Texte intégral
Q - Qu'attendez-vous du Conseil des ministres franco-allemand ?
R - Ce Conseil intervient à un moment extrêmement important : l'Europe fait face à de grands défis, et les observateurs étrangers nous regardent et testent la capacité du couple franco-allemand à réagir. Mais depuis un an, sur tous les sujets majeurs que la crise a suscités, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont été capables, à chaque fois, de dégager des positions communes : sur le budget européen 2011, sur le soutien à l'Irlande et sur la mise en place d'un mécanisme pérenne de solidarité financière dans la zone euro. Le couple franco-allemand est solide. Ce conseil est l'occasion de marquer notre détermination à poursuivre.
Q - On a le sentiment d'une certaine passivité de la France ces derniers mois. Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas laissé l'Allemagne dicter les nouvelles règles du jeu face à la crise ?
R - C'est tout le contraire. Regardez comment l'Allemagne a évolué en un an : elle était défavorable à une aide à la Grèce, refusait le principe d'un mécanisme pérenne de solidarité financière ! Je vous rappelle aussi, au sujet de ce dernier, que c'est le président français qui a pris l'initiative d'accélérer le calendrier, il y a une dizaine de jours, afin de rassurer les marchés. Simplement, nous agissons chaque fois en respectant le tempo de l'Allemagne. C'est pour moi la marque d'une relation de maturité avec notre partenaire.
Q - Vous décrivez une relation franco-allemande «solide» mais elle semble au service d'une ambition européenne réduite.
R - Ma conviction, c'est que nous aurons davantage besoin de l'Europe après la crise qu'avant. Pour affronter l'avenir, l'Europe est à la fois notre meilleur bouclier et notre meilleure épée. Je ne suis pas de ceux qui repeignent le tableau en noir. Car ne nous trompons pas : dans la crise actuelle, c'est l'euro qui nous protège. Sans lui, on assisterait à une guerre fratricide entre les monnaies qui déclencherait une spirale de dévaluations compétitives, synonyme d'un affaiblissement de l'économie. Dévaluer signifie perte de richesse. En cas de dévaluation, le consommateur paie plus cher tout ce qui est importé de l'étranger, à commencer par l'essence. Je constate aussi que l'Europe se renforce dans la crise : nous avons décidé de mettre en place une politique commerciale plus agressive, fondée sur la réciprocité. Nous allons même enfin disposer d'un brevet européen, un dossier bloqué depuis vingt ans. Une dizaine de pays européens ont décidé de lancer une coopération renforcée. C'est un sujet déterminant pour notre compétitivité.
Q - Les négociations sur le budget 2011 sont pourtant bloquées, faute d'accord...
R - Les discussions ont été sur le point d'échouer c'est vrai. Je travaille d'arrache-pied sur ce dossier depuis quinze jours. Mais aujourd'hui, je suis très confiant sur la possibilité de bâtir un budget 2011 en hausse de 2,91 %, ce qui n'est pas rien dans le contexte actuel ; il permettra de financer le réacteur nucléaire Iter, le projet Galileo de positionnement par satellite et le Service européen pour l'action extérieure. Il ne s'agit donc pas d'une Europe peau de chagrin condamnée à réduire ses ambitions. Mais ça ne suffit pas. Nous devons nous pencher sur le mode d'emploi des outils communautaires. Depuis une dizaine d'années, l'Union a mis en place une série de contrôles et de procédures qui rendent ces fonds quasi inutilisables. C'est vrai pour le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, qui est trop lourd à mettre en oeuvre, même pour un groupe comme Renault. C'est vrai aussi pour les crédits du Fonds social européen et les crédits de recherche. Je souhaite un système plus souple et plus simple d'utilisation.
Je prône donc une Europe ambitieuse, mais à une condition : que le logiciel de la Commission européenne change. L'Europe a été accusée d'être le bras armé de la dérégulation. A la sortie de la crise, elle devra montrer sa capacité à mieux protéger les emplois et être plus offensive dans ses rapports extérieurs. Un seul exemple : l'Europe ouvre 80 % de ses marchés publics à la concurrence internationale ; la Chine et le Brésil ne prennent aucun engagement. C'est anormal. Ces sujets sont désormais sur la table de la Commission, comme celui de la protection des services économiques d'intérêt général. Je trouve que tout cela va dans le bon sens.
Q - On sent les opinions publiques méfiantes vis-à-vis de l'euro. Il est accusé, entre autres, d'avoir favorisé l'explosion de la dette...
R - Ce qui est vrai, c'est que cette crise révèle des faiblesses. Il y a eu une utilisation abusive du parapluie qu'offrait l'euro. C'est pourquoi on ne doit pas se contenter d'éteindre l'incendie. La surveillance macro-économique était trop lâche. La dérive d'un cas comme l'Irlande pas assez appréhendée. Nous devrons à l'avenir contrôler notamment les balances extérieures des pays de la zone euro et l'exposition de leur secteur bancaire, pour vérifier que la croissance est soutenable et qu'ils pourront rembourser leur dette. Il ne s'agit pas de sacrifier l'euro, mais de renforcer son pilotage.
Q - On peut aussi regretter que la croissance n'ait pas toujours été très élevée dans la zone euro...
R - Pour 2011, la croissance attendue est de 1,5 %, et elle devrait s'accélérer en 2012, à 1,8 %. La zone euro est une terre d'équilibre. Je ne suis pas sûr qu'il faille copier le modèle américain, qui fonctionne par bulles spéculatives et crises d'ajustement successives. Mieux vaut une croissance modérée mais stable et durable. J'ajoute que l'économie française ne s'est jamais financée à des taux aussi favorables qu'aujourd'hui.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2010
R - Ce Conseil intervient à un moment extrêmement important : l'Europe fait face à de grands défis, et les observateurs étrangers nous regardent et testent la capacité du couple franco-allemand à réagir. Mais depuis un an, sur tous les sujets majeurs que la crise a suscités, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont été capables, à chaque fois, de dégager des positions communes : sur le budget européen 2011, sur le soutien à l'Irlande et sur la mise en place d'un mécanisme pérenne de solidarité financière dans la zone euro. Le couple franco-allemand est solide. Ce conseil est l'occasion de marquer notre détermination à poursuivre.
Q - On a le sentiment d'une certaine passivité de la France ces derniers mois. Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas laissé l'Allemagne dicter les nouvelles règles du jeu face à la crise ?
R - C'est tout le contraire. Regardez comment l'Allemagne a évolué en un an : elle était défavorable à une aide à la Grèce, refusait le principe d'un mécanisme pérenne de solidarité financière ! Je vous rappelle aussi, au sujet de ce dernier, que c'est le président français qui a pris l'initiative d'accélérer le calendrier, il y a une dizaine de jours, afin de rassurer les marchés. Simplement, nous agissons chaque fois en respectant le tempo de l'Allemagne. C'est pour moi la marque d'une relation de maturité avec notre partenaire.
Q - Vous décrivez une relation franco-allemande «solide» mais elle semble au service d'une ambition européenne réduite.
R - Ma conviction, c'est que nous aurons davantage besoin de l'Europe après la crise qu'avant. Pour affronter l'avenir, l'Europe est à la fois notre meilleur bouclier et notre meilleure épée. Je ne suis pas de ceux qui repeignent le tableau en noir. Car ne nous trompons pas : dans la crise actuelle, c'est l'euro qui nous protège. Sans lui, on assisterait à une guerre fratricide entre les monnaies qui déclencherait une spirale de dévaluations compétitives, synonyme d'un affaiblissement de l'économie. Dévaluer signifie perte de richesse. En cas de dévaluation, le consommateur paie plus cher tout ce qui est importé de l'étranger, à commencer par l'essence. Je constate aussi que l'Europe se renforce dans la crise : nous avons décidé de mettre en place une politique commerciale plus agressive, fondée sur la réciprocité. Nous allons même enfin disposer d'un brevet européen, un dossier bloqué depuis vingt ans. Une dizaine de pays européens ont décidé de lancer une coopération renforcée. C'est un sujet déterminant pour notre compétitivité.
Q - Les négociations sur le budget 2011 sont pourtant bloquées, faute d'accord...
R - Les discussions ont été sur le point d'échouer c'est vrai. Je travaille d'arrache-pied sur ce dossier depuis quinze jours. Mais aujourd'hui, je suis très confiant sur la possibilité de bâtir un budget 2011 en hausse de 2,91 %, ce qui n'est pas rien dans le contexte actuel ; il permettra de financer le réacteur nucléaire Iter, le projet Galileo de positionnement par satellite et le Service européen pour l'action extérieure. Il ne s'agit donc pas d'une Europe peau de chagrin condamnée à réduire ses ambitions. Mais ça ne suffit pas. Nous devons nous pencher sur le mode d'emploi des outils communautaires. Depuis une dizaine d'années, l'Union a mis en place une série de contrôles et de procédures qui rendent ces fonds quasi inutilisables. C'est vrai pour le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, qui est trop lourd à mettre en oeuvre, même pour un groupe comme Renault. C'est vrai aussi pour les crédits du Fonds social européen et les crédits de recherche. Je souhaite un système plus souple et plus simple d'utilisation.
Je prône donc une Europe ambitieuse, mais à une condition : que le logiciel de la Commission européenne change. L'Europe a été accusée d'être le bras armé de la dérégulation. A la sortie de la crise, elle devra montrer sa capacité à mieux protéger les emplois et être plus offensive dans ses rapports extérieurs. Un seul exemple : l'Europe ouvre 80 % de ses marchés publics à la concurrence internationale ; la Chine et le Brésil ne prennent aucun engagement. C'est anormal. Ces sujets sont désormais sur la table de la Commission, comme celui de la protection des services économiques d'intérêt général. Je trouve que tout cela va dans le bon sens.
Q - On sent les opinions publiques méfiantes vis-à-vis de l'euro. Il est accusé, entre autres, d'avoir favorisé l'explosion de la dette...
R - Ce qui est vrai, c'est que cette crise révèle des faiblesses. Il y a eu une utilisation abusive du parapluie qu'offrait l'euro. C'est pourquoi on ne doit pas se contenter d'éteindre l'incendie. La surveillance macro-économique était trop lâche. La dérive d'un cas comme l'Irlande pas assez appréhendée. Nous devrons à l'avenir contrôler notamment les balances extérieures des pays de la zone euro et l'exposition de leur secteur bancaire, pour vérifier que la croissance est soutenable et qu'ils pourront rembourser leur dette. Il ne s'agit pas de sacrifier l'euro, mais de renforcer son pilotage.
Q - On peut aussi regretter que la croissance n'ait pas toujours été très élevée dans la zone euro...
R - Pour 2011, la croissance attendue est de 1,5 %, et elle devrait s'accélérer en 2012, à 1,8 %. La zone euro est une terre d'équilibre. Je ne suis pas sûr qu'il faille copier le modèle américain, qui fonctionne par bulles spéculatives et crises d'ajustement successives. Mieux vaut une croissance modérée mais stable et durable. J'ajoute que l'économie française ne s'est jamais financée à des taux aussi favorables qu'aujourd'hui.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2010