Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur le dialogue social avec les organisations syndicales représentatives des infirmiers anésthésistes, leur grève et les termes du protocole d'accord du 2 février concernant la formation et la rémunération, Paris le 6 octobre 2010.

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Circonstance : Rencontre avec le organisations syndicales au sujet des infirmaiers anesthésistes à Paris le 6 octobre 2010

Texte intégral

Les 5 organisations syndicales représentatives du personnel signataire du protocole d'accord du 2 février 2010 (FO, UNSA, CFTC, CFE-CGC, SNCH) viennent d'avoir leur 3ème réunion du comité de suivi de ce protocole. J'ai souhaité que pour le dernier point à l'ordre du jour, à savoir la prime pour les IADE, les 3 autres organisations syndicales représentatives du personnel (CGT, CFDT et SUD) soient associées, et j'ai tenu à être présente pour faire, avec vous tous, un point de la situation concernant cette profession. Depuis trois ans et demi, à la tête de ce ministère de la santé et des sports, j'ai toujours travaillé avec les 8 organisations syndicales de la fonction publique hospitalière. Car pour moi, c'est un principe de base que de travailler avec ces syndicats représentatifs, plutôt que de se disperser dans de multiples formes de représentation.
Je rappelle tout d'abord que les comités de suivi sont des réunions régulières qui s'ajoutent aux rencontres très fréquentes de mes collaborateurs, que ce soit au niveau de la DGOS comme au cabinet, avec les organisations syndicales et associations professionnelles, en amont et en aval de ce protocole. Par ailleurs, le groupe de travail sur le référentiel métier et la masteurisation du diplôme de IADE se poursuit.
J'ai tenu à être présente parmi vous aujourd'hui pour vous rappeler d'abord un principe fondamental : mes collaborateurs qui travaillent avec vous le font sous ma responsabilité. Ils me représentent devant vous, et me réfèrent vos demandes très fidèlement. C'est moi qui décide, c'est moi qui m'engage, comme je me suis engagée à plusieurs reprises. Au sujet des IADE, j'ai d'ailleurs pris, ces derniers mois, des engagements écrits à votre égard, ainsi que des engagements devant la représentation nationale.
Si l'on ne peut conduire un dialogue social en l'absence de la présence physique de la ministre, c'en est fini du dialogue social. Car vous le savez, il n'est ni possible ni souhaitable que je me substitue aux institutions en charge de ce dialogue continu avec vous, et avec chaque représentation professionnelle. De même qu'il n'est ni possible ni souhaitable que ces mêmes institutions, qui doivent être à l'écoute de l'ensemble des courants, négocient avec des groupements de professionnels les plus divers au même plan qu'avec des organisations syndicales, a fortiori des organisations syndicales représentatives du personnel comme le sont les vôtres.
Les règles du dialogue social sont des règles de fonctionnement de nos institutions, et nous avons tous intérêt de nous y conformer. Ces règles de travail commun, d'écoute, de négociation, respectueuses des personnes et des institutions, permettent des avancées durables et évitent les confrontations violentes. Les crispations, la violence que nous avons tous déplorées ne peuvent perdurer car elles ne construisent pas. Or je veux construire avec vous, et je veux aussi que les personnels se sentent pleinement entendus, reconnus, lorsque je m'adresse à vous, leurs organisations représentatives. Il est normal, il est même sain que parfois nous ayons des désaccords, et que ces désaccords s'expriment. Ceux-ci s'expriment notamment au travers du droit de grève.
Je tiens à le rappeler très fermement. Le droit de grève est une liberté fondamentale, consubstantiel à notre socle républicain. Ce droit de grève justifie la renégociation régulière des effectifs dits « minimaux en cas de grève » dans les services hospitaliers, même si ce n'est pas un exercice facile. Et je tiens à le dire ici : le droit de grève c'est aussi le devoir de répondre aux assignations. C'est une obligation absolue, pour les patients, les familles, et les autres professionnels - que chacun, dans nos établissements hospitaliers, est susceptible de mettre en danger. Je suis la ministre de la santé, je veillerai à ce que jamais les patients qui ont besoin de nous soient mis en danger, ou même inquiétés.
Je condamne les exactions de quelques éléments violents et les dégâts matériels que j'ai pu constater. Il me revient par ailleurs de certains établissements de santé des obstructions à l'assignation qui sont inadmissibles, et qui mettent en danger les patients. Quand on revendique l'exclusivité d'exercice, le premier devoir consiste à ne pas s'en servir pour prendre en otage les patients et les autres collègues. Je ne reconnais d'ailleurs pas les IADE dans ces mouvements sporadiques de contournement ou de désobéissance à ces règles élémentaires, les IADE qui choisissent ce métier par souci de continuité des soins, par souci de la santé et de la vie. C'est d'ailleurs aussi pour rappeler nos valeurs fondamentales qui sont celles du service continu au patient, mais aussi du travail collectif au service de ce patient, que je suis ici aujourd'hui, et je tiens à ce que les règles soient très clairement rappelées aux quelques agents qui, ici ou là, ont pu les oublier.
J'ai une très grande estime pour les IADE, j'ai une très grande estime pour l'ensemble des personnels qui permettent au quotidien à nos concitoyens d'être soignés. Je vais donc en venir aux sujets qui préoccupent, pour lesquels je souhaite, je le répète, un dialogue social constructif, sur des éléments précis. La non-information, la désinformation, la simplification outrancière, c'est facile. Travailler sur les vrais sujets, aller au fond des choses, revoir la maquette d'un diplôme par exemple, cela demande calme et expertise, écoute et respect des principes légitimement défendus, par exemple, par le monde universitaire. Mais je l'admets, il s'agit de sujets relativement complexes et nous devons encore mieux expliquer les changements à venir et rassurer les professionnels avec lesquels nous travaillons (je pense aux IADE, mais à leurs très nombreux collègues). C'est aussi dans ce souci d'explication continue que je me joins à vous aujourd'hui.
J'en viens donc à nos engagements. Vous les connaissez, mais je vais les redire en quelques mots ici devant vous.
Concernant la formation d'abord. Je vous l'ai dit, je vous l'ai écrit avec ma collègue Valérie Pécresse le 9 août 2010 nous nous engageons à ce que la rénovation de la formation soit conduite dans la perspective de conférer au diplôme un niveau master. Mais ne nous trompons pas. Ce sera un « vrai » niveau Master et pas un master au rabais, que ni les IADE, ni les universitaires ne veulent, ce ne serait d'ailleurs digne d'aucun d'entre eux. Je tiens absolument à ce que ce soit un master « sérieux », « monnayable » sur le marché universitaire au même titre que les autres diplômes de même niveau, un master qui devra donc répondre aux standards universitaires et préparer les étudiants à prolonger des études universitaires s'ils le souhaitent. La formation actuelle est de bonne qualité, mais c'est une formation à visée strictement professionnelle, il faut donc l'enrichir sur le plan universitaire. C'est la raison pour laquelle ce travail est conduit par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, en relation étroite avec mes services et avec les professionnels.
Concernant l'exercice ensuite. L'exclusivité figure dans le code de la santé publique depuis 1988. Le principe général de VAE, contenu dans le protocole d'accord, a fait craindre aux IADE qu'il serait possible d'obtenir le diplôme sans avoir suivi la formation. C'est faux, vous le savez, c'est faux et c'est même juridiquement impossible, car aucun exercice illégal n'est validable. Je vous l'ai également confirmé par un courrier en date du 5 juillet dernier. Obtenir un diplôme par VAE ne signifie pas être dispensé de l'ensemble des enseignements. Mais enfin pourquoi un infirmier bilingue Français-Anglais ne pourrait-il pas valider cet acquis plutôt que de suivre la formation d'anglais qui sera probablement contenue dans le nouveau diplôme ?
Concernant enfin la rémunération. Le protocole du 2 février prévoit des augmentations de rémunération inégalées, particulièrement sensibles en période de difficultés budgétaires. Mais c'est la juste reconnaissance de l'évolution des professions paramédicales, et je suis fière d'y avoir contribué. C'est aussi - je ne l'oublie pas - un protocole qui s'intéresse aux cadres, de l'ensemble des filières. Ce protocole - que vous n'avez pas tous signé, et dont vous n'avez pas signé tous les volets - ce protocole a tout de même été l'aboutissement d'un dialogue social très intense. L'ensemble des points ont été vus avec vous, les termes employés, l'échéancier des réingénieries et des droits d'option, les grilles, les conditions de reclassement, de promotion, et vos interventions ont vraiment permis d'améliorer le projet initial. Les équilibres que nous avons trouvés sont apparus insuffisants pour certains professionnels ou corps, notamment celui des infirmiers anesthésistes. Dans le nouveau corps infirmier, les différentiels de rémunération entre IADE et autres infirmiers généralistes ou spécialisés, différentiels augmentés sur certains échelons en cours de carrière, se trouvent en effet réduits en sommet de grille. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté le principe d'une prime destinée à gommer cet écart, prime qui sera versée aux IADE du nouveau corps sur les derniers échelons. C'est cette prime qui est discutée lors de la réunion d'aujourd'hui.
Je ne reviens pas ici sur le maintien du diplôme d'Etat, sur les dérogations relatives à l'âge de départ à la retraite, ni sur l'étude démographique à laquelle je me suis également engagée devant vous.
J'en appelle à votre sens des responsabilités, le métier de IADE est un métier exigeant. Vous l'avez choisi parce que vous avez le sens du service public, de la continuité des soins, du respect des personnes et de la confiance qu'elles nous accordent. Vous souhaitez conserver votre exclusivité. Vous demandez un master. Ces revendications que je comprends et que j'accepte impliquent une attitude responsable et respectable. Je vous donne maintenant la parole.Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 7 octobre 2010