Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à la prospective et au développement de l'économie numérique, sur l'implication des entreprises dans l'aide aux aidants, le développement des gérontechnologies et l'amélioration de la prise en charge professionnelle à domicile, à Paris le 6 octobre 2010.

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Circonstance : Colloque de lancement de la première "Journée nationale des aidants", UICP Espaces Congrès, à Paris le 6 octobre 2010

Texte intégral

Je suis heureuse d'intervenir à la fin d'une journée aussi riche en témoignages et en débats. Je voudrais d'abord me réjouir de la tenue de cette journée qui contribue à la reconnaissance du rôle des aidants et vous dire combien je suis heureuse de voir émerger votre voix, la voix des aidants, dans le débat actuel sur la réforme du financement de la dépendance.
Je voudrais vous proposer ici quelques pistes de réflexion, largement issues des travaux réalisés au Centre d'analyse stratégique, qui m'a remis le 6 juillet 2010 le rapport « Vivre ensemble plus longtemps ».
La première piste concerne l'implication des entreprises dans l'aide aux aidants.
La seconde concerne le développement des gérontechnologies.
La troisième concerne l'amélioration de la prise en charge professionnelle à domicile.
L'implication des entreprises, d'abord. Comment aider les aidants à mieux « concilier » leurs impératifs professionnels et leurs impératifs familiaux ? D'habitude on pose cette question en pensant aux femmes, lorsqu'elles sont mères de jeunes enfants.
La dépendance nous oblige à penser aussi aux hommes : malgré les idées reçues, il y a beaucoup de fils engagés dans la prise en charge de leurs parents âgés, surtout lorsqu'ils sont fils uniques, mais pas seulement !
Aux états-Unis, les grandes entreprises ont déjà pris la mesure du problème. Elles proposent des programmes de soutien, diffusent l'information, proposent des formations...
Ne devraient-elles pas aller jusqu'à proposer des assouplissements d'horaires, des temps partiels provisoires, des formules de télétravail... ?
Mais beaucoup d'aidants sont retraités : il faudra inventer d'autres relais que l'entreprise pour les toucher.
Deuxième piste, le développement des gérontechnologies, au service des personnes dépendantes elles-mêmes, de leurs aidants familiaux et de leurs aidants professionnels.
Au secrétariat d'état à la prospective et au développement de l'économie numérique, j'ai souhaité favoriser le développement du secteur des gérontechnologies.
Tablettes interactives pour les seniors, portail proxima mobile : ces initiatives parmi d'autres montrent ce que peuvent apporter les nouvelles technologies à la fois en termes de compensation technique des handicaps pour éviter l'entrée en dépendance, en termes d'information des aidants pour rompre leur isolement et en termes de soutien aux professions sanitaires et sociales (e-santé).
L'expérience des aidants sera ici d'une grande utilité. Non seulement celle des aidants familiaux, mais aussi celle des aidants professionnels, dont la compétence n'est pas toujours reconnue à sa juste valeur.
Il n'est pas question de développer ces technologies simplement parce qu'elles existent, mais bien plutôt d'aider les concepteurs à prendre en compte l'expérience et les besoins des usagers potentiels et de développer leurs débouchés à l'aide de dotations et de prestations spécifiques.
Les aidants familiaux sont souvent démunis devant la situation de leur proche. Les nouvelles technologies de l'information ont toute leur place dans la rupture de l'isolement. Certaines initiatives se mettent en place. Je les suis avec attention.
Les plus intéressantes sont construites en commun par des aidants familiaux et des aidants professionnels.
Troisième piste, l'amélioration des services à domicile destinés aux personnes dépendantes.
Il s'agit là d'un des principaux enjeux des politiques à venir. Le chantier est vaste.
Plusieurs principes peuvent nous guider.
D'abord, une meilleure reconnaissance des compétences acquises par les aidants à domicile. Il faudra peut-être repenser le périmètre de compétence des auxiliaires de vie sociale.
Ensuite, une attention particulière aux inégalités territoriales. Certes, les Conseils généraux souhaitent imprimer leur marque aux politiques de l'aide aux personnes dépendantes, et c'est bien légitime. Mais cela ne doit pas conduire à des inégalités de traitement selon le département de résidence de la personne dépendante.
Enfin, l'amélioration de la coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social.
Parmi les initiatives déjà prises dans ce sens, deux me semblent particulièrement prometteuses :
- La création, au sein de certains hôpitaux, d'équipes mobiles de gériatrie, composées de médecins et d'assistantes sociales, chargées de mettre en place les solutions de retour à domicile ou de placement en établissement dans les moments de crise (chutes, recours aux urgences...)
- Le développement de liens privilégiés entre des services d'intervention à domicile et des établissements spécialisés (type EHPAD).
- Créer des passerelles entre le domicile et l'institution, c'est éviter, pour les personnes dépendantes, la rupture que constitue un placement, trop souvent envisagé comme définitif.
- C'est aussi, pour les professionnels, favoriser l'émergence de véritables carrières et penser l'alternance entre domicile et établissement.
Il ne faut jamais perdre de vue, au-delà des solutions techniques et organisationnelles, que les aidants familiaux se posent deux questions lancinantes à propos de celui ou de celle qu'ils aident à survivre au quotidien :
Que faire si son état s'aggrave ?
Que deviendra-t-il, que deviendra-t-elle si je disparais, si je tombe malade, si je ne suis plus capable de l'aider ?
Il revient à la puissance publique de les aider à répondre à ces questions.
Mieux prendre en charge les dépendances les plus lourdes, c'est non seulement aider les aidants en détresse, c'est aussi rassurer les aidants confrontés à des situations moins graves sur l'avenir de celui ou de celle qu'ils aident.
Mieux prendre en charge les dépendances plus légères, c'est anticiper les crises et éviter leurs conséquences les plus graves, c'est prévenir la dégradation et favoriser l'amélioration de l'état de santé des personnes fragiles.
Pour terminer, je voudrais vous faire part de mon optimisme.
Certes, du point de vue démographique, l'allongement de l'espérance de vie sans incapacité est, fondamentalement, une bonne nouvelle.
Mais c'est surtout la mobilisation des aidants qui me rend optimiste. Celle des aidants familiaux et celle des aidants professionnels. Cette mobilisation pourra contribuer à faire bouger les lignes. Votre mobilisation. Vos expériences. Vos souffrances. Votre énergie. Je vous remercie d'être là.Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 7 octobre 2010