Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations bilatérales entre la France et le Québec, à Paris le 26 novembre 2010.

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Circonstance : Visite officielle du Premier ministre du Québec, M. Jean Charest, en France, à Paris le 26 novembre 2010

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Nous venons avec mon collègue mais surtout mon
ami, Jean CHAREST, de tenir la 16ème rencontre
alternée entre la France et le Québec, et je voudrais
devant vous lui renouveler très chaleureusement la
bienvenue ainsi qu'à toute la délégation qui
l'accompagne.
La dernière édition de cette rencontre avait eu lieu il y
a deux ans à Québec, et elle s'était tenue dans un
moment très particulier puisqu'il s'agissait du 400ème
anniversaire de la fondation de Québec, et je veux
redire devant vous le souvenir extraordinaire que je
conserve de cette visite, de l'accueil qui avait été
réservé à la délégation française, de l'enthousiasme,
de l'engouement dont la population québécoise avait
fait preuve tout au long de ces manifestations, et que
les conditions météorologiques n'avaient pas gâchées.
La relation entre la France et le Québec est
exemplaire, chacun le sait, et je crois qu'elle est plus
qu'exemplaire. En réalité, on peut dire que c'est une
relation unique, c'est une relation fraternelle, c'est une
relation qui est très profondément ancrée dans
l'histoire, qui est ancrée dans cette langue commune
que nos amis québécois ont si bien préservée, elle est
exemplaire sur le plan culturel, ça n'est pas un secret,
et nous venons encore d'en faire l'expérience avec les
deux accords qui viennent d'être signés par les
musées français et québécois. On ne compte plus les
artistes québécois populaires en France. Et dans le
même temps, le Québec est le premier marché
d'exportation des industries culturelles françaises.
Elle est exemplaire sur un plan diplomatique, puisque
nos analyses convergent sur les grands sujets du
moment, qu'il s'agisse de la situation en Haïti où nous
avons d'ailleurs décidé à l'instant de voir comment nos
ministres de la Santé pourraient agir ensemble pour
accroître l'effort que nous faisons dans la lutte contre
l'épidémie de choléra, sur la question du climat, sur la
question de la francophonie. Et sur ce dernier point, je
voudrais d'ailleurs redire notre appui total à l'initiative
que Jean CHAREST a annoncée au sommet de l'OIF à
Montreux, sur l'organisation au Québec en 2012 d'un
Forum mondial de la langue française. J'ajoute
d'ailleurs sur ce point que nous défendons l'exception
culturelle avec la même force, et nous allons la
défendre, notamment dans le cadre de l'accord qui est
en cours de négociation entre l'Union européenne et le
Canada.
Nos relations sont également exemplaires sur le plan
économique. Alstom vient de remporter avec
Bombardier un contrat de 860 millions d'euros pour le
métro de Montréal. Mais les liens entre le Québec et la
France ont ceci de particulier, qu'ils ne reposent pas
seulement sur des échanges commerciaux, mais
surtout sur des investissements et des partenariats. La
France est ainsi le deuxième investisseur étranger au
Québec. Les trois-quarts des filières françaises
implantées au Canada y sont recensées. Près de 350
entreprises françaises génèrent 30.000 emplois au
Québec. C'est donc une présence économique très
forte et mutuellement bénéfique. Le Premier ministre
nous a lancé un défi, c'est de devenir le premier
investisseur, donc, nous allons essayer avec Mme
LAGARDE d'y travailler.
La relation France-Québec est exemplaire parce
qu'elle est aussi à la pointe de la modernité, qu'elle est
tournée vers l'avenir dans beaucoup de domaines, je
pense aux énergies renouvelables. Le partenariat
entre Hydro-Québec et EDF Energies Nouvelles dans le
domaine de l'éolien est exemplaire, avec, notamment,
un marché considérable qui vient d'être remporté par
EDF Energies Nouvelles dans ce domaine. Je pense
aussi aux véhicules électriques, avec l'investissement
très important du groupe Bolloré à travers sa filiale
canadienne au Québec, dans le domaine des batteries
électriques qui équiperont demain les véhicules
électriques de production, et qui complètent la
coopération qui est déjà menée par le groupe
Renault-Nissan.
Je pense aussi à l'innovation. Tout au long de la
semaine, à Lille, à Bordeaux, à Strasbourg se sont
tenues les 2ème rencontres des pôles de compétitivité
français et des créneaux d'excellence québécois, ce
sont des Rencontres essentielles parce qu'elles portent
sur les principaux sujets d'avenir. Je prends quelques
exemples : l'aéronautique, les biotechnologies, les
nouveaux matériaux ou encore la nutrition. Près d'une
vingtaine de projets pourraient, devraient d'ailleurs
être conclus cet après-midi à Bercy devant Jean
CHAREST et Christine LAGARDE.
Je pense enfin au grand projet qui anime le Québec
sur son développement pour les prochaines années, et
que le gouvernement français et les entreprises
suivent de très près. Le plus important et le plus
immédiat, c'est le plan Nord, et nous avons conclu à
l'instant que je me rendrai avec Jean CHAREST dans
le Nord du Québec, disons à l'été 2011. Et puis le Train
à Grande Vitesse, qui est un autre sujet sur lequel
nous avons, je crois, une excellence dont le Québec et
le Canada pourraient profiter.
Les relations entre la France et le Québec sont enfin
exemplaires parce qu'elles se veulent des relations de
précurseurs, je pense, là, aux échanges humains. La
France et le Québec sont, en effet, en train de créer,
et c'est pour l'essentiel, il faut le dire, grâce à
l'initiative et à la volonté de Jean, un espace de
mobilité professionnelle, qui permet aux Français et
aux Québécois de travailler très facilement sur l'un ou
l'autre des territoires. En 2008, nous nous étions fixés
un calendrier très ambitieux pour mettre en œuvre
l'entente sur la reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles. Aujourd'hui, on peut
dire que ce pari a été totalement tenu. Et je voudrais
saluer l'ampleur du travail qui a été accompli. C'est
près de 70 professions et métiers qui sont désormais
concernés, 17 accords ont encore été signés au Quai
d'Orsay en début de semaine. Et donc, il faut
maintenant que Européens et Canadiens regardent ce
que Français et Québécois nous avons fait dans ce
domaine pour l'étendre à l'ensemble de l'Union
Européenne et du Canada.
Voilà, je vais donner la parole à Jean, en lui redisant
combien on est heureux de le recevoir, et en lui
indiquant que je lui adresse déjà une nouvelle
invitation pour l'an prochain, puisque ce sera le 50ème
anniversaire de la Délégation Générale du Québec à
Paris, et je serai très heureux de pouvoir le célébrer
en sa présence.
Intervention du Premier ministre Jean CHAREST
Merci monsieur le Premier ministre, cher François,
Je remercie les ministres du gouvernement de
François FILLON qui se joignent à nous aujourd'hui,
Madame ALLIOT-MARIE, monsieur HORTEFEUX et
madame LAGARDE. C'est une seizième édition des
visites alternées entre les Premiers ministres du
Québec et de la France, une très belle tradition qui
vient définir la relation privilégiée et exceptionnelle
qu'il y a entre la France et le Québec, et dont
soulignera le 50ème anniversaire, en 2011. Puisque
c'était il y a cinquante ans, l'ouverture de cette
Délégation générale du Québec à Paris, qui est le
vaisseau amiral de la diplomatie québécoise et j'en
profite pour saluer le nouveau délégué du Québec ici à
Paris, Monsieur ROBITAILLE, qui est le vis-à-vis de
madame le Consul général qui est chez nous à
Québec, madame LE GAL.
Et je veux d'emblée vous dire à quel point la
délégation québécoise est heureuse d'être ici avec
vous. Nous avons reçu un accueil comme nous
connaissons, à chaque fois que nous sommes à Paris,
et d'autant plus que vous avez dû composer avec des
horaires qui étaient changeants, il y a beaucoup
d'activités de part et d'autre. Et on est tellement en
phase l'un avec l'autre que l'on s'est tous les deux
tapé un vote de confiance cette semaine, avec succès,
et on s'est donné notre confiance mutuelle pour finir la
semaine, avec les entretiens qu'on vous propose
aujourd'hui.
Ce que je constate, c'est à quel point la relation s'est
beaucoup approfondie entre la France et le Québec.
C'est une relation audacieuse, et c'est vrai que c'est
une relation unique, mais nous avons également choisi
d'innover, et pour nous, l'entente sur la mobilité de la
main d'œuvre, c'est un exemple de la qualité de la
relation entre la France et le Québec. C'est une
relation spontanée, d'amitié, d'affection entre nos
deux peuples, et nous allons ensemble créer un
espace de mobilité, un espace de liberté pour nos
citoyens respectifs, comme nulle part ailleurs sur la
planète. Et c'est la première fois, la première fois
qu'une telle entente est conclue. Et ce que nous
voulons, c'est que les citoyens français et québécois
puissent bouger le plus librement possible, le plus
facilement possible entre les deux continents.
Dans notre vision à nous, de l'avenir du Québec,
François, de ce que nous voyons, c'est une société,
une économie capable d'attirer des hommes et des
femmes de partout sur la planète, des cerveaux, des
talents, et quand on se tourne vers l'extérieur, notre
premier regard va vers la France et nos amis français.
Alors, merci de ce travail qui a été fait, qui a été
mené, il faut le dire, par monsieur DOUTRIAUX, du
côté français et de Gil REMILLARD du côté du Québec.
On a déjà près de 70 ententes de signées. Il faut faire
la mise en œuvre parce que c'est une entente à trois
étages.
Il y a d'abord l'entente générale, signée entre le
Président Sarkozy et moi-même, il y a deux ans.
Le deuxième niveau c'est les ARM, ce sont ces
ententes.
Mais le troisième niveau, c'est la mise en œuvre de
chacune de ces ententes. Alors, il faut faire preuve de
beaucoup de détermination et de persévérance, pour
s'assurer qu'on arrive à terme pour chaque entente
individuelle, pour chaque métier et chaque profession.
Et pour cette raison-là, il faut remercier la partie
française de l'énergie que vous avez mise dans cette
nouvelle approche dans les relations entre les peuples.
Ce qui nous réjouit beaucoup au Québec c'est de créer
un nouvel espace de mobilité en français. Pour nous,
pour l'avenir du peuple québécois, c'est essentiel.
C'est extrêmement important.
Et je fais une prédiction : on va nous copier ailleurs.
Dans quelques années d'ici, ils se promèneront, puis
ils diront : on veut faire comme la France et le
Québec. Et quand ils le feront, on se rappellera que
c'est grâce à votre ouverture que nous avons réussi à
créer ce nouvel espace. Dans le même esprit, c'est
grâce au leadership français et au leadership du
Président SARKOZY que la négociation de nouveaux
partenariats entre le Canada et l'Union européenne se
négocient à l'heure actuelle. On s'était fixé un
échéancier très serré, d'à peu près deux ans, et là, on
est dans le dernier droit et dans le dernier droit, j'ai
soulevé la question avec le Président ce matin, et à
nouveau avec François, nous voulons que l'entente
spécifie de manière très très explicite, la protection de
nos industries culturelles et de l'exception culturelle. Et
cela va de soi, nous voulons à nouveau que la France
et le Québec fassent une alliance là-dessus, qu'on
travaille ensemble pour qu'on puisse l'inscrire de
manière très claire dans l'entente comme telle.
Dans la rencontre de cette visite alternée, il y a les
créneaux d'excellence québécois et les pôles de
compétitivité français qui ont fait des rencontres à
Bordeaux, Lille et à Strasbourg ; Madame LAGARDE et
moi aurons l'occasion de tirer les conclusions de tout
cela aujourd'hui, mais déjà ça a été un très grand
succès. D'ailleurs, sur le plan économique, il est
remarquable à quel point les relations avancent.
D'ailleurs, je le remarque, la compagnie québécoise
Heroux Devtek qui est dans le domaine de l'aviation,
va annoncer qu'elle a été sélectionnée par Dassault
pour la conception de fabrication des trains
d'atterrissage. On me dit que c'est la première fois
que Dassault va à l'extérieur du continent européen
pour travailler avec un fournisseur à l'étranger. Voilà
un exemple de l'approfondissement de nos relations.
Et l'approfondissement de cette relation se fait au
niveau des régions aussi. Avec l'Ile-de-France,
l'Alsace, l'Aquitaine, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes
et Rhône-Alpes. C'est également un exemple de cette
relation que nous avons et que nous poussons plus
loin.
Je conclus en revenant à nouveau sur cette question
du 50ème anniversaire pour vous dire que ce sera un
moment fort dans les relations entre la France et le
Québec. Et sur Haïti, nous avons convenu vous et moi
que nous allions poursuivre les efforts que nous avons
faits pour venir en aide au peuple haïtien.
Déjà, au sommet de Montreux, le Québec et la France
ont commencé ensemble pour que nous puissions
soutenir et encourager les pays à continuer leurs
efforts. Mais avec la crise, le choléra, il y a une très
grande préoccupation de part et d'autre pour la santé
du peuple haïtien, et nous allons ensemble voir de
quelle façon on peut en faire plus pour venir en aide à
la population. Et en même temps, il y aura au mois de
décembre prochain, suite aux ententes signées
aujourd'hui une rencontre au Québec sur la question
de l'adoption internationale et la signature éventuelle
du gouvernement haïtien de la convention de la Haye
sur l'adoption internationale, un enjeu qui préoccupe
nos populations respectives. Alors, merci beaucoup et
au plaisir de te retrouver, François, à Québec. On lui
avait offert le mois de février pour y aller…
Finalement, on a conclu que le mois de juin ce serait
peut-être plus…
source http://www.gouvernement.fr, le 29 novembre 2010