Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur l'état des relations entre la France et le Québec, à Paris le 26 novembre 2010.

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Circonstance : 16ème rencontre alternée entre la France et le Québec : conférence de presse conjointe du Premier ministre M. François Fillon et du Premier ministre du Québec M. Jean Charest, à Paris le 26 novembre 2010

Texte intégral

Question : Bonjour messieurs les Premiers ministres. Ma question est pour Monsieur Charest, vous l’avez évoqué plus tôt : la France et le Québec insistent pour inscrire dans un éventuel accord de libre échange dans le cadre de l’Union une clause d’exception culturelle. J’aimerais savoir si effectivement certains membres de l’Union européenne veulent que la culture fasse partie du libre-échange, comme d’autres domaines. J’aimerais savoir quels sont ces pays, si c’est le cas, et j’aimerais savoir à quel point c’est une source d’inquiétude pour vous ?
Jean Charest : Ce que nous avons constaté depuis la négociation de la convention sous les auspices de l'Unesco, c'est ceci : il y a eu des négociations d'accord bilatérales de commerce entre des signataires de la convention de l'Unesco qui n'ont pas toujours tenu compte de l'exception culturelle. Je pense à la négociation d'un accord commercial entre le Maroc et les Etats-Unis. Evidemment les Etats-Unis n'avaient pas adhéré et n'ont toujours pas adhéré à la convention de l'Unesco.
D'ailleurs il faut le dire, on va le dire de vive voix, pour les Américains, la question de la culture c'est une question de commerce. Cela nous différencie des Américains. D'ailleurs c'était vrai au moment où on a négocié l'accord de libre-échange avec les Américains en 1988, et réédité à nouveau avec l’Alena en 1994. Alors pour les Américains, la question de la culture c'est une question de commerce, pas pour nous, donc il faut conscientiser les 27 Etats membres à cette question-là. Ils n'ont pas tous le même degré de sensibilité. Et pour cette raison-là, nous voulons inscrire en toutes lettres dans l'entente l'exception culturelle et comme ça on aura réconcilié un accord, un partenariat commercial avec une convention de l'Unesco. On fera en effet… formellement, on aura réconcilié les deux de manière à ce qu'elles soient compatibles l'une avec l'autre.
Question : Monsieur le Premier ministre, une question franco-française, si vous le permettez. Votre prédécesseur, Dominique de Villepin, a évoqué hier, selon les parties civiles, un financement illicite de la campagne d'Edouard Balladur devant le juge Van Ruymbeke. Vous avez soutenu monsieur Balladur en 1995. Est-ce que vous considérez que ces accusations sont fondées, ou est-ce que ce sont des affabulations, est-ce qu'il y a pu avoir des rétrocommissions qui ont financé cette campagne ?
François Fillon : Il me semble, mais je n'en suis pas totalement sûr, que Karachi n'est pas au Québec. Il faut dire que compte tenu des torrents d'imprécisions qui sont déversés depuis quelques jours par les commentateurs sur cette affaire, on n'est pas a une imprécision près. Vous comprendrez que ne réponde pas à cette question ici en présence de mon ami Jean Charest.
Question : Ma question est pour Monsieur Charest. Monsieur Charest, vous l'avez mentionné brièvement que vous avez subi un vote de confiance la semaine dernière. Pour les gens comme moi, qui suivent ce qui se passe au Québec, il y a un certain décalage entre ce qui se passe au Québec ce qui se passe ici. On a l’impression que les débats sont peut-être monopolisés finalement sur un ou deux thèmes au Québec. Est-ce que vous sentez ce décalage ?
Jean Charest : C’est-à-dire que je ne dirais pas qu’il y a un décalage. Il y a l’actualité, et puis il y a la vie, et il y a le travail que font les gouvernements. Les décisions que nous prenons ce sont des décisions qui vont se mettre en œuvre dans le temps, avec des résultats. Et c’est sur la foi des résultats que les gouvernements sont jugés. Et cela c’est la vie politique. Alors, depuis 26 ans que je suis élu, c’est la moitié de ma vie que j’ai faite en politique, cela se passe comme ça. Il faut apprendre à vivre avec l’actualité, il faut apprendre à composer avec l’actualité, François le fait, je le fais, mais après cela il y a des décisions, comme les décisions que nous avons prises aujourd’hui, et avec lesquelles nous vivons très bien, et sur lesquelles on sera jugés. C’est comme ça, c’est comme ça. Et puis il faut avoir la persévérance, la détermination pour savoir qu’au-delà de l’actualité il y a la vie, et puis les vraies choses et les résultats sur lesquels enfin nous serons jugés par la population. Je le vois comme ça.
Question : Monsieur Fillon, récemment, le Parti socialiste français a adopté une résolution dans son programme, réclamant le retour à la politique traditionnelle de la France, politique gaulliste, non ingérence et non indifférence à l’égard du Québec. Monsieur Alain Juppé quant à lui, peu après, a déclaré que si ça n’était que de lui, il n’aurait jamais changé de politique, il n’avait, lui, jamais reformulé cette politique. Vous qui êtes un gaulliste, je crois, de toute évidence, où vous situez-vous dans ce débat ?
François Fillon : D’abord, je suis toujours ému quand le Parti socialiste invoque le Général de Gaulle, cela me fait toujours un immense plaisir, un immense plaisir ! Il n’est jamais trop tard pour reconnaître qu’on s’est trompé.
Simplement, quand on se trompe aussi souvent, il faut être un peu prudent dans les affirmations que l’on fait. La vérité c’est que, depuis 2007, que j’ai l’honneur de conduire le Gouvernement de la République française, j’ai le sentiment que les relations entre la France et le Québec n’ont jamais été à un meilleur niveau. J’ai évoqué à l’instant la coopération économique entre la France et le Québec, qui est absolument exemplaire ; j’ai évoqué les cérémonies qui nous ont permis de multiplier les échanges. Cet accord -là, on est dans le concret, on n’est pas dans les discours, on n’est pas dans les formules - cet accord qui permet désormais à un grand nombre de Français d’aller travailler au Québec, en voyant leur qualification, leurs métiers reconnus, et la même chose dans le sens inverse, tout ceci ce sont des faits, ce sont des réalités qui montrent que la relation franco-québécoise n’a jamais été aussi bonne. Alors, le président de la République avait dit que le Québec c’était notre famille, et que le Canada c’était nos amis. C’est une formule qui me semble tout à fait d’actualité. Je vais simplement ajouter que nous avons beaucoup d’amitié pour notre famille. Merci beaucoup.Source http://www.gouvernement.fr, le 29 novembre 2010