Texte intégral
Messieurs les ministres, (L.Ferry et J.P Jouyet),
Monsieur le Directeur général
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'ouvrir cette journée de débats et de réflexion.
Le colloque qui nous rassemble aujourd'hui a toutes les raisons d'être stimulant, instructif et fructueux, si l'on en juge par la qualité des intervenants.
Je voudrais tout d'abord remercier le Centre d'analyse stratégique et son directeur général, Vincent Chriqui, d'avoir organisé cette rencontre en présence de quelques-uns des meilleurs spécialistes. L'aide de son directeur général adjoint, Pierre-François MOURIER a été précieuse, je tiens à lui rendre hommage.
Merci également à Olivier PASSET et au département des affaires économiques et financières du CAS.
Je sais que leur concours fut essentiel pour préparer les débats, définir les enjeux et solliciter la présence des nombreux intervenants.
Et je rends bien sûr hommage à tous ceux ayant accepté de livrer aujourd'hui leurs réflexions et les résultats de leurs dernières recherches.
Deux ans déjà se sont écoulés depuis la faillite de la banque Lehman Brothers.
Deux années au cours desquelles la France et l'ensemble des pays européens ont subi de plein fouet les répercussions d'une crise sans équivalent depuis la grande dépression des années 30.
A l'heure où nous parlons, un certain optimisme a traversé l'Atlantique, quittant les rives d'une Amérique faiblissante pour celles d'une Europe qui semble avoir regagné un certain tonus.
Dans la zone euro, la croissance a en effet atteint 1% au deuxième trimestre, stimulée par le rebond allemand et la bonne résistance française, belge ou encore néerlandaise.
Les grandes entreprises, quant à elles, ont retrouvé des couleurs.
Tirés par le redémarrage vigoureux des pays émergents, nos grands groupes européens ont abondamment rempli leurs carnets de commande.
Et ils peuvent se féliciter d'une impressionnante croissance de leurs bénéfices au cours des deux derniers trimestres.
Pour autant, bien des interrogations subsistent, moins en raison des divergences de diagnostic qui pourraient opposer les experts, qu'au regard des grandes incertitudes qui entourent cette sortie de crise.
Incertitude concernant la santé du système bancaire international : si nous devons nous réjouir des résultats obtenus au « Stress test » par la plupart des banques européennes, le niveau des créances douteuses reste mal connu.
Incertitude sur la soutenabilité des finances publiques. La Grèce a échappé de justesse à un défaut de paiement ; pourra-elle soutenir dans la durée les efforts imposés par les marchés ?
Les autres pays lourdement endettés, je pense en particulier à l'Espagne, au Portugal, à l'Irlande mais aussi à la Grande-Bretagne, parviendront-ils à garder la confiance des marchés ?
Les doutes existent également quant à la solidité de la reprise, car si la machine exportatrice allemande est repartie de plus belle, bien d'autres pays européens prolongent leur convalescence, à commencer par l'Italie et l'Espagne, sans parler de l'Irlande.
Toutes ces incertitudes sont partagées par les Européens eux-mêmes, guère enclins à nourrir un grand optimisme, comme vous le verrez dans l'étude qui vous sera présentée cet après-midi.
La reprise de l'emploi est avérée, il faut s'en réjouir, mais elle reste trop timide pour sortir du chômage les quelque 6 millions de citoyens de l'Union européenne qui ont perdu leur travail entre juillet 2007 et juillet 2010.
A cet égard, le FMI et l'Organisation mondiale du travail (OIT), qui se sont réunis à Oslo la semaine dernière, n'ont pas manqué de souligner le risque d'une reprise économique sans création massive d'emplois.
La véritable sortie de crise ne se fera pourtant qu'à cette condition. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que c'est de l'amélioration de l'emploi que dépendent en grande partie la consommation des ménages, les profits des entreprises (pas seulement celles du CAC 40), leurs investissements.
Et bien sûr de l'amélioration de nos comptes publics.
Pour cela, pas de secret, il nous faut dans la durée une croissance suffisamment forte. Or chaque pays européen, nous le savons, doit aujourd'hui trouver le dosage adéquat pour restaurer son équilibre budgétaire, stabiliser sa dette sans compromettre pour autant la reprise.
C'est indispensable si nous voulons reconstituer des marges de manoeuvre budgétaires, que ce soit pour faire face à une prochaine crise ou pour mener une politique d'investissement ambitieuse.
C'est aussi un impératif pour préserver la confiance des marchés et nous prémunir d'une forte remontée des taux d'intérêt qui rendrait alors les dettes publiques insoutenables.
La crise nous a également rappelé la nécessité d'établir de vrais instruments de prévention et de coordination économiques, au niveau européen.
De quel mécanisme avons-nous besoin pour affronter les crises ? Un fonds européen de stabilité financière a été mis en place au printemps dernier pour enrayer la défaillance de l'Etat grec. Mais cet instrument n'est pas voué pour l'instant à durer au-delà de 2013.
En revanche, depuis cet été, on peut espérer la mise en place de nouvelles autorités de surveillance financière européenne (respectivement pour la banque, l'assurance et les marchés) ; du jamais vu au niveau supranational.
Au-delà des instruments de politique économique, cette crise appelle bien évidemment des réponses de long terme. Le différentiel de croissance entre l'Europe et les pays émergents n'a fait que s'accroître depuis 2 ans.
Indépendamment de la crise, la stratégie de Lisbonne n'aura pas été un franc succès, c'est le moins que l'on puisse dire.
Loin d'être la première économie de la connaissance, notre continent s'est laissé distancer par les Etats-Unis mais aussi par les pays émergents s'agissant des secteurs les plus innovants.
Nous ne manquons pas d'atouts pour reconstruire une croissance solide et durable, créer des emplois en masse, restaurer notre compétitivité. Mais pour cela, il n'y a pas de secret : l'investissement, l'innovation tout comme l'éducation doivent être nos maîtres mots.
La France ne fait pas exception en la matière. Notre pays doit retrouver les parts de marché qu'elle a perdues depuis une dizaine d'années, en innovant bien sûr.
Mais aussi en donnant à ses PME les moyens de prendre tout leur essor, en simplifiant ses règles administratives et fiscales, en améliorant les performances de son système éducatif.
Autant de chantiers auxquels le Gouvernement se consacre d'arrache-pied. Grâce aux réformes engagées mais aussi au Grand emprunt qui va nous permettre d'investir dans les secteurs d'avenir (Les biotechnologies, les équipements et les contenus numériques, la croissance verte...)
Et qui va contribuer aussi au développement de nos universités.
Comme les autres nations européennes, nous devons donc relever le défi de la maîtrise des finances publiques.
Investir pour l'avenir est une chose, prendre l'habitude de vivre au-dessus de nos moyens en est une autre.
Par rapport à nos voisins, nous n'avons pas à rougir des efforts budgétaires déployés pour limiter les effets de la crise.
Nous n'avions guère le choix, et refuser d'enfreindre les règles du Pacte de stabilité eût été aussi aberrant que de laisser une maison brûler sans appeler les pompiers.
En revanche, lorsque la croissance est au rendez-vous, nous ne pouvons plus nous autoriser un niveau de dépenses publiques aussi élevé. La volonté politique est bien sûr indispensable en la matière. Pour autant, cette volonté peut parfois fluctuer au gré des majorités et des circonstances.
Il nous faut aller désormais plus loin dans cet effort de maîtrise des dépenses publiques et démontrer à nos partenaires que notre résolution ne durera pas le temps d'une saison.
D'où l'idée d'un garde-fou juridique. Un instrument de cette nature ne peut plus être considéré comme un trait exclusif de la rigueur allemande.
Pour résister au chant des sirènes de l'endettement excessif, nous allons nous aussi, comme Ulysse sur son navire, attacher nos lois budgétaires au mât du contrôle de constitutionnalité.
C'est un engagement important du Président de la République et je me réjouis que Michel Camdessus nous rejoigne cet après-midi, pour exposer les propositions de son rapport.
Vous l'aurez compris, les problèmes soulevés par cette crise et les solutions pour y remédier n'ont rien d'un exercice facile.
L'Europe est à un tournant de son histoire. Si le spectre de son déclin plane sur elle, il nous est heureusement possible de le conjurer.
Mais pour cela plus question de perdre du temps. La stratégie « Europe 2020 », adoptée le 17 juin dernier, ne doit pas être un nouveau florilège de bonnes résolutions laissées lettre morte.
Pour ma part je reste profondément optimiste. Notre continent a connu au cours du dernier siècle des épreuves d'une tout autre dureté. A chaque fois, l'Europe a su se relever, se reconstruire et bâtir un nouveau modèle de croissance.
Mais plus que par le passé sans doute, nous avons besoin d'unir nos forces, de coordonner nos politiques économiques, de mutualiser certains de nos efforts de recherche et d'innovation et de consolider nos instruments de régulation.
Je suis persuadée que cette journée de débats va nous permettre d'approfondir nos réflexions sur tous ces enjeux.
Je laisse maintenant la parole aux participants de la première table ronde.
Merci à vous.Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 6 octobre 2010
Monsieur le Directeur général
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'ouvrir cette journée de débats et de réflexion.
Le colloque qui nous rassemble aujourd'hui a toutes les raisons d'être stimulant, instructif et fructueux, si l'on en juge par la qualité des intervenants.
Je voudrais tout d'abord remercier le Centre d'analyse stratégique et son directeur général, Vincent Chriqui, d'avoir organisé cette rencontre en présence de quelques-uns des meilleurs spécialistes. L'aide de son directeur général adjoint, Pierre-François MOURIER a été précieuse, je tiens à lui rendre hommage.
Merci également à Olivier PASSET et au département des affaires économiques et financières du CAS.
Je sais que leur concours fut essentiel pour préparer les débats, définir les enjeux et solliciter la présence des nombreux intervenants.
Et je rends bien sûr hommage à tous ceux ayant accepté de livrer aujourd'hui leurs réflexions et les résultats de leurs dernières recherches.
Deux ans déjà se sont écoulés depuis la faillite de la banque Lehman Brothers.
Deux années au cours desquelles la France et l'ensemble des pays européens ont subi de plein fouet les répercussions d'une crise sans équivalent depuis la grande dépression des années 30.
A l'heure où nous parlons, un certain optimisme a traversé l'Atlantique, quittant les rives d'une Amérique faiblissante pour celles d'une Europe qui semble avoir regagné un certain tonus.
Dans la zone euro, la croissance a en effet atteint 1% au deuxième trimestre, stimulée par le rebond allemand et la bonne résistance française, belge ou encore néerlandaise.
Les grandes entreprises, quant à elles, ont retrouvé des couleurs.
Tirés par le redémarrage vigoureux des pays émergents, nos grands groupes européens ont abondamment rempli leurs carnets de commande.
Et ils peuvent se féliciter d'une impressionnante croissance de leurs bénéfices au cours des deux derniers trimestres.
Pour autant, bien des interrogations subsistent, moins en raison des divergences de diagnostic qui pourraient opposer les experts, qu'au regard des grandes incertitudes qui entourent cette sortie de crise.
Incertitude concernant la santé du système bancaire international : si nous devons nous réjouir des résultats obtenus au « Stress test » par la plupart des banques européennes, le niveau des créances douteuses reste mal connu.
Incertitude sur la soutenabilité des finances publiques. La Grèce a échappé de justesse à un défaut de paiement ; pourra-elle soutenir dans la durée les efforts imposés par les marchés ?
Les autres pays lourdement endettés, je pense en particulier à l'Espagne, au Portugal, à l'Irlande mais aussi à la Grande-Bretagne, parviendront-ils à garder la confiance des marchés ?
Les doutes existent également quant à la solidité de la reprise, car si la machine exportatrice allemande est repartie de plus belle, bien d'autres pays européens prolongent leur convalescence, à commencer par l'Italie et l'Espagne, sans parler de l'Irlande.
Toutes ces incertitudes sont partagées par les Européens eux-mêmes, guère enclins à nourrir un grand optimisme, comme vous le verrez dans l'étude qui vous sera présentée cet après-midi.
La reprise de l'emploi est avérée, il faut s'en réjouir, mais elle reste trop timide pour sortir du chômage les quelque 6 millions de citoyens de l'Union européenne qui ont perdu leur travail entre juillet 2007 et juillet 2010.
A cet égard, le FMI et l'Organisation mondiale du travail (OIT), qui se sont réunis à Oslo la semaine dernière, n'ont pas manqué de souligner le risque d'une reprise économique sans création massive d'emplois.
La véritable sortie de crise ne se fera pourtant qu'à cette condition. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que c'est de l'amélioration de l'emploi que dépendent en grande partie la consommation des ménages, les profits des entreprises (pas seulement celles du CAC 40), leurs investissements.
Et bien sûr de l'amélioration de nos comptes publics.
Pour cela, pas de secret, il nous faut dans la durée une croissance suffisamment forte. Or chaque pays européen, nous le savons, doit aujourd'hui trouver le dosage adéquat pour restaurer son équilibre budgétaire, stabiliser sa dette sans compromettre pour autant la reprise.
C'est indispensable si nous voulons reconstituer des marges de manoeuvre budgétaires, que ce soit pour faire face à une prochaine crise ou pour mener une politique d'investissement ambitieuse.
C'est aussi un impératif pour préserver la confiance des marchés et nous prémunir d'une forte remontée des taux d'intérêt qui rendrait alors les dettes publiques insoutenables.
La crise nous a également rappelé la nécessité d'établir de vrais instruments de prévention et de coordination économiques, au niveau européen.
De quel mécanisme avons-nous besoin pour affronter les crises ? Un fonds européen de stabilité financière a été mis en place au printemps dernier pour enrayer la défaillance de l'Etat grec. Mais cet instrument n'est pas voué pour l'instant à durer au-delà de 2013.
En revanche, depuis cet été, on peut espérer la mise en place de nouvelles autorités de surveillance financière européenne (respectivement pour la banque, l'assurance et les marchés) ; du jamais vu au niveau supranational.
Au-delà des instruments de politique économique, cette crise appelle bien évidemment des réponses de long terme. Le différentiel de croissance entre l'Europe et les pays émergents n'a fait que s'accroître depuis 2 ans.
Indépendamment de la crise, la stratégie de Lisbonne n'aura pas été un franc succès, c'est le moins que l'on puisse dire.
Loin d'être la première économie de la connaissance, notre continent s'est laissé distancer par les Etats-Unis mais aussi par les pays émergents s'agissant des secteurs les plus innovants.
Nous ne manquons pas d'atouts pour reconstruire une croissance solide et durable, créer des emplois en masse, restaurer notre compétitivité. Mais pour cela, il n'y a pas de secret : l'investissement, l'innovation tout comme l'éducation doivent être nos maîtres mots.
La France ne fait pas exception en la matière. Notre pays doit retrouver les parts de marché qu'elle a perdues depuis une dizaine d'années, en innovant bien sûr.
Mais aussi en donnant à ses PME les moyens de prendre tout leur essor, en simplifiant ses règles administratives et fiscales, en améliorant les performances de son système éducatif.
Autant de chantiers auxquels le Gouvernement se consacre d'arrache-pied. Grâce aux réformes engagées mais aussi au Grand emprunt qui va nous permettre d'investir dans les secteurs d'avenir (Les biotechnologies, les équipements et les contenus numériques, la croissance verte...)
Et qui va contribuer aussi au développement de nos universités.
Comme les autres nations européennes, nous devons donc relever le défi de la maîtrise des finances publiques.
Investir pour l'avenir est une chose, prendre l'habitude de vivre au-dessus de nos moyens en est une autre.
Par rapport à nos voisins, nous n'avons pas à rougir des efforts budgétaires déployés pour limiter les effets de la crise.
Nous n'avions guère le choix, et refuser d'enfreindre les règles du Pacte de stabilité eût été aussi aberrant que de laisser une maison brûler sans appeler les pompiers.
En revanche, lorsque la croissance est au rendez-vous, nous ne pouvons plus nous autoriser un niveau de dépenses publiques aussi élevé. La volonté politique est bien sûr indispensable en la matière. Pour autant, cette volonté peut parfois fluctuer au gré des majorités et des circonstances.
Il nous faut aller désormais plus loin dans cet effort de maîtrise des dépenses publiques et démontrer à nos partenaires que notre résolution ne durera pas le temps d'une saison.
D'où l'idée d'un garde-fou juridique. Un instrument de cette nature ne peut plus être considéré comme un trait exclusif de la rigueur allemande.
Pour résister au chant des sirènes de l'endettement excessif, nous allons nous aussi, comme Ulysse sur son navire, attacher nos lois budgétaires au mât du contrôle de constitutionnalité.
C'est un engagement important du Président de la République et je me réjouis que Michel Camdessus nous rejoigne cet après-midi, pour exposer les propositions de son rapport.
Vous l'aurez compris, les problèmes soulevés par cette crise et les solutions pour y remédier n'ont rien d'un exercice facile.
L'Europe est à un tournant de son histoire. Si le spectre de son déclin plane sur elle, il nous est heureusement possible de le conjurer.
Mais pour cela plus question de perdre du temps. La stratégie « Europe 2020 », adoptée le 17 juin dernier, ne doit pas être un nouveau florilège de bonnes résolutions laissées lettre morte.
Pour ma part je reste profondément optimiste. Notre continent a connu au cours du dernier siècle des épreuves d'une tout autre dureté. A chaque fois, l'Europe a su se relever, se reconstruire et bâtir un nouveau modèle de croissance.
Mais plus que par le passé sans doute, nous avons besoin d'unir nos forces, de coordonner nos politiques économiques, de mutualiser certains de nos efforts de recherche et d'innovation et de consolider nos instruments de régulation.
Je suis persuadée que cette journée de débats va nous permettre d'approfondir nos réflexions sur tous ces enjeux.
Je laisse maintenant la parole aux participants de la première table ronde.
Merci à vous.Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 6 octobre 2010