle général des Armées,
Madame, Messieurs les Directeurs,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs les chefs de corps,
Messieurs les officiers,
Mesdames, Messieurs,
Il y a trois ans, certains d'entre vous s'en souviennent peut-être, je vous avais présenté la réforme du ministère en vous demandant d'avoir à l'esprit deux idées simples :
- « Cette réforme, c'est la nôtre », « ce n'est pas celle de technocrates qui ne connaîtraient pas et n'aimeraient pas l'institution militaire ».
- « Avoir une armée moderne, efficace, opérationnelle (...) c'est notre responsabilité devant la Nation et devant les Français ».
A l'époque, je sais que certains restaient à convaincre. Et il en reste j'imagine un certain nombre à convaincre... Je n'oserais dire seulement quelques uns...
Aujourd'hui - et je n'aurais jamais dit cela il y a un an encore - à chacune de mes visites dans les forces, je suis frappé par la détermination avec laquelle vous conduisez notre mutation sur le terrain. A chacun de ces déplacements, je mesure à quel point vos efforts de pédagogie, de concertation et d'explication contribuent à la sérénité et aux progrès des transformations engagées. Je sais ce qu'il vous en a coûté et ce qu'il en a coûté à la communauté de Défense. Je sais ce que nous vous devons, notamment pour tous ceux qui ont conduit la dissolution ou le transfert d'une unité ou porté l'expérimentation d'une base de défense. J'ai le souvenir du général MARENGO, de l'EMF de Nantes, ou du colonel PINCET, de la BA de Colmar, et de leur détermination et de leur engagement.
Je sais aussi que cette réforme ne peut réussir qu'avec l'adhésion de tous. C'est pourquoi je vous suis tout particulièrement reconnaissant de veiller à ce que chaque personne concernée par les dissolutions ou les transferts d'unités soit accompagnée individuellement. C'est grâce à cela que l'an dernier, la quasi-totalité des personnels concernés ont été reclassés ou ont trouvé une affectation. Et je souhaite saluer tout particulièrement ceux qui ont oeuvré pour cela.
Dans cette démarche de modernisation, il n'y a pas de petites ou de grandes tâches. L'engagement au service de la réforme, c'est l'engagement dont les Armées font preuve dans chacune de leurs missions exigeantes.
Et en regardant le chemin parcouru depuis trois ans, je crois que nous pouvons être fiers de ce que nous avons réalisé ensemble.
Des jalons essentiels ont été franchis dans la mise en oeuvre de cette mutation sans précédent.
Nous avons renforcé la cohésion de l'échelon central du ministère, avec la mise en place du comité exécutif et du comité ministériel d'investissement, que je préside, et avec la publication en 2009 de nouveaux décrets d'organisation renforçant l'autorité du CEMA et clarifiant les responsabilités des grands subordonnés (première loi de programmation construite top-down à la place de bottom-up ). + Balard
Nous avons profondément réaménagé la carte de nos implantations. Après les 27 fermetures ou transferts réalisés en 2009, plus de 100 unités sont cette année concernées par les restructurations. Nous ne pouvions pas rester sur 471 communes d'implantation !
Nous avons rationalisé le maintien en condition opérationnelle de nos équipements et mutualisé les soutiens, notamment avec la mise en place en 2009 de la chaîne interarmées du soutien et la fusion début 2010 des directions des trois commissariats.
Cet effort de rationalisation et de réorganisation nous a permis de réinvestir les économies dégagées « au profit de l'outil de défense et de ceux qui le servent », conformément aux engagements du Président de la République - arbitrage exceptionnel du Président de la République.
Vous connaissez les chiffres en matière d'amélioration de la condition du personnel civil et militaire. Sur la période 2008-2010, nous y avons consacré 285 millions d'euros et nous poursuivrons cet effort en 2011, avec plus de 100 millions d'euros.
Vous connaissez également les chiffres en matière d'équipement des forces. La loi de programmation militaire y consacre une moyenne de 17 milliards par an contre 15 milliards lors de la précédente LPM.
Concrètement, en 2010, chacune de vos armées a reçu des matériels majeurs :
- Je pense aux 2 frégates anti aériennes horizon admises au service actif cet automne, comme le Forbin.
- Je pense aux 11 Rafale supplémentaires livrés cette année et au nouveau système de défense sol-air moyenne portée, livré en septembre sur la BA de Luxeuil.
- Je pense aussi à des matériels de l'Armée de Terre, comme les 90 VBCI, qui ont permis d'achever l'équipement du 92e RI de Clermont et du 35e RI de Belfort et d'entamer l'équipement du 1er Régiment de Tirailleurs d'Epinal, au Félin, qui équipera à l'automne le 1er RI de Sarrebourg, ou encore au PVP.
Car notre engagement en Afghanistan nous le montre, de même que la crise des otages au Sahel, qui mobilise une grande partie de notre parc disponible d'avions de transport tactique et de nos Atlantique 2 : au-delà des grands programmes à effets majeurs de la défense anti-missiles, nous avons aussi besoin de moyens d'aéromobilité, de projection et d'intervention très classiques.
Ces matériels, nous les adaptons d'ailleurs en permanence aux besoins des forces déployées sur le théâtre. Cette année, grâce aux 103 millions d'euros consacrés à la procédure d'acquisition en urgence opérationnelle, l'armée de terre a ainsi pu se doter du système de veille optronique, du radar de surveillance du sol, de l'alerteur terrestre contre les tirs indirects ou encore du système ROVER.
Mesdames, Messieurs,
Nous devons aussi être conscients que le plus dur reste à faire.
Les fondations de notre réforme sont en place. Il faut maintenant construire l'édifice. Je pense bien sûr à la poursuite de la réorganisation de la carte de nos implantations, à la généralisation des Bases de Défense ou encore au projet Balard.
Je pense aussi, dans un autre domaine, à la réforme de l'OTAN, que je réclamais avec le Royaume-Uni depuis 3 ans et que nous devons mener à son terme, soutenus désormais pas les Américains. Je souhaite que le Sommet de Lisbonne nous permette de prendre ensemble les décisions indispensables pour atteindre nos objectifs :
- Alléger et moderniser les structures de commandement ;
- Rationaliser les multiples agences de l'OTAN en les regroupant autour de trois grandes fonctions - acquisition, soutien, communications ;
- Mettre fin à la fuite en avant des budgets, en imposant une vraie gouvernance financière, une hiérarchisation de nos priorités et un plan de retour à l'équilibre.
Je pense enfin à la nouvelle relation que nous devons établir avec nos partenaires de l'Union européenne.
Vous le savez, les budgets de défense en Europe, déjà exsangues avant la crise financière, sont aujourd'hui soumis à des réductions drastiques, qui dépassent largement ce que nous connaissons en France. Pour le Royaume-Uni, c'est une baisse de 20% à 25% qui est envisagée. Pour l'Allemagne, ce sont 8 milliards d'euros de crédit en moins sur 4 ans (2011-2014).
D'ailleurs, permettez-moi une incidente, avec cette perspective, les Européens s'acheminent vers l'abdication de leurs responsabilités internationales. Ils tendent peu à peu à devenir un protectorat, avant d'être purement et simplement évincés du jeu des grandes puissances du XXIe siècle.
Face à cette tentation, nous avons appelé nos homologues européens à un sursaut politique. Car je suis convaincu que nous pouvons transformer ces contraintes en une opportunité pour rationaliser les efforts de défense européens.
C'est le sens des travaux que nous menons aujourd'hui avec Londres et Berlin pour identifier les capacités pour lesquelles nous pouvons accepter des interdépendances, celles que nous pouvons mutualiser et celles que nous voulons garder en toute souveraineté.
Au-delà de ces chantiers, notre grand défi pour 2011 est de faire vivre notre nouvelle organisation.
Faire vivre la réforme, c'est réussir la professionnalisation du soutien et assurer la qualité du service rendu.
Cela ne sera pas toujours facile.
Il n'est pas exagéré de dire que 2011 sera l'année de tous les dangers. Vous allez devoir oeuvrer dans un paysage complètement bouleversé, avec la généralisation des Bases de Défense au niveau local et avec la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés au niveau régional.
- Je vous demande d'aborder ces changements avec un sens critique positif qui permettra l'amélioration, car même après deux ans d'expérimentation, nous aurons besoin d'ajustements.
- Il vous faudra aussi assurer la circulation de l'information et diffuser les bonnes pratiques. Nous avons trop à faire pour nous perdre en de stériles querelles de chapelle. C'est pourquoi je vous demande de refuser l'esprit de système et de prendre en compte les réalités du terrain. C'est une condition indispensable du succès.
Au-delà des difficultés naturelles de mise en oeuvre de la réforme, ne sous-estimons pas le sentiment de perte de repères que risque d'éprouver le personnel placé sous votre autorité. Je compte sur vous pour écouter, dialoguer et donner du sens à la tâche de chacun. Vous devrez convaincre que rejoindre un groupement de soutien, ce n'est pas perdre ses traditions et son identité d'armée. C'est prendre part à une nouvelle construction que nous devons réussir collectivement.
C'est pourquoi je vous demande aussi de faire vivre le dispositif de concertation dont vous disposez. Ne vous y trompez pas : le dialogue social avec le personnel civil et la concertation avec le personnel militaire, que ce soit avec les membres des CFM ou avec les présidents de catégorie, ce n'est pas un obstacle. C'est au contraire un instrument qui renforce l'exercice de vos responsabilités de commandement. Utilisez-le.
Concernant le personnel civil, le dialogue social est d'autant plus nécessaire que les Bases de Défense doivent à terme accueillir plus de 10 000 civils sur des postes non projetables. A cet égard, en 2011, 50 postes de responsabilités leurs seront confiés dans les groupements de soutien des bases de défense. Si les discussions en cours sur la mobilité aboutissent, ce chiffre sera porté à une centaine en 2013, soit un quart des postes.
Je sais que certains d'entre vous doutent encore que nous ayons les moyens humains et financiers de conduire la réforme. C'est vrai en particulier dans le domaine des infrastructures, où il y a eu cette année quelques situations difficiles. J'ai décidé de maintenir un flux d'au moins 1,2 milliards d'euros par an pour faire face à l'ensemble de nos besoins. C'est une responsabilité que le Service d'Infrastructure de la Défense (SID) aura à coeur d'assumer pleinement.
Faire vivre la réforme, c'est aussi s'inscrire dans une logique de performance.
Notre défi, c'est de rester une puissance militaire de premier rang. C'est une décision forte qui a été prise par le Président de la République et confirmée par les budgets successifs depuis 2007, y compris pour les années à venir.
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres.
- Certes, la Défense contribue à la maîtrise des dépenses publiques, puisqu'il a été décidé de réduire ses dotations budgétaires d'un montant cumulé de 3,6 milliards sur la période 2011-2013, soit 3,7% des 95 milliards prévus par la LPM.
- Elle demeure néanmoins une priorité de l'Etat car son budget passera de 30,150 milliards d'euros en 2011 à 30,5 milliards en 2012 et à 31 milliards en 2013, soit une progression de ses dotations de 3% en valeur, alors que l'ensemble des dépenses de l'Etat est stable en valeur sur cette période et que de nombreux ministères voient leurs crédits baisser.
- A ces crédits s'ajouteront des recettes exceptionnelles, pour un montant supérieur de l'ordre de 2,3 milliards à ce qui était prévu en LPM pour les années 2011-2013. Et ce n'est pas de la monnaie de singe ! Après prise en compte de ces perspectives de recettes exceptionnelles, la baisse nette de crédits sur le budget triennal s'établira donc autour de 1,3 milliard (3,6 - 2,3).
Au regard de l'excellente exécution de l'année 2009 (18 milliards consommés pour l'équipement), un ajustement d'un montant net de 1,3 milliards sur trois ans ne constitue pas un bouleversement des paramètres financiers de la LPM, surtout que le surcoût des opérations extérieures est pris en charge par des crédits interministériels, sans ponction sur les crédits d'équipement de la Défense. Nous sommes très loin des réductions de crédits opérées sur la LPM 1997-2002 par exemple.
A plus long terme, si nous voulons conserver nos capacités opérationnelles, en termes d'effectifs comme en termes d'équipement, nous n'avons pas d'autre solution que de réduire nos coûts de structure. C'est notre responsabilité collective et individuelle de nous interroger, au-delà de la force de l'habitude, sur le bien fondé de nos organisations. Chaque euro consenti pour notre défense doit être un euro bien dépensé (1,7 milliards d'euros d'économies en 2013).
Les externalisations sont l'un des domaines que nous devons explorer avec pragmatisme. Ma doctrine est claire. Nous externaliserons si et uniquement si, sur la base d'une expertise indépendante, nous avons la certitude qu'un prestataire privé peut faire mieux pour moins cher, tout en offrant des solutions de reclassement attractives à nos personnels qui le souhaitent.
C'est dans cet esprit que je viens d'approuver la notification de deux contrats : l'un concernant 11 restaurants, et l'autre concernant des prestations « multiservices » au bénéfice de la base de Creil.
Mais pour que tous les scenarios soient étudiés et comparés, j'ai demandé, en accord avec les organisations syndicales, qu'une expérience de régie rationalisée soit testée parallèlement à cette première externalisation. Quatre sites seront donc analysés, avec comme idée d'obtenir peu ou prou la même réduction de coût que l'externalisation, soit environ 20%.
Je ne me résous pas à l'idée que nous ne puissions pas faire les mêmes prix en interne qu'en externe. Pour moi, le secteur public peut être aussi performant que le privé.
Par ailleurs, dans le domaine de l'habillement, j'attends dans les prochains mois les résultats d'une consultation sur l'approvisionnement, le stockage et la distribution des effets non stratégiques.
Enfin, j'ai demandé que le ministère étudie sérieusement les offres spontanées issues des entreprises privées, notamment dans le contexte nouveau créé par la mise en place du soutien par les bases de défense pour un service global.
De manière générale, en tant que véritables acteurs de la réforme, vous devez jouer tout votre rôle de force de proposition pour nous aider à dégager de nouvelles marges de manoeuvre. N'hésitez pas à faire partager vos idées sur les progrès que nous pourrions faire en matière d'organisation, mais aussi en matière de processus de décision. La discipline propre aux armées ne doit pas brider la créativité. En opérations au combat comme dans la vie de tous les jours, votre obéissance ne doit pas être de révérence et de soumission mais bien d'imagination et d'action.
Cet effort de maîtrise des coûts qui vous est demandé, il doit être partagé par tous, et notamment par nos industriels. Nous devons rester à la pointe de la technologie. Mais nous devons aussi répondre à l'ensemble des besoins d'équipement de nos armées. C'est pourquoi j'ai ouvert plusieurs chantiers de politique industrielle avec la DGA.
J'ai ainsi demandé que soit conduite une étude globale sur la filière missile. Cette étude doit nous permettre de préserver un socle de souveraineté et d'encourager le rapprochement entre les trois acteurs nationaux du secteur.
Je sais que la tâche est difficile, mais je suis profondément convaincu que cette démarche est indispensable. Les dirigeants de THALES et de SAFRAN le savent bien. Ils savent aussi que tôt ou tard, ils devront procéder à des rectifications de frontières. Ils nous ont demandé plus de temps pour trouver un terrain d'entente. C'est tout à fait respectable. Mais ce n'est pas au contribuable français de payer les duplications de leurs bureaux d'études. C'est pour cela que j'ai décidé il y a quelques mois de suspendre le financement de certaines études amont. Et je n'entends pas changer d'avis.
Nos efforts commencent à porter leurs fruits, comme en témoigne l'évolution en cours de la SNPE :
- Le projet industriel entre SNPE et SAFRAN visant à rationaliser le domaine stratégique de la propulsion solide est sur le point d'aboutir. Il garantira le maintien au meilleur niveau de compétences majeures pour la France.
- Par ailleurs, les activités stratégiques d'Eurenco seront pérennisées sur son site de Sorgues.
Et la finalité ultime de tous ces efforts, c'est de rendre nos armées toujours plus opérationnelles.
Nos armées ont vocation à être les premières bénéficiaires de la réforme. Dans un monde devenu plus instable et donc plus imprévisible, vous devez pouvoir vous concentrer sur la mission à laquelle vous ont préparé chacune des étapes de votre carrière, chacune de vos fonctions, en opérations, en soutien ou au sein des états-majors : la préparation et le commandement au combat.
C'est dans cet esprit que les bases de défense ont été conçues, pour alléger les tâches administratives des unités opérationnelles et leur permettre de se recentrer sur leur coeur de métier, et certainement pas pour les dupliquer. Je me doute bien que cela ne se fera pas du jour au lendemain. Mais il ne faut pas perdre de vue le sens premier de la réforme ni renoncer aux bénéfices attendus. S'il y a des dysfonctionnements, ne vous résignez pas, dites-le ! Protestez ! Je veillerai personnellement à ce que les mises au point et les corrections nécessaires soient faites.
Mesdames, Messieurs,
A travers les réformes engagées, la Défense est au premier rang de la modernisation de l'Etat.
Je suis confiant dans notre capacité à atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.
Je suis convaincu de la légitimité et de l'efficacité de cette réforme et je compte sur chacun et chacune d'entre vous pour continuer à donner le meilleur de lui-même au service de notre pays et de ses armées.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 4 octobre 2010
Monsieur le Directeur de Cabinet,
Monsieur le Délégué général pour l'Armement,
Messieurs les Chefs d'Etat-major d'Armées,
Monsieur le Chef du Contrôle général des Armées,
Madame, Messieurs les Directeurs,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs les chefs de corps,
Messieurs les officiers,
Mesdames, Messieurs,
Il y a trois ans, certains d'entre vous s'en souviennent peut-être, je vous avais présenté la réforme du ministère en vous demandant d'avoir à l'esprit deux idées simples :
- « Cette réforme, c'est la nôtre », « ce n'est pas celle de technocrates qui ne connaîtraient pas et n'aimeraient pas l'institution militaire ».
- « Avoir une armée moderne, efficace, opérationnelle (...) c'est notre responsabilité devant la Nation et devant les Français ».
A l'époque, je sais que certains restaient à convaincre. Et il en reste j'imagine un certain nombre à convaincre... Je n'oserais dire seulement quelques uns...
Aujourd'hui - et je n'aurais jamais dit cela il y a un an encore - à chacune de mes visites dans les forces, je suis frappé par la détermination avec laquelle vous conduisez notre mutation sur le terrain. A chacun de ces déplacements, je mesure à quel point vos efforts de pédagogie, de concertation et d'explication contribuent à la sérénité et aux progrès des transformations engagées. Je sais ce qu'il vous en a coûté et ce qu'il en a coûté à la communauté de Défense. Je sais ce que nous vous devons, notamment pour tous ceux qui ont conduit la dissolution ou le transfert d'une unité ou porté l'expérimentation d'une base de défense. J'ai le souvenir du général MARENGO, de l'EMF de Nantes, ou du colonel PINCET, de la BA de Colmar, et de leur détermination et de leur engagement.
Je sais aussi que cette réforme ne peut réussir qu'avec l'adhésion de tous. C'est pourquoi je vous suis tout particulièrement reconnaissant de veiller à ce que chaque personne concernée par les dissolutions ou les transferts d'unités soit accompagnée individuellement. C'est grâce à cela que l'an dernier, la quasi-totalité des personnels concernés ont été reclassés ou ont trouvé une affectation. Et je souhaite saluer tout particulièrement ceux qui ont oeuvré pour cela.
Dans cette démarche de modernisation, il n'y a pas de petites ou de grandes tâches. L'engagement au service de la réforme, c'est l'engagement dont les Armées font preuve dans chacune de leurs missions exigeantes.
Et en regardant le chemin parcouru depuis trois ans, je crois que nous pouvons être fiers de ce que nous avons réalisé ensemble.
Des jalons essentiels ont été franchis dans la mise en oeuvre de cette mutation sans précédent.
Nous avons renforcé la cohésion de l'échelon central du ministère, avec la mise en place du comité exécutif et du comité ministériel d'investissement, que je préside, et avec la publication en 2009 de nouveaux décrets d'organisation renforçant l'autorité du CEMA et clarifiant les responsabilités des grands subordonnés (première loi de programmation construite top-down à la place de bottom-up ). + Balard
Nous avons profondément réaménagé la carte de nos implantations. Après les 27 fermetures ou transferts réalisés en 2009, plus de 100 unités sont cette année concernées par les restructurations. Nous ne pouvions pas rester sur 471 communes d'implantation !
Nous avons rationalisé le maintien en condition opérationnelle de nos équipements et mutualisé les soutiens, notamment avec la mise en place en 2009 de la chaîne interarmées du soutien et la fusion début 2010 des directions des trois commissariats.
Cet effort de rationalisation et de réorganisation nous a permis de réinvestir les économies dégagées « au profit de l'outil de défense et de ceux qui le servent », conformément aux engagements du Président de la République - arbitrage exceptionnel du Président de la République.
Vous connaissez les chiffres en matière d'amélioration de la condition du personnel civil et militaire. Sur la période 2008-2010, nous y avons consacré 285 millions d'euros et nous poursuivrons cet effort en 2011, avec plus de 100 millions d'euros.
Vous connaissez également les chiffres en matière d'équipement des forces. La loi de programmation militaire y consacre une moyenne de 17 milliards par an contre 15 milliards lors de la précédente LPM.
Concrètement, en 2010, chacune de vos armées a reçu des matériels majeurs :
- Je pense aux 2 frégates anti aériennes horizon admises au service actif cet automne, comme le Forbin.
- Je pense aux 11 Rafale supplémentaires livrés cette année et au nouveau système de défense sol-air moyenne portée, livré en septembre sur la BA de Luxeuil.
- Je pense aussi à des matériels de l'Armée de Terre, comme les 90 VBCI, qui ont permis d'achever l'équipement du 92e RI de Clermont et du 35e RI de Belfort et d'entamer l'équipement du 1er Régiment de Tirailleurs d'Epinal, au Félin, qui équipera à l'automne le 1er RI de Sarrebourg, ou encore au PVP.
Car notre engagement en Afghanistan nous le montre, de même que la crise des otages au Sahel, qui mobilise une grande partie de notre parc disponible d'avions de transport tactique et de nos Atlantique 2 : au-delà des grands programmes à effets majeurs de la défense anti-missiles, nous avons aussi besoin de moyens d'aéromobilité, de projection et d'intervention très classiques.
Ces matériels, nous les adaptons d'ailleurs en permanence aux besoins des forces déployées sur le théâtre. Cette année, grâce aux 103 millions d'euros consacrés à la procédure d'acquisition en urgence opérationnelle, l'armée de terre a ainsi pu se doter du système de veille optronique, du radar de surveillance du sol, de l'alerteur terrestre contre les tirs indirects ou encore du système ROVER.
Mesdames, Messieurs,
Nous devons aussi être conscients que le plus dur reste à faire.
Les fondations de notre réforme sont en place. Il faut maintenant construire l'édifice. Je pense bien sûr à la poursuite de la réorganisation de la carte de nos implantations, à la généralisation des Bases de Défense ou encore au projet Balard.
Je pense aussi, dans un autre domaine, à la réforme de l'OTAN, que je réclamais avec le Royaume-Uni depuis 3 ans et que nous devons mener à son terme, soutenus désormais pas les Américains. Je souhaite que le Sommet de Lisbonne nous permette de prendre ensemble les décisions indispensables pour atteindre nos objectifs :
- Alléger et moderniser les structures de commandement ;
- Rationaliser les multiples agences de l'OTAN en les regroupant autour de trois grandes fonctions - acquisition, soutien, communications ;
- Mettre fin à la fuite en avant des budgets, en imposant une vraie gouvernance financière, une hiérarchisation de nos priorités et un plan de retour à l'équilibre.
Je pense enfin à la nouvelle relation que nous devons établir avec nos partenaires de l'Union européenne.
Vous le savez, les budgets de défense en Europe, déjà exsangues avant la crise financière, sont aujourd'hui soumis à des réductions drastiques, qui dépassent largement ce que nous connaissons en France. Pour le Royaume-Uni, c'est une baisse de 20% à 25% qui est envisagée. Pour l'Allemagne, ce sont 8 milliards d'euros de crédit en moins sur 4 ans (2011-2014).
D'ailleurs, permettez-moi une incidente, avec cette perspective, les Européens s'acheminent vers l'abdication de leurs responsabilités internationales. Ils tendent peu à peu à devenir un protectorat, avant d'être purement et simplement évincés du jeu des grandes puissances du XXIe siècle.
Face à cette tentation, nous avons appelé nos homologues européens à un sursaut politique. Car je suis convaincu que nous pouvons transformer ces contraintes en une opportunité pour rationaliser les efforts de défense européens.
C'est le sens des travaux que nous menons aujourd'hui avec Londres et Berlin pour identifier les capacités pour lesquelles nous pouvons accepter des interdépendances, celles que nous pouvons mutualiser et celles que nous voulons garder en toute souveraineté.
Au-delà de ces chantiers, notre grand défi pour 2011 est de faire vivre notre nouvelle organisation.
Faire vivre la réforme, c'est réussir la professionnalisation du soutien et assurer la qualité du service rendu.
Cela ne sera pas toujours facile.
Il n'est pas exagéré de dire que 2011 sera l'année de tous les dangers. Vous allez devoir oeuvrer dans un paysage complètement bouleversé, avec la généralisation des Bases de Défense au niveau local et avec la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés au niveau régional.
- Je vous demande d'aborder ces changements avec un sens critique positif qui permettra l'amélioration, car même après deux ans d'expérimentation, nous aurons besoin d'ajustements.
- Il vous faudra aussi assurer la circulation de l'information et diffuser les bonnes pratiques. Nous avons trop à faire pour nous perdre en de stériles querelles de chapelle. C'est pourquoi je vous demande de refuser l'esprit de système et de prendre en compte les réalités du terrain. C'est une condition indispensable du succès.
Au-delà des difficultés naturelles de mise en oeuvre de la réforme, ne sous-estimons pas le sentiment de perte de repères que risque d'éprouver le personnel placé sous votre autorité. Je compte sur vous pour écouter, dialoguer et donner du sens à la tâche de chacun. Vous devrez convaincre que rejoindre un groupement de soutien, ce n'est pas perdre ses traditions et son identité d'armée. C'est prendre part à une nouvelle construction que nous devons réussir collectivement.
C'est pourquoi je vous demande aussi de faire vivre le dispositif de concertation dont vous disposez. Ne vous y trompez pas : le dialogue social avec le personnel civil et la concertation avec le personnel militaire, que ce soit avec les membres des CFM ou avec les présidents de catégorie, ce n'est pas un obstacle. C'est au contraire un instrument qui renforce l'exercice de vos responsabilités de commandement. Utilisez-le.
Concernant le personnel civil, le dialogue social est d'autant plus nécessaire que les Bases de Défense doivent à terme accueillir plus de 10 000 civils sur des postes non projetables. A cet égard, en 2011, 50 postes de responsabilités leurs seront confiés dans les groupements de soutien des bases de défense. Si les discussions en cours sur la mobilité aboutissent, ce chiffre sera porté à une centaine en 2013, soit un quart des postes.
Je sais que certains d'entre vous doutent encore que nous ayons les moyens humains et financiers de conduire la réforme. C'est vrai en particulier dans le domaine des infrastructures, où il y a eu cette année quelques situations difficiles. J'ai décidé de maintenir un flux d'au moins 1,2 milliards d'euros par an pour faire face à l'ensemble de nos besoins. C'est une responsabilité que le Service d'Infrastructure de la Défense (SID) aura à coeur d'assumer pleinement.
Faire vivre la réforme, c'est aussi s'inscrire dans une logique de performance.
Notre défi, c'est de rester une puissance militaire de premier rang. C'est une décision forte qui a été prise par le Président de la République et confirmée par les budgets successifs depuis 2007, y compris pour les années à venir.
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres.
- Certes, la Défense contribue à la maîtrise des dépenses publiques, puisqu'il a été décidé de réduire ses dotations budgétaires d'un montant cumulé de 3,6 milliards sur la période 2011-2013, soit 3,7% des 95 milliards prévus par la LPM.
- Elle demeure néanmoins une priorité de l'Etat car son budget passera de 30,150 milliards d'euros en 2011 à 30,5 milliards en 2012 et à 31 milliards en 2013, soit une progression de ses dotations de 3% en valeur, alors que l'ensemble des dépenses de l'Etat est stable en valeur sur cette période et que de nombreux ministères voient leurs crédits baisser.
- A ces crédits s'ajouteront des recettes exceptionnelles, pour un montant supérieur de l'ordre de 2,3 milliards à ce qui était prévu en LPM pour les années 2011-2013. Et ce n'est pas de la monnaie de singe ! Après prise en compte de ces perspectives de recettes exceptionnelles, la baisse nette de crédits sur le budget triennal s'établira donc autour de 1,3 milliard (3,6 - 2,3).
Au regard de l'excellente exécution de l'année 2009 (18 milliards consommés pour l'équipement), un ajustement d'un montant net de 1,3 milliards sur trois ans ne constitue pas un bouleversement des paramètres financiers de la LPM, surtout que le surcoût des opérations extérieures est pris en charge par des crédits interministériels, sans ponction sur les crédits d'équipement de la Défense. Nous sommes très loin des réductions de crédits opérées sur la LPM 1997-2002 par exemple.
A plus long terme, si nous voulons conserver nos capacités opérationnelles, en termes d'effectifs comme en termes d'équipement, nous n'avons pas d'autre solution que de réduire nos coûts de structure. C'est notre responsabilité collective et individuelle de nous interroger, au-delà de la force de l'habitude, sur le bien fondé de nos organisations. Chaque euro consenti pour notre défense doit être un euro bien dépensé (1,7 milliards d'euros d'économies en 2013).
Les externalisations sont l'un des domaines que nous devons explorer avec pragmatisme. Ma doctrine est claire. Nous externaliserons si et uniquement si, sur la base d'une expertise indépendante, nous avons la certitude qu'un prestataire privé peut faire mieux pour moins cher, tout en offrant des solutions de reclassement attractives à nos personnels qui le souhaitent.
C'est dans cet esprit que je viens d'approuver la notification de deux contrats : l'un concernant 11 restaurants, et l'autre concernant des prestations « multiservices » au bénéfice de la base de Creil.
Mais pour que tous les scenarios soient étudiés et comparés, j'ai demandé, en accord avec les organisations syndicales, qu'une expérience de régie rationalisée soit testée parallèlement à cette première externalisation. Quatre sites seront donc analysés, avec comme idée d'obtenir peu ou prou la même réduction de coût que l'externalisation, soit environ 20%.
Je ne me résous pas à l'idée que nous ne puissions pas faire les mêmes prix en interne qu'en externe. Pour moi, le secteur public peut être aussi performant que le privé.
Par ailleurs, dans le domaine de l'habillement, j'attends dans les prochains mois les résultats d'une consultation sur l'approvisionnement, le stockage et la distribution des effets non stratégiques.
Enfin, j'ai demandé que le ministère étudie sérieusement les offres spontanées issues des entreprises privées, notamment dans le contexte nouveau créé par la mise en place du soutien par les bases de défense pour un service global.
De manière générale, en tant que véritables acteurs de la réforme, vous devez jouer tout votre rôle de force de proposition pour nous aider à dégager de nouvelles marges de manoeuvre. N'hésitez pas à faire partager vos idées sur les progrès que nous pourrions faire en matière d'organisation, mais aussi en matière de processus de décision. La discipline propre aux armées ne doit pas brider la créativité. En opérations au combat comme dans la vie de tous les jours, votre obéissance ne doit pas être de révérence et de soumission mais bien d'imagination et d'action.
Cet effort de maîtrise des coûts qui vous est demandé, il doit être partagé par tous, et notamment par nos industriels. Nous devons rester à la pointe de la technologie. Mais nous devons aussi répondre à l'ensemble des besoins d'équipement de nos armées. C'est pourquoi j'ai ouvert plusieurs chantiers de politique industrielle avec la DGA.
J'ai ainsi demandé que soit conduite une étude globale sur la filière missile. Cette étude doit nous permettre de préserver un socle de souveraineté et d'encourager le rapprochement entre les trois acteurs nationaux du secteur.
Je sais que la tâche est difficile, mais je suis profondément convaincu que cette démarche est indispensable. Les dirigeants de THALES et de SAFRAN le savent bien. Ils savent aussi que tôt ou tard, ils devront procéder à des rectifications de frontières. Ils nous ont demandé plus de temps pour trouver un terrain d'entente. C'est tout à fait respectable. Mais ce n'est pas au contribuable français de payer les duplications de leurs bureaux d'études. C'est pour cela que j'ai décidé il y a quelques mois de suspendre le financement de certaines études amont. Et je n'entends pas changer d'avis.
Nos efforts commencent à porter leurs fruits, comme en témoigne l'évolution en cours de la SNPE :
- Le projet industriel entre SNPE et SAFRAN visant à rationaliser le domaine stratégique de la propulsion solide est sur le point d'aboutir. Il garantira le maintien au meilleur niveau de compétences majeures pour la France.
- Par ailleurs, les activités stratégiques d'Eurenco seront pérennisées sur son site de Sorgues.
Et la finalité ultime de tous ces efforts, c'est de rendre nos armées toujours plus opérationnelles.
Nos armées ont vocation à être les premières bénéficiaires de la réforme. Dans un monde devenu plus instable et donc plus imprévisible, vous devez pouvoir vous concentrer sur la mission à laquelle vous ont préparé chacune des étapes de votre carrière, chacune de vos fonctions, en opérations, en soutien ou au sein des états-majors : la préparation et le commandement au combat.
C'est dans cet esprit que les bases de défense ont été conçues, pour alléger les tâches administratives des unités opérationnelles et leur permettre de se recentrer sur leur coeur de métier, et certainement pas pour les dupliquer. Je me doute bien que cela ne se fera pas du jour au lendemain. Mais il ne faut pas perdre de vue le sens premier de la réforme ni renoncer aux bénéfices attendus. S'il y a des dysfonctionnements, ne vous résignez pas, dites-le ! Protestez ! Je veillerai personnellement à ce que les mises au point et les corrections nécessaires soient faites.
Mesdames, Messieurs,
A travers les réformes engagées, la Défense est au premier rang de la modernisation de l'Etat.
Je suis confiant dans notre capacité à atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.
Je suis convaincu de la légitimité et de l'efficacité de cette réforme et je compte sur chacun et chacune d'entre vous pour continuer à donner le meilleur de lui-même au service de notre pays et de ses armées.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 4 octobre 2010