Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai l'honneur de présenter, aujourd'hui, devant la Haute Assemblée - et au nom du Gouvernement - le projet de loi tendant à élargir l'accès au chèque-vacances, auquel vous me savez tous, particulièrement attachée.
Ce projet de loi confirme les règles essentielles et les objectifs sociaux de l'ordonnance du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, dont vous me permettrez de rappeler les grands principes fondateurs.
Lorsque cette ordonnance a été élaborée, il s'agissait de répondre aux aspirations légitimes des individus et des familles les plus modestes à pouvoir accéder, elles aussi, aux vacances.
Devant vous, je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance du droit aux vacances, indispensable à l'équilibre de la vie en société, facteur de resserrement des liens familiaux.
Vous savez combien l'accès aux vacances, à la culture, aux voyages, à la découverte, contribue à l'épanouissement de la personnalité, et, au-delà, en favorisant la multiplication des échanges, participe à la construction d'un monde plus tolérant.
Or, c'est bien parce qu'une partie importante, trop importante, de la société ne pouvait accéder à ce droit pour des raisons essentiellement financières, que le mécanisme du chèque-vacances a été mis en place, comme un outil d'aide au départ.
On peut, légitimement se féliciter, que cet objectif ait été atteint pour plusieurs centaines de milliers de familles qui - grâce au Chèque-vacances - ont pu, chaque année, depuis 1982, se voir offrir la possibilité de rompre avec le quotidien.
Néanmoins, force est de constater qu'un grand nombre de familles - pour des raisons économiques - n'ont toujours pas - ou plus - la possibilité d'y accéder.
Une enquête menée en 1997 par la Direction du Tourisme confirme ainsi que 35 % des foyers disposant d'un revenu inférieur à 6.000 F par mois, ne partent jamais. Et que plus de la moitié des non-partants appartiennent à un foyer dont les revenus mensuels ne dépassent pas
10.000 F par mois.
Cette étude est révélatrice du vrai problème que nous avons à traiter avec ce projet de loi : aider à partir en vacances, ces hommes, ces femmes, ces jeunes qui, aujourd'hui, sont privés de ce droit élémentaire.
C'est ce constat, cette réalité inconcevable à notre époque, qui m'a amenée à concrétiser le renforcement du dispositif existant du chèque-vacances, en projet dès sa conception.
Sincèrement, je suis persuadée que la mise en uvre du projet de loi, qui vous est soumis, doit, en quelques années, permettre le départ de plusieurs centaines de milliers de familles supplémentaires, dont beaucoup de jeunes, et en particulier, les jeunes familles, qui, le plus souvent, manquent de ressources pour partir.
Tel est, mesdames et messieurs les sénateurs, la finalité de ce projet !
C'est un projet profondément humaniste, un projet de justice sociale, qui concerne exclusivement les salariés, mais qui s'inscrit dans une démarche globale tendant à favoriser l'accès de toutes et de tous aux vacances. Démarche qui m'a notamment conduite à mettre en place une "Bourse Solidarité Vacances", en direction des plus démunis, après avoir fait inscrire le droit aux vacances pour tous, dans la loi de prévention et de lutte contre les exclusions.
De manière à lever toutes les ambiguïtés, je veux aussi rappeler, d'emblée, que le chèque-vacances ne saurait être un supplément de salaire déguisé, exonéré de charges sociales, pas plus qu'un titre de voyage banalisé, ce qui le détournerait de son but initial.
Tant dans l'esprit de l'ordonnance de 1982, que dans celui du projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, il est évident que son attribution ne saurait donc être laissée à la seule discrétion de l'employeur.
Je ne crois pas, en effet, que l'on puisse, sans risquer la confusion, prêter au chèque-vacances des missions qui ne sont pas les siennes.
Ainsi, en suggérant d'assimiler le chèque-vacances au concept de participation n'allons-nous pas, logiquement, vers une distribution du chèque-vacances à l'ensemble des salariés, sans critères sociaux d'attribution?
Car il me semble que l'objectif de la participation créée par l'ordonnance de 1967, était bien de faire bénéficier les salariés d'une partie des fruits de l'expansion des entreprises et non, comme le prévoit celle de 1982, de favoriser le départ en vacances des salariés qui ne le pourraient pas sans cette aide.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, l'exemple social - et original - de notre chèque-vacances a démontré, depuis 1982, sa raison d'être et son efficacité. En 1998, 4 millions de personnes, soit 1 million de salariés et leur famille, en ont ainsi bénéficié.
Néanmoins, nous constatons que de très nombreux salariés n'ont pas, dans la pratique, accès au chèque-vacances.
C'est, notamment, le cas de la majorité des salariés des PME-PMI de moins de 50 salariés qui, en l'absence de Comité d'Entreprise, sont de fait, exclus du bénéfice du chèque-vacances, alors que c'est bien dans ce secteur que l'on trouve les salaires les plus modestes.
Le législateur peut, comme il lui est proposé, corriger cette situation en ouvrant le dispositif à ces salariés à revenus les plus modestes, employés dans les PME-PMI, ainsi qu'aux salariés des entreprises, sociétés ou organismes soumis à la disposition L-351.12, troisième et quatrièmement, ainsi qu'à la disposition L-351.13 du code du Travail.
J'attire votre attention sur l'importance des effectifs potentiels concernés - puisqu'actuellement 7,5 millions des salariés sont employés par des PME. Mais je veux aussi attirer votre attention sur ce que ces salariés représentent, au regard de l'évolution du monde du travail.
La part des effectifs des PME ne cesse, en effet, de grandir, et, aujourd'hui, ils représentent plus de 55 % de l'ensemble des salariés du secteur privé.
Est-il normal que ceux qui travaillent dans les petites entreprises ne soient pas traités de la même manière que les autres ?
Car c'est bien la réalité aujourd'hui.
Et quel est le frein qui les empêche d'accéder, eux aussi, au bénéfice du chèque-vacances ?
L'ordonnance de 1982, telle qu'elle est rédigée, n'interdit certes pas explicitement aux PME de faire bénéficier leurs salariés du chèque-vacances. Mais deux obstacles d'importance les pénalisent, par rapport aux grandes entreprises :
- Le premier concerne le coût de l'avantage du chèque-vacances. Concrètement, faute de Comité d'entreprise, leurs employeurs ne peuvent prétendre aux exonérations de charge sur le chèque-vacances, puisque leur contribution est, du coup, considérée comme un élément de rémunération.
- Le second obstacle découle finalement du premier.
Car, en l'absence de Comité d'entreprise ou de délégués du personnel, quel moyen possèdent les salariés pour proposer à leur employeur de mettre en place le chèque-vacances ?
Très peu. Cela explique que seul, un nombre très marginal de PME, ait signé une convention avec l'Agence Nationale pour les Chèques-Vacances.
Voilà pourquoi, le projet de loi qui vous est soumis, entend prioritairement lever ces deux obstacles.
A l'article 3 du projet de loi, il est donc proposé une exonération de charges sociales sur la contribution de l'employeur au chèque-vacances, en faveur des entreprises de moins de 50 salariés.
Et, de manière à permettre un dialogue social plus large et favoriser ainsi une diffusion plus importante du chèque-vacances, il est prévu qu'en l'absence de C.E ou de représentation syndicale, un système de mandatement - comme celui qui commence à faire ses preuves dans le cadre de la loi sur la Réduction du Temps de Travail - soit mis en place.
C'est l'objet du 2ème alinéa de l'article 3.
Mais, pour tenir compte au mieux des difficultés d'organisation des relations sociales dans ce type d'entreprise, je vous propose également de permettre la délivrance du chèque-vacances par des organismes paritaires de gestion d'activités sociales de branche ou territoriaux.
C'est le but de l'article 5 du projet qui vous est soumis.
Ainsi, comme vous pouvez le vérifier - sans bouleverser le dispositif, actuellement en vigueur, de l'ordonnance de 1982 - ce projet de loi donne la priorité au dialogue social, car, nous le savons bien, c'est le renforcement des relations sociales qui permettra une meilleure prise en considération du chèque-vacances par les différents partenaires sociaux.
Cette façon de faire, j'en suis persuadée, est également la garantie contre toute tentation de dévoiement du chèque-vacances.
Par ailleurs, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions qui visent à assurer l'objectif social du chèque-vacances et une bonne gestion des deniers publics.
Ainsi, l'article 2 précise les conditions auxquelles doivent répondre les salariés, pour bénéficier du chèque-vacances, dans le cadre d'un avantage consenti par l'employeur, quelle que soit la taille de l'entreprise.
C'est pour plus de justice et d'efficacité sociale que cet article propose, également, de remplacer la référence à l'impôt payé, par le revenu fiscal de référence du foyer.
Revenu qui, je vous le rappelle, a été fixé, pour 1999, à 87.680 francs pour une part, et majoré de 19.990 francs par demi-part supplémentaire.
Vous le voyez, en proposant cette disposition, nous favorisons légèrement les familles, par rapport au plafond précédent. Mais en revanche, cela neutralise les avantages fiscaux qui permettaient à quelques salariés de bénéficier du chèque-vacances, malgré des revenus initiaux dépassant le plafond.
A ce propos, il ne m'a pas échappé, Monsieur le rapporteur, que la Commission propose d'élargir, encore plus que je ne le fais, les catégories de bénéficiaires potentiels du chèque-vacances.
Je dois vous dire, tout de suite, que j'y vois là un risque de remettre en cause le fondement social du chèque-vacances, qui est - je le rappelle - non pas de favoriser ceux qui ont déjà les moyens de partir en vacances, mais bien d'aider les familles qui ne le peuvent pas.
J'ajoute que si nous allions à un quasi doublement de la référence actuellement prise en compte dans l'ordonnance de 1982 (tel que la Commission le propose), il est vraisemblable que les employeurs seraient les premiers à dire qu'ils ne pourraient pas poursuivre dans l'abondement du chèque-vacances.
C'est, me semble t-il, dans le même esprit qu'il convient d'apprécier le plafond d'exonération des charges sociales, qui, dans l'article 3 du projet de loi est fixé à 30 % du SMIC brut mensuel, par salarié et par an, sur la base, bien évidemment, de la durée légale du travail, actuellement en vigueur, c'est à dire 169 heures par mois.
Ce plafond correspond au double de l'abondement moyen constaté actuellement.
Et, vous me permettrez d'insister sur le progrès contenu dans cette disposition nouvelle. Elle est, en effet, suffisamment large pour permettre le développement d'une aide effective au départ en vacances, et rester parfaitement tolérable pour les finances publiques.
Par ailleurs, c'est dans ce même article 3 qu'il est rappelé - comme je le soulignais tout à l'heure - que le chèque-vacances ne doit en aucun cas se substituer à une rémunération ou un avantage prévu contractuellement.
Cette disposition permet à la fois d'assurer le maintien des avantages acquis en termes de salaires, et d'éviter la tentation de détourner le chèque-vacances de son objectif, pour en faire un instrument pur et simple d'exonération des charges sur un élément de rémunération, au détriment de la sécurité sociale et des droits futurs des salariés (comme la retraite et les prestations sociales).
Je ne crois d'ailleurs pas inutile de rappeler que la force essentielle du chèque-vacances est apportée à la fois par le système d'épargne et par l'abondement de l'employeur. Je pense, sur cette question, qu'il convient de réaffirmer la nécessaire articulation de ce principe, afin de lutter contre toutes formes de détournement du chèque-vacances.
Permettez-moi, maintenant, d'aborder un autre aspect du rôle social porté par le chèque-vacances : je veux parler de la mission confiée à l'Agence Nationale pour le Chèque-Vacances.
Certes, le projet de loi qui vous est soumis ne prévoit en aucune manière de modifier la mission confiée par l'Etat à l'A.N.C.V., qu'elle remplit avec efficacité.
Il me semble, toutefois, que le débat d'aujourd'hui doit nous permettre de mesurer toutes les conséquences que peut avoir l'élargissement de l'attribution du chèque-vacances, en particulier à travers le rôle social joué par l'A.N.C.V.
Vous le savez, par le biais de l'Agence qui gère ces titres de paiements, c'est toute une politique de soutien au développement des équipements de tourisme à vocation sociale, qui a pu être mise en place.
Des milliers de "bourses vacances" ont, par ailleurs, pu être attribuées à des familles les plus démunies pour leur permettre d'accéder, elles aussi, aux vacances et aux loisirs et ce, par l'intermédiaire des organismes sociaux et des associations caritatives.
Ainsi entre 1991 et 1996, c'est plus de 60 000 personnes qui ont pu en profiter.
En 1998, les excédents réalisés par l'Agence ont permis de soutenir 100 projets de réhabilitation de villages de vacances du tourisme social et associatif, pour un total de 26 millions de francs d'investissement. L'extension du chèque-vacances aux salariés des PME devrait nous permettre de conforter et d'élargir encore cette politique de rénovation du patrimoine social des vacances
Mais, vous me permettrez aussi de rappeler l'impact de ce projet de loi dans l'économie et l'emploi touristique.
Ainsi, avec plus de 3 milliards de francs de chèques-vacances utilisés en 1997, ce dispositif a généré 10 milliards de francs de consommation touristique, dans les quelque 130.000 entreprises prestataires agréées. Il a également engendré la création de nombreux emplois en participant activement au développement local et à l'aménagement de notre territoire.
En fait, le chèque-vacances - au-delà de l'aide au départ qu'il représente pour les salariés qui en bénéficient - possède, en quelque sorte, une deuxième vie sociale, puisque, après avoir favorisé l'accès aux vacances des familles, qui, sans ce titre de paiement, ne pourraient sans doute pas y accéder, il constitue un véritable outil de développement du tourisme dans notre pays.
Ceci pour souligner combien la mise en place du chèque-vacances a été - et demeure - un véritable succès social et économique, grâce aux orientations mises en uvre par l'Agence Nationale pour le Chèque-Vacances, dont la vocation - je vous le rappelle - est garantie par la tutelle qu'exerce, sur elle, l'Etat, et en particulier le Secrétariat d'État au Tourisme.
Voilà pourquoi, je n'entends pas que cet outil puisse disparaître, ou être vidé de sa substance sociale, car cela remettrait en cause toute l'impulsion aux départs en vacances que les Pouvoirs Publics s'efforcent de donner depuis 1982 et qu'il est aujourd'hui de notre devoir d'amplifier.
Conçu à partir d'une large concertation avec les partenaires sociaux, entamée dès le mois de septembre 1997, ce projet de loi va étendre le bénéfice du chèque-vacances à tous les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés, en ne portant atteinte ni aux droits des organismes d'activités sociales, ni au fonctionnement et au statut de l'A.N.C.V.
Il préservera surtout le caractère social et redistributif du chèque-vacances, tout en favorisant l'intervention des partenaires sociaux et des institutions représentatives du personnel.
D'ailleurs, je suis convaincue qu'un grand nombre d'employeurs saura saisir le chèque-vacances pour ouvrir une activité sociale dans leur entreprise.
J'en veux pour preuve, le très bon accueil qui a été réservé à l'annonce de la présentation de ce projet par les organisations professionnelles, au premier rang desquelles l'Union Professionnelle Artisanale (U.P.A.).
Et puis, je voudrais souligner aussi l'intérêt que suscite le chèque-vacances dans les autres pays européens, où des gouvernements, et aussi le Bureau International du Tourisme Social, réfléchissent actuellement avec nous, à la mise en uvre d'un dispositif similaire et réciproque.
Vous voyez là, monsieur le Président, mesdames et messieurs les Sénateurs, que le projet, qui est soumis à votre examen, est un projet concret, cohérent, qui contribuera à l'élargissement des bénéficiaires du chèque-vacances, au renforcement de sa vocation sociale, au développement des capacités de solidarité de l'A.N.C.V, et à la croissance de notre économie touristique.
C'est un projet porteur de justice sociale et d'efficacité économique, qui contribuera, pour de nombreuses familles, à faire du droit aux vacances une réalité.
(Source http://www.tourisme.gouv.fr le 10 mars 1999)
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai l'honneur de présenter, aujourd'hui, devant la Haute Assemblée - et au nom du Gouvernement - le projet de loi tendant à élargir l'accès au chèque-vacances, auquel vous me savez tous, particulièrement attachée.
Ce projet de loi confirme les règles essentielles et les objectifs sociaux de l'ordonnance du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, dont vous me permettrez de rappeler les grands principes fondateurs.
Lorsque cette ordonnance a été élaborée, il s'agissait de répondre aux aspirations légitimes des individus et des familles les plus modestes à pouvoir accéder, elles aussi, aux vacances.
Devant vous, je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance du droit aux vacances, indispensable à l'équilibre de la vie en société, facteur de resserrement des liens familiaux.
Vous savez combien l'accès aux vacances, à la culture, aux voyages, à la découverte, contribue à l'épanouissement de la personnalité, et, au-delà, en favorisant la multiplication des échanges, participe à la construction d'un monde plus tolérant.
Or, c'est bien parce qu'une partie importante, trop importante, de la société ne pouvait accéder à ce droit pour des raisons essentiellement financières, que le mécanisme du chèque-vacances a été mis en place, comme un outil d'aide au départ.
On peut, légitimement se féliciter, que cet objectif ait été atteint pour plusieurs centaines de milliers de familles qui - grâce au Chèque-vacances - ont pu, chaque année, depuis 1982, se voir offrir la possibilité de rompre avec le quotidien.
Néanmoins, force est de constater qu'un grand nombre de familles - pour des raisons économiques - n'ont toujours pas - ou plus - la possibilité d'y accéder.
Une enquête menée en 1997 par la Direction du Tourisme confirme ainsi que 35 % des foyers disposant d'un revenu inférieur à 6.000 F par mois, ne partent jamais. Et que plus de la moitié des non-partants appartiennent à un foyer dont les revenus mensuels ne dépassent pas
10.000 F par mois.
Cette étude est révélatrice du vrai problème que nous avons à traiter avec ce projet de loi : aider à partir en vacances, ces hommes, ces femmes, ces jeunes qui, aujourd'hui, sont privés de ce droit élémentaire.
C'est ce constat, cette réalité inconcevable à notre époque, qui m'a amenée à concrétiser le renforcement du dispositif existant du chèque-vacances, en projet dès sa conception.
Sincèrement, je suis persuadée que la mise en uvre du projet de loi, qui vous est soumis, doit, en quelques années, permettre le départ de plusieurs centaines de milliers de familles supplémentaires, dont beaucoup de jeunes, et en particulier, les jeunes familles, qui, le plus souvent, manquent de ressources pour partir.
Tel est, mesdames et messieurs les sénateurs, la finalité de ce projet !
C'est un projet profondément humaniste, un projet de justice sociale, qui concerne exclusivement les salariés, mais qui s'inscrit dans une démarche globale tendant à favoriser l'accès de toutes et de tous aux vacances. Démarche qui m'a notamment conduite à mettre en place une "Bourse Solidarité Vacances", en direction des plus démunis, après avoir fait inscrire le droit aux vacances pour tous, dans la loi de prévention et de lutte contre les exclusions.
De manière à lever toutes les ambiguïtés, je veux aussi rappeler, d'emblée, que le chèque-vacances ne saurait être un supplément de salaire déguisé, exonéré de charges sociales, pas plus qu'un titre de voyage banalisé, ce qui le détournerait de son but initial.
Tant dans l'esprit de l'ordonnance de 1982, que dans celui du projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, il est évident que son attribution ne saurait donc être laissée à la seule discrétion de l'employeur.
Je ne crois pas, en effet, que l'on puisse, sans risquer la confusion, prêter au chèque-vacances des missions qui ne sont pas les siennes.
Ainsi, en suggérant d'assimiler le chèque-vacances au concept de participation n'allons-nous pas, logiquement, vers une distribution du chèque-vacances à l'ensemble des salariés, sans critères sociaux d'attribution?
Car il me semble que l'objectif de la participation créée par l'ordonnance de 1967, était bien de faire bénéficier les salariés d'une partie des fruits de l'expansion des entreprises et non, comme le prévoit celle de 1982, de favoriser le départ en vacances des salariés qui ne le pourraient pas sans cette aide.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, l'exemple social - et original - de notre chèque-vacances a démontré, depuis 1982, sa raison d'être et son efficacité. En 1998, 4 millions de personnes, soit 1 million de salariés et leur famille, en ont ainsi bénéficié.
Néanmoins, nous constatons que de très nombreux salariés n'ont pas, dans la pratique, accès au chèque-vacances.
C'est, notamment, le cas de la majorité des salariés des PME-PMI de moins de 50 salariés qui, en l'absence de Comité d'Entreprise, sont de fait, exclus du bénéfice du chèque-vacances, alors que c'est bien dans ce secteur que l'on trouve les salaires les plus modestes.
Le législateur peut, comme il lui est proposé, corriger cette situation en ouvrant le dispositif à ces salariés à revenus les plus modestes, employés dans les PME-PMI, ainsi qu'aux salariés des entreprises, sociétés ou organismes soumis à la disposition L-351.12, troisième et quatrièmement, ainsi qu'à la disposition L-351.13 du code du Travail.
J'attire votre attention sur l'importance des effectifs potentiels concernés - puisqu'actuellement 7,5 millions des salariés sont employés par des PME. Mais je veux aussi attirer votre attention sur ce que ces salariés représentent, au regard de l'évolution du monde du travail.
La part des effectifs des PME ne cesse, en effet, de grandir, et, aujourd'hui, ils représentent plus de 55 % de l'ensemble des salariés du secteur privé.
Est-il normal que ceux qui travaillent dans les petites entreprises ne soient pas traités de la même manière que les autres ?
Car c'est bien la réalité aujourd'hui.
Et quel est le frein qui les empêche d'accéder, eux aussi, au bénéfice du chèque-vacances ?
L'ordonnance de 1982, telle qu'elle est rédigée, n'interdit certes pas explicitement aux PME de faire bénéficier leurs salariés du chèque-vacances. Mais deux obstacles d'importance les pénalisent, par rapport aux grandes entreprises :
- Le premier concerne le coût de l'avantage du chèque-vacances. Concrètement, faute de Comité d'entreprise, leurs employeurs ne peuvent prétendre aux exonérations de charge sur le chèque-vacances, puisque leur contribution est, du coup, considérée comme un élément de rémunération.
- Le second obstacle découle finalement du premier.
Car, en l'absence de Comité d'entreprise ou de délégués du personnel, quel moyen possèdent les salariés pour proposer à leur employeur de mettre en place le chèque-vacances ?
Très peu. Cela explique que seul, un nombre très marginal de PME, ait signé une convention avec l'Agence Nationale pour les Chèques-Vacances.
Voilà pourquoi, le projet de loi qui vous est soumis, entend prioritairement lever ces deux obstacles.
A l'article 3 du projet de loi, il est donc proposé une exonération de charges sociales sur la contribution de l'employeur au chèque-vacances, en faveur des entreprises de moins de 50 salariés.
Et, de manière à permettre un dialogue social plus large et favoriser ainsi une diffusion plus importante du chèque-vacances, il est prévu qu'en l'absence de C.E ou de représentation syndicale, un système de mandatement - comme celui qui commence à faire ses preuves dans le cadre de la loi sur la Réduction du Temps de Travail - soit mis en place.
C'est l'objet du 2ème alinéa de l'article 3.
Mais, pour tenir compte au mieux des difficultés d'organisation des relations sociales dans ce type d'entreprise, je vous propose également de permettre la délivrance du chèque-vacances par des organismes paritaires de gestion d'activités sociales de branche ou territoriaux.
C'est le but de l'article 5 du projet qui vous est soumis.
Ainsi, comme vous pouvez le vérifier - sans bouleverser le dispositif, actuellement en vigueur, de l'ordonnance de 1982 - ce projet de loi donne la priorité au dialogue social, car, nous le savons bien, c'est le renforcement des relations sociales qui permettra une meilleure prise en considération du chèque-vacances par les différents partenaires sociaux.
Cette façon de faire, j'en suis persuadée, est également la garantie contre toute tentation de dévoiement du chèque-vacances.
Par ailleurs, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions qui visent à assurer l'objectif social du chèque-vacances et une bonne gestion des deniers publics.
Ainsi, l'article 2 précise les conditions auxquelles doivent répondre les salariés, pour bénéficier du chèque-vacances, dans le cadre d'un avantage consenti par l'employeur, quelle que soit la taille de l'entreprise.
C'est pour plus de justice et d'efficacité sociale que cet article propose, également, de remplacer la référence à l'impôt payé, par le revenu fiscal de référence du foyer.
Revenu qui, je vous le rappelle, a été fixé, pour 1999, à 87.680 francs pour une part, et majoré de 19.990 francs par demi-part supplémentaire.
Vous le voyez, en proposant cette disposition, nous favorisons légèrement les familles, par rapport au plafond précédent. Mais en revanche, cela neutralise les avantages fiscaux qui permettaient à quelques salariés de bénéficier du chèque-vacances, malgré des revenus initiaux dépassant le plafond.
A ce propos, il ne m'a pas échappé, Monsieur le rapporteur, que la Commission propose d'élargir, encore plus que je ne le fais, les catégories de bénéficiaires potentiels du chèque-vacances.
Je dois vous dire, tout de suite, que j'y vois là un risque de remettre en cause le fondement social du chèque-vacances, qui est - je le rappelle - non pas de favoriser ceux qui ont déjà les moyens de partir en vacances, mais bien d'aider les familles qui ne le peuvent pas.
J'ajoute que si nous allions à un quasi doublement de la référence actuellement prise en compte dans l'ordonnance de 1982 (tel que la Commission le propose), il est vraisemblable que les employeurs seraient les premiers à dire qu'ils ne pourraient pas poursuivre dans l'abondement du chèque-vacances.
C'est, me semble t-il, dans le même esprit qu'il convient d'apprécier le plafond d'exonération des charges sociales, qui, dans l'article 3 du projet de loi est fixé à 30 % du SMIC brut mensuel, par salarié et par an, sur la base, bien évidemment, de la durée légale du travail, actuellement en vigueur, c'est à dire 169 heures par mois.
Ce plafond correspond au double de l'abondement moyen constaté actuellement.
Et, vous me permettrez d'insister sur le progrès contenu dans cette disposition nouvelle. Elle est, en effet, suffisamment large pour permettre le développement d'une aide effective au départ en vacances, et rester parfaitement tolérable pour les finances publiques.
Par ailleurs, c'est dans ce même article 3 qu'il est rappelé - comme je le soulignais tout à l'heure - que le chèque-vacances ne doit en aucun cas se substituer à une rémunération ou un avantage prévu contractuellement.
Cette disposition permet à la fois d'assurer le maintien des avantages acquis en termes de salaires, et d'éviter la tentation de détourner le chèque-vacances de son objectif, pour en faire un instrument pur et simple d'exonération des charges sur un élément de rémunération, au détriment de la sécurité sociale et des droits futurs des salariés (comme la retraite et les prestations sociales).
Je ne crois d'ailleurs pas inutile de rappeler que la force essentielle du chèque-vacances est apportée à la fois par le système d'épargne et par l'abondement de l'employeur. Je pense, sur cette question, qu'il convient de réaffirmer la nécessaire articulation de ce principe, afin de lutter contre toutes formes de détournement du chèque-vacances.
Permettez-moi, maintenant, d'aborder un autre aspect du rôle social porté par le chèque-vacances : je veux parler de la mission confiée à l'Agence Nationale pour le Chèque-Vacances.
Certes, le projet de loi qui vous est soumis ne prévoit en aucune manière de modifier la mission confiée par l'Etat à l'A.N.C.V., qu'elle remplit avec efficacité.
Il me semble, toutefois, que le débat d'aujourd'hui doit nous permettre de mesurer toutes les conséquences que peut avoir l'élargissement de l'attribution du chèque-vacances, en particulier à travers le rôle social joué par l'A.N.C.V.
Vous le savez, par le biais de l'Agence qui gère ces titres de paiements, c'est toute une politique de soutien au développement des équipements de tourisme à vocation sociale, qui a pu être mise en place.
Des milliers de "bourses vacances" ont, par ailleurs, pu être attribuées à des familles les plus démunies pour leur permettre d'accéder, elles aussi, aux vacances et aux loisirs et ce, par l'intermédiaire des organismes sociaux et des associations caritatives.
Ainsi entre 1991 et 1996, c'est plus de 60 000 personnes qui ont pu en profiter.
En 1998, les excédents réalisés par l'Agence ont permis de soutenir 100 projets de réhabilitation de villages de vacances du tourisme social et associatif, pour un total de 26 millions de francs d'investissement. L'extension du chèque-vacances aux salariés des PME devrait nous permettre de conforter et d'élargir encore cette politique de rénovation du patrimoine social des vacances
Mais, vous me permettrez aussi de rappeler l'impact de ce projet de loi dans l'économie et l'emploi touristique.
Ainsi, avec plus de 3 milliards de francs de chèques-vacances utilisés en 1997, ce dispositif a généré 10 milliards de francs de consommation touristique, dans les quelque 130.000 entreprises prestataires agréées. Il a également engendré la création de nombreux emplois en participant activement au développement local et à l'aménagement de notre territoire.
En fait, le chèque-vacances - au-delà de l'aide au départ qu'il représente pour les salariés qui en bénéficient - possède, en quelque sorte, une deuxième vie sociale, puisque, après avoir favorisé l'accès aux vacances des familles, qui, sans ce titre de paiement, ne pourraient sans doute pas y accéder, il constitue un véritable outil de développement du tourisme dans notre pays.
Ceci pour souligner combien la mise en place du chèque-vacances a été - et demeure - un véritable succès social et économique, grâce aux orientations mises en uvre par l'Agence Nationale pour le Chèque-Vacances, dont la vocation - je vous le rappelle - est garantie par la tutelle qu'exerce, sur elle, l'Etat, et en particulier le Secrétariat d'État au Tourisme.
Voilà pourquoi, je n'entends pas que cet outil puisse disparaître, ou être vidé de sa substance sociale, car cela remettrait en cause toute l'impulsion aux départs en vacances que les Pouvoirs Publics s'efforcent de donner depuis 1982 et qu'il est aujourd'hui de notre devoir d'amplifier.
Conçu à partir d'une large concertation avec les partenaires sociaux, entamée dès le mois de septembre 1997, ce projet de loi va étendre le bénéfice du chèque-vacances à tous les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés, en ne portant atteinte ni aux droits des organismes d'activités sociales, ni au fonctionnement et au statut de l'A.N.C.V.
Il préservera surtout le caractère social et redistributif du chèque-vacances, tout en favorisant l'intervention des partenaires sociaux et des institutions représentatives du personnel.
D'ailleurs, je suis convaincue qu'un grand nombre d'employeurs saura saisir le chèque-vacances pour ouvrir une activité sociale dans leur entreprise.
J'en veux pour preuve, le très bon accueil qui a été réservé à l'annonce de la présentation de ce projet par les organisations professionnelles, au premier rang desquelles l'Union Professionnelle Artisanale (U.P.A.).
Et puis, je voudrais souligner aussi l'intérêt que suscite le chèque-vacances dans les autres pays européens, où des gouvernements, et aussi le Bureau International du Tourisme Social, réfléchissent actuellement avec nous, à la mise en uvre d'un dispositif similaire et réciproque.
Vous voyez là, monsieur le Président, mesdames et messieurs les Sénateurs, que le projet, qui est soumis à votre examen, est un projet concret, cohérent, qui contribuera à l'élargissement des bénéficiaires du chèque-vacances, au renforcement de sa vocation sociale, au développement des capacités de solidarité de l'A.N.C.V, et à la croissance de notre économie touristique.
C'est un projet porteur de justice sociale et d'efficacité économique, qui contribuera, pour de nombreuses familles, à faire du droit aux vacances une réalité.
(Source http://www.tourisme.gouv.fr le 10 mars 1999)