Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les grandes orientations de la politique gouvernementale jusqu'à la fin du quinquennat, au Sénat le 25 novembre 2010.

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Circonstance : Déclaration de politique générale du Premier ministre François Fillon, au Sénat le 25 novembre 2010

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Hier par la voix du ministre d'État, ministre de la
défense, monsieur Alain JUPPE, je vous ai livré les
ambitions du Gouvernement. Aux côtés du Président
de la République, nous avons pris le parti de la
persévérance.
La cohérence, la clarté, la responsabilité : le général
de Gaulle voyait dans ces qualités disait-il, la raison
d'être d'un gouvernement. Et bien nous considérons
comme lui que ce gouvernement doit obéir à l'intérêt
national et non pas à la dernière passion qu'il a subie.
Ce nouveau gouvernement est investi d'une double
mission. La première c'est naturellement de prolonger
l'œuvre de modernisation engagée en 2007. Nous
avons à travers l'élection du Président de la
République et de la majorité parlementaire un mandat
clair pour cinq ans.
Nous mettons en œuvre ce mandat. C'est le respect
que l'on doit à la démocratie et au choix de nos
concitoyens. Mais nous avons une deuxième mission
qui est de gérer les rebondissements d'une crise
économique internationale que nous avons reçue en
partage malgré nous.
Moderniser la France. Maîtriser la crise, accompagner
sa sortie. C'est là notre ligne stratégique du
gouvernement. Et c'est là que se trouve la continuité
de l'action des gouvernements que j'ai dirigés.
Si la récession est derrière nous, la crise n'est pas
terminée. Ses séquelles, ce sont les déficits qu'elle a
contribué à creuser, la dette et naturellement les
conséquences sur l'emploi. Et par ailleurs, vous le
voyez notamment ces derniers jours, cette crise
inédite continue à muter, s'attaquant désormais aux
dettes souveraines et aux banques centrales.
Nous avons donc le devoir ensemble, l'ensemble des
pays européens, notre communauté nationale, de
combattre les dangers que cette crise fait peser sur
nos sociétés. Et nous devons combattre avec les
valeurs et avec les principes de la France qui sont
ceux de la coopération internationale et la cohésion
nationale.
A la tête du G20 pendant une année, notre pays va
continuer à faire avancer les solutions coopératives
afin d'éviter le plus possible, les guerres commerciales
et surtout les guerres monétaires, afin aussi de donner
des institutions et des règles stables à l'économie
mondialisée qui en a bien besoin. Nous continuerons
de même en coordination avec l'Allemagne, à
renforcer la gouvernance de l'Union européenne et de
la zone euro.
Chaque jour qui passe montre à quel point nous avons
besoin d'une véritable politique économique
européenne et chaque jour qui passe montre à quel
point nous avons besoin de coordination des politiques
à l'intérieur de la zone euro, que pour le moment les
institutions et leurs pratiques ne nous permettent pas
de réaliser avec la meilleure efficacité.
Enfin, au plan national nous continuerons avec votre
aide à cicatriser les plaies creusées par la récession.
Notre politique économique est équilibrée.
C'est l'investissement, c'est la discipline budgétaire et
c'est l'emploi. Nous allons investir 35 milliards d'euros
sur les secteurs d'avenir, suivant d'ailleurs en cela les
recommandations du rapport de Michel ROCARD et
d'Alain JUPPE.
Nous allons réduire les déficits par deux d'ici 2013,
parce que ces déficits menacent notre croissance et
menacent notre indépendance. Et puis nous allons
renforcer nos actions sur l'emploi des jeunes et des
seniors en tendant la main aux partenaires sociaux,
parce qu'après le temps des différends, le temps du
dialogue est revenu.
Je veux dire que pour moi la réforme des retraites ne
se solde pas par des vainqueurs et des vaincus. Aucun
de nos concitoyens n'est coupable d'avoir des
convictions.
Il n'y a pas un peuple de droite et un peuple de
gauche. Il n'y a que des Français. Des Français avec
leurs doutes, que je ne sous-estime pas. Avec leurs
espoirs, si difficiles parfois à combler. Des Français
plongés dans une période d'immenses
bouleversements : le basculement du centre de
gravité du capitalisme vers l'Asie ; la diversité et le
vieillissement de nos sociétés où vont cohabiter
désormais cinq générations au lieu de trois.
C'est en rassemblant nos concitoyens, c'est en les
mobilisant sans démagogie que nous parviendrons à
faire en sorte qu'émerge au bout de cette crise une
France plus forte, une France réconciliée avec l'Europe
et réconciliée avec la société ouverte du XXIème
siècle.
Et pour cela, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, la
réforme.
La réforme reste nécessaire.
On a souvent dit par le passé que cette réforme elle
était chez nous, impossible. Impossible à cause de
l'Histoire de la France et du caractère français.
Impossible à cause de la crise. Impossible à cause de
la proximité des élections.
Et bien, cette réforme soi-disant impossible, nous
l'avons faite et nous allons la poursuivre ensemble.
Et ce n'est pas maintenant que nous allons nous
excuser où nous repentir de faire simplement notre
devoir.
Nous allons ouvrir le chantier de la fiscalité. Nous
allons dégager des solutions face au problème de la
dépendance, et je veux indiquer devant le Sénat que
ces solutions doivent d'abord naturellement apporter
une réponse à la question de la dépendance, mais
qu'elles doivent aussi en même temps permettre
d'apporter une réponse à cette question difficile et
urgence qui est celle du financement des Conseils
généraux.
Nous allons moderniser le fonctionnement de la
justice.
Comme toujours dans les périodes de tourmentes
historiques, les Français se tournent vers l'Etat. Ils
attendent de lui qu'il fixe un cap et qu'il construise un
espoir.
Notre cap, c'est la République et ses valeurs.
La France n'a pas cédé à la panique sous le choc de la
crise. La France ne s'est pas laissée séduire par les
extrémistes. A l'heure où les spectres du
protectionnisme, du populisme, de la xénophobie
ressurgissent ici ou là en Europe, la France s'est tenue
au dessus de ces ornières boueuses.
Cette maturité nationale nous commande plus que
jamais, de conforter les deux piliers de la République :
l'autorité de l'Etat face à la violence, l'égalité des
chances par l'éducation et la formation.
Quant à notre espoir il est, que dans un monde
chaotique, un monde peuplé de 6 milliards d'habitants
assoiffés de réussite, les 65 millions de Français
continuent encore de faire entendre leur voix, et ceci
sans renoncer à la spécificité de leur modèle social.
L'honneur des gouvernements que j'ai conduits,
l'honneur de la majorité qui les a épaulés – et à
laquelle je veux rendre hommage – c'est de ne pas
avoir trompé notre peuple sur cette réalité mondiale.
C'est de ne pas avoir renié l'élan de 2007. C'est de ne
pas avoir tremblé devant les résistances. C'est de ne
pas s'être égarés dans les moments décisifs où
l'équilibre international et européen tenait à un fil. La
force d'une Nation repose sur sa capacité à regarder
la vérité en face. Et c'est pourquoi cet honneur, je
veux le partager avec les Français qui tout au long de
nos réformes, tout au long de la crise ont fait preuve
de responsabilité.
La conjugaison de nos actions et de leurs efforts n'a
pas été vaine.
Notre taux de croissance en 2010 sera, je le dis,
supérieur à 1,5% alors que nos prévisions au début de
cette année, vous le savez étaient nettement en
dessous. Et désormais et la cible des 2% en 2011 est
une cible qui est atteignable. Notre économie a
recommencé à créer des emplois depuis le début de
l'année. Ce n'est pas maintenant qu'il faut mettre le
pied sur le frein.
Il n'y aura pas de pause, parce que cette année n'est
pas pour nous une année préélectorale, c'est une
année de plus pour servir la France.
Alors pour mener cette nouvelle étape de notre action,
le gouvernement doit pouvoir s'appuyer sur
l'expérience et sur la mobilisation des élus des
collectivités territoriales, de métropole comme d'Outre
mer.
En posant la question de confiance à l'Assemblée
Nationale et en sollicitant l'approbation de la Haute
Assemblée aujourd'hui, je veux vous dire qu'il ne
s'agit pas de réécrire le quinquennat à coups
d'annonces intempestives.
Il ne s'agit pas d'improviser une nouvelle politique. Il
ne s'agit pas – au désespoir, je le sais, de certains
observateurs politiques – d'assouvir les prétentions de
je ne sais quel «hyper Premier ministre» qui n'existe
pas dans les institutions de la Vème République.
Non. Il s'agit plus simplement, mais finalement plus
fondamentalement, d'assumer ensemble et cela
jusqu'au terme de notre mandat, l'élan de réforme et
de modernisation de la France.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, loin de la
politique spectacle, loin des embardées médiatiques, il
s'agit de donner au principe de la continuité politique
ses lettres de noblesse.
Et pour cela j'ai besoin, Mesdames et Messieurs les
sénateurs, de votre soutien. C'est ainsi que,
conformément à l'article 49, alinéa 4 de notre
Constitution, je me tourne vers celles et ceux qui
parmi vous, sont décidés à donner à la France la
volonté et la durée pour se moderniser et se
redresser.
Source http://www.gouvernement.fr, le 29 novembre 2010