Déclaration de Mme Michèlle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur l'évolution de la place des femmes dans la société et la nécessité de poursuivre la lutte contre les discriminations dont elles restent l'objet, Paris le 8 mars 1999.

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Circonstance : Journée internationale des femmes le 8 mars 1999

Texte intégral

Mesdames... Mesdemoiselles... Messieurs,
Chers amis,

Tout d'abord permettez-moi de vous dire le plaisir que j'ai de vous accueillir, ce matin, dans mon ministère, à l'occasion de cette Journée du 8 mars, qui a toujours été, pour moi, un moment important. Une date-clé dans l'année, qui a ponctué et jalonné mon parcours de femme et, notamment, mon parcours de femme en politique.

Il ne s'est, en effet, pas passé une année, depuis près de vingt ans, sans que je participe à une initiative, ou en organise une, moi-même, pour célébrer la Journée Internationale des Femmes. Et je suis ravie que pour le dernier 8 mars avant l'an 2000, nous m'ayez fait le plaisir de répondre à mon invitation.

Aujourd'hui, j'ai voulu réunir des fonctionnaires de mon administration, des actrices de la famille du Tourisme, mais aussi d'autres femmes - des «personnalités», comme on dit - en fait des amies, qui uvrent dans des milieux divers, mais avec qui, à un moment ou un autre de mon parcours de militante des droits des femmes, nous avons fait un bout de chemin.

Merci à elles, donc, d'être venues. Merci à vous d'être là.
Merci à Mesdames et Messieurs les Ministres de me faire également l'honneur de participer à cette rencontre, qui - je veux le dire tout de suite - se veut à la fois l'occasion d'échanger, mais aussi de se retrouver pour un moment de convivialité.

Car, comme je vous le disais à l'instant, le 8 mars est d'autant plus important pour moi, que je n'ai l'ai jamais vécu comme un rendez-vous formel, mais bien comme l'occasion, qui nous est offerte, chaque année, de nous rappeler toutes ces luttes menées par les femmes pour conquérir leur place dans la société, et de prendre - ou reprendre - conscience que l'objectif de l'égalité des droits dans tous les domaines de la vie (que cela soit en politique, dans le monde du travail ou au sein même de la famille) est, évidemment, l'affaire de tous. Et, à fortiori, de toutes celles et de tous ceux qui exercent une responsabilité dans ce pays, y compris - et peut-être, surtout - si elle est ministérielle.

Mais avant de vous dire comment j'entend prendre la mienne dans le secteur qui est le mien, quelques mots pour se rappeler que l'évolution principale de ce siècle, au regard de l'Histoire, a été, sans nulle doute, l'émergence des femmes dans la vie sociale et politique, et que l'évolution, que cela représente, a constitué une accélération vertigineuse dans l'histoire de nos sociétés.

En effet, notre vie de femme, aujourd'hui, n'a plus rien à voir avec celle de nos mères, et encore moins avec celle de nos grands-mères !

Et même si l'on peut dire que les progrès techniques et scientifiques ont ouvert la porte à cette évolution, celle-ci est aussi, et d'abord - je le crois, - le résultat de la prise de conscience et de la pression exercée par les femmes, elles-mêmes, pour exister à part entière, dans la société.

Je ne vous ferais pas l'affront de retracer, ici, toutes les grandes étapes de cette conquête de leurs droits, cependant, je me permettrais, juste, d'insister sur celle du droit de maîtriser sa fécondité, qui a sans doute été l'étape la plus importante, puisque c'est notamment elle qui a permis l'entrée massive des femmes dans le monde du travail.

Aujourd'hui, en effet, nous pouvons au moins affirmer que dans ce domaine, nous avons la parité, puisqu'en France, il y a autant d'hommes que de femmes qui travaillent.

Pour l'égalité, en revanche, c'est une autre affaire !

Et là, je ne veux citer qu'un chiffre : dire qu'à diplôme, expérience et qualification identiques les femmes demeurent payées 13 % de moins que leurs collègues masculins.

En fait, en matière de droits, je crois que le réalisme oblige à reconnaître que l'irréversibilité n'existe pas, et, aussi, malheureusement, que, dès qu'un recul s'opère dans notre société, dès que la conjoncture économique n'est plus très bonne, c'est d'abord et en premier les femmes qui payent le plus lourd tribu.

Elles, nous, qui sommes, aujourd'hui, les plus touchées par le chômage ; par le temps partiel imposé ; par cette nouvelle forme de pauvreté que ces salaires «partiels» induisent...

Et même si nous n e sommes pas, en Europe, les derniers de la classe en matière d'intégration des femmes au travail, force est de constater que leur représentation aux postes de pouvoir demeure ridicule. En tout cas, elle apparaît totalement décalée avec le rôle que jouent et la place que les femmes occupent, aujourd'hui, dans la vie économique et sociale du pays.

Et je dois dire que je suis fière d'appartenir à ce gouvernement de la Gauche Plurielle qui, en proposant d'inscrire l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, dans la Constitution française, a permis de relancer le débat sur l'égalité des droits. Fière de son volontarisme.

Car je crois, très sincèrement, que si l'on devait résumer en un mot ce qui vient de se passer dans le pays, on pourrait dire que la question des femmes est, enfin, appréhendée comme une vraie question politique, dans l'acception la plus noble du terme.

Et je tiens d'ailleurs à saluer tout particulièrement mon amie Geneviève Fraisse, qui, dans son travail de Déléguée Interministérielle aux Droits des Femmes a permis de faire avancer cette question.

Aujourd'hui, la question des femmes relève d'un Secrétariat d'Etat, celui dont a la charge ma collègue Nicole Péry.

Je crois que cela permet d'afficher encore plus clairement la volonté du gouvernement de s'attaquer aux inégalités et aux discriminations que les femmes subissent, même si, très vite, à mon avis, se posera la question du budget et des moyens que l'on décide d'y consacrer.

En tout cas, en ce moment, je pense qu'il convient de souligner l'action gouvernementale sur ce sujet : le fait qu'à travers le rapport sur la place des femmes dans la fonction publique celui sur le rôle dynamique qu'elles jouent dans la vie économique de notre pays ; mais aussi celui commandé par Nicole Péry sur les violences qu'elles subissent ; nous ayons décidé de bien regarder la réalité en face pour, enfin, apporter des réponses concrètes à des problèmes concrets.

Tout cela contribue à ne plus considérer que les femmes seraient une catégorie à part, mais bien qu'elles sont dans toutes les catégories parce qu'elles sont la moitié de l'Humanité.

D'ailleurs, je me félicite que Nicole Péry propose au Premier Ministre de relancer le Comité Interministériel pour les droits des femmes, car je pense que, s'il faut un ministère qui s'occupe spécifiquement de cette question, c'est dans tous les domaines qu'il faut savoir prendre ses responsabilités et faire respecter l'égalité des droits.

Il ne vous surprendra pas, dès lors, que je veuille prendre les miennes dans le domaine dont j'ai la charge.

En effet, il ne vous a sans doute pas échappé que le secteur du Tourisme est un secteur d'activités composées majoritairement de femmes. Pourtant, on observe que pratiquement deux fois moins de filles que de garçons sortent des formations initiales dispensées par les lycées professionnels et les C.F.A.

Concrètement, cela veut dire quoi ?

Qu'elles intègrent souvent ce secteur sans aucune formation initiale et sont donc très souvent confinées dans des emplois leur offrant des chances d'évolution professionnelles limitées. Ce qui peut, pour partie, expliquer qu'elles soient insuffisamment représentées dans les postes de
responsabilités.

Je dis pour partie, car le pense sincèrement qu'il n'y a rien, là, de fatal, ni d'ailleurs de systématique, car un certain nombre d'entre elles pourraient aujourd'hui prétendre à occuper des postes décisionnels.

Alors comment faire pour les y aider ? Comment faire de l'égalité des droits une réalité ? Comment en finir avec les discriminations ?

C'est souvent en commençant par bien étudier le terrain, par donner la parole aux premières intéressées que l'on peut plus efficacement et plus rapidement avancer.

Et je tiens, en cette Journée des Femmes, à saluer le travail d'un homme, Monsieur Philippe Léglise, qui, à la Délégation Régionale au Tourisme Alsace, s'est engagé dans la réalisation d'une étude sur la valorisation du rôle des conjoints d'hôteliers et de restaurateurs.

Partant du constat que, très souvent, dans ce secteur qui joue un rôle essentiel dans le développement touristique, les femmes entrent dans le métier aux côtés de leurs maris, cette étude, aujourd'hui à mi-étape, nous permettra très vite de prendre des dispositions pour favoriser la reconnaissance du travail considérable effectué par ces femmes et les aider à se former.

Elle donnera, je l'espère, l'idée à d'autres de s'attaquer au problème dans leur région. Pour ma part c'est aussi vers l'administration que j'ai envie de me tourner, car je crois que l'État employeur a un devoir d'exemplarité.

Vous le savez peut-être, depuis mon arrivée au Secrétariat d'Etat au Tourisme, une femme a été nommée à l'inspection Générale du Tourisme. Et j'ai bien conscience qu'il faudra d'autres nominations. Mais là, évidemment, je ne suis pas la seule à décider.

En fait, aujourd'hui, à vous qui uvrez chaque jour dans mon ministère, j'ai envie dire «osez», la balle est dans votre camp, osez prendre des responsabilités, osez postuler.

Car si je tiens, avec insistance, à saluer le volontarisme du gouvernement, et réaffirmer mon engagement de militante féministe, c'est bien pour dire combien je crois qu'en ce moment la conjoncture «politique» est favorable aux avancées des femmes.

Cela n'est pas toujours le cas. Sachons donc en profiter. Profiter de cette Journée pour faire avancer des idées. Profiter du fait que le débat sur l'égalité des droits soit relancé, à la faveur du débat sur la parité, pour réclamer que cette égalité soit, enfin, réellement respectée.

Appuyons-nous sur le rapport du Conseil d'Analyse Économique qui dit que «les femmes sont sans doute le facteur le plus dynamique de la croissance dans les modes de production contemporains» pour prendre toute notre place dans la vie économique, politique, et sociale du pays !

Faut-il créer, dans le secteur du Tourisme, un lieu spécifique pour réfléchir à ces questions ? Je ne sais pas. Peut-être pas. Mais c'est une chose que nous pouvons, en tout cas, discuter ensemble.

Et, avant que nous le fassions autour du verre de l'amitié, je voudrais vous dire que j'aurais l'occasion, tout à l'heure, lors du déjeuner organisé par le Premier Ministre avec toutes mes collègues femmes du gouvernement de proposer une action particulière pour l'an 2000.

En effet, s'il est vrai que le siècle qui s'achève a été le siècle des femmes, pourquoi le gouvernement ne prendrait-il pas l'initiative d'organiser, en France, avec tous les ministères, un grand 8 mars en l'an 2000.
(Source http://www.tourisme.gouv.fr le 10 mars 1999)