Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la justice et des libertés, sur le plan d'action élaboré par le Ministère de la justice et le Ministère de la santé pour assurer la prise en charge sanitaire des détenus, à Paris le 28 octobre 2010.

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Texte intégral

Madame le Ministre,
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux et directeurs,
Mesdames et messieurs
La prise en charge sanitaire des détenus est une priorité que nous partageons Roselyne Bachelot-Narquin et moi. Qu'il s'agisse d'améliorer la prise en charge médicale des détenus, de renforcer la prévention, et l'accès aux soins, ou de mieux prévenir le suicide, une action commune et volontariste était nécessaire.
Depuis plusieurs mois nos deux ministères ont donc travaillé main dans la main à l'élaboration d'un plan d'actions pour la prise en charge sanitaire des détenus. Roselyne Bachelot-Narquin vous en présentera le contenu global dans quelques instants.
La prise en charge des détenus présentant des troubles mentaux est une problématique spécifique sur laquelle je souhaite insister.
Un trouble psychiatrique plus ou moins grave est repéré chez 55 % des arrivants en détention. Un détenu sur 5 a fait l'objet d'un suivi psychiatrique à l'extérieur. Le taux de recours aux soins psychiatrique est dix fois supérieur chez les détenus par rapport aux personnes libres.
Parmi les patients pris en charge par les psychiatres travaillant en prison, 8 % sont atteints de troubles psychotiques.
Face à ce phénomène, l'offre de soins psychiatriques est encore insuffisante, notamment au sein des maisons centrales où des détenus condamnés à de longues peines ont besoin d'une prise en charge spécifique.
Il n'existe que 26 services médico-psychologiques régionaux pour 191 établissements (seuls deux établissements pour condamnés en sont dotés). Les conditions d'hospitalisation dans ces services ne correspondent pas à celles d'un hôpital : il s'agit souvent d'unité n'offrant qu'une vingtaine de places, dans des cellules ordinaires. Des services médico-psychologiques régionaux existent pour les maisons d'arrêt. Nous devons structurer les services psychiatriques de la même façon pour les maisons centrales.
Il n'existe que 4 unités pour malades difficiles sur tout le territoire, et les durées de séjour sont souvent trop brèves pour qu'une réelle stabilisation soit possible.
Le programme des UHSA vise à répondre à ce besoin de prise en charge adaptée aux détenus souffrant de troubles mentaux. Il doit être mené à son terme le plus rapidement possible. Une UHSA au moins par région pénitentiaire sera construite sans attendre.
Nous avons inauguré cette année l'unité aménagée de Lyon (60 places avec une spécialisation pour les délinquants pédophiles). Ces unités comportent à la fois des personnels soignants et médicaux pour les soins et des personnels pénitentiaires pour la garde et la surveillance des locaux.
Le programme de construction se poursuit. Deux nouvelles unités ouvriront en 2011. 300 nouvelles places seront ouvertes en 2012. Ces places sont consacrées à ceux qui souffrent des pathologies les plus lourdes.
Nous nous penchons aussi sur l'évaluation de la prise en charge médicale des auteurs d'infraction à caractère sexuel. Enfin, l'organisation de la continuité des soins après la sortie fera l'objet d'une attention particulière.
Autre problématique devant nous mobiliser : la nécessité de toujours mieux prévenir les suicides.
Les suicides en prison sont des drames humains. Il faut tout faire pour les prévenir.
Nous avons connu 90 suicides à ce jour contre 104 l'an dernier à la même époque. Ces chiffres demeurent dramatiques. Pour autant, nous pouvons nous réjouir d'une diminution depuis la mise en place du plan d'action que j'ai décidé au mois d'août 2009.
J'y vois l'effet d'une appropriation des mesures et d'une mobilisation forte du personnel sous l'égide du professeur TERRA qui préside le groupe de suivi.
Les formations spécialisées pour les surveillants se développent.
Les dotations de protection d'urgence, les fameux « kits anti-suicide », ont été utilisés à plus de 500 reprises.
Huit sites sont aujourd'hui en capacité d'utiliser leurs cellules de protection d'urgence ( Fresnes, Châteauroux, St Quentin-Fallavier, Mont-de-Marsan, Toulouse-Seysses, Saint-Denis, Brest, Bordeaux-Gradignan et Rouen) et deux autres devraient être opérationnels prochainement. Ils y ont déjà eu recours à 14 reprises
L'expérimentation du « co-détenu de soutien » a eu lieu sur 4 sites. Elle donne des premiers résultats très satisfaisants : actions bénéfiques des codétenus de soutien, valorisation de leurs fonctions, bonne articulation entre les différents acteurs et partenaires. Une évaluation scientifique de cette expérimentation se déroulera sur une année avec la remise d'un rapport d'étape en janvier 2011.
Les mesures prises dans le cadre du plan de prévention des suicides commencent à porter leurs fruits. La situation s'est améliorée dans les quartiers disciplinaires. Je souhaite que l'amélioration porte désormais sur l'ensemble des lieux de détention.
La mise en oeuvre progressive de ce plan, la généralisation de nouvelles mesures qui ont été expérimentées avec succès, et l'ouverture d'UHSA pour mieux prendre en charge les détenus souffrant de troubles mentaux devrait nous permettre de lutter plus efficacement encore contre ces drames.
Plus largement, c'est sur la prise en charge médicale de l'ensemble des détenus que nous avons travaillé.
Comment prévenir la récidive si nous n'offrons pas de soins adaptés à la pathologie qui a conduit aux faits ? Comment inciter à la réinsertion si nous ne savons pas garantir aux détenus des conditions d'hygiène et de soins décentes ?
Je tiens à remercier très sincèrement et chaleureusement Roselyne Bachelot-Narquin pour le travail accompli. Au terme de plusieurs mois de concertation entre nos deux ministères un plan d'actions stratégiques sur la prise en charge sanitaire des détenus a été élaboré.
Il vise à améliorer la connaissance de la santé des personnes détenues, renforcer la prévention et la promotion de la santé, améliorer les conditions d'hygiène et de sécurité, améliorer le dispositif de protection sociale, améliorer la prévention du suicide en détention, améliorer le recours et l'accès aux soins ainsi que l'information et la formation des acteurs de la santé en prison
Je laisse naturellement le soin à Roselyne Bachelot-Narquin de vous détailler le contenu de ce plan.Source http://www.justice.gouv.fr, le 29 octobre 2010