Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à la prospective et au développement de l'économie numérique, à France Info le 4 novembre 2010, sur la perspective d'un remaniement ministériel et la direction de l'UMP.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- Vous êtes secrétaire d’Etat à l’Economie numérique dans le gouvernement Fillon ; Fillon dont tout le monde se demandait s’il avait envie de rempiler à Matignon. Eh bien il a répondu, à sa manière, c’était hier soir. Ecoutez le Premier ministre.
 
F. Fillon : Je crois à la continuité de notre politique réformiste, parce que je pense qu’on ne gagne rien à changer de cap au milieu de l’action, et parce que le redressement de la France réclame de la durée. Cette politique c’est une politique équilibrée, et ce n’est pas en la faisant basculer à gauche ou à droite que l’on obtiendra des résultats.
 
Garder le même patron à Matignon, vous êtes pour, vous ?
 
D’abord, oui, F. Fillon a répondu à sa façon, c’est-à-dire sur le fond. Il a proposé la continuité d’une politique, sans s’exprimer sur les personnes, et d’ailleurs j’envisage de faire la même réponse.
 
La continuité, c’est lui ?
 
Les personnes c’est le choix du président de la République.
 
La continuité c’est lui, non ?
 
Il a parlé de la continuité d’une politique, assez naturellement on pense à lui, mais il a parlé de la continuité d’une politique, c’est bien la priorité. Vous savez, ça fait des semaines qu’on parle que de personnes, je pense que les Français s’en lassent, à supposer que ça les ait jamais vraiment intéressés.
 
Oui, enfin il y a une raison à ça, c’est que c’est quand même N. Sarkozy qui a annoncé il y a des mois ce remaniement. Pourquoi l’avoir annoncé si tôt, si finalement il ne fallait pas en parler ?
 
Oui, mais en même temps, même annoncé à l’avance, ce n’est quand même pas la seule actualité.
 
Certes...
 
Voyez, moi en ce moment l’essentiel de mon actualité c’est le Grand emprunt, 4,5 milliards d’euros pour le numérique, dans le cadre du Grand emprunt. Je cherche désespérément, parmi tous vos confrères, un journaliste que ça puisse intéresser, et pourtant c’est les emplois de demain. Et moi je crois que ça intéresse quand même plutôt plus les Français.
 
Vous vous rendez compte quand même que la majorité ne parle que de ça, du remaniement ?! Ça a même parasité les fameuses réunions thématiques, dont la première s’est tenue hier, et que vous avez animée.
 
Hier, on organisait le premier grand rendez-vous pour la France sur le thème de l’Education, la préparation du projet 2012. On a beaucoup parlé d’éducation, et il y avait quelques questions, parmi vos collègues, sur le remaniement. "Quelques" est un euphémisme...
 
Mais enfin, on entend beaucoup de commentaires, y compris à l’Assemblée nationale, sur...
 
Non, mais vous savez, on ne peut pas dire des choses très intelligentes sur le sujet en même temps, donc ce n’est que du commentaire, vous avez raison de le souligner, et, voilà, ça ne mène pas très loin non plus.
 
L’autre hypothèse, si ce n’est pas F. Fillon, c’est J.-L. Borloo, quelqu’un que vous connaissez bien. Alors R. Soubie et C. Guéant disent qu’il a la fibre sociale. Ce n’est pas ce que semble penser F. Fillon, on vient de l’entendre. Le « on ne gagne rien à changer de cap au milieu de l’action », c’est un peu pour lui, non ?
 
Je crois que chacun a sa façon d’exprimer sa démarche en matière de social. C’est vrai que celle de J.-L. Borloo est particulière, il l’a montré dans différentes occasions, le Grenelle de l’environnement, que j’ai pu voir de très près, et auquel j’ai pu participer, d’autres par le passé. C’est vrai qu’il a une démarche qui est très particulière, qui est la sienne. F. Fillon n’est pas éloigné du social, il en a une autre qu’il a montrée, par exemple, à l’occasion de la réforme des retraites.
 
Et vous pensez, vous, que J.-L. Borloo peut être l’homme de la situation, à Matignon ?
 
Je crois que c’est avant tout - et je veux dire, ce n’est pas une figure de style que de dire ça - le premier qui travaille, avec le Premier ministre, c’est le président de la République. Ce n’est pas seulement une question institutionnelle que de dire c’est le président de la République qui choisit le Premier ministre. Celui qui travaille...
 
Ça veut dire que c’est aussi un choix d’homme, finalement ?
 
C’est aussi un choix d’homme, bien sûr, bien sûr ! D’une certaine manière, ça peut être un choix de coeur aussi, ça peut être un choix de possibilité, de capacité, à travailler ensemble, de désir de travailler ensemble. Mais dans tous les cas, c’est celui du président de la République. C’est pour ça que je trouve que ces commentaires sont très vains.
 
F. Fillon, c’est évidemment quelqu’un qui aime beaucoup travailler sur les retraites, J.-L. Borloo c’est aussi le Monsieur cohésion sociale, il a quand même une certaine expérience en la matière. En tout cas, lui, je voudrais qu’on l’écoute ensemble, il y croit visiblement...
 
J.-L. Borloo : Au fond, il va y avoir un choix politique. Il ne s’agit pas de recruter un Premier ministre, ça n’a pas de sens en soi, c’est un choix politique. Moi, ce que j’ai entendu de la rue, et puis d’une manière générale de la crise, c’est que plus il y a de crise, plus il y a besoin de justice sociale, de justice fiscale, de respect.
 
Alors ça, c’était dimanche sur Canal Plus. Justice sociale, justice fiscale, avec un Grenelle, un Grenelle de la fiscalité - tiens, tiens, on y revient... Il dit qu’il a la méthode ; vous trouvez, vous, que la méthode du Grenelle était la bonne et qu’elle peut s’appliquer à d’autres choses ?
 
Ce n’est pas moi qui irais vous dire que la méthode du Grenelle n’était pas la bonne, j’ai assez largement participé à la mettre en oeuvre !
 
C’est bien pour ça que je vous pose la question...
 
Ce qui était formidable dans la méthode du Grenelle, c’est qu’il y avait tout le monde autour de la table. Donc à l’origine du Grenelle, il y a cette idée qu’on fait avancer, dans la concertation, dans le dialogue...
 
Et c’est ce qui a manqué sur les retraites ?
 
Je ne crois pas, parce qu’il y a eu énormément de dialogue sur la question des retraites.
 
Ce n’est pas ce que disent les syndicats...
 
Il y a eu énormément de dialogue sur la question des retraites, et à un moment, ça s’est radicalisé un petit peu dans la rue, mais il y a eu énormément de dialogue sur la question des retraites. Ça fait depuis le mois d’avril qu’on travaille la question des retraites. Je ne suis pas sûre que le Grenelle, comme méthode, soit applicable à tous les sujets, au passage, et je ne sais pas si ça aurait fonctionné, tout simplement, sur la méthode des retraites. Les méthodes ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Sur l’environnement, moi je suis fière de ce qu’on a fait en revanche.
 
Je voudrais qu’on parle de l’UMP. Si J.-L. Borloo va à Matignon, il peut y avoir aussi d’autres changements, on parle de Jean-François COPE pour reprendre le Parti de la majorité. Vous aviez, à l’époque, qualifiés, et l’un et l’autre, d’armée de lâches, vous vous étiez excusés aussi à l’époque, c’était en avril 2008...
 
Je ne l’avais pas dit comme ça, mais...
 
Ça va vous poser des problèmes, non ? Il n’y a pas de rancune, finalement ?
 
Je pense que les gens sont plus intelligents que ça, vous leur faites injure, vous-même !
 
Je pose la question...
 
Je vais vous dire, sur tous ces sujets, j’y pense, et en même temps vous parliez de l’UMP, sur Matignon, comme sur l’UMP, je crois que le président de la République a raison, il l’avait développé, presque théorisé en 2007, mais il l’a redit depuis, qu’on ne fait bien que ce qu’on a envie de faire en matière de politique. La question du désir, de l’engagement, dans ce type de mission, est première. Et il y en a d’autres. On a un profil, on a des compétences...
 
Le désir, J.-F. Copé l’a, pour mener l’UMP, non ?
 
Il est un de ceux qui l’a manifestement. Après, ça reste le choix du président de la République, là aussi. Mais en tout cas, la question d’en avoir envie, d’avoir envie d’y mettre toute son énergie, pour le premier objet comme pour le second, comme pour l’UMP, est vraiment première. Et ça je crois que c’est vraiment au coeur des choix et du système de décisions du président de la République, il y est très attaché. Il veut qu’on ait envie de faire ce qu’on fait.
 
Mais le parti et le groupe ce n’est pas la même chose...
 
Par exemple, nous, il passe son temps à nous dire qu’au gouvernement, il faut qu’on soit heureux d’être là, heureux de servir la France, heureux de porter nos projets...
 
Et vous êtes heureuse ?
 
Oui, moi j’aime bien ce que je fais.
 
Et vous voulez rester ?
 
Moi j’aime ce que je fais, après, ce n’est pas mon choix non plus, vous savez.
 
Je voudrais qu’on parle justement encore de l’UMP. Vous l’évoquiez tout à l’heure, il y a eu une première réunion thématique. Si J.-F. Copé arrive, vous ne croyez pas que ça va être terminé, il va tout refaire, tout redémarrer ?
 
On a besoin d’un projet pour 2012, on a besoin d’avoir ce cycle de réflexion, de travail. On l’a organisé à la fois en le centrant sur le citoyen, pas tellement sur les politiques publiques, donc en essayant de prendre un point de vue du citoyen. Hier, c’était sur l’éducation dans toutes ses dimensions, au mois de décembre ce sera sur le thème " jamais seul ", tout ce qui fait lien dans la société, la famille, mais aussi le lien intergénérationnel, le 5ème risque...
 
Vous êtes sûre que ça aura lieu ce fameux deuxième rendez-vous, si J.-F. Copé arrive ?
 
Moi, je suis sûre qu’on a besoin de réfléchir et qu’on a besoin d’avoir un projet pour 2012. Après, il y a probablement plusieurs façons de le faire, et s’il y a une nouvelle équipe, elle sera bien libre de s’organiser autrement. Mais le fait d’avoir des grands rendez-vous, dans lesquels se rencontrent des experts, des politiques, des militants, et y débattent à la fois de l’évaluation, du bilan et éventuellement de la critique de ce qu’on a fait - qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui n’a pas marché, qu’est-ce qu’on voudrait prolonger, et de la suite -, ça, on en a besoin, c’est évident qu’on en a besoin
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 5 novembre 2010